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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1490/2017

ATA/597/2017 du 23.05.2017 sur JTAPI/446/2017 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1490/2017-MC ATA/597/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 mai 2017

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Michael Mitzicos-Giogios, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 mai 2017 (JTAPI/446/2017)


EN FAIT

1) Par décision exécutoire nonobstant recours du 5 décembre 2016, dûment notifiée, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé le renvoi de Suisse de Monsieur A______, né le ______1979, ressortissant algérien, dépourvu de document d’identité. Il a chargé la police genevoise de procéder à l’exécution de cette mesure dès la mise en liberté de l’intéressé, détenu pour les besoins de la justice pénale.

Cette décision n’a pas fait l’objet de recours.

2) Par jugement du 22 décembre 2016, le Tribunal de police a condamné M. A______ à une peine privative de liberté de deux ans, sous déduction de septante-six jours de détention avant jugement, avec sursis pendant trois ans, pour vol (art. 139 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0), tentative de vol (art. 22 et art. 139 CP), mise en danger de la vie d’autrui
(art. 129 CP), violence ou menace envers les autorités et les fonctionnaires (art. 285 CP) et entrée et séjour en Suisse illégaux (art. 115 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 - LEtr - RS 142.20). Il a en outre ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans.

Ce jugement a été confirmé le 20 mars 2017 par arrêt de la chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice (ci-après : CPAR).

3) Le 24 mars 2017, M. A______ a été libéré par les autorités pénales compétentes et remis aux autorités administratives en vue de l’exécution de son renvoi.

4) Le même jour, le commissaire de police a ordonné la mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois en application des art. 75 al. 1 let. h et 76 al. 1 let. b ch. 1 LEtr. Les démarches étaient en cours auprès des autorités algériennes en vue de la délivrance d’un laissez-passer.

Lors de son audition, l’intéressé a déclaré qu’il n’était pas d’accord de retourner en Algérie.

5) Le 27 mars 2017, M. A______ a comparu devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) dans le cadre du contrôle de la légalité et de l’adéquation de la mise en détention administrative. Il a confirmé son refus de retourner en Algérie, où il avait eu « des problèmes ». Il souhaitait se rendre en France où résidait sa tante. Il concluait à sa mise en liberté immédiate, subsidiairement à ce que la détention soit remplacée par une mesure moins incisive.

6) Par jugement du 27 mars 2017, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois, jusqu’au 24 juin 2017.

L’intéressé faisait l’objet d’une décision de renvoi et d’une expulsion judiciaire. Il avait été condamné pour des crimes au sens de l’art. 10 al. 2 CP. Sa mise en détention administrative pour ce motif était fondée. L’assurance de son départ de Suisse répondait à un intérêt public certain et aucune autre mesure moins incisive n’était envisageable, vu l’absence de document d’identité, le refus réitéré de retourner volontairement en Algérie et le fait qu’il ne démontrait pas être légitimé à se rendre dans un autre État que son pays d’origine. Les démarches en vue de l’exécution du renvoi, entamées en janvier 2017, étaient en cours, les autorités compétentes demeurant dans l’attente de la délivrance d’un laissez-passer par la représentation algérienne en Suisse. La durée de détention administrative respectait le principe de la proportionnalité. Enfin, rien n’indiquait concrètement que l’exécution du renvoi serait impossible, illicite ou ne pourrait être raisonnablement exigée.

7) Par arrêt du 19 avril 2017 (ATA/441/2017), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours de M. A______ contre le jugement du TAPI précité. Celui-ci avait appliqué correctement le droit en confirmant l’ordre de mise en détention au vu de la condamnation pour la commission de crimes. L’autorité chargée du renvoi s’était conformée au principe de célérité, l’exécution du renvoi ne dépendant plus que de la collaboration des autorités du pays d’origine. La mesure respectait le principe de la proportionnalité.

8) Le 25 avril 2017, M. A______ a déposé une demande de mise en liberté. Il supportait très mal l’enfermement et devait être libéré, dès lors qu’aucune perspective de refoulement n’était possible dans son cas.

9) Devant le TAPI, lors de l’audience du 2 mai 2017, la représentante de l’OCPM a précisé que l’organisation de l’exécution du renvoi suivait son cours. L’intéressé avait été identifié par les autorités algériennes comme étant ressortissant de ce pays. La réservation d’une place sur un vol à destination de l’Algérie avec escorte policière avait été prévue pour le 20 juillet 2017. Les démarches étaient en cours pour permettre la délivrance du laissez-passer par le consulat d’Algérie.

De son côté, M. A______ a indiqué avoir déposé une demande d’asile auprès du Secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) le 25 avril 2017. Il ne pouvait pas rentrer en Algérie en raison des menaces qui pesaient sur lui, liées à un conflit avec des narcotrafiquants. Il s’était fait agresser et blesser par ces personnes, selon un certificat médical du Docteur B______, constatant des cicatrices sur son corps. Il désirait pouvoir se rendre en France chez sa tante dans le but d’y régulariser sa situation de séjour dans ce pays et obtenir le droit d’y habiter.

10) Par jugement du 3 mai 2017, le TAPI a rejeté la demande de mise en liberté du recourant. Les motifs d’une mise en détention liée à la commission d’un crime ne s’étaient pas modifiés. Les démarches visant à organiser le départ de l’intéressé s’étaient poursuivies et ce dernier avait été identifié par les autorités algériennes. Rien ne laissait penser qu’un laissez-passer ne serait pas délivré. Le dépôt d’une demande d’asile n’excluait pas le maintien en détention administrative en vue du renvoi de l’auteur. L’exécution du renvoi était possible. Les motifs invoqués par le recourant n’étaient pas circonstanciés, ou étayés par un quelconque document. Le renvoi d’un algérien était possible au sens de l’art. 80 al. 6 let. a LEtr, même s’il était impossible d’organiser des vols spéciaux à destination de l’Algérie. Le fait qu’un étranger indique par avance qu’il n’entendait pas rentrer dans son pays ou monter dans l’avion ne suffisait pas à considérer d’emblée que le renvoi était impossible. La difficulté à supporter l’enfermement n’était pas un motif de mise en liberté.

11) Par acte posté le 15 mai 2017, M. A______ a formé un recours auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI du 3 mai 2017 précité. Le SEM n’avait pas encore statué sur sa demande d’asile. Il était prêt à quitter la Suisse par ses propres moyens s’il était libéré. Il ne serait pas un danger pour la sécurité publique s’il était mis en liberté.

Il n’existait aucun indice concret permettant de retenir qu’il pourrait se soustraire à son renvoi. Il avait déposé une demande d’asile et serait attribué à un canton. Son renvoi était impossible, dès lors qu’aucun vol spécial ne pouvait être organisé à destination de l’Algérie. Le principe de célérité avait été violé par la fixation d’un vol de retour à la fin du mois de juillet 2017 pour une décision de renvoi du 5 décembre 2016. Le fait de persister dans la décision de le renvoyer alors qu’une procédure d’asile venait d’être entamée violait son droit d’être entendu, protégé par la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04). S’il était mis en liberté, il se rendrait immédiatement en France ou, avec l’aide de sa famille, il essayerait d’obtenir une autorisation de séjour. Pour toutes ces raisons, son maintien en détention violait le principe de la proportionnalité.

12) Le 16 mai 2017, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d’observations.

13) Le 22 mai 2017, l’OCPM a conclu au rejet du recours. Le recourant avait fait l’objet d’une décision de renvoi prononcée par l’OCPM, puis d’une mesure d’expulsion judiciaire par le Tribunal de police, confirmée par la CPAR. L’intéressé ne pouvait se prévaloir d’une quelconque impossibilité d’exécuter son renvoi tant que cette impossibilité dépendait de sa collaboration avec les autorités chargées d’organiser celui-ci. Le maintien en détention s’avérait nécessaire pour assurer le renvoi prévu par vol avec escorte policière le 20 juillet 2017.

14) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile – soit dans les dix jours dès la notification du jugement attaqué – auprès de la juridiction compétente (art. 132 al. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d’application de la LEtr du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10 ; art. 17 et 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA -E 5 10), le recours est recevable.

2) Selon l’art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 15 mai 2017 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3) La chambre administrative est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle (art. 10 al. 2 LaLEtr). Elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 10 al. 3 LaLEtr).

4) La légalité de la détention administrative a été analysée dans l’ATA/441/2017 du 19 avril 2017. Depuis lors, aucun élément nouveau pertinent n’est intervenu qui emporte un réexamen du motif de mise en détention administrative retenu par le commissaire de police.

5) Le recourant expose avoir formé une demande d’asile auprès du SEM le 25 janvier 2017 et affirme que le TAPI ne l’a pas prise en compte, en violant par là son droit d’être entendu garanti par l’art. 36 al. 2 de Cst.

Dans la mesure où la simple lecture du jugement déféré révèle que le TAPI a traité cette question, en écartant qu’une telle requête puisse constituer un motif de mise en liberté de l’intéressé, la chambre administrative ne voit pas en quoi cette garantie procédurale, invoquée sans autre développement, aurait été transgressée, que ce soit sous l’angle du droit de participer à l’administration des preuves ou du droit d’obtenir une décision motivée.

Pour le surplus, c’est à juste titre que le TAPI n’a pas pris en considération cette démarche, le dépôt d’une demande d’asile n’impliquant pas automatiquement la levée de la détention ordonnée en cours de procédure d’exécution de renvoi, sauf s’il s’agit de détention pour insoumission au sens de l’art. 78 al. 1 LEtr (ATF 140 II 409 consid 2.3.3). Bien plus, le dépôt de cette demande d’asile est susceptible de constituer un motif additionnel de maintien en détention. En effet, selon l’art. 75 al. 1 let. f LEtr, peut être placé, respectivement maintenu en détention, celui qui, à l’instar du recourant, séjourne illégalement en Suisse et y dépose une demande d'asile dans le but manifeste d'empêcher l'exécution d'un renvoi ou d'une expulsion, ce motif de détention étant applicable à la détention administrative en vue de renvoi, en vertu de l’art. 76 al. 1 let. a LEtr.

6) Le recourant réaffirme, s’il était libéré, vouloir se rendre en France où il a de la famille. Il avait déjà fait état d’une telle intention dans le cadre de la procédure de contrôle de l’ordre de mise en détention, sans établir cependant l’existence d’une autorisation des autorités françaises lui permettant d’y résider et de pouvoir ainsi légalement s’y rendre conformément à l’art. 69 al. 2 LEtr. Dans la mesure où il n’assortit pas sa nouvelle démarche de la preuve de l’existence d’un tel droit de séjour en France, c’est à juste titre que le TAPI n’est pas entré en matière sur cet argument pour ordonner sa mise en liberté.

7) L’autorité administrative doit entreprendre rapidement les démarches en vue de l’exécution de la décision de renvoi (art. 76 al. 4 LEtr). En l’espèce, les autorités suisses ont poursuivi les démarches en vue du refoulement de l’intéressé vers l’Algérie en faisant le nécessaire pour que le départ soit confirmé sur un vol avec escorte policière prévu pour le 20 avril 2017. Le principe de célérité est donc respecté.

8) La détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 36 al. 3 Cst.

Tel est le cas en l’espèce. Il y a un intérêt public à l’exécution de la mesure de renvoi, compte tenu des motifs fondant la détention administrative, qui prime tout autre intérêt privé du recourant. En outre, aucune autre mesure moins incisive, n’est apte à garantir la présence de l’intéressé lors de l’exécution du renvoi, lequel ne peut se faire que vers l’Algérie et est prévu dans un délai raisonnable.

9) Selon l’art. 80 al. 4 LEtr, l’autorité judiciaire qui examine la décision de détention administrative tient compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d’exécution de la détention. Celle-là doit en particulier être levée lorsque son motif n’existe plus ou si, selon l’art. 80 al. 6 let. a LEtr, l’exécution du renvoi ou de l’expulsion s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles, ou qu’elle ne peut être raisonnablement exigée, cette dernière disposition légale renvoyant à l’art. 83 al. 1 à 4 LEtr.

En l’occurrence, le renvoi du recourant en Algérie est possible, licite et peut être raisonnablement exigé, puisque les autorités algériennes sont disposées à lui délivrer un laissez-passer pour voyager et que le voyage de retour est d’ores et déjà organisé, que les menaces et les risques à son encontre en Algérie, invoqués par le recourant sans les étayer, ne constituent pas des raisons qui doivent conduire à retenir le caractère inexécutable de son renvoi. On ignore par ailleurs totalement les motifs précis de sa demande d’asile.

10) C’est donc à juste titre que le TAPI a rejeté la demande de mise en liberté formée par l’intéressé. Son recours contre ce jugement sera rejeté.

11) Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue de celui-ci, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 mai 2017 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 mai 2017 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas prélevé d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michael Mitzicos-Giogios, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

A. Piguet-Maystre

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :