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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3111/2016

ATA/866/2018 du 28.08.2018 sur JTAPI/595/2017 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3111/2016-PE ATA/866/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 août 2018

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Michel Celi Vegas, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L’INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 mai 2017 (JTAPI/595/2017)


EN FAIT

1. Monsieur A______, né le ______ 1971, est ressortissant israélien.

Depuis le 22 août 2010, il réside en Suisse au bénéfice d’une carte de légitimation (permis Ci), valable jusqu’au 31 août 2017 – prolongée jusqu’au 31 août 2019 selon la base de données de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) –, en sa qualité d’époux de Madame B______ A______, ressortissante française, employée comme fonctionnaire auprès d’une organisation internationale à Genève.

Le couple a trois enfants : C______ A______, née le ______ 2006, D______ A______, née le ______ 2009, et E______ A______, née le ______2014.

2. M. A______ est titulaire de l’entreprise en raison individuelle « F______ – A______ », inscrite au registre du commerce de Genève (ci-après : RC) le 15 octobre 2012, dont le but social est « bricolages et réparations, services aux particuliers et aux entreprises ».

Son épouse dispose d’une procuration individuelle.

3. Le 20 juin 2016, M. A______ a déposé auprès de l’OCPM une demande d’autorisation de séjour avec activité lucrative indépendante
(ci-après : permis B), tendant à la transformation de son permis Ci en permis B.

Au bénéfice d’une formation académique et d’un parcours professionnel brillant, parlant couramment le français, il avait les ressources financières nécessaires pour développer son entreprise. L’unique obstacle à son intégration complète en tant qu’entrepreneur demeurait l’adaptation de son titre de séjour à sa situation professionnelle. Il ne faisait l’objet d’aucune poursuite et son casier judiciaire était vierge.

Étaient jointes des copies de son curriculum vitae et du compte de pertes et profits de son entreprise pour l’année 2015 indiquant un chiffre d’affaires de
CHF 76’308.- et un bénéfice net de CHF 49’514.-.

4. Par décision du 20 juillet 2016, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), après examen du dossier par la commission tripartite pour l’économie du canton de Genève (ci-après : la commission), a refusé à M. A______ l’octroi d’un permis B.

Les conditions de l’art. 19 de la loi fédérale sur les étrangers du
16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) n’étaient pas réalisées. La demande ne présentait pas un intérêt économique suffisant. De plus, au vu de l’exiguïté des contingents des autorisations de séjour, l’OCIRT n’en accordait pas aux personnes qui possédaient déjà un titre de séjour.

5. Par acte du 13 septembre 2016, M. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée, en concluant principalement à son annulation et à la délivrance d’un permis B ou au renvoi du dossier à l’OCIRT à cette fin. Préalablement, il sollicitait la tenue d’une audience de comparution personnelle des parties.

Résidant en Suisse avec sa famille depuis 2010, il réunissait toutes les conditions pour pouvoir bénéficier de la possibilité d’exercer une activité lucrative indépendante. Malgré son permis Ci, il n’avait pas accès au marché du travail suisse de manière égalitaire avec les autres conjoints de fonctionnaires internationaux. Malgré toutes les démarches administratives qu’il avait entreprises, l’OCIRT lui avait refusé son permis B en application de l’art. 19 LEtr. Il vivait ainsi « dans une situation discriminatoire et [était] obligé de stopper son activité qui aid[ait] à l’économie de la famille ».

L’interprétation faite par l’OCIRT de l’intérêt économique de son entreprise était restrictive, dans la mesure où il n’avait pas analysé la législation spéciale applicable au cas d’espèce et s’était limité à refuser injustement l’autorisation de séjour sollicitée. Son permis Ci ne lui permettait pas d’exercer pleinement une activité économique indépendante en Suisse. L’activité de son entreprise remplissait le critère d’intérêt économique au sens de l’art. 19 LEtr.

6. Dans ses observations du 18 novembre 2016, l’OCIRT a conclu au rejet du recours.

En tant que titulaire d’un permis Ci, M. A______ avait le droit d’exercer une activité lucrative indépendante. Contrairement à ses allégations, rien ne l’empêchait de continuer son activité indépendante puisqu’il était toujours au bénéfice d’un permis Ci jusqu’au 31 août 2017.

Pour toute justification à sa demande de permis B contingenté – alors même qu’il avait déjà le droit d’exercer une activité indépendante –, M. A______ invoquait le « souhait de régulariser la situation de son entreprise selon les dispositions légales du droit positif en vigueur ». Toutefois, compte tenu de l’exiguïté des contingents, les autorités du marché de l’emploi devaient se montrer prudentes et n’accordaient pas de permis contingentés aux individus qui bénéficiaient déjà d’une autorisation.

Cela étant dit, après examen des conditions nécessaires à l’octroi d’une autorisation selon l’art. 19 LEtr, celle de la diversification de l’économie locale n’était pas remplie, le domaine d’activité de l’entreprise « F______ – A______ » ne représentant pas une originalité dans le paysage économique genevois. Les conditions de la création de places de travail pour la main d’œuvre locale et des investissements substantiels n’étaient pas non plus réalisées. Il était donc difficile d’imaginer que l’entreprise concernée générerait de nouveaux mandats pour l’économie helvétique.

Dans la mesure où il ne s’agissait ni d’une mesure d’éloignement ou d’expulsion, ni d’un refus de prolongation, l’art. 96 LEtr ne s’appliquait pas.

En tout état de cause, l’approbation du secrétariat d’État aux migrations
(ci-après : SEM) à l’octroi d’un éventuel permis restait réservée.

7. Le 12 décembre 2016, M. A______ a répliqué.

Lui dénier la possibilité d’être assimilé aux étrangers qui développaient une activité lucrative en Suisse était discriminatoire. L’OCIRT ne pouvait pas nier que le développement de son entreprise était limité par la durée de son permis Ci. Il avait déjà été contraint de créer cette entreprise et d’exercer des activités différentes de sa formation juridique. Afin de poursuivre son intégration dans le tissu économique suisse, il avait décidé de développer des activités en tant qu’entrepreneur dans les domaines pour lesquels il demandait un permis B. Les activités proposées par son entreprise étaient utiles et nécessaires pour tous les secteurs de l’économie. Elles lui permettraient également d’en développer d’autres ultérieurement. Ses activités avaient augmenté ces derniers mois, sa capacité financière et professionnelle devait être considérée comme une garantie pour son avenir et un élément favorable dans l’analyse de son dossier.

Même si le SEM pouvait se prononcer, le « critère discrétionnaire » octroyé par l’art. 96 LEtr à l’OCPM suffisait pour lui permettre d’autoriser des ressortissants européens et non-européens à transformer un permis Ci en
permis B.

8. Le 17 janvier 2017, l’OCIRT a dupliqué, se référant à ses précédentes écritures.

Deux inexactitudes étaient mentionnées dans les écrits de
M. A______. D’une part, le SEM devait, et non pouvait, se prononcer conformément aux art. 99 al. 2 LEtr et 85 al. 2 de l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). D’autre part, l’OCPM ne pouvait en aucun cas « autoriser à des ressortissants européens et non-européens de transformer le permis Ci
en B » vu l’art. 40 al. 2 LEtr.

9. Par jugement du 30 mai 2017, le TAPI a rejeté le recours.

Il n’y avait pas lieu d’ordonner de comparution personnelle,
M. A______ ayant eu l’occasion de s’exprimer par écrit durant la procédure, d’exposer son point de vue et de produire toutes les pièces qu’il estimait utiles à l’appui de ses allégués.

La situation particulière de M. A______ relevait indubitablement de l’art. 22 de l’ordonnance sur l’État hôte du 7 décembre 2007 (OLEH - RS 192.121). Dans la mesure où il était déjà au bénéfice d’un permis Ci valable jusqu’au 31 août 2017, il ne pouvait, en l’état, prétendre à l’octroi d’une autorisation de séjour en vertu de la LEtr. Contrairement à ses allégations, son permis Ci lui permettait d’exercer une activité lucrative indépendante sans restrictions, activité qu’il déployait d’ailleurs depuis 2012 en exploitant son entreprise individuelle « F______ – A______ ». L’OCIRT avait refusé à juste titre de lui délivrer un permis B au motif qu’il était titulaire d’un permis Ci lui permettant déjà d’exercer une activité lucrative indépendante.

Au surplus, l’OCIRT avait également considéré à bon droit que
M. A______ ne remplissait pas les conditions posées à l’art. 19 LEtr. Il n’avait pas démontré qu’il aurait effectué ou planifié d’effectuer des investissements substantiels ou qu’il aurait généré de nouveaux mandats pour l’économie Suisse, ni qu’il aurait créé des emplois, ou que son entreprise contribuerait véritablement à la diversification de l’économie régionale.

10. Par acte du 30 juin 2017, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, en concluant à son annulation et à celle de la décision du 20 juillet 2016 de l’OCIRT, ainsi qu’à la délivrance en sa faveur d’un permis B, « sous suite de frais et dépens ».

Son droit d’être entendu avait été interprété de manière restrictive par l’OCIRT et le TAPI. Contrairement aux usages et à l’art. 41 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), le TAPI ne l’avait pas entendu oralement afin d’être en mesure de vérifier sa situation personnelle. Il n’avait pas eu l’occasion de se prononcer sur les faits actuels.

Il y avait violation du droit en raison d’un excès et d’un abus du pouvoir d’appréciation, et de l’absence de prise en considération des éléments déterminants dans sa demande « sous l’angle humanitaire ».

Tant l’OCIRT que le TAPI s’étaient limités à conclure qu’il ne pouvait pas bénéficier d’un permis B en raison de sa condition de conjoint d’une employée internationale, en écartant l’intégralité des éléments positifs de son dossier. Sa famille avait trouvé une « stabilité émotionnelle à Genève et [avait] créé des liens forts après six années de séjour permanent sur le territoire helvétique ». Il ne pouvait se projeter à long terme ni réellement investir dans son entreprise ou « développer son esprit entrepreneurial autant qu’il le voudrait puisqu’il [était] déjà conditionné temporellement par l’activité professionnelle de son épouse ». La première condition de l’art. 19 LEtr exigeant une durabilité dans le déploiement de l’entreprise, ne pouvait pas être remplie convenablement, puisqu’il était restreint dans le temps. Néanmoins, conscient de ses obligations fiscales et en matière d’assurances sociales, il disposait de tout ce qui était nécessaire au développement de son entreprise, les ressources, une formation académique et un parcours professionnel remarquables, ainsi qu’une clientèle internationale logeant à Genève, qui avait notablement augmenté ces dernières années. Il avait également prévu de recruter des stagiaires qui suivaient une formation professionnelle.

À l’appui de ses écritures, M. A______ a produit un chargé de pièces, comprenant notamment :

-                 un avis de taxation de l’activité lucrative indépendante pour l’année fiscale 2015 indiquant un bénéfice net de CHF 61’335.- pour un chiffre d’affaires de CHF 76’308.- ;

-                 le compte de pertes et profit de l’entreprise « F______ – A______ » pour les années 2015 et 2016, mentionnant un chiffre d’affaire de CHF 62’856.- et un bénéfice net de CHF 44’175.-, respectivement de CHF 74’744.- et de CHF 48’647.- ;

-                 un graphique d’estimation concernant le nombre de clients entre 2012 et 2018 de l’entreprise « F______ – A______ », prévoyant une augmentation du nombre de clients d’environ 85 en 2012, à 205 en 2016, puis 220 en 2017 et 240 en 2018.

11. Le 6 juillet 2017, le TAPI a transmis son dossier, sans formuler d’observations.

12. Dans ses observations du 7 août 2017, l’OCIRT a conclu au rejet du recours.

M. A______ ne tentait plus vraiment de convaincre la chambre administrative de l’intérêt économique de sa demande, mais il persistait à invoquer des arguments relatifs à sa situation personnelle et prétendait qu’il n’avait pas eu l’occasion de se prononcer sur les faits actuels. L’octroi de permis « sous l’angle humanitaire » était de la compétence exclusive de l’OCPM et n’était pas l’objet de la présente procédure.

M. A______ avait eu de multiples occasions de présenter son entreprise et la commission avait pu étudier tous les documents qui accompagnaient sa demande. Les motifs décrits dans la décision querellée définissaient clairement les raisons pour lesquelles l’autorisation sollicitée n’avait pas été accordée, ainsi que la base légale applicable, ce qui permettait à M. A______ de l’attaquer utilement. Il avait également pu faire valoir les griefs utiles dans son recours.

M. A______ n’expliquait pas quelles étaient ses nouvelles perspectives commerciales ou pour quelles raisons son permis actuel ne lui permettrait pas de les accomplir. Ses arguments tirés du lien entre sa situation professionnelle et celle de son épouse n’étaient pas suffisants pour autoriser l’octroi d’un permis contingenté. S’agissant de l’intérêt économique de la demande concernée, malgré les efforts affichés par M. A______ pour développer son entreprise, l’évolution du chiffre d’affaires, le domaine d’activité et ses explications ne permettaient pas d’espérer qu’il remplisse un jour les conditions de l’art. 19 al. 1 LEtr.

13. Le 31 octobre 2017, M. A______ a répliqué, en persistant dans ses conclusions et son argumentation.

Toute référence dans son acte de recours à un cas de rigueur était une « erreur de plume », de sorte qu’il convenait de ne pas la prendre en compte.

Ses perspectives commerciales visaient, à court et moyen termes, à faire des investissements financiers importants au sein de l’entreprise et engager du personnel. Il souhaitait donner une stabilité à sa famille et bénéficier de la sécurité juridique offerte à tout entrepreneur en Suisse, ce que ne lui permettait pas sa carte de légitimation.

14. Sur quoi, les parties ont été informées le 2 novembre 2017 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2. Le recourant se plaint que le TAPI ne l’aurait pas entendu avant de rendre son jugement du 30 mai 2017.

a. Tel que garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à son détriment, de produire des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement (art. 41 LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; ATA/612/2016 du 12 juillet 2016 consid. 2b).

Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion (arrêts du Tribunal fédéral 2C_109/2015 et 2C_110/2015 du 1er septembre 2015 consid. 4.1 ; 2C_840/2014 du 4 mars 2015 consid. 3.2) ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_244/2014 du 17 mars 2015 consid. 3.2 ; ATA/5/2015 du 6 janvier 2015 ; ATA/118/2014 du 25 février 2014).

b. En l’espèce, s’agissant d’une décision prise sur la base d’une demande de l’administré, ladite demande vaut le cas échéant explication de celle-ci, étant entendu que l’usage éventuel d’un formulaire ne l’empêche pas de produire séparément toutes observations et pièces utiles.

De plus, tant la chambre de céans que le TAPI et l’OCIRT ont examiné l’ensemble des pièces du dossier, notamment celles produites par le recourant, qui a pu s’exprimer à plusieurs reprises lors des deux instances et verser des documents actualisés. Son audition n’apporterait pas d’éléments supplémentaires indispensables permettant de trancher le litige. Dans ces circonstances, il ne saurait y avoir de violation du droit d’être entendu du recourant, celui-ci ne comprenant pas le droit à une audience de comparution personnelle des parties.

Ce grief sera dès lors écarté.

3. Le présent litige porte sur le refus de l’autorité intimée de délivrer au recourant une autorisation de séjour de longue durée avec activité lucrative indépendante (permis B), contingentée.

4. Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). La chambre administrative n’a toutefois pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, (art. 61 al. 2 LPA).

5. Les conditions d’octroi d’une autorisation de travail sont régies par les dispositions de la LEtr et de ses ordonnances d’application, ainsi que par les directives établies par le SEM, conformément au rôle qui lui est dévolu par l’art. 89 OASA.

6. Le séjour en Suisse en vue d’y exercer une activité lucrative est soumis à autorisation (art. 11 LEtr renvoyant aux art. 18 et ss LEtr). Cette dernière doit être requise auprès du canton de prise d’emploi (art. 11 al. 1 LEtr). En cas d’activité salariée, la demande d’autorisation est déposée par l’employeur (art. 11 al. 3 LEtr.).

7. a. Aux termes de l’art. 19 LEtr, un étranger peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative indépendante, soit de toute activité exercée par une personne dans le cadre de sa propre organisation, librement choisie, dans un but lucratif, soumise à ses propres instructions matérielles et à ses propres risques et périls (art. 2 al. 1 OASA), aux conditions cumulatives énoncées suivantes :

- son admission sert les intérêts économiques du pays (art. 19 let. a LEtr) ;

- son admission respecte certaines conditions financières et les exigences relatives à l’exploitation de l’entreprise (art. 19 let. b LEtr) ;

- son admission remplit les conditions de respect des limites du contingentement fixé par le Conseil fédéral de l’art. 20 LEtr, les conditions personnelles de
l’art. 23 LEtr, les conditions de logement de l’art. 24 LEtr, les conditions de domicile de l’art. 25 LEtr s’il est domicilié dans une zone frontalière.

b. La notion d’« intérêts économiques du pays » de l’art. 19 let. a LEtr est formulée de façon ouverte. Elle concerne au premier chef le domaine du marché du travail. Il s’agit, d’une part, des intérêts de l’économie et de ceux des entreprises. D’autre part, la politique d’admission doit favoriser une immigration qui n’entraîne pas de problèmes de politique sociale, qui améliore la structure du marché du travail et qui vise à plus long terme l’équilibre de ce dernier (Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers,
FF 2002 3469 ss, p. 3485 s. et 3536). En particulier, les intérêts économiques de la Suisse seront servis lorsque, dans un certain domaine d’activité, il existe une demande durable à laquelle la main-d’œuvre étrangère en cause est susceptible de répondre sur le long terme (arrêt du Tribunal administratif fédéral C_8717/2010 du 8 juillet 2011 consid. 5.1 ; Marc SPESCHA/Antonia KERLAND/Peter BOLZLI, Handbuch zum Migrationsrecht, 2010, p. 137 ; cf. également art. 3
al. 3 LEtr).

Selon les directives établies par le SEM – qui ne lient pas le juge mais dont celui-ci peut tenir compte pour assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré et pourvu qu’elle respecte le sens et le but de la norme applicable (ATA/565/2012 du 21 août 2012 ; ATA/353/2012 du 5 juin 2012) –pour apprécier si l’admission de ressortissants d’États tiers sur le marché du travail suisse sert les intérêts économiques du pays, il convient en particulier de tenir compte de la situation sur le marché du travail, de l’évolution économique durable et de la capacité de l’étranger concerné de s’intégrer. Il ne s’agit pas de maintenir une infrastructure avec une main-d’œuvre peu qualifiée disposée à travailler pour de bas salaires, ni de soutenir des intérêts particuliers. Par ailleurs, les étrangers nouvellement entrés dans notre pays ne doivent pas faire concurrence aux travailleurs en Suisse en provoquant, par leur disposition à accepter de moins bonnes conditions de rémunération et de travail, un dumping salarial et social. De plus, l’autorisation d’exercer une activité lucrative indépendante ne peut être délivrée que s’il est prouvé qu’il en résultera des retombées durables positives pour le marché suisse du travail. Il est admis que le marché suisse du travail tirera durablement profit de l’implantation d’une nouvelle entreprise lorsque celle-ci aura contribué à la diversification de l’économie régionale dans la branche concernée, créé des places de travail pour la main d’œuvre locale, procédé à des investissements substantiels et généré de nouveaux mandats pour l’économie helvétique (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-2485/2011 du 11 avril 2013 et C-6135/2008 du 11 août 2011 ; SEM, Directives et commentaire, Domaine des étrangers, 2013, état au 1er juillet 2018 [ci après : Directives SEM], notamment ch. 4.3.1, 4.7.2.1 et 4.7.2.2).

c. S’agissant des qualifications personnelles requises par l’art. 23 LEtr, seuls les cadres, les spécialistes ou autres travailleurs qualifiés peuvent obtenir une autorisation de séjour (art. 23 al. 1 LEtr), et les qualités professionnelles ou d’adaptation professionnelles ou sociales du requérant, de même que ses connaissances linguistiques et son âge, doivent laisser supposer qu’il s’intégrera durablement à l’environnement professionnel et social (art. 23 al. 2 LEtr). Peuvent toutefois être admis en dérogation de l’art. 23 al. 1 et 2 LEtr, les investisseurs et chefs d’entreprises qui créeront ou qui maintiendront les emplois, les personnes reconnues des domaines scientifiques, culturels ou sportifs, les personnes possédant des connaissances ou des capacités professionnelles particulières si leur admission répond de manière avérée à un besoin, les cadres transférés par des entreprises actives au plan international ou des personnes actives dans le cadre de relations d’affaires internationales de grande portée économique et dont l’activité est indispensable en Suisse (art. 23 al. 3 LEtr).

d. Le Conseil fédéral détermine les cas dans lesquels les autorisations de courte durée, de séjour ou d’établissement, ainsi que les décisions préalables des autorités cantonales du marché du travail sont soumises à l’approbation du SEM. Celui-ci peut refuser son approbation ou limiter la portée de la décision cantonale (art. 99 LEtr).

8. Les conditions d’admission en Suisse ne sont pas applicables aux fonctionnaires d’organisations internationales ayant leur siège en Suisse, titulaires d’une carte de légitimation du Département fédéral des affaires étrangères
(ci-après : DFAE ; art. 30 al. 1 let. g LEtr ; art. 43 al. 1 let.b OASA). Le conjoint du titulaire principal, est admis à séjourner en Suisse au titre du regroupement familial, pendant la durée de fonction de celui-ci, s’il fait ménage commun avec lui, auquel cas il reçoit une carte de légitimation du DFAE (art. 43 al. 2 OASA et 20 OLEH). Il bénéficie également de l’accès facilité au marché du travail suisse, limité à la durée des fonctions du titulaire principal (art. 22 al. 1 let. a OLEH). Dans le cadre de ses démarches de recherche d’emploi, il n’est pas soumis au contingentement de la main-d’œuvre étrangère, au principe des zones prioritaires de recrutement ni aux prescriptions relatives au marché du travail (principe de la priorité des travailleurs résidents et contrôle préalable des conditions de rémunération et de travail ; art. 22 al. 2 OLEH). Sur simple présentation d’un contrat de travail ou d’une proposition de travail ou sur déclaration de vouloir exercer une activité indépendante avec description de cette dernière, il peut se voir délivrer par l’autorité cantonale compétente en échange de sa carte de légitimation, un permis Ci lui permettant d’exercer une activité lucrative. L’activité indépendante ne peut être effectivement exercée que si le titulaire du permis Ci a obtenu des autorités compétentes les autorisations nécessaires pour exercer la profession ou l’activité en question (art. 22 al. 3 OLEH ; Directives SEM, ch. 7.2.3.2.2 p. 169). L’activité lucrative ainsi exercée en Suisse est soumise au droit suisse, y compris sous l’angle des assurances sociales (art. 22
al. 5 OLEH) et de la fiscalité (art. 22 al. 6 OLEH), sans privilèges ni immunités dans ce cadre (art. 22 al. 4 OLEH).

Tant que le titulaire principal exerce ses fonctions officielles, le conjoint au bénéfice d’un permis Ci ne peut pas obtenir la transformation de celui-ci en autorisation indépendante (Directives SEM, ch. 7.2.3.2.2 p. 170). Lorsqu’il n’a plus droit à une carte de légitimation et qu’il veut obtenir une autorisation de séjour en Suisse, le conjoint est soumis au régime du droit ordinaire, notamment au contingentement de la main-d’œuvre étrangère (Directives SEM, ch. 7.2.6.1 p. 173).

9. Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst. lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 142 V 316 consid. 6.1.1 ; 138 V 176 consid. 8.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_774/2014 du 21 juillet 2017 consid. 9.1 ; 2C_66/2015 du 13 septembre 2016 consid. 6.1 ; 8C_779/2015 du 8 août 2016 consid. 9.2 ; 1C_564/2015 du 2 juin 2016 consid. 3.1 ; ATA/610/2017 du 30 mai 2017 ; Vincent MARTENET, Géométrie de l’égalité, 2003, p. 260 ss).

10. En l’occurrence, en tant qu’époux d’une fonctionnaire travaillant pour une organisation internationale ayant son siège à Genève, le recourant est au bénéfice d’une carte de légitimation, qu’il a déjà pu transformer en permis Ci aux fins d’exercer son activité lucrative indépendante. En effet, il a ainsi pu créer sa propre entreprise en raison individuelle, laquelle est inscrite auprès du RC depuis le 15 octobre 2012. Son activité lucrative indépendante est en outre soumise au droit suisse comme celle de tout entrepreneur résidant en Suisse.

Tel que rappelé précédemment, les seules dispositions particulières auxquelles est soumis le recourant de par son statut, lui octroient un accès facilité au marché du travail suisse, en comparaison du régime ordinaire des autorisations de séjour. Dans la mesure où le recourant n’est actuellement pas restreint par le contingentement de la main-d’œuvre étrangère, le principe des zones prioritaires de recrutement et les prescriptions relatives au marché du travail (principe de la priorité des travailleurs résidents et contrôle préalable des conditions de rémunérations et de travail), il bénéficie de conditions d’octroi plus favorables que le régime ordinaire des autorisations de séjour. Certes, la poursuite de son activité lucrative indépendante est aujourd’hui conditionnée par la durée des fonctions de son épouse. Tant que celles-ci perdurent, il peut disposer de ce droit. Toutefois, l’octroi d’un permis B n’est pas non plus sans condition, notamment sans limite temporelle (art. 33 LEtr). Ainsi, on peine à comprendre de quelle inégalité de traitement le recourant entend se prévaloir, d’autant plus qu’il ne démontre pas que d’autres personnes soumises au même régime que lui auraient été traitées différemment.

Conformément à ce qui précède, ce ne serait qu’une fois que les fonctions de son épouse auront cessé, que le recourant pourrait, cas échéant, être soumis au régime ordinaire des autorisations de séjour conformément à la LEtr et ses ordonnances d’application. Dans l’hypothèse où il en remplirait alors les conditions, il pourrait prétendre à en obtenir une, sous réserve de disponibilité du contingent arrêté par le Conseil fédéral.

En ces circonstances et compte tenu de la prolongation du permis Ci du recourant jusqu’au 31 août 2019, la situation de celui-ci n’a pas ici à être examinée d’après les art. 19 et ss LEtr, un tel examen apparaissant prématuré.

Au surplus, pour les mêmes motifs, le recourant a retiré, à raison, son argumentation « sous l’angle humanitaire », de sorte qu’il n’y a pas lieu d’y revenir.

Par conséquent, sur la base des éléments à sa disposition, c’est à juste titre que le TAPI a rejeté le recours de l’intéressé contre la décision de l’OCIRT du 20 juillet 2016.

Le jugement déféré étant conforme au droit, le recours sera rejeté.

11. Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 juin 2017 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 mai 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel Celi Vegas, avocat du recourant, à l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Siégeant : M. Thélin, président, M. Pagan, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

 

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.