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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/142/2010

ATA/817/2012 du 04.12.2012 sur JTAPI/1209/2011 ( ICC ) , ADMIS

Descripteurs : IMPÔT; DONATION; SOCIÉTÉ SIMPLE; TAXE D'INSCRIPTION AU REGISTRE; CONCUBINAGE; AMENDE; DOL ÉVENTUEL; REFORMATIO IN PEJUS; SOCIÉTÉ SIMPLE
Normes : LDE.11.al1 ; LDE.11.al2 ; LDE.11.al3 ; CO.239 ; LDE.14.al1 ; LDE.14.al2 ; LDE.18.al1 ; CO.530.al1 ; LDE.174.al1 ; LDE.174.al2
Résumé : Après la vente d'un bien immobilier, propriété d'une seule personne, le produit de la vente versé sur un compte joint au nom du titulaire et de sa compagne représente une mise à disposition de patrimoine pour la personne qui n'était pas propriétaire du bien au moment de la vente. Une telle situation doit être qualifiée de donation et non de société simple. En effet, la réalisation du but commun étant devenue impossible du fait qu'un seul des deux concubins était encore propriétaire du bien.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/142/2010-ICC ATA/817/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 décembre 2012

2ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

Madame I______
représentée par Me Henri-Jean Dubois-Ferrière, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 31 octobre 2011 (JTAPI/1209/2011)


EN FAIT

1) Le 31 août 1991, Madame I______ et Monsieur H______ ont acheté chacun pour moitié un appartement de 70 m2 ainsi qu'une place de parc (ci-après : le bien immobilier), sur la commune de Liddes en Valais, pour le prix total de CHF 80'000.-.

Ils étaient solidairement débiteurs de l'hypothèque au porteur, d'un montant de CHF 70'000.-.

2) Par acte authentique du 12 mai 1999, chacun des intéressés a concédé gratuitement à l'autre un usufruit sur sa part de copropriété. Les droits ont été inscrits au registre foncier.

3) Le 26 février 2001, par-devant notaire, Mme I______ a vendu à M. H______ sa part de copropriété, pour un prix fixé à CHF 50'000.-, qui ne lui a pas été versé. L'hypothèque grevait toujours l'ensemble de la parcelle.

Mme I______ a conservé l'usufruit sur toute la parcelle. Celui de M. H______ a été radié.

Selon l'acte de vente, la totalité des charges (impôts, taxes, charges privées, charges publiques, etc.) serait assurée par M. H______.

4) Par acte authentique du 21 avril 2008, M. H______ a vendu la totalité du bien immobilier aux époux P______ au prix de CHF 305'000.- (soit CHF 295'000.- + CHF 10'000.- de commission de vente). Mme I______ a consenti à la radiation de son usufruit, gratuitement.

Le 2 juin 2008, le montant de CHF 295'000.- a été crédité sur le compte joint de Mme I______ et de M. H______ auprès de la banque Raiffeisen.

5) Selon le bordereau d'impôt sur les gains immobiliers du service des contributions de l'Etat du Valais du 29 juillet 2008, le gain imposable de M. H______ s'élevait à CHF 32'781.-. Le fisc valaisan avait pris en compte le produit de la vente à hauteur de CHF 295'000.-, duquel il avait déduit des impenses pour un total de CHF 172'219.- et le prix d'achat initial de CHF 90'000.- (sic).

6) Le 24 septembre 2009, l'administration fiscale cantonale genevoise (ci-après : AFC) a demandé à M. H______ de produire des copies de l'acte de vente, ainsi qu'une pièce justificative, tel un avis bancaire, établissant la date de la libéralité. L'AFC avait constaté qu'une somme en espèces, sans en indiquer le montant, avait été donnée par M. H______ à Mme I______.

7) M. H______ et Mme I______ ont répondu le 2 novembre 2009. Le bien-fonds avait été acquis en 1991 à parts égales pour un montant de CHF 80'000.-. Ils avaient entrepris des travaux de remise en état à deux reprises. Ces derniers avaient coûté au total CHF 159'500.- et avaient été financés par eux à parts égales. Ils n'ont toutefois produit aucune pièce à l'appui de cet allégué. La part de chacun d'eux s'élevait à CHF 119'750.-, correspondant à la moitié du prix d'achat (CHF 40'000.-) à laquelle s'ajoutait la moitié du prix total des travaux (CHF 79'750.-) .

Un usufruit avait été créé au profit de Mme I______, afin de simplifier la situation si M. H______ venait à décéder. Le 26 février 2001, Mme I______ avait vendu sa part de copropriété à M. H______ pour CHF 50'000.-. Toutefois, ce montant ne lui a jamais été payé. Ils avaient convenu que Mme I______ resterait toujours détentrice de la moitié de la valeur du bien immobilier et qu'en cas de vente de celui-ci, la moitié du produit de l'opération lui reviendrait.

Le bien immobilier avait été vendu le 21 avril 2008 pour CHF 295'000.- auxquels s'ajoutait une commission de vente de CHF 10'000.-. Mme I______ et M. H______ avaient convenu de faire verser le produit de cette vente sur leur compte joint. Il n'avait jamais été question entre eux d'une donation. Chacun avait pris la part qui lui revenait.

8) Le 3 novembre 2009, l'AFC a adressé à Mme I______ un avis de taxation pour les droits d'enregistrement calculés sur une donation mobilière de CHF 26'000.- qui avait eu lieu le 2 juin 2008. L'AFC avait classé ladite donation en 5ème catégorie selon l'art. 23 de la loi sur les droits d'enregistrement du 9 octobre 1969 (LDE - D 3 30), les intéressés n'ayant aucun lien de parenté. Le taux applicable pour déterminer le montant des droits d'enregistrement était donc de 24 % pour la tranche allant de CHF 5'001.- à CHF 100'000.-. Après déduction des CHF 5'000.- premiers francs, exonérés, les droits d'enregistrement sur la donation s'élevaient à CHF 5'040.- (CHF 21'000.- au taux de 24 %). A ce dernier montant, l'AFC avait ajouté des droits sur d'autres actes pour CHF 14.-, un droit de timbre pour CHF 92,50, et des centimes additionnels pour CHF 5'559,40. Le montant total des droits d'enregistrement s'élevait ainsi à CHF 10'705,90.

L'amende pour retard d'enregistrement et de paiement des droits de la donation se montait à CHF 529,20 (CHF 5'040.- + CHF 5'544.- = CHF 10'584.- ÷ 20), la somme de CHF 5'544.- représentant les centimes additionnels calculés sur les seuls droits d'enregistrement.

9) Le 16 novembre 2009, l'AFC a envoyé à Mme I______ un bordereau de droits d'enregistrement et d'amende totalisant CHF 11'235,10, y compris les autres droits précités.

10) Mme I______ a élevé réclamation le 27 novembre 2009. Elle n'avait pas fait de donation, mais partagé le produit de la vente d'un bien immobilier avec M. H______. L'amende n'était pas justifiée.

11) Le 7 décembre 2009, l'AFC a rejeté la réclamation. Au moment de la revente du bien immobilier, Mme I______ ne disposait que d'un usufruit. La donation par M. H______ à Mme I______ s'élevait à CHF 26'250.-, soit la différence entre le montant de la revente du bien immobilier (CHF 305'000.- ÷ 2 = CHF 152'500.-) et les droits effectifs (CHF 50'000.- + CHF 76'250.-) à titre d'usufruit, ce dernier s'élevant au quart de la valeur du bien grevé (CHF 305'000.- ÷ 4). L'amende était fondée sur l'art. 174 LDE.

12) Selon l'attestation du Crédit Suisse du 1er janvier 2010, jointe à la déclaration fiscale 2009 de Mme I______, établie courant mai 2010, le solde du compte joint, précédemment ouvert à la banque Raiffeisen avant d'être transféré au Crédit Suisse, s'élevait au 31 décembre 2009 à CHF 275'711,50.

13) Le 4 janvier 2010, Mme I______, représentée par un avocat fiscaliste, a recouru contre cette décision auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative, devenue le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), en concluant à l'annulation du bordereau de taxation au titre de la LDE et de l'amende.

Le partage du produit de la vente devait être analysé non pas sous l'angle de la donation, mais sous celui du contrat de société simple. Elle avait convenu avec M. H______ d'acheter, à parts égales, une maison de vacances, de l'occuper, de la rénover, de l'entretenir, d'en supporter les frais et, finalement, de se partager le produit de la vente. Le fonctionnement de leur partenariat était semblable à celui d'une société simple constituée entre eux et qui avait abouti au partage à parts égales du produit de la vente.

14) Le 25 février 2010, Mme I______ et M. H______ ont donné l'ordre au Crédit Suisse de transférer la moitié du compte joint, soit CHF 137'855,75, sur un compte personnel de Mme I______ à la Banque Migros et l'autre moitié sur le compte personnel de M. H______ au Crédit Suisse. Ledit compte joint devait ensuite être clôturé.

15) Le 29 octobre 2010, l'AFC a répondu au recours. Au moment de la vente immobilière le 21 avril 2008, seul M. H______ était propriétaire du bien immobilier, sur lequel Mme I______ disposait d'un usufruit. L'AFC avait pris en compte le prix de vente, soit CHF 305'000.-. A la valeur de l'usufruit, soit CHF 76'250.-, l'AFC avait ajouté le prix de vente en date du 26 février 2001 de la part de Mme I______ à M. H______ pour CHF 50'000.-, quand bien même ce montant n'avait jamais été acquitté.

La part du produit de la vente du bien aux époux P______ revenant à Mme I______ s'élevait ainsi à CHF 126'250.- (CHF 76'250.- + CHF 50'000.-). Ce montant devait être déduit de la moitié du prix de vente (CHF 305'000.- ÷ 2). La différence en CHF 26'250.-, arrondie à CHF 26'000.-, devait être considérée comme une donation.

16) Mme I______ a répliqué le 15 décembre 2010. L'ensemble des faits corroborait l'existence d'un contrat de société simple, le but commun étant l'acquisition du bien immobilier en question, son entretien et le partage du produit de la vente à parts égales avec M. H______.

S'il ne s'agissait pas d'une société simple mais d'une donation, l'AFC aurait dû tenir compte des frais correspondant aux investissements supportés à parts égales entre elle-même et M. H______. Le montant soumis aux droits d'enregistrement serait alors nul, selon le calcul suivant :

Part de Mme I______ sur le prix de vente net

(50 % de CHF 295'000.-) CHF 147'500.-

Déductions :

- Prix de vente selon contrat du 26 février 2001 - CHF 50'000.-

- Impenses 2002/2003 (50 %) - CHF 38'213.-

- Valeur capitalisée de l'usufruit - CHF 76'250.-

Montant soumis aux droits d'enregistrement 0.-

17) L'AFC a dupliqué le 25 février 2011. Même si les contribuables étaient liés par un contrat de société simple, cette dernière impliquait un arrangement interne de droit privé qui n'était pas opposable au fisc dans le cadre de la détermination du bénéfice d'une vente immobilière.

18) Par jugement du 31 octobre 2011, le TAPI a admis le recours de Mme I______ et annulé le bordereau de taxation et l'amende du 16 novembre 2009.

En l'espèce, la vente du bien immobilier avait une fonction de planification successorale. Mme I______ conservait l'usufruit du logement même en cas de décès de M. H______ et de transmission du bien au petit-fils de celui-ci. L'usufruit de Mme I______ s'éteignait à son décès. Rien ne permettait d'établir la volonté de donner de M. H______ en faveur de Mme I______. Le produit de la vente de 2008 ayant été versé sur un compte joint, Mme I______ disposait d'une créance de CHF 50'000.-. Ce montant ne lui avait pas été payé par M. H______ en février 2001. Dans ces circonstances, M. H______ ne s'appauvrissait pas et conservait le pouvoir de disposer des fonds qui se trouvaient sur le compte. Il n'avait pas effectué une donation en faveur de Mme I______.

19) Le 2 décembre 2011, l'AFC a recouru contre le jugement du TAPI auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant à son annulation et à la confirmation de sa décision sur réclamation du 7 décembre 2009. Le TAPI avait considéré à tort qu'en raison du versement du produit de la vente sur un compte joint, M. H______ ne s'était pas appauvri. Il était certes possible d'admettre l'absence de donner aussi longtemps que l'argent se trouvait sur le compte joint dont Mme I______ et M. H______ étaient titulaires. En revanche, le versement de la moitié du solde du compte joint, sur le compte personnel de Mme I______ le 25 février 2010, puis la clôture du compte joint, caractérisaient la volonté de donner une somme supérieure au montant de la créance de Mme I______ et constituait dès lors une donation.

Le solde du compte joint s'élevait, au 31 décembre 2009, à CHF 275'711,50, soit à CHF 137'855.- pour chacun des co-titulaires. C'était ce montant qui aurait dû être pris en compte par le service de l'enregistrement dans le cadre du calcul des droits suite à la donation effectuée par M. H______. L'AFC s'en remettait toutefois à justice s'agissant d'une reformatio in peius.

20) Le 27 février 2012, Mme I______ a répliqué. Le versement du produit de la vente sur le compte joint n'appauvrissait pas M. H______. La répartition par moitié du solde du compte joint et la clôture de celui-ci mettait fin à la société simple. Le bénéfice net de l'aliénation avait ainsi été partagé en parts égales. Dès lors, rien ne permettait d'établir une volonté de donner de M. H______ en sa faveur.

Si la chambre administrative devait considérer qu'il y avait eu donation, il conviendrait de tenir compte de la moitié des impenses qu'elle avait effectuées pour un montant de CHF 38'213.- postérieurement à la vente de sa part en 2001.

21) Le juge délégué a informé les parties le 29 février 2012 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi de procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Toute disposition entre vifs par laquelle une personne physique ou morale cède, sans contrepartie correspondante, à une autre personne physique ou morale, tout ou partie de ses biens ou de ses droits, en propriété, en nue-propriété ou en usufruit, est, en tant que donation, soumise obligatoirement aux droits d'enregistrement (art. 11 al. 1 LDE, en relation avec l'art. 239 al. 1 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 - Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220). Tout abandon de biens, de droits ou d'autres avantages semblables, ainsi que toute remise de dette, concédés à titre gratuit, sont réputés être des donations (art. 11 al. 2 LDE). La différence de valeur constatée dans un acte à titre onéreux entre les prestations des parties est présumée donation, sauf preuve contraire (art. 11 al. 3 LDE).

3) La donation se caractérise par un élément subjectif, « la volonté du donateur de donner sans contre-prestation correspondante, et par deux critères objectifs, la diminution du patrimoine du donateur et l'enrichissement du donataire » (M. BADDELEY, in L. THÉVENOZ/F. WERRO, Code des obligations I, Commentaire romand, art. 239 CO, p. 1240 n° 21)

4) Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la mise à disposition de patrimoine, le caractère gratuit et la volonté de donner sont communes au droit civil et au droit fiscal (ATF 118 Ia 497, consid. 2aa et p. 500). Les motifs pour lesquels les dons sont effectués (reconnaissance, générosité, devoir moral, etc.) n'exercent aucune influence sur l'assujettissement.

5) La notion de donation peut être plus large en droit fiscal qu'en droit civil (ATF 118 Ia 497, consid. 2cc et p. 502 ; ATA/137/2009 du 17 mars 2009 ; ATA/617/1998 du 29 septembre 1998 ; ATA/702/1996 du 26 novembre 1996).

6) L'estimation des biens donnés s'établit d'après leur valeur au jour de la donation (art. 14 al. 1 LDE), au vu des déclarations des parties et de toutes pièces justificatives (art. 14 al. 2 LDE). Les droits sur les donations entre vifs sont perçus sur la valeur des biens donnés, sous déduction de celle des dettes non prescrites du donateur, mises à la charge du donataire par l'acte de donation et dûment justifiées, mais sans aucune distraction pour les charges et sans tenir compte des conditions de la donation (art. 18 al. 1 LDE).

7) D'un point de vue fiscal, un revenu est considéré comme réalisé lorsque le contribuable le reçoit, lorsqu'il peut en disposer librement ou juridiquement ou sur lequel il a un droit ferme (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.517/2002 du 21 mai 2003 in RDAF 2003 II 359 consid. 2.2 p. 362 ; ATA/106/2006 du 7 mars 2006).

8) Enfin, selon l'art. 530 al. 1 CO, la société simple est un contrat par lequel 2 ou plusieurs personnes conviennent d'unir leurs efforts ou leurs ressources en vue d'atteindre un but commun. « Le but social doit être commun à tous les associés et faire l'objet d'une volonté de chacun de coopérer à sa réalisation » (F. CHAIX, in TERCIER/AMSTUTZ, Commentaire romand du Code des obligations II, 2008, art. 530 CO, p. 50 n° 7). Il est généralement admis en pratique l'existence de sociétés simples dans les relations familiales. Ainsi, « les relations entre les concubins peuvent, selon les circonstances, être soumises aux dispositions de la société simple : tel sera notamment le cas lorsque les intéressés ont aspiré au succès économique de leur communauté et oeuvré ensemble dans ce but ; l'existence d'une société simple n'empêchant cependant pas que d'autres rapports particuliers puissent exister entre les concubins » (op. cit. p. 56 à 57 n° 24). Par ailleurs, « lorsque la société est créée en vue d'atteindre un but commun, il apparaît logique que la disparition de ce but entraîne la dissolution de la société. Cette dissolution peut résulter du fait que le but est atteint ou que sa réalisation est devenue impossible » (F. CHAIX, in TERCIER/AMSTUTZ, op. cit., art. 545 CO, p. 104 n° 4).

9) En l'espèce, au départ, Mme I______ et M. H______ avaient mis des fonds en commun pour acheter et entretenir le bien. A ce moment-là, il existait une société simple. Cependant, lors de la vente du bien, Mme I______ n'était plus propriétaire de celui-ci, comme l'atteste l'acte notarié. Dès la vente de sa part à M. H______, la société simple a cessé d'exister, puisque la réalisation du but était devenue impossible. L'immeuble revenait à la seule charge de son unique propriétaire, M. H______. Mme I______ allègue avoir participé ultérieurement, à bien plaire, aux frais d'entretien, sans prouver par pièces que tel avait été le cas.

10) Le 21 avril 2008, au moment de la vente du bien immobilier, seul M. H______ en était propriétaire et le prix de vente de CHF 305'000.- devait lui revenir. Mme I______ disposait à l'encontre de M. H______ d'une créance totale de CHF 126'250.- (comprenant un usufruit de CHF 76'250.- et sa part de copropriété restée impayée pour CHF 50'000.-).

11) En l'absence de preuve contraire apportée par l'intéressée concernant le partage des frais et l'existence de la société simple après la vente de sa part à M. H______ le 26 février 2001, et compte tenu des apparences créées, l'AFC était fondée à considérer qu'il y avait bien eu une donation au moment du versement le 2 juin 2008 du prix de la vente du 21 avril 2008 sur le compte joint. L'existence d'une société simple ne changerait d'ailleurs rien au fait que les concubins puissent être liés par d'autres rapports juridiques, en sus de l'existence d'une société simple, tel un contrat de prêt, ou une donation, comme en l'espèce.

12) La réalisation de la donation, soit la libre disposition du montant en question, a donc eu lieu au moment du versement du produit de la vente sur le compte joint, à savoir le 2 juin 2008.

13) S'agissant du montant imposable, il doit être déterminé sur la base de la valeur des biens ou droits transmis ou remis au donataire, sans déduction des charges. En l'espèce, le montant de la donation s'élève à CHF 26'250.-, soit :

Prix de vente de la totalité du bien-fonds

revenant à Mme I______ (CHF 305'000.- ÷ 2) CHF 152'500.-

Droit d'usufruit (valeur ¼ du bien grevé

au moment de la vente en 2008) - CHF 76'250.-

Prix de la part de copropriété de Mme I______

restée impayée - CHF 50'000.-

Total soumis aux droits d'enregistrement CHF 26'250.-

lesquels ont été arrondis à CHF 26'000.-.

14) Il n'y a pas lieu de tenir compte du calcul effectué par la contribuable, les frais qu'elle a pris en charge ne pouvant être déduits (art. 18 al. 1 LDE).

15) Les droits dus sur les actes et opérations soumis obligatoirement ou facultativement à l'enregistrement doivent être payés avant cette formalité par les parties (art. 161 al. 1 let. f LDE).

Le contribuable qui est tenu de faire enregistrer un acte ou une opération obligatoirement soumis à l'enregistrement et qui n'accomplit pas cette formalité dans les délais prescrits est passible d'une amende (art. 174 al. 1 LDE). Celle-ci peut se monter, lorsque les droits sont proportionnels ou progressifs, à 1/20ème de ces derniers (art. 174 al. 2 let. b LDE).

16) En l'espèce, la contribuable aurait donc dû faire enregistrer la donation avant le 2 juin 2008. Or, l'AFC a appris l'existence de celle-ci grâce aux relevés fiscaux produits par Mme I______ en annexe à sa déclaration fiscale 2008, renvoyée en mars 2009. Les droits n'ont par conséquent pas été enregistrés dans le délai prescrit par l'art. 161 al. 1 let. f LDE.

17) L'amende prononcée a un caractère pénal et ne peut être infligée que si l'auteur a agi intentionnellement (art. 12 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0), soit avec conscience et volonté. L'auteur agit intentionnellement, par dol éventuel, lorsqu'il envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins ou ne fait pas ce qui est en son pouvoir pour l'éviter ou en atténuer les conséquences, s'accommodant de ce résultat pour le cas où il se produirait, même s'il ne le souhaite pas (ATF 105 IV 172 ; ATA/588/2009 du 17 novembre 2009). La preuve d'un comportement intentionnel doit être considérée comme rapportée lorsqu'il est établi avec une sécurité suffisante que le contribuable était conscient que les informations qu'il avait données étaient incorrectes ou incomplètes. Si cette conscience est établie, il est présumé avoir voulu tromper les autorités fiscales afin d'obtenir une taxation moins élevée (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.351/2002 du 5 novembre 2002 ; ATA/588/2009 du 17 novembre 2009 ; ATA/630/2008 du 16 décembre 2008 ; ATA/614/2008 du 9 décembre 2008 ; ATA/496/2003 du 17 juin 2003).

18) Mme I______ avait conscience de ne pas fournir à l'AFC des informations complètes et dans les délais légaux pour permettre une taxation du montant litigieux au titre des droits d'enregistrement pour donation, puisqu'elle n'a sciemment pas averti l'AFC de l'acquisition du montant. Elle a pris le risque de se voir reprocher une infraction à la LDE. La conscience de ce manque d'information à l'autorité fiscale est établie, dès lors il est possible de présumer que c'est par dol éventuel que la contribuable a tenté d'éviter une imposition de la somme mise à sa disposition en tant que donation. Son argumentation concernant l'existence d'une potentielle société simple encore existante au moment du versement du produit de la vente en est une démonstration. L'amende pour le retard est ainsi justifiée.

19) L'art. 174 al. 2 let. b LDE fixe l'amende à 1/20ème des droits, sans prévoir de fourchette à disposition de l'administration ou du juge. Son calcul est par ailleurs exact, puisque l'AFC a fixé ladite amende à CHF 529,20, ce qui correspond à 1/20ème des droits d'enregistrement (CHF 5'040.- + CHF 5'544.- = CHF 10'584.- ÷ 20), la somme de CHF 5'544.- représentant les centimes additionnels calculés sur les seuls droits d'enregistrement. L'amende sera dès lors confirmée.

20) L'AFC, qui a évoqué la possibilité d'une reformatio in peius, n'a pas pris de conclusion formelle en ce sens et ne l'a pas fait dans le délai de recours, de sorte qu'une telle conclusion serait en tout état irrecevable (ATA/533/2010 du 4 août 2010).

La chambre de céans pourrait cependant y procéder d'office aux conditions prévues par l'art. 54 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc -  D 3 17). Il résulte toutefois de l'état de fait qu'au moment où elle a émis le bordereau d'enregistrement et d'amende, soit le 16 novembre 2009, l'AFC était en possession des relevés fiscaux de Mme I______ établissant cette donation. Il n'y a dès lors pas lieu de procéder maintenant à une telle reformatio in peius, de sorte qu'il y sera renoncé (ATA/483/2012 du 31 juillet 2012).

21) Compte tenu de ce qui précède, le recours sera admis, le jugement du TAPI du 31 octobre 2011 annulé et la décision sur réclamation du 7 décembre 2009 rétablie.

22) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de Mme I______. Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 décembre 2011 par l'administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 31 octobre 2011 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 31 octobre 2011 ;

rétablit la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 7 décembre 2009 ;

met à la charge de Madame I______ un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il ne lui est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l'administration fiscale cantonale, à Me Henri-Jean Dubois-Ferrière, avocat de Madame I______, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction a.i. :

 

 

C. Sudre

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :