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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1087/2011

ATA/828/2012 du 11.12.2012 sur ACOM/4/2011 ( EXP ) , REJETE

Recours TF déposé le 04.02.2013, rendu le 05.09.2013, REJETE, 1C_141/2013
Descripteurs : EXPROPRIATION FORMELLE; ZONE; VALEUR DE RENDEMENT; VALEUR INTRINSÈQUE; VALEUR DE REMPLACEMENT; VALEUR À NEUF; DROIT DE PRÉEMPTION; VALEUR VÉNALE(SENS GÉNÉRAL)
Normes : Cst.26.al2 ; LGL.5 ; LGZD.2 ; LGZD.5 ; LEx-GE.14 ; LEx-GE.18 ; LEx-GE.36 ; LEx-GE.43.al1 ; LEx-GE.51 ; LEx-GE.52 ; LEx-GE.60.al1 ; LEx-GE.60.al3 ; LEx-GE.61A
Parties : ETAT DE GENEVE / RIBES Jean-Bernard et Rosemary, RIBES Rosemary
Résumé : La loi et la jurisprudence considèrent que la valeur vénale d'un bien est le prix que le propriétaire d'un immeuble exproprié pouvait raisonnablement espérer en obtenir en cas de vente. Il s'agit de la valeur objective du bien, soit celle qui correspond au prix d'aliénation, étant précisé que les prix spéculatifs ou de bradage ne doivent pas être pris en compte. Pour déterminer la valeur vénale, plusieurs méthodes sont possibles, telles que la méthode comparative ; la méthode fondée sur la valeur de rendement ; la méthode régressive ; la méthode fondée sur la situation de l'immeuble (méthode hédoniste) ou encore sur divers éléments d'appréciation tels que la taxation fiscale, l'estimation cadastrale ou autres. Il n'est pas arbitraire de choisir des transactions comparatives selon leur caractère récent et leur proximité géographique immédiate avec l'objet préempté pour déterminer la valeur vénale de celui-ci. Une indemnité d'expropriation supérieure à l'estimation de l'office du logement ne constitue pas un prix spéculatif lorsqu'elle se situe notamment dans les limites de la valeur de rendement du bien considéré non contestée par les parties.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1087/2011-EXP ATA/828/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 décembre 2012

1ère section

 

dans la cause

 

ETAT DE GENEVE
représenté par Me Nicolas Wisard, avocat

contre

Madame Rosemary et Monsieur Jean-Bernard RIBES
représentés par Me Gérard Brutsch, avocat

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de conciliation et d'estimation en matière d'expropriation du 26 septembre 2011 (ACOM/4/2011)


EN FAIT

1. Le 19 avril 1985, le Grand Conseil genevois a adopté une loi modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Lancy et déclarant d'utilité publique l'extension de divers équipements communaux. Il a aussi approuvé le plan n° 27'534-543 des zones de construction.

L'acquisition des droits nécessaires aux réalisations d'utilité publique pouvaient être poursuivie par la voie d'expropriation. La modification effective des zones de construction s'opérerait par arrêté du Conseil d'Etat (ci-après : le CE) publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO).

2. Le 10 juillet 1985, Madame Rosemary et Monsieur Jean-Bernard Ribes (ci-après : les époux Ribes) ont acquis pour la somme de CHF 525'000.- la parcelle n° 1'141 d'une surface totale de 616 m2 située en zone 5 de développement 3, folio 33, de la commune de Lancy, au chemin des Semailles 15.

Une villa de 49 m2 de surface au sol et de 523 m3, érigée dans la première partie du vingtième siècle, disposant de deux niveaux hors sol, de combles aménagés en chambre ainsi que d'un sous-sol comprenant un bureau ; un garage de 22 m2 et de 73 m3 et un dépôt de 24 m2 et de 79 m3 de volume étaient construits sur la parcelle.

3. Le 7 octobre 2010, Me Dominique Boyer, notaire à Genève, a instrumenté un acte portant promesse de vente de la parcelle et des bâtiments des époux Ribes à Madame Estelle et Monsieur Bruno Tonelli (ci-après : les époux Tonelli) pour un prix de CHF 1'350'000.-.

4. Le 5 novembre 2010, le département des constructions et des technologies de l'information devenu depuis le département de l'urbanisme (ci-après : le département) a informé les parties à la promesse de vente que le CE étudiait la possibilité de se porter acquéreur de la parcelle n° 1'141 et leur demandait de se déterminer sur le prix de CHF 1'350'000.- qui paraissait élevé.

5. Le 9 novembre 2010, les époux Tonelli ont confirmé au CE qu'ils projetaient d'acquérir la propriété des époux Ribes aux fins d'y résider à titre personnel.

6. Le 12 novembre 2010, l'office du logement (ci-après : OLO) a estimé le bien immobilier des époux Ribes à une valeur de CHF 1'040'000.-.

Selon la notice explicative figurant sur le site Web de l'OLO (http://www.ge.ch/logement/pdf/notice_estimations.pdf, consulté le 4 décembre 2012), l'estimation de la valeur de biens immobiliers bâtis en zone de développement n'est qu'un simple renseignement sans portée juridique.

7. Le 15 novembre 2010, les époux Ribes ont transmis au CE trois estimations de deux agences immobilières d'une part, et de l'Union des banques suisses (ci-après : UBS), d'autre part, selon lesquelles leur bien valait de CHF 1'350'000.- à CHF 1'400'000.-.

8. Le 7 décembre 2010, le CE a décidé d'exercer son droit de préemption et de se porter acquéreur de ladite parcelle.

Celle-ci avait fait l'objet de nombreuses études directrices ainsi que d'un plan directeur de quartier visant à densifier le périmètre. Des réflexions se poursuivaient en vue d'établir un plan localisé de quartier (ci-après : PLQ). La Fondation pour la promotion du logement bon marché et de l'habitant coopératif (ci-après : FPLC) était déjà propriétaire de plusieurs parcelles à proximité. Le département avait procédé à une estimation qui avait débouché sur une valeur totale de CHF 1'040'000.-, soit CHF 1'000.-/m2 pour le terrain de 616 m2 et CHF 680.-/m3 pour la valeur à neuf du bâtiment d'habitation de 523 m3 diminuée d'un taux de vétusté de 15 %.

Le CE devait définir des valeurs qui pouvaient s'appliquer potentiellement à tous les propriétaires du périmètre, de manière à traiter de façon égale tous ceux se trouvant dans des conditions identiques. Le prix qu'il proposait était en l'état le plafond admissible par l'OLO dans les objectifs de développement du périmètre. Le prix de la promesse de vente de CHF 1'350'000.- était excessif. Si les époux Ribes n'acceptaient pas le prix proposé par le CE, une procédure d'estimation allait être mise en place. Sa décision pouvait faire l'objet d'un recours auprès du Tribunal administratif devenu depuis le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

Aucun recours n'ayant été formé, la décision du CE du 7 décembre 2010, est entrée en force.

9. Le 24 décembre 2010, les époux Ribes ont sollicité du CE le réexamen de sa décision du 7 décembre 2010 et de transmettre le dossier à la commission cantonale de conciliation et d'estimation en matière d'expropriation (ci-après : la commission) dont les compétences ont été reprises dès le 1er janvier 2011 par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

10. Le 9 février 2011, les époux Ribes ont imparti au CE un délai de trois jours pour se déterminer sur leur requête du 24 décembre 2010. A défaut, ils recourraient pour déni de justice.

11. Le 16 février 2011, les époux Ribes ont interjeté recours devant la chambre administrative pour déni de justice et ont conclu à la transmission immédiate du dossier à la commission pour la fixation de l'indemnité d'expropriation.

12. Le 2 mars 2011, le CE a informé les époux Ribes qu'il ne reviendrait pas sur sa décision du 7 décembre 2010, notamment en ce qui concernait le prix proposé.

Le 26 juin 1990, une inscription au registre foncier (ci-après : RF) avait formalisé le droit de préemption en faveur de l'Etat de Genève et de la commune de Lancy sur leur parcelle. Les graves difficultés qui les contraignaient à déménager ne justifiaient pas un traitement particulier, des solutions de relogement étaient possibles à un prix de CHF 1'040'000.-. Les estimations qu'ils avaient reçues étaient fondées sur les valeurs du marché uniquement, alors que l'existence d'une zone de développement imposait des règles qui étaient connues.

13. Par arrêté du 6 avril 2011, le CE a décrété l'expropriation de la parcelle des époux Ribes au profit de l'Etat de Genève.

Il était habilité à agir conformément à l'art. 6 de loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05). La décision d'expropriation ne pouvait pas faire l'objet d'un recours et avait pour fonction de permettre l'ouverture de la procédure de fixation du prix d'acquisition du bien-fonds.

14. Par courrier du 12 avril 2011, le département a saisi la commission afin que celle-ci fixe de manière définitive le prix d'acquisition de la parcelle préemptée.

15. Le 10 mai 2011, la chambre administrative a déclaré sans objet le recours pour déni de justice des époux Ribes et a rayé la cause du rôle.

Le CE avait décrété l'expropriation de leur parcelle et instruit le département à transmettre le dossier à la commission pour fixation de l'indemnité.

16. Le 18 mai 2011, les époux Ribes ont conclu par-devant la commission à une indemnité d'expropriation de CHF 1'350'000.- avec intérêts à 5 % l'an dès le 7 décembre 2010 et à l'allocation d'une indemnité de procédure de CHF 5'000.-.

17. Le 19 juillet 2011, la commission a effectué un transport sur place. Les photographies réalisées à cette occasion ont été versées au dossier.

18. Le 28 juillet 2011, produisant les actes d'achat de plusieurs parcelles dans le périmètre par la FPLC, le département a informé la commission qu'un PLQ portant sur la parcelle des époux Ribes et d'autres parcelles voisines avait été mis à l'enquête technique, prélude à une mise à l'enquête publique.

19. Le 10 août 2011, les époux Ribes ont transmis à la commission notamment les plaquettes de vente ainsi que la liste des personnes ayant visité leur villa.

20. Par décision du 26 septembre 2011, la commission a fixé l'indemnité d'expropriation due par l'Etat de Genève aux époux Ribes à CHF 1'255'000.- avec intérêts de 5 %dès le 7 décembre 2010.

La date déterminante pour le calcul de la valeur du bien immobilier était celle du 7 décembre 2010. A cette date, aucun PLQ n'était en vigueur concernant la parcelle en cause, mais un projet de PLQ. La valeur vénale de la villa devait être établie sur la base d'une valeur intrinsèque tenant compte de la - valeur du terrain à partir de transactions comparatives en zone villa - de la valeur des aménagements - de la valeur de l'état des constructions - la valeur de rendement calculée sur la valeur locative capitalisée à un taux du marché sous déduction des travaux de rafraichissement à exécuter. Elle devait ensuite être calculée sur la base de la pondération des deux valeurs, soit deux fois la valeur intrinsèque et une fois la valeur de rendement, cette pondération se justifiant de par le caractère résidentiel de la villa qui lui conférait plus une spécificité de jouissance que d'investissement.

Un montant de CHF 1'200.-/m2 pour le terrain résultait de la comparaison avec les transactions identifiées de 2007 à 2010 dans un rayon de moins d'un kilomètre et d'un niveau se rapprochant du bien évalué.

Le montant maximum de CHF 1'000.-/m2 calculé par l'OLO pour la zone de développement 3 n'avait pas à être retenu, car il s'agissait du prix maximum arrêté par l'Etat dans le cadre du plan financier d'un projet appelé à remplacer la villa existante et non pas d'un montant maximum arrêté pour l'achat du bien immobilier appelé à disparaître. Il ne correspondait en tout état pas à la définition de la valeur vénale devant permettre au vendeur d'acheter un bien immobilier dans les conditions similaires.

Rappelant la méthodologie applicable pour la fixation de l'indemnité, la commission avait retenu les chiffres suivants pour calculer la valeur vénale :

a. Valeur intrinsèque du bien immobilier :

Terrain : 616 m2 à CHF 1'200.- CHF 739'200.-

Bâtiments : habitation 523 m3 à CHF 1'000.- CHF 523'000.-

vétusté 25 % CHF 130'750.-

CHF 392'250.-

garage 73 m3 à CHF 600.- CHF 43'800.-

vétusté 25 % CHF 10'950.-

CHF 32'850.-

annexe 79 m3 à CHF 300.- CHF 23'700.-

vétusté 25 % CHF 5'925.-

CHF 17'775.-

Aménagements : 521 m2 à CHF 100.- CHF 52'100.-

arborisation CHF 10'000.-

raccordements CHF 25'000.-

Total CHF 1'269'175.-

arrondi à CHF 1'270'000.-

b. Taux de vétusté

Estimé entre 25 % et 30 % - qui correspondait au 25 % retenu par l'OLO -, selon formule suivante :

année âge facteur de

pondération

gros oeuvre 1920 90 1 90

second oeuvre 1960 50 2 100

 

installations 1960 à 1980 40 3 120

finitions 1990 à 2010 15 4 60

Total 370 ans

Age moyen 37 ans

L'âge moyen étant de 37 ans, les vingt dernières années étaient comptées pour ½ % par an, soit 10 %, auquel s'ajoutaient les dix-sept années restantes à 1 %, soit 17 %. Le total donnait 27 %, qui pouvait être arrondi à 25 %, vu le bon état général du bâtiment.

c. Valeur de rendement

Valeur locative mensuelle CHF 4'500.-

annuelle CHF 54'000.-

Taux de capitalisation taux hypothécaire moyen à 10 ans 2,50 %

Prime d'illiquidité 1,00 %

Prime de risque 0,75 %

soit 4,25 %

Valeur de rendement (CHF 54'000 / 4,25 %) CHF 1'271'000.-

Travaux de rafraichissement à déduire CHF 50'000.-

Valeur de rendement CHF 1'221'000.-

Les chiffres tels qu'établis par la commission permettaient de retenir une valeur vénale arrondie de CHF 1'255'000.- calculée comme suit :

 

Valeur intrinsèque CHF 1'270'000.- x 2 CHF 2'540'000.-

Valeur de rendement CHF 1'221'000.- x 1 CHF 1'221'000.-

Total CHF 3'761'000.-

Indemnité CHF 3'761'000.- : 3 CHF 1'254'000.-

21. Par acte du 3 novembre 2011, le CE a recouru auprès de la chambre de céans à l'encontre de la décision de la commission en concluant à son annulation. L'indemnité due devait être arrêtée à CHF 1'040'000.-, portant intérêt au taux hypothécaire de premier rang en vigueur dès le 7 décembre 2010. Subsidiairement, la cause devait être renvoyée à la commission afin qu'elle statue dans le sens des considérants. Les époux Ribes devaient être condamnés aux frais et dépens.

En retenant un montant de CHF 1'212.-, arrondi à CHF 1'200.-/m2 pour le terrain, respectivement de CHF 1'000.-/m3 pour la maison, en se fondant sur des recherches non documentées et sans en informer les parties afin qu'elles puissent participer aux mesures d'instruction complémentaires, la commission avait violé son droit d'être entendu. Un second échange d'écritures devait dès lors être ordonné, à titre préalable, afin de réparer ce vice formel. De même, en ne précisant pas les raisons qui l'avaient conduit à retenir ses montants, qui différaient sensiblement des valeurs estimées par l'OLO, la commission avait violé son obligation de motiver.

Au fond la commission avait erré en faisant abstraction des contraintes propres au régime de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35) pour déterminer la valeur du terrain. Or, la fixation de la valeur vénale supposait de tenir compte non seulement des caractéristiques factuelles de l'objet, mais aussi des éléments de nature juridique qui délimitaient l'usage actuel et futur possible du bien. Il était dès lors exclu d'évaluer un bien en le comparant à d'autres biens soumis à un régime différent. De même, l'indemnité d'expropriation ne se déterminait pas en fonction du coût d'un objet de remplacement. Enfin, la garantie de la valeur en cas d'expropriation, telle que prévue à l'art. 26 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), excluait les prix spéculatifs et visait uniquement le remplacement d'un bien présentant des caractéristiques similaires, également s'agissant du régime de zone le concernant.

Le législateur avait introduit le mécanisme du droit de préemption dans la LGL pour éviter que les objectifs et le régime de la zone de développement puissent être rendus inopérants par des ventes conclues à des prix surfaits. Il existait dès lors un lien intrinsèque entre le droit de préemption légal qualifié (en tant qu'il permettait la fixation d'un prix autre que celui conclu par les parties à l'acte) et le régime de la zone de développement.

Partant, dans le cas d'espèce, la comparaison aurait dû se limiter aux transactions intervenues sur des parcelles également sises en zone 5 de développement 3, mais il aurait fallu tenir compte de la limite posée par la pratique administrative de l'OLO au titre des art. 2 et 5 LGZD pour la vente de terrains dans de telles zones. Dès lors, en attribuant à la parcelle n° 1'141 une valeur au m2 de CHF 1'200.- au lieu des CHF 1'000.- retenus par l'OLO, la commission avait violé la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique du 10 juin 1933 (LEx-GE - L 7 05).

S'agissant de la détermination de la valeur de la villa, la comparaison de cet objet avec d'autres maisons sises en zone de développement et présentant des caractéristiques similaires revenait à confirmer le prix au m3 de CHF 680.-.

Enfin, à défaut de corriger la décision de la commission, la zone de développement et le droit de préemption de l'art. 5 al. 1 let. c et d LGL perdaient tout leur sens. Pour répondre aux besoins prépondérants d'intérêt général, les loyers des nouveaux bâtiments réalisés en zone de développement devaient se situer entre CHF 4'350.- et CHF 5'859.- par pièce l'an. La charge foncière ne pouvait être supérieure à CHF 25'000.- par pièce, compte tenu notamment des coûts de construction et financiers. Or, le montant de l'indemnité litigieuse de CHF 1'255'000.- engendrerait une charge d'environ CHF 42'445.- par pièce, contrecarrant ainsi très sérieusement les objectif de la LGZD. Manifestement, la commission n'avait pas perçu les conséquences de sa décision, préoccupé uniquement de permettre aux époux Ribes de trouver un bien de remplacement en zone résidentielle ordinaire.

En conclusion et en admettant pour le surplus les autres valeurs retenues par la commission, soit le taux de vétusté de 25 %, les montants de CHF 300.-/m3 pour le cabanon de jardin, de CHF 600.-/m3 pour le garage ainsi qu'une valeur locative annuelle de CHF 54'000.-, la réduction du prix du terrain à CHF 1'000.-/m2 et celle du coût du m3 de la maison d'habitation à CHF 680.- l'incidence sur le prix de la propriété des époux Ribes était la suivante :

Valeur intrinsèque corrigée :

- terrain CHF 616'000.- (CHF 1'000.- x 616)

- aménagements extérieurs CHF 52'100.- (CHF 100.- x 521)

- bâtiment d'habitation CHF 266'730.- (CHF 680.- x 523 - 25 %)

- garage CHF 32'850.- (CHF 600.- x 73 - 25 %)

- dépôt - cabane de jardin CHF 17'775.- (CHF 300.- x 73 - 25 %)

TOTAL CHF 985'455.-

Partant, en tenant compte de la valeur de rendement de CHF 1'221'000.- établie par la commission, la valeur vénale de la propriété des époux Ribes s'élevait à CHF 1'063'970.- ([CHF 985'455.- x 2 + CHF 1'221'000.-] / 3), en tenant compte toutefois de montants favorables aux propriétaires en ce qui concernait la valeur locative et le prix pour les constructions annexes. Le montant de CHF 1'040'000.- estimé par l'OLO pour la parcelle des époux Ribes était dès lors justifié.

22. Le 8 décembre 2011, le département a informé le mandataire de l'Etat de Genève que le montant de CHF 1'040'000.- et intérêts de 2,75 % du 31 janvier au 1er décembre 2011 et de 2,50 % du 2 au 31 décembre 2011 avait été versé sur le compte des époux Ribes, soit CHF 1'066'065,30.

23. Le 16 décembre 2011, les époux Ribes ont conclu au rejet du recours et au versement d'une équitable indemnité de procédure.

a. Le droit d'être entendu du recourant n'avait pas été violé, la commission ayant exposé la méthode d'évaluation retenue pour déterminer la valeur vénale du bien immobilier et précisé les transactions ayant servi à sa comparaison avec les biens immobiliers vendus dans les trois dernières années dans un rayon de moins d'un kilomètre. Un transport sur place avait été ordonné et les parties entendues dans ce cadre. Aucune partie n'avait sollicité des mesures complémentaires d'instruction. La commission avait indiqué clairement quels étaient les motifs à l'origine de sa décision. La source des transactions comparatives n'était autre que la FAO, accessible à tout un chacun.

S'agissant de la détermination du prix au m3 de la construction, celui-ci était plus élevé en présence d'une villa que d'un bâtiment destiné à abriter plusieurs logements. Le prix était de l'ordre de CHF 1'000.-/m3 pour une construction moyenne, alors que de notoriété publique celui-ci était de l'ordre de CHF 1'300.- à 1'500.-/m3 pour une villa « ayant un certain caractère de luxe ».

La commission n'avait pas davantage violé son obligation de motiver la décision entreprise.

b. Au fond, l'estimation de l'OLO intervenant dans un contexte bien précis, soit dans le cadre de la fixation du coût des logements dans les zones de développement, il convenait dès lors de s'en écarter. Elle avait pour but de déterminer le montant à admettre dans le plan financier, ce qui n'avait rien à voir avec la valeur réelle du bien considéré. Par ailleurs, l'Etat de Genève avait décidé d'exercer son droit de préemption, alors qu'aucun projet concret en vue de la réalisation d'un ensemble de logements n'existait, aucun PLQ n'avait été réalisé ; il n'avait jamais exercé son droit de préemption dans le périmètre de la zone considérée notamment lors de la vente de la parcelle n° 1'140 de dimensions plus importantes que leur parcelle et il n'était propriétaire d'aucune autre parcelle dans le secteur.

Aucune réalisation ne pouvait intervenir dans le périmètre de la zone avant l'échéance de la décennie en raison de l'absence d'un PLQ et d'une décision de construire en force. Il n'était dès lors pas possible de prévoir ce que l'OLO déciderait pour déterminer la valeur du bien immobilier dans le cadre de l'établissement d'un plan financier. Le but poursuivi par l'Etat de Genève pour l'acquisition de leur parcelle n'était pas clair. Si celui-là était de louer leur ancienne villa en fonction de l'avancement du PLQ, l'Etat de Genève pourrait en tirer un rendement conséquent sur une dizaine d'années. Du reste, la valeur locative mensuelle de CHF 4'500.- n'avait pas été contestée, soit CHF 54'000.- par an ou un rendement de CHF 1'271'000.- légèrement supérieur à la valeur vénale retenue par commission. En dix ans, l'Etat pourrait tirer un rendement de CHF 540'000.- avant la mise en place du PLQ.

Un prix spéculatif d'un bien immobilier avait pour caractéristique de se situer largement au-dessus de la valeur intrinsèque et surtout, à un niveau très largement supérieur à la valeur de rendement. Leur bien immobilier avait une valeur de rendement comparable à sa valeur vénale. Le prix fixé par la commission n'avait dès lors rien d'exorbitant. Le coût du bâtiment n'avait pas été surévalué, la valeur de rendement correspondant à la valeur vénale alors que celle-ci comprenait aussi le prix de la bâtisse. Le prix au m3 d'une maison moyenne à Genève était de CHF 1'000.-. Le coût de construction d'une villa ne variait pas en zone villa ou en zone 5 de développement 3. Le régime de la zone avait une incidence sur le coût du terrain, mais non sur le coût de la construction.

Le montant de la promesse de vente de CHF 1'350'000.- aux époux Tonelli correspondait au prix du marché. La zone dans laquelle se situait le bien immobilier avait été prise en considération lors du calcul de ce prix. L'indemnité d'expropriation retenue par la commission était de CHF 100'000.- environ inférieure au prix de la promesse de vente convenue. Elle correspondait manifestement à une valeur normale, conforme au prix du marché, à un moment déterminé et à l'occasion d'une transaction concrète. Le prix de leur bien immobilier aurait atteint CHF 1'500'000.- à CHF 1'600'000.- s'il avait été situé en zone 5 villas, en dehors de toute zone de développement. Les offres du marché de villas à Genève était une parfaite illustration quotidienne de ces propos. Le prix au m2 était à Genève de CHF 1'200.- à CHF 1'500.-, excepté dans certaines communes comme Cologny ou Vandoeuvres où les prix étaient encore plus élevés.

La pratique mise en place par l'OLO n'avait pas pour vocation de régir directement le prix de vente des terrains en zone de développement.

24. Le 19 janvier 2012, le juge délégué a procédé à un transport sur place en présence des parties. Il a fait les constations suivantes :

La maison et ses deux annexes, deux appentis dont l'un servait de dépôt, étaient vides. Le jardin était entièrement clos, entouré sur trois côtés d'une haie de lauriers. La maison comprenait au rez-de-chaussée un salon dont les fenêtres étaient dotées d'un cadre additionnel en métal, une cuisine dont l'une des fenêtres avait un cadre d'isolation manquant suite à un cambriolage récent, une salle de bains avec baignoire et WC. Une porte permettait d'accéder au garage et une autre aux escaliers de la cave où se trouvaient un petit hall, une buanderie, un local technique et une pièce lambrissée en bois avec un petit réduit. Au premier étage, il y avait une salle de bains comportant une baignoire et des WC, une chambre principale, une seconde chambre plus petite. Au deuxième étage, les combles étaient aménagés sur toute leur surface.

Les époux Ribes ont déclaré que les murs avaient été estimés sains par un spécialiste. Eux-mêmes avaient fait procéder à l'aménagement des combles il y avait dix-huit ans en même temps que celui de l'escalier menant à ceux-ci et l'installation du chauffage à gaz. Auparavant, la toiture était isolée avec des lattes faites de boîtes de conserve. L'Etat de Genève avait versé au mois de décembre 2011 sur leur compte bancaire le montant de CHF 1'066'065,30 et un transfert de clé avait été effectué.

Le représentant de l'Etat a confirmé que ce dernier avait d'ores et déjà versé la partie non contestée de l'indemnité d'expropriation. L'Etat comptait mettre en location la villa des époux Ribes dans l'attente d'un projet de construction concret. Le PLQ n° 29'860 avait été mis à l'enquête dès décembre 2011, une enquête publique arriverait à échéance à la fin du mois de janvier 2012. Trois autres PLQ nos 29'758, 29'813 et 29'835 relatifs aux périmètres adjacents avaient été également adoptés pour un aménagement d'ensemble du quartier. La parcelle n° 1'140 n'offrait pas à l'Etat la possibilité d'exercer son droit de préemption en raison d'un partage successoral. L'Etat reprochait à la commission d'avoir utilisé sans l'expliciter une comparaison avec d'autres parcelles du voisinage.

Le procès-verbal établi à l'issue du transport sur place a été envoyé aux parties et un court délai leur a été accordé pour demander d'éventuels actes d'instruction.

25. Le 3 février 2012, l'Etat de Genève s'est déterminé au sujet du procès-verbal susmentionné. Il ne sollicitait pas d'autres mesures d'instruction tout en maintenant ses griefs formels de violation de son droit d'être entendu devant la commission.

26. Le 7 février 2012, le juge délégué a demandé à la commission si son dossier était complet en l'absence de pièces relatives au comparatif des prix des transactions immobilières dans le même périmètre. A défaut, elle était invitée à les lui faire parvenir.

27. Le 10 février 2012, les époux Ribes ont apporté quelques précisons mineures au procès-verbal de transport sur place et n'ont pas sollicité d'autres mesures d'instruction.

28. Le même jour, la commission a fait parvenir à la chambre de céans son rapport d'évaluation du 23 septembre 2011 ainsi que son document comparatif des transactions survenues dans la commune de Lancy entre 2007 et 2010. Ces pièces ont été communiquées aux parties le 14 février 2012 avec un délai au 16 mars 2012 pour se déterminer.

29. Le 22 février 2012, le recourant s'est déterminé pour la première fois sur le rapport d'évaluation du 23 septembre 2011 et son annexe.

La commission avait conservé secret son document, son contenu n'avait pas été porté à la connaissance du recourant. La violation de son droit d'être entendu était attestée par la communication tardive du rapport d'évaluation. Il était impossible de l'appréhender sans explications supplémentaires. Le recourant ne pouvait pas se prononcer en connaissance de cause. Le rapport devait être écarté de la procédure.

Au surplus, l'Etat de Genève persistait dans ses conclusions principales et requérait subsidiairement le renvoi de la cause à la commission pour nouvelle décision, avec l'injonction expresse de limiter l'instruction aux éléments factuels pertinents pour apprécier la valeur du bâtiment, à l'exclusion de la valeur du terrain, et très subsidiairement à enjoindre la commission de fournir des explications détaillées sur la méthodologie suivie et sur l'origine des valeurs retenues. Ensuite un délai raisonnable devait être fixé aux parties pour se déterminer.

30. Le 29 février 2012, les époux Ribes se sont déterminés sur ces documents et sur la réponse de l'Etat de Genève.

La commission avait effectué un comparatif sérieux et le contenu de son document était clair. Les parcelles retenues à titre de comparaison étaient à la fois proches géographiquement et similaires du point de vue de la surface de leur parcelle. Les conclusions complémentaires tirées par le recourant étaient irrecevables. Les mesures d'instruction complémentaires n'étaient pas nécessaires, le document de la commission étant clair dans son contenu et quant à la méthode d'évaluation.

31. Le 16 mars 2012, le recourant s'est déterminé pour la deuxième fois sur le rapport d'évaluation du 23 septembre 2011 de la commission, a repris de manière plus détaillée les griefs contenus dans son courrier du 22 février 2012 et a persisté dans ses conclusions.

L'enjeu de la procédure était désormais limité au montant additionnel d'indemnisation auquel les époux Ribes prétendaient avoir droit, ainsi qu'aux intérêts y relatifs.

32. Le 20 mars 2012, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

33. Le même jour, les époux Ribes ont fait parvenir au juge délégué une copie de la correspondance du 25 mai 2011 de la Cour des comptes au sujet de l'acquisition de la parcelle n° 3'942 de la commune de Chêne-Bourg par l'Etat de Genève, dans le cadre de l'exercice de son droit de préemption, à un prix de CHF 1'390'000.-.

La Cour des comptes s'était penchée sur cette acquisition pour un prix supérieur à la pratique de l'Etat. Celui-ci avait renoncé à contester le prix fixé entre les parties au contrat de vente en raison des circonstances particulières de la venderesse, âgée de 73 ans, mariée depuis trente-cinq ans et qui venait de perdre son époux dans un accident de circulation alors qu'elle n'avait pas de prévoyance professionnelle et que les économies réalisées n'étaient constituées que par sa maison.

Leur cas était également très particulier. Ils avaient décidé de vendre par nécessité, étant donné l'état de santé de M. Ribes qui ne se déplaçait qu'en chaise roulante.

34. Le 27 juin 2012, le juge délégué a demandé à la commission des explications détaillées au sujet de la méthodologie suivie pour retenir les quatre biens immobiliers ayant servi à la comparaison avec la parcelle des époux Ribes, l'origine des valeurs retenues ainsi que le repérage cartographique comptant près d'une septantaine d'occurrences.

35. Le 31 juillet 2012, la commission a apporté les précisions demandées. Celles-ci ont été transmises aux parties le 7 août 2012 pour observations finales dans un délai fixé au 7 septembre 2012.

Elle avait consulté les transactions de villas sur la commune de Lancy de 2007 à 2010 publiées sur le site du RF en retenant les maisons relativement comparables à celle des époux Ribes. Une première sélection de dix objets avait été opérée, sur laquelle quatre villas avaient fait l'objet d'un examen plus détaillé (une villa à proximité immédiate de la villa concernée et les trois transactions les plus récentes). La commission s'était déplacé sur la commune afin d'observer les biens retenus. Elle avait procédé à une appréciation de la valeur de chaque construction qui, retranchée à la valeur effective de la transaction, avait permis d'obtenir la valeur résultante de chaque terrain.

36. Le 5 septembre 2012, le recourant a persisté dans les termes de son recours et de sa détermination du 16 mars 2012 et a ramené ses conclusions du 22 février 2012 à celles de son recours, mises à jour néanmoins suite au paiement de la partie non contestée de l'indemnité.

37. Le 28 septembre 2012, les époux Ribes ont formulé leurs observations finales et persisté dans leurs conclusions.

38. Ensuite de quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 62 al. 1 LEx-GE).

2. Le recourant a, dans ses écritures successives, formulé des conclusions qu'il a actualisées le 22 février 2012 compte tenu de l'apport du rapport d'évaluation du 23 septembre 2011 de la commission. Les conclusions prises le 5 septembre 2012 reprennent celles contenues initialement dans le recours, en intégrant le paiement de CHF 1'066'065,30 par l'Etat de Genève aux époux Ribes. Elles rendent sans objet les conclusions prises le 22 février 2012, réitérées le 16 mars 2012, relatives essentiellement à des mesures d'instruction à mener par la chambre de céans. Ces mesures ayant été ordonnées par le juge délégué, la chambre de céans ne se prononcera ainsi que sur les conclusions circonscrites par le recourant dans ses observations finales.

3. Le recourant fait grief à la commission d'avoir violé son droit d'être entendu.

Il considère que la décision attaquée a été rendue sur la base d'éléments non documentés et résulte d'une instruction complémentaire non annoncée. Il n'a pas pu se prononcer sur les éléments retenus par la commission. Il n'a en particulier pas fait valoir son point de vue quant aux transactions comparatives ayant amené la commission à retenir un prix de CHF 1'200.-/m2 pour le terrain et de CHF 1'000.-/m3 pour la villa.

Par ailleurs, il reproche à la commission l'absence de motivation de sa décision et d'avoir ignoré sans autres explications les éléments versés dans le dossier, notamment les acquisitions immobilières faites par la FPLC dans le périmètre de la zone de développement concernée.

4. Selon l'art. 51 al. 2 LEx-GE, le tribunal entend contradictoirement les parties qui peuvent être assistées ou représentées par leurs conseils. Leurs déclarations et conclusions sont consignées au procès-verbal. Le dépôt de conclusions écrites est toujours autorisé. Le tribunal procède, les parties dûment convoquées, à la visite des immeubles qu'il est appelé à évaluer ou qui font l'objet de droits ou de plus-values à estimer (al. 3).

Parmi les mesures facultatives d'instruction, le tribunal, sous réserve de ce qui est prévu à l'article 51 LEx-GE, décide librement, selon des exigences de chaque cas particulier, de l'instruction qu'il convient de faire (art. 52 al. 1 LEx-GE). Il s'entoure de tous les renseignements qu'il juge utiles ; il peut notamment requérir la production de plans, précisant la nature de l'entreprise et des travaux à exécuter, qu'il juge nécessaires pour procéder à l'estimation des indemnités d'expropriation (al. 3).

La LPA, applicable par renvoi de l'art. 61A LEx-GE, complète les modalités d'exercice du droit d'être entendu des parties.

5. Les dispositions cantonales précitées concrétisent en matière de fixation de l'indemnité d'expropriation la garantie constitutionnelle de l'art. 29 al. 2 Cst.

a. Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_122/2012 du 8 novembre 2012 consid. 2.1 ; ATF 135 I 187 consid. 2.2 p. 190 ; 122 II 464 consid. 4a p. 469). Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., il comprend en particulier le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 135 I 279 consid. 2.3 p. 282 ; 132 V 368 consid. 3.1 p. 370 et les références citées). Cette garantie constitutionnelle n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_122/2012 précité ; ATF 137 III 208 consid. 2.2 p. 210 ; ATF 130 II 425 consid. 2.1 p. 429 ; 119 Ib 492 consid. 5b/bb pp. 505 s. ; ATA/432/2008 du 27 août 2008).

b. Le droit d'être entendu impose au juge de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient. Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (Arrêt du Tribunal fédéral 6B_284/2012 du 29 octobre 2012 consid. 2.1 ; ATF 138 IV 81 consid. 2.2 p. 84). Le droit à une décision motivée participant de la nature formelle du droit d'être entendu (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa ; 104 Ia 201 consid. 5g), ce moyen doit être examiné en premier lieu (Arrêt du Tribunal fédéral 5A_90/2012 du 4 juillet 2012 consid. 2.1 ; ATF 135 I 279 consid. 2.6.1 ; 124 I 49 consid. 1).

c. En l'espèce, la commission a procédé à un transport sur place au cours duquel les parties ont été entendues et ont présenté leurs arguments. Elles ont ensuite produit des documents complémentaires. Elles n'ont pas sollicité de mesures d'instruction complémentaires. La commission a en outre, conformément à l'art. 52 LEx-GE, décidé de l'instruction qu'il convenait de mener et a recueilli les renseignements qu'elle a jugés utiles et nécessaires pour procéder à l'estimation de l'indemnité d'expropriation notamment les publications de la FAO faisant état des ventes des biens immobiliers comparables à celui des époux Ribes. Elle s'est donc appuyée sur des faits notoires. N'ayant en outre pas retenu les différents dossiers comparatifs versés dans la procédure par le recourant, la commission n'avait pas à justifier pour quel motif elle n'en avait pas tenu compte dans le calcul de l'indemnité d'expropriation (Arrêt du Tribunal fédéral 6B_284/2012 précité consid. 2.2).

Du point de vue des mesures d'instruction et des moyens de preuve, la commission a respecté la procédure prévue par la loi. Elle n'a ainsi pas violé le droit d'être entendu du recourant.

d. Dans sa décision querellée, la commission a expliqué que, compte tenu du principe de proportionnalité et de la pesée des intérêts, il n'y avait pas de raison de déroger au principe de l'expropriation selon la valeur vénale. Elle a donné la méthode suivie pour estimer l'indemnité due par l'Etat de Genève aux époux Ribes. Cette façon de procéder satisfait aux exigences de motivation de la jurisprudence précitée. Au surplus, la lecture de la décision querellée permet sans ambiguïté de comprendre les motifs retenus par la commission. Il ressort au demeurant de l'argumentation du recourant qu'il a compris le sens et la portée de la décision attaquée (Arrêt du Tribunal fédéral 5A_90/2012 précité consid. 2.2).

Sous l'angle de la motivation, le droit d'être entendu du recourant n'a pas été violé non plus.

e. De plus, même si l'on devait reconnaître une éventuelle violation du droit d'être entendu du recourant, celle-ci aurait été réparée devant la chambre de céans, qui dispose d'un pouvoir d'examen étendu (ATA/445/2012 du 30 juillet 2012 ; ATA/557/2001 du 4 septembre 2001).

En effet, à la demande de la chambre de céans, la commission a produit en février 2012 son rapport d'évaluation qu'elle avait adressé le 23 septembre 2011 et un tableau comparatif portant sur dix biens immobiliers de transactions survenues dans la commune de Lancy entre 2007 et 2010 ayant servi de fondement à la décision litigieuse, mais dont les parties n'avaient pas pris connaissance auparavant. Le recourant s'est déterminé à deux reprises sur ce rapport. En outre, conformément à sa demande lors du dépôt de son recours, le recourant a bénéficié d'un délai supplémentaire d'un mois pour répliquer et produire des pièces complémentaires. Il a pu développer amplement ses arguments et se déterminer sur tous les éléments pertinents du dossier, un double échange d'écritures ayant été ordonné. La question de savoir si le principe du double degré de juridiction a été violé peut rester indécise, la chambre de céans disposant, comme déjà relevé, d'une pleine cognition en fait et en droit, d'autant que les pièces du dossier permettent de comprendre et de vérifier le raisonnement suivi par la commission, pouvant ainsi substituer son propre examen à celui de l'autorité de première instance (ATF 120 V 357 consid. 2b ; P. MOOR, Droit administratif : Les actes administratifs et leur contrôle, vol. 2, 3e éd., 2011, ch. 2.2.7.4. p. 323).

Partant, le grief de violation du droit d'être entendu des parties sera écarté.

6. Au fond, le litige porte sur la fixation de l'indemnité d'expropriation des époux Ribes due par l'Etat de Genève suite à l'exercice de son droit de préemption sur leur propriété.

Seul le prix du terrain de CHF 1'200.-/m2 et de la villa de CHF 1'000.-/m3 restent litigieux, le recourant ayant admis le calcul des montants portant sur les aménagements extérieurs, le garage, le dépôt et le rendement capitalisé. En outre, bien qu'une somme de CHF 1'066'065,30 ait été déjà versée par l'Etat de Genève aux époux Ribes, la chambre de céans se prononcera sur la base de l'indemnité contestée de CHF 1'255'000.-.

7. L'art. 5 LGL autorise le Conseil d'Etat, lorsque le canton exerce son droit de préemption, à acquérir le bien-fonds aux prix et conditions fixés dans l'acte ou à offrir d'acquérir le bien-fonds aux prix et conditions fixés par lui ou, à défaut d'acceptation de cette offre, de recourir à la procédure d'expropriation.

8. Selon l'art. 43 al. 1 LEx-GE, sous réserve des décisions qui relèvent des autorités chargées de constater l'utilité publique ou de décréter l'expropriation, le TAPI est l'autorité compétente pour fixer les indemnités d'expropriation. Il siège dans la composition d'un juge et de deux juges assesseurs spécialisés en matière immobilière (art. 36 LEx-GE).

9. Aux termes de l'art. 14 LEx-GE, l'expropriation ne peut avoir lieu que moyennant indemnité pleine et entière. L'indemnité est constituée d'une part de la pleine valeur vénale du droit exproprié et, d'autre part, de tout autre préjudice prévisible selon le cours normal des choses en cas d'expropriation (art. 18 LEx-GE).

10. L'art. 18 LEx-GE prévoit que sont pris en considération, pour la fixation de l'indemnité, tous préjudices subis par l'exproprié du chef de la suppression ou de la diminution de ses droits. En conséquence, l'indemnité comprend : la pleine valeur vénale du droit exproprié (let. a) ; en outre, en cas d'expropriation partielle d'un immeuble ou de plusieurs immeubles dépendant économiquement les uns des autres, le montant dont est réduite la valeur vénale de la partie restante (let. b) ; le montant de tous autres préjudices, non réparés par les indemnités allouées en vertu des deux lettres qui précèdent, pour autant que ces préjudices peuvent être prévus, dans le cours normal des choses, comme une conséquence de l'expropriation (let. c). Les indemnités allouées pour ces 3 éléments doivent être calculées séparément (al. 2).

11. La valeur vénale d'un bien est la valeur qui lui est attribuée dans des circonstances normales, à une époque déterminée et à l'occasion d'un échange d'ordre économique. La loi et la jurisprudence considèrent que la valeur vénale d'un bien est le prix que le propriétaire d'un immeuble exproprié pouvait raisonnablement espérer en obtenir en cas de vente. Il s'agit de la valeur objective de l'objet, soit celle qui correspond au prix d'aliénation, étant précisé que les prix spéculatifs, ou au contraire de bradage, ne doivent pas être pris en compte (J.-M. SIEGRIST, L'estimation des biens expropriés, in La maîtrise du sol : expropriation formelle et matérielle, préemption, contrôle du prix, 2009, p. 44).

12. Pour déterminer la valeur vénale, plusieurs méthodes sont possibles, telles que la méthode comparative - qui fixe la valeur des immeubles sur la base des prix payés effectivement pour des fonds semblables ; la méthode fondée sur la valeur de rendement qui détermine le capital correspondant au revenu actuel de l'objet exproprié ; la méthode régressive qui détermine la valeur d'un terrain en fonction du rendement qui pourra être obtenu après que des bâtiments auront été édifiés ; la méthode fondée sur la situation de l'immeuble (méthode hédoniste) ou encore sur divers éléments d'appréciation tels que la taxation fiscale, l'estimation cadastrale ou autres (J.-M. SIEGRIST, op. cit., p. 46 ss.). Lorsqu'une valeur « officielle » est fixée par une disposition légale, elle doit être prise en compte, sans toutefois être entièrement applicable à toutes les situations (ATA/203/1998 du 21 avril 1998 ; J.-M. SIEGRIST, op. cit., pp. 51 s.).

13. La date déterminante pour le calcul de la valeur du bien immobilier est celle où le Conseil d'Etat a décidé d'exercer son droit de préemption (ATA/72/1997 du 22 avril 1997).

14. En l'espèce, la date déterminante pour le calcul de la valeur du bien immobilier des époux Ribes est donc celle du 7 décembre 2010.

15. Aucune valeur « officielle » n'ayant été fixée par une disposition légale, il revient à la commission d'établir la valeur vénale du bien préempté par le recourant.

16. Pour établir l'indemnité d'expropriation, la commission a déterminé la valeur intrinsèque du bien préempté en tenant compte de celle du terrain sur la base de transactions comparatives en zone villas de 2007 à 2010, de celle des aménagements et des constructions ; ainsi que la valeur de rendement. La valeur vénale a été calculée ensuite sur la base d'une pondération des deux premières, soit deux fois la valeur intrinsèque et une fois la valeur de rendement, cette pondération se justifiant de par le caractère résidentiel de la villa qui lui confère plus un caractère de jouissance qu'un caractère d'investissement. La méthode utilisée par la commission n'a pas été critiquée sur le principe par les parties, le recourant ne lui reprochant que son choix de chiffres et de transactions comparatives.

17. Sur la base de transactions comparatives identifiées de 2007 à 2010 dans un rayon de moins d'un kilomètre et d'un niveau se rapprochant du bien évalué (transactions publiées dans la FAO), la commission a évalué la valeur de la villa et des aménagements pour parvenir à un prix du terrain seul de CHF 1'212.-, montant arrondi à CHF 1'200.-/m2. Le choix des transactions comparatives ne prête pas le flanc à la critique, les critères de proximité géographique immédiate des biens choisis avec la villa des époux Ribes et le caractère récent des transactions n'étant pas arbitraires, et la commission ayant relevé dans son plan d'évaluation que la maison concernée se trouvait en zone de développement. Par ailleurs, la commission a procédé à un transport sur place pour évaluer la parcelle en cause.

18. la commission a précisé que le montant maximum du terrain de CHF 1'000.-/m2 calculé par l'OLO pour la zone de développement 3 n'avait pas à être retenu, car il s'agissait du prix maximum arrêté par l'Etat dans le cadre du plan financier d'un projet appelé à remplacer la villa existante, et non pas d'un montant maximum arrêté pour l'achat du bien immobilier appelé à disparaître. Ce prix ne correspondait en tout état pas à la définition de la valeur vénale devant permettre au vendeur de pouvoir racheter un bien immobilier dans des conditions similaires. D'après son propre calcul, la commission a également écarté sans le mentionner explicitement la valeur à neuf de la villa de CHF 680.-/m3 retenue par l'OLO. Cette appréciation est soutenable, et demeure dans les limites du pouvoir d'appréciation conféré à la commission par la LEx-GE.

19. Le recourant conteste le prix de CHF 1'200.-/m2 retenu par la commission pour le terrain et le prix de CHF 1'000.-/m3 pour le bâtiment.

La commission a procédé à une comparaison d'objets vendus entre 2007 et 2010 avec la parcelle des époux Ribes, ce qui lui a permis d'en déterminer la valeur. Celle-ci est comprise dans la fourchette des prix du marché de l'immobilier dans le périmètre considéré de la commune de Lancy, soit CHF 950.- et CHF 1'300.-/m2.

La valeur à neuf de la villa litigieuse était à actualiser en tenant compte des travaux de rénovation réalisés. La maison avait bénéficié de travaux réguliers notamment avec l'aménagement des combles, le changement récent de la chaudière ainsi que l'aménagement d'une salle lambrissée au sous-sol. Les travaux de finition ont été effectués entre 1990 et 2010 et la villa présentait un bon état général. Selon les déclarations des époux Ribes recueillies par la commission lors du transport sur place et non contestées par le recourant, les murs de la villa ont été estimés en bon état par un spécialiste.

Dans ces conditions, les prix au m2 pour le terrain et au m3 pour la villa retenus par la commission ne sont pas arbitraires, d'autant que le recourant ne conteste pas les prix des bâtiments accessoires (le garage et le cabanon) pourtant fixés dans le même calcul et sur les mêmes bases.

20. L'indemnité de CHF 1'255'000.- est certes supérieure à l'estimation de CHF 1'040'000.- de l'OLO. Celle-ci ne constitue toutefois, d'après la notice explicative de sa pratique administrative en matière de prix admis dans les plans financiers sis en zone de développement, qu'un simple renseignement sans portée juridique. L'indemnité retenue par la commission se situe néanmoins dans les limites de la valeur de rendement qu'elle a évaluée à CHF 1'271'000.- puis ramenée à CHF 1'221'000.- en raison des travaux à réaliser, et que le recourant n'a pas contestée.

21. Compte tenu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

22. Bien que le recourant succombe, il ne sera pas perçu d'émolument en vertu de l'art. 87 al. 1 1ère phrase, applicable par renvoi de l'art. 62 al. 1 Lex-GE, étant précisé que l'art. 60 al. 1 LEx-GE ne s'applique, selon la systématique de la loi, qu'à la phase du recours devant la commission. Une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera en revanche allouée aux époux Ribes, à la charge de l'Etat de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 novembre 2011 par l'Etat de Genève contre la décision de la commission cantonale de conciliation et d'estimation en matière d'expropriation du 26 septembre 2011 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à Madame Rosemary et Monsieur Jean-Bernard Ribes une indemnité de procédure de CHF 2'000.- , à la charge de l'Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nicolas Wisard, avocat du recourant, à Me Gérard Brutsch, avocat de Madame Rosemary et Monsieur Jean-Bernard Ribes, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Hurni, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :