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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4858/2006

ATA/76/2009 du 17.02.2009 ( CE ) , REJETE

Parties : SOCIETE D'ART PUBLIC / CONSEIL D'ETAT, FONDATION DES LOGEMENTS POUR PERSONNES AGEES ET ISOLEES
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4858/2006-CE ATA/76/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 17 février 2009

 

dans la cause

 

PATRIMOINE SUISSE GENEVE
représentée par Me Christian Pirker, avocat

contre

FONDATION DES LOGEMENTS POUR PERSONNES ÂGÉES ET ISOLÉES
représentée par Me Lucien Lazzarotto, avocat

et

CONSEIL D'ETAT


 


EN FAIT

1. La Fondation des logements pour personnes âgées et isolées (ci-après : FPLAI) est propriétaire de la parcelle n° 4435, feuille 52, de la commune de Genève, section Petit-Saconnex.

Un immeuble construit dans les années 30 est érigé sur cette parcelle, à l’adresse 28, route des Franchises (ci-après : bâtiment n° G 109).

2. Par requête au Conseil d’Etat du 18 mars 2003, Patrimoine suisse Genève, association précédemment connue sous le nom de Société d'art public (ci-après : PSGe), a sollicité le classement du bâtiment n° G 109.

A l’appui de sa requête, PSGe relevait que cet immeuble à coursives de l’ancienne « Cité-Vieillesse » à Vieusseux constituait un témoin rare de l’architecture du mouvement moderne à Genève. Quand bien même il était voué à la démolition, le bâtiment n’avait jamais cessé d’être utilisé. Les travaux de maintenance et d’entretien avaient été réduits au minimum. De ce fait, bien que dégradé, il était encore très proche de son état d’origine et, moyennant quelques adaptations mineures, une opération exemplaire de sauvegarde était envisageable, pour peu qu’un périmètre de respiration soit accordé au bâtiment.

3. Le 16 avril 2003, le département de l’aménagement, de l’équipement et du logement, devenue depuis lors le département des constructions et des technologies de l'information (ci-après : DCTI) a interpellé la FLPAI afin qu’elle se détermine sur cette demande de classement.

4. Dans ses observations du 16 mai 2003, la FLPAI s’est déclarée fermement opposée au classement, cette mesure lui paraissant injustifiée sur le plan architectural et culturel, contraire à l’intérêt public ainsi qu’aux besoins de la population, irrationnelle sur le plan économique et, enfin, incompatible avec le respect des principes de la légalité et de la proportionnalité.

5. Le 20 mai 2003, la FLPAI a déposé auprès du DCTI deux requêtes visant à obtenir l’autorisation de démolir (M 5281/1) le bâtiment n° G 109, respectivement l’autorisation de construire (DR 17664/1), en lieu et place, six immeubles d’habitation dans le périmètre concerné.

6. Dans un rapport du 1er octobre 2003, Monsieur Pierre Baertschi, conservateur cantonal des monuments, est parvenu, après une pesée des intérêts en présence, à la conclusion qu’une mesure de classement de l’immeuble litigieux se justifiait. Ce dernier n’était plus dans un état de conservation satisfaisant mais sa rénovation dans des conditions économiques raisonnables était parfaitement envisageable ; ceci à condition de prévoir une nouvelle affectation compatible (par exemple des logements pour apprentis ou étudiants).

7. Le 28 octobre 2003, la commission des monuments et des sites (ci-après : CMNS), sur la base du rapport et des explications complémentaires fournies par le conservateur des monuments, a émis un préavis favorable au classement du bâtiment.

8. Par arrêté du 25 août 2004, le Conseil d’Etat a rejeté la demande de classement du bâtiment n° G 109 en faisant prévaloir l’intérêt public à la construction de logements répondant aux besoins prépondérants de la population et pourvus d’un confort plus compatible avec le mode de vie actuel, sur les préoccupations affichées par les milieux de la protection du patrimoine attachés à la conservation d’un immeuble illustrant un concept d’habitat inédit à l’époque et principalement destiné aux personnes âgées.

9. Le 27 septembre 2004, PSGe a recouru par-devant le Tribunal administratif contre cet arrêté et conclu à son annulation ainsi qu’au classement du bâtiment litigieux.

Reprenant pour l’essentiel les arguments avancés à l’appui de sa demande de classement du 18 mars 2003, elle relevait que l’alternative proposée à la destruction de l’immeuble litigieux n’avait pas un coût prohibitif et permettrait à la fois de préserver le bâtiment et de combler en partie la pénurie d’une catégorie de logements, à savoir ceux pour apprentis et étudiants.

En l’espèce, la totalité des intervenants officiels, le Conseil d’Etat, le DCTI et la CMNS s’accordaient pour reconnaître au bâtiment un intérêt historique, artistique, scientifique ou éducatif digne d’être protégé conformément à la loi sur la protection des monuments de la nature et des sites du 4 juillet 1976 (LPMNS – L 4 05). Le Conseil d’Etat avait toutefois rejeté la demande de classement en raison d’une pesée des intérêts erronée.

10. Dans son mémoire réponse du 19 novembre 2004, le DCTI a conclu au rejet du recours.

Quand bien même la solution alternative proposée par PSGe serait techniquement envisageable, sa faisabilité, notamment sur le plan économique n’était pas démontrée et le nombre de logements réalisables bien moins important que dans le projet de la FLPAI.

11. La FLPAI a fait parvenir ses observations au recours le 29 novembre 2004. Elle conclut à son rejet ainsi qu’au versement d’une équitable indemnité de procédure.

En lieu et place de l’immeuble litigieux, elle entendait construire un bâtiment qui formerait avec ceux projetés sur la parcelle voisine, un ensemble cohérent de 125 appartements au minimum, fonctionnels et confortables destinés à des familles et des personnes âgées. Cet intérêt devait être mis en balance avec celui de PSGe de voir conserver le bâtiment litigieux. Enfin, sous l’angle de l’exploitation rationnelle de ce bien, une solution de rénovation ne saurait s’avérer rentable, rendant la mesure de classement constitutive d’une atteinte disproportionnée à sa propriété, garantie constitutionnellement.

12. Le 10 février 2005, sur requête du juge rapporteur, le DCTI a versé un certain nombres de pièces à la procédure, dont une autorisation de démolir du 15 novembre 1985 assortie d’une condition n° 6 relative à l’obligation de maintien du bâtiment n° G 109.

13. Le 24 du même mois, M. Armand Brulhart, représentant de la CMNS, a adressé au tribunal de céans un rapport, duquel il ressort notamment que l’immeuble locatif des Franchises ne représentait pas seulement le meilleur exemple de l’architecture ouvrière des années 1930 en Suisse romande, mais se reliait à l’architecture internationale et plus spécifiquement au mouvement moderne préoccupé du logement minimum. Tant la qualité que les particularités architecturales de cet immeuble faisaient l’objet d’une abondante littérature en Suisse romande et en Suisse allemande. Dans sa séance plénière du 14 décembre 2004, la CMNS avait examiné et adopté à l’unanimité le document « Recensement des logements économiques du canton de Genève construit entre 1920 et 1960 ». Or le n° 28 Franchises se trouvait parmi les rares bâtiments ayant obtenu la valeur A (rouge), catégorie la plus haute, soit « remarquable, à conserver, doit faire l’objet de mesures de sauvegarde ».

14. Le 28 février 2005, PSGe et la FLPAI ont fait parvenir leurs observations après transport sur place du 3 février 2005.

a. PSGe a rappelé la place occupée par l’immeuble litigieux lors du recensement officiel. Les spécialistes s’accordaient à dire que le bâtiment pourrait être rénové dans des conditions économiques et financières raisonnables. Ainsi, selon l’estimatif de l’agence Mantilleri & Schwarz, société d’ingénieurs (pièce 5 chargé FLPAI) le coût d'une rénovation, en l’état, serait de CHF 2'240'000.-, abstraction faite des aides étatiques envisageables et du surcoût dû au comportement fautif de la FLPAI qui, en n’effectuant pas les moindres travaux d’importance ni d’entretien dans son immeuble, pendant à tout le moins 30 ans, s’était épargnée des dépenses d’environ CHF 1’500'000.-.

b. La FLPAI a pour sa part relevé que l’immeuble était dans un état de délabrement avancé. Or, on ne saurait par le biais d’une mesure de classement, contraindre le propriétaire à donner à son immeuble une affectation non conforme à ses statuts, tout en l’obligeant à engager des frais de réhabilitation du bâtiment qui ne seraient pas rentabilisés.

15. Dans un courrier du 11 mars 2005, le Conseil d’Etat a indiqué qu’il considérait que la démonstration de la faisabilité économique d’une rénovation de l’immeuble litigieux et des contre-projets n’avait pas été apportée.

16. PSG s’est encore déterminée sur ce courrier le 2 mai 2005. Les contre-projets proposaient une surface de plancher et un nombre d’appartements au moins équivalents à ceux du projet, tout en préservant le bâtiment. Quant à la faisabilité financière de la rénovation, elle était établie. Ainsi, en se basant sur l’hypothèse d’une rénovation moyenne de CHF 2'240'000.- et en s’en tenant au prix maximum admis par la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20), après travaux, de CHF 3'225.- par pièce l’an, l’on obtenait une rendement de 14,63%.

17. Le 28 septembre 2005, sur requête du juge rapporteur, le Conseil d’Etat s’est encore déterminé sur les coûts et modalités de cette dernière, le nombre, la surface et les loyers des appartements projetés et enfin les aides étatiques envisageables.

a. Aucune évaluation précise des coûts et modalités de la rénovation, établie sur la base d’un projet d’exécution, n’avait été établie. Trois estimations chiffrées permettaient toutefois de donner un ordre de grandeur desdits coûts :

- CHF 2'407'233.- (CHF 503.-/m3) selon l’expertise de l’Atelier de recensement du domaine bâti (RDB) du 6 mars 1990 (soit CHF 2’775'539.-/ CHF 579.-/m3, valeur actualisée avril 2005) ;

- CHF 2'750'000.- (CHF 504.-/m3) pour la variante 1 (transformation consistant en la réunion de deux logements existants pour créer un trois pièces) selon l’expertise du bureau J.-M. Lamunière, G. Van Bogaert et B. Marchand de novembre 1998 (soit CHF 3’393'500.-/CHF 621.-/m3, valeur actualisée avril 2005) . Le coût de la variante 4 (réaménagement des logements existants) était quant à lui de CHF 2'400'000.-, non actualisé ;

- CHF 931'000.- (non actualisés) selon l’expertise sur l’état de l’enveloppe des immeubles par Mantilleri & Schwarz du 21 février 2001.

Ces montants étaient à mettre en parallèle avec la prise de position de la FLPAI du 16 mai 2003, laquelle évaluait à près de CHF 3'000'000.- (actualisés à CHF 3’600'000.- selon valeur avril 2005) la rénovation. Pour le surplus, le département rappelait que la direction générale du logement estimait le coût afférent à l’édification d’un nouveau bâtiment au volume identique à CHF 2'900’000.- environ (soit CHF 520.-/m3).

b. Quant aux nombre, surfaces et loyers des appartements projetés, le Conseil d’Etat relevait que, quand bien même le contre-projet permettrait la mise à disposition d’un nombre de logements identique à celui projeté par la FLPAI, la comparaison ne saurait s’opérer dans des termes analogues. Ainsi, le potentiel de logements issu du projet de la FLPAI était de 125 logements de 4,5 pièces en moyenne (577 pièces au total), soit 17 logements de plus que le contre-projet qui en prévoyait 108, dont 42 de 1,5 et 66 de 4,5 pièces (381 pièces au total).

c. Enfin, trois types d’aides étatiques étaient envisageables dans le cadre de la rénovation du bâtiment litigieux, en application des articles 42A et suivants de la LPMNS (subvention à la restauration de bâtiments à vocation d’habitation), 22 et 42 LPMNS (subvention émargeant au Fonds MNS) et 16 et suivants LDTR (bonus conjoncturel à la rénovation).

18. Le 1er novembre 2005, le Tribunal administratif a admis le recours de PSGe du 27 septembre 2004 (ATA/730/2005). L'arrêté du 25 août 2004 était annulé et la cause renvoyée au Conseil d'Etat afin qu'il procède au classement du bâtiment G 109.

a. Le bâtiment litigieux devait être considéré comme un monument au sens de l'art. 4 LPMNS et un intérêt public à son classement admis. En opposant la préservation du patrimoine à la construction de logements répondant aux besoins prépondérants de la population et considéré que la seconde devait l’emporter, le Conseil d'Etat avait mésusé de son pouvoir d'appréciation. C’était en réalité une pesée des intérêts entre, d’une part, la préservation du patrimoine permettant la mise à disposition de logements pour, par exemple, des étudiants et/ou apprentis et, d’autre part, la mise sur le marché d’un nombre presque identique de logements mais pourvus d’un confort plus compatible avec le mode de vie actuel et répondant aux besoins prépondérants de la population avec toutefois pour corollaire la destruction d’un élément clef du patrimoine bâti genevois, qui aurait dû être effectuée.

b. Par ailleurs, il ressortait des pièces estimatives versées à la procédure que les coûts de rénovation du bâtiment litigieux n'étaient pas exorbitants par rapport à celui afférent à l’édification d’un nouvel immeuble, étant en outre rappelé que la société intimée était pour grande partie responsable du délabrement avancé de celui-ci.

S’agissant du nombre, de la surface et des loyers des appartements projetés, il ressortait du dossier qu’après rénovation du bâtiment et selon le contre-projet adopté, ce ne étaient pas moins de 108 logements, dont 40 dans le bâtiment litigieux, qui seraient mis à disposition d’une catégorie de la population touchée par la pénurie de logements, contre 125 dans le cadre du projet de l’intimée. Ainsi, compte tenu des loyers qui pourraient être encaissés après travaux, la rénovation du bâtiment apparaissait économiquement viable. Il appartiendrait pour le surplus à la FLPAI de solliciter les diverses aides étatiques envisageables. Enfin, sous l’angle du respect du principe de la proportionnalité, cette solution était la seule à permettre un rapport raisonnable entre les intérêts publics et privés compromis.

19. Le 14 décembre 2005, agissant par la voie du recours de droit public, la FLPAI a recouru auprès du Tribunal fédéral à l'encontre dudit arrêt. Elle concluait à son annulation et à ce que le Tribunal administratif soit invité à rendre un nouvel arrêt confirmant le rejet de la demande de classement du bâtiment sis sur la parcelle n° 4435.

Invoquant les articles 9, 26, 27 et 36 alinéa 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), elle se plaignait de ce que son bâtiment avait été qualifié arbitrairement de "monument" ainsi que de violations de la garantie de la propriété et de la liberté économique. La mesure litigieuse, disproportionnée, la contraignait à conserver et rénover un bâtiment dont le rendement ne lui permettrait pas de couvrir son investissement, la destination prévue (des logements pour étudiants et apprentis) étant au surplus contraire à ses buts statutaires.

20. Le 30 novembre 2006, le Tribunal fédéral a admis le recours, dans la mesure ou il était recevable et annulé l'arrêt du Tribunal administratif (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.842/2005).

L'assujettissement d'un immeuble à des mesures de conservation ou de protection du patrimoine bâti constituait une restriction du droit de propriété garanti par l'article 26 alinéa 1 Cst. et devait dès lors reposer sur une base légale, être justifié par un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité.

C'était sans arbitraire que le Tribunal administratif avait qualifié l'immeuble litigieux de monument au sens de l'article 4 LPMNS, compte tenu des divers avis d'organismes spécialisés de l'administration cantonale qui s'étaient également prononcés dans ce sens, soit le conservateur cantonal des monuments et la commission cantonale des monuments et des sites.

S'agissant toutefois de l'examen de la proportionnalité de la mesure envisagée, ni le Conseil d'Etat, ni, après lui, le Tribunal administratif n'avaient déterminé de manière claire toutes les conséquences d'un classement, notamment financières pour la recourante. Le tribunal de céans avait considéré que les coûts de rénovation ne seraient pas "exorbitants" par rapport à ceux d'une nouvelle construction, tout en admettant que cette opération serait "particulièrement lourde et coûteuse". S'agissant du rendement prévisible, il avait effectué une appréciation sommaire globale, tenant compte non seulement d''un projet de la recourante pour la mise en valeur de sa parcelle mais également d'un projet d'un autre promoteur, la Société coopérative d'habitation Genève, qui pourrait être réalisé simultanément ; cette appréciation globale tenait compte du nombre de logements qui pourraient être mis à disposition sur plusieurs parcelles. Or aucune évaluation, même approximative, n'avait été faite du rendement des appartements de l'immeuble litigieux, compte tenu de la catégorie de locataires visés, soit des étudiants et des apprentis ; sous l'angle de la proportionnalité, c'était bien le rendement de l'immeuble dont le classement était ordonné qui était déterminant (notamment en comparaison avec celui escompté par le propriétaire sans le classement), et non pas le rendement d'une opération immobilière plus vaste, où la perte sur l'exploitation d'un immeuble serait en quelque sorte compensée par des perspectives de profit dans la location d'autres bâtiments. Les conséquences du classement ne devaient en effet être appréciées que du point de vue du monument en cause. Par ailleurs, le Tribunal administratif enjoignait la recourante de "solliciter les diverses aides étatiques envisageables", sans toutefois estimer le montant de ces subventions. Aucun renseignement n'étaient enfin donné sur les modalités pratiques de collaboration entre le propriétaire et l'administration cantonale. Dans ces conditions, les indications figurant dans l'arrêt attaqué étaient nettement insuffisantes pour que l'on puisse qualifier la restriction de conforme au principe de la proportionnalité et le grief de violation de la garantie de la propriété était fondé.

21. Le 22 janvier 2007, faisant suite à l'arrêt du Tribunal fédéral précité, le juge rapporteur a informé les parties qu'il entendait ordonner une expertise aux fins d'éclaircir les points soulevés par celui-ci. Un délai au 31 janvier 2007 leur était imparti afin qu'ils fassent valoir d'éventuels motifs de récusation quant à l'architecte qui leur était proposé à cette fin, à savoir Monsieur Pierre Hiltpold. Ce pli n'est jamais parvenu au département qui a cependant été informé de sa teneur par un nouveau courrier du 21 février 2007.

PSGe et la FPAI ont répondu, dans le délai accordé, n'avoir aucune objection quant au choix de l'expert.

Le département a pour sa part indiqué, le 28 février 2007, souhaiter un autre expert, M. Hiltold ayant, dans le cadre d'une procédure en indemnisation dirigée contre l'Etat, établi une expertise que ce dernier contestait.

22. Par courrier du 19 mars 2007, un nouvel expert a été proposé aux parties, en la personne de Monsieur François Hiltbrand, architecte et expert immobilier.

23. Le 4 mai 2007, les parties - à l'exception du Conseil d'Etat lequel n'était ni représenté ni excusé - ainsi que M. Hiltbrand ont été entendus dans le cadre d'une audience de comparution personnelle et d'enquête, aux fins notamment de discuter du projet de mission d'expertise. Un délai au 15 mai 2007 était imparti aux parties pour d'éventuelles observations ou questions complémentaires et déposer un certain nombre de pièces.

24. Dans le délai utile, PSGe et la FLPAI ont fait part de leurs observations. Cette dernière a par ailleurs versé à la procédure les pièces requises à savoir : un état locatif théorique au 31 décembre 2006 ainsi que le plan financier du projet initial.

25. Le 23 mai 2008, sur requête du juge délégué, le Conseil d'Etat a indiqué n'avoir jamais reçu le procès-verbal de comparution personnelle des parties susmentionné.

26. Par décision sur expertise du 12 juin 2007, le Tribunal administratif a formellement nommé M. Hiltbrand en qualité d'expert et la mission suivante lui a été confiée :

A. prendre connaissance du dossier, soit des causes A/2007/2004 et A/4858/2006, ainsi que de l'arrêt du Tribunal fédéral précité, y compris des pièces produites ;

B. établir un rapport écrit énonçant toutes les conséquences du classement du bâtiment d'habitation n° G 109, édifié sur la parcelle no 4435 du Registre foncier de la commune de Genève, section Petit-Saconnex, sis à l'adresse 28, route des Franchises, des points de vue de l'utilisation future dudit bâtiment et des possibilités de rendement par son propriétaire, répondant aux questions suivantes, après un transport sur place si nécessaire  :

1. déterminer le coût de la rénovation de l'immeuble, compte tenu de l'état existant de celui-ci, en respectant la typologie actuelle, sous réserve de la création d'une cabine de douche par logement ;

2. chiffrer le coût de chacune des rénovations possibles (minimaliste, moyenne et respectant les normes de sécurité et de qualité usuelles ou en cas de dérogation à celles-ci, vu la nature patrimoniale du bâtiment) après consultation si nécessaire de la CMNS pour les éventuelles exigences liées au classement ;

3. préciser la durée prévisible des travaux de rénovation et indiquer si ceux-ci pourront, ou ne pourront pas, être réalisés sans vider l’immeuble de ses locataires (en chiffrant les éventuels surcoûts liés à des travaux réalisés en présence des locataires) ;

4. calculer les coûts prévisibles d’entretien périodique du bâtiment ainsi rénové, en fonction des diverses hypothèses énoncées sous point 2 ci-dessus ;

5. calculer le rendement après travaux, tenant compte des locataires-cibles (étudiants, apprentis), de la nature des logements, du niveau de confort proposé et des coûts calculés ci-dessus (dont les intérêts intercalaires liés à la durée du chantier) ;

6. déterminer, suivant les réponses aux questions posées ci-dessus, le montant des subventions qui pourraient être obtenues concrètement ;

7. déterminer le rendement que la fondation propriétaire pourrait escompter en cas de démolition - reconstruction, selon le projet envisagé par elle et le plan financier qu'elle a produit ;

8. faire toutes autres remarques utiles ;

Le sort des frais était réservé jusqu'à droit jugé au fond.

27. M. Hiltbrand a rendu son rapport d'expertise le 21 février 2008.

Afin de déterminer le coût de la rénovation de l'immeuble, il avait décidé d'effectuer les calculs pour les deux extrêmes à savoir une intervention minimaliste (ci-après : variante 1) et une intervention "respectant la typologie actuelle, sous réserve de la création d'une cabine douche" (ci-après : variante 2). Une 3ème variante (rénovation en foyer pour étudiants avec dérogations LDTR) avait également été examinée. La méthodologie utilisée pour le calcul du rendement, à savoir celle des flux financiers dynamiques (DCF) avait été présentée aux parties qui l'avaient acceptée. En application de cette dernière, pour un rendement net de 5,10% (7% brut), la valeur actuelle de l'immeuble était comprise entre :

Variante 1 : CHF 1'730'000.- et CHF 1'950'000.-

Variante 2 : CHF 880'000.- et CHF 900'000.-

Variante 3 : CHF 2'370'000.-

Enfin, s'agissant des conséquences du classement sur le bâtiment litigieux, il fallait également retenir les éléments suivants :

- vu le contrôle LDTR sur les loyers futurs, imposant un montant des loyers d'un foyer pour étudiants inférieurs au marché, la valeur de l'objet était diminuée de CHF 1'050'000 par rapport au maintien de la construction dans son usage actuel ;

- la parcelle était augmentée des droits à bâtir de bâtiments qu'il était prévu de démolir. La valeur du terrain était augmentée de l'incidence foncière imposée en 3ème zone de développement de CHF 650.- pour l'IUS de 1,2, soit CHF 541,66 par m2 de surface brute de plancher ce qui équivalait à CHF 719'875 pour les 1'329 m2 de l'immeuble ;

- la valeur de la propriété était diminuée de CHF 330'125.- sur un immeuble dont la valeur actuelle était de CHF 1'8950'000.- (-16,93%) ;

- les subventions et autres aides à la pierre à disposition, pour autant qu'elles soient accordées, pourraient atteindre un montant de 1% du coût des travaux. Ces derniers étaient estimés à CHF 4'040'000.-. La diminution de la valeur de la propriété était finalement de CHF 290'125.-.

28. PSGe s'est déterminée en date du 15 avril 2008 sur l'expertise précitée.

S'agissant de la variante 2 (réhabilitation lourde), les coûts de rénovations avaient été surévalués. Quoiqu'il en soit, un rendement brut de 7 % était atteint dans les deux variantes et aucune subvention n'était dès lors nécessaire. Par ailleurs, en plus d'être rentable, l'immeuble atteignait un prix d'achat de CHF 1'950'000.-. Son classement était par conséquent viable économiquement et dégageait des profits, tout en répondant à un besoin prépondérant de la population. Enfin, il ne restait aucune soulte de droit à bâtir au vu du plan localisé de quartier. A titre préalable, elle sollicitait l'audition de l'expert ainsi qu'un complément d'expertise afin que soient clarifiés un certain nombre de points ayant notamment trait à la variation de rendements possibles selon les différentes possibilités de rénovation.

29. a. Le 8 mai 2008, le Conseil d'Etat a fait part de ses observations sur le rapport d'expertise de M. Hiltbrand. Au vu des conclusions de l'expert, force était d'admettre qu'un rendement acceptable ne pourrait être garanti à la propriétaire, en cas de classement, indépendamment des subventions qui pourraient être allouées.

b. Il s'est encore déterminé sur les écritures de PSGe, le 29 mai 2008. Quand bien même le montant d'une rénovation lourde serait revu à la baisse, les coûts d'une réhabilitation du bâtiment apparaissaient relativement importants, notamment au regard de "son confort" qui restera toujours modeste. Enfin, le postulat selon lequel le bâtiment était susceptible de procurer, dans tous les cas un rendement de 7% ne reposait sur aucune donnée objective.

30. La FLPAI a fait part de ses observations après expertise le 30 mai 2008.

L'expert s'était écarté de la mission confiée par le Tribunal administratif dans la mesure ou il n'avait comparé que deux variantes au lieu de trois. S'agissant de la variante 1, elle devait être rejetée car elle ne correspondait pas à une affectation pour étudiant mais encore parce qu'elle ne tenait pas compte de la nécessité de refaire totalement le chauffage, la toiture et le système électrique, tous hors d'usage. Quelles que soient les variantes, les prix unitaires, les durées d'intervention et le nombre d'objets modifiés avaient été clairement sous-estimés. En revanche, les loyers provisionnels retenus par l'expert étaient surévalués. De même, pour évaluer le rendement, il fallait partir du principe que la FLPAI avait déjà investi dans l'immeuble litigieux une partie de son patrimoine (acquisition du terrain et construction) et qu'elle avait donc droit à un rendement indépendamment de tout investissement supplémentaire de rénovation.

En conclusion, en passant de la variante 1 à la variante 2, la valeur initiale théorique d'investissement, calculée dans les deux cas pour un rendement moyen de 5,1%, chutait de CHF 1'050'000.-, soit de plus de la moitié. Par ailleurs, dans les deux cas, la valeur initiale théorique devait en réalité être abaissée de 60% à 80% pour maintenir un tel rendement. En résumé, le maintien de l'immeuble litigieux serait un gouffre financier provoquant une atteinte substantielle au patrimoine de la propriétaire.

Elle sollicitait, à titre subsidiaire, l'audition de l'expert afin que soient clarifiés un certain nombre de points, soit, plus subsidiairement encore, qu'un complément d'expertise, respectivement une contre-expertise soit ordonné.

31. Par courrier du 3 juin 2008, le conseiller d'Etat en charge du DCTI a informé le Tribunal administratif qu'une procédure de médiation était actuellement en cours dans le but de trouver une éventuel accord entre les parties.

Faisant suite à ce courrier, la FLPAI a indiqué, le 12 juin 2008, n'avoir à ce jour pas été approchée par le DCTI à ce sujet. Le dossier devait par conséquent suivre son cours sur le plan judiciaire.

32. Le 29 octobre 2008, une audience a été agendée afin d'entendre les parties ainsi que l'expert sur son expertise du 21 février 2008.

a. A cette occasion, M. Hiltbrand a déclaré avoir considéré par simplification que les 39 logements comportaient chacun deux pièces, tout en reconnaissant qu'en réalité, au regard de la LDTR, la cuisine ne comptait pas même pour une 1/2 pièce. S'agissant des montants retenus pour les loyers, c'était à tort qu'il avait appliqué le montant de CHF 3'611,60 la pièce par an alors que celui-ci était, en 2006, compris entre CHF 2'506.- et CHF 3'363.-. Le tableau figurant en page 10 de son expertise devrait être modifié en conséquence.

Il avait choisi d'adopter la méthode DCF car c'était la plus transparente et la mieux à même de déterminer la valeur vénale à un moment donné pour chacun des trois scénarios envisagés : réhabilitation très légère, rénovation plus conséquente pour des étudiants et démolition/ reconstruction. Il était exacte que la variante 1 comme la variante 2 comportait l'installation d'une douche dans chacun des 39 logements. La variation des prix s'expliquait par la différence de qualité des finitions.

Le rendement des fonds propres retenus était de 7% ce qui constituait le rendement maximum admis par l'Etat en zone de développement et correspondait au rendement souhaitable.

Le 10 septembre, il avait effectué une visite des lieux et constaté que les appartements étaient vétustes mais non pas insalubres. Il y a avait des remontées d'eaux dans deux studios. Il n'était pas monté sur le toit mais avait pu constater, depuis un immeuble voisin, que la toiture n'était pas percée. La variante 1 avait été élaborée à un moment où l'immeuble était occupé et, à priori, habitable, des rocades étant effectuées au fur et à mesure des départs des locataires. Il n'avait pas visité tous les appartements mais le système électrique visible depuis l'extérieur n'était pas conforme et des travaux apparaissaient nécessaires.

Dans les tableaux corrigés qu'il produirait, il était probable que le prix d'achat maximal conseillé pour chacune des variantes soit négatif.

b. Selon M. Barthassat, pour PSGe, les plans établis par « Metzger» indiquait une surface de plancher, d'un logement, de 26,55m2. Il s'agissait de la surface totale nette soit de mur à mur (4,50 x 5,90 pour la cuisine, la chambre, le débarras, les WC ainsi que le réduit). S'agissant de la subvention de CHF 40'000.- avancée par l'expert sous chiffre 4 de ses conclusions était sous-estimée et pourrait en réalité être de l'ordre de CHF 80'000.- à CHF 100'000.- dans le cadre des variantes 1 ou 2. En l'espèce, devaient être considérés comme faisant partie de la substance patrimoniale, la structure du bâtiment, l'enveloppe - soit les façades et la toiture - ainsi que les éléments d'aménagement intérieurs pour autant qu'ils soient d'origine.

c. Un délai au 24 novembre 2008 était fixé à l'expert pour produire ses tableaux corrigés.

33. Par courrier du 4 novembre 2008, l'expert s'est adressé à la direction de la police des constructions du DCTI, au nom des deux associés de son bureau, afin de savoir combien de pièces devaient être retenues par logements et quel était le plafond du loyer LDTR en décembre 2007 et à ce jour.

34. Le 4 novembre 2008, le juge délégué s'est étonné de cette manière de procéder, qui plus est au nom de l'un des deux associés de son bureau alors que lui seul avait été mandaté par le tribunal de céans. Il était pas admissible d'écrire un tel courrier à un service du DCTI sachant que ce département était rapporteur, dans la procédure en cause, pour le Conseil d'Etat.

Le même jour, le juge délégué a adressé un courrier au directeur de la police des constructions afin qu'il ne soit pas donné suite aux demandes de l'expert.

35. Le 20 novembre 2008, l'expert a fait parvenir au Tribunal administratif son complément d'expertise. Selon ce nouveau rapport, le montant à retenir pour les loyers admissibles se situait entre CHF 2'503.- et CHF 3'363.-, selon l'arrêté du Conseil d'Etat du 21 juin 2006 relatif à la révision des loyers répondant aux besoins prépondérants de la population. La durée de contrôle du loyer serait de trois ans, les travaux envisagés ne pouvant être considérés comme "lourds". Quant à la typologie des logements, il fallait considérer ceux-ci comme les deux pièces au regard de la LDTR, en conformité avec l'esprit de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35), et si la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05), s'appliquait. Dans le cas inverse, il fallait assimiler les logement à des 1,5 pièces. Compte tenu de ces nouvelles données, les conséquences financières du classement de l'immeuble impliqueraient une perte oscillant entre CHF 691'168.- et CHF 1'891'168.- en considérant les appartements comme des deux pièces, respectivement entre CHF 1'641'168.- et CHF 3'071'168.-, si les logements étaient des studios de 1,5 pièces.

36. A la requête du juge délégué, l'expert a encore complété son rapport le 24 novembre 2008 en examinant l'hypothèse selon laquelle les logements concernés ne comporteraient qu'une seule pièce. Dans un tel cas, quel que soit le scénario adopté, l'opération ne serait pas rentable, la perte de substance oscillant entre CHF 2'561'168.- et CHF 4'061'168.-. Les autres chiffres du complément d'expertise seront repris, en tant que nécessaire, dans la partie en droit.

37. Le Conseil d'Etat a fait part de ses observations au rapport d'expertise le 27 novembre 2008.

A la lumière des conclusions formulées par l'expert, force était de constater que le classement du bâtiment litigieux entraînerait pour son propriétaire des effets insupportables au sens de la jurisprudence et ce même si le montant d'une éventuelle subvention LPMNS aurait été sous-évalué.

38. La FLPAI et PSGe se sont déterminées le 15 décembre 2008.

a. Pour la première, l'absence totale de rentabilité du projet en cas de maintien du bâtiment avait été démontrée à satisfaction de droit et rendait impossible tout classement de cet immeuble.

Quand bien même l'expert n'avait pas vraiment répondu à la question liée au rendement, telle que posée par le tribunal de céans, la méthode DCF permettait d'y répondre. Ainsi, au lieu de calculer une valeur initiale pour un rendement imposé, il suffisait de rechercher le rendement moyen d'une opération par rapport à une valeur initiale connue et imposée, qui pouvait être fixée ici, soit par capitalisation du dernier état locatif (128'220/5,1% = CHF 2'514'118.- ; exemple 1), soit par addition du prix du terrain et de la valeur résiduelle du bâtiment avant travaux (734'410 + 956'000 = CHF 1'690'460 ; exemple 2). En introduisant ces chiffres dans les annexes 5 et 6 du complément d'expertise l'on arrivait aux résultats suivants, dans l'optique d'une réhabilitation légère, qui confirmaient le caractère déficitaire de l'opération :

Cash flow

Années 0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

Exemple 1

-2514118

-2350335

102382

104383

105653

106839

108140

109357

110689

111937

2389203

Exemple 2

-1690410

-2350335

102382

104383

105653

106839

108140

109357

110689

111937

2389203

 

Exemple 1

Taux de rendement interne (TRI) ou moyen = - 5%

Exemple 2

Taux de rendement interne (TRI) ou moyen = - 3%

b. PSGe a souligné que les calculs des rendements dépendaient essentiellement des conclusions concernant le nombre de pièces. Or, en l'espèce, les appartements correspondaient à des 2 pièces au sens de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) et de son règlement. Dès lors qu'à teneur des tableaux des flux financiers dynamiques, l'immeuble conserverait, en cas de réhabilitation légère, non seulement une valeur importante mais également un rendement de 7%, il n'était pas acceptable, ni juridiquement, ni économiquement, que la FLPAI détruise un bâtiment d'une telle valeur historique. Il sollicitait, à titre préalable, un complément d'expertise pour déterminer le rendement de l'immeuble.

39. Sur quoi les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

40. Il ressort d'un article paru dans la Tribune de Genève du 27 janvier 2009 que la médiation entre le président du DCTI et la FLPAI avait échoué.

EN DROIT

1. La recevabilité du recours n'est pas litigieuse (ATF 126 I 219 ; ATA/730/2005 du 1er novembre 2005).

2 L'autorité administre librement les preuves des faits pertinents. En vertu du principe de la libre appréciation des preuves, le juge n'est pas lié par les conclusions d'un rapport d'expertise. L'instance de jugement doit soigneusement fonder son opinion sur la base des divers moyens de preuves dont elle dispose pour asseoir sa conviction, qui ne doit pas forcément découler d'une certitude absolue (F. GYGI : Bundesverwaltungsrechtspflege, Berne 1979, pp. 203- 205 ; A. KOLZ, Kommentar zum Verwaltungsrechtspflegegesetz des Kantons Zürich, Zurich 1978, pp. 78, 130-131). Toutefois, lorsque les expertises portent sur des domaines de nature technique, l'autorité a tendance à les suivre. Elle doit tout de même vérifier que l'expertise a été menée de manière objective, en se maintenant dans le cadre technique que la loi lui assigne, sans cacher les éléments d'incertitude qui peuvent subsister. En d'autres termes, l'autorité doit s'imposer une certaine retenue, sans que son pouvoir d'examen soit restreint à l'arbitraire (P. MOOR, Droit administratif : les actes administratifs et leur contrôle, vol. II, 2ème édition Berne, 2002, p. 247, n. 2.2.5.4.).

Sur renvoi du Tribunal fédéral, le juge délégué à ordonné une expertise aux fins notamment de déterminer le rendement, après travaux, de l'immeuble litigieux.

En référence aux points sur lesquels sa mission devait porter, l'expert a procédé à l'analyse de plusieurs variantes de rénovation possible, en prenant notamment en considération l'état du bâtiment litigieux et sa typologie actuelle. Il a déterminé les coûts et les flux financiers induits par chaque variante, tant dans l'optique du maintien de l'affectation actuelle du bâtiment que de son éventuelle utilisation par d'autres locataires-cibles (en particulier des étudiants ou des apprentis). La méthodologie utilisée, à savoir celle des flux financiers dynamiques (DCF) a été exposée aux parties qui l'ont acceptée. Enfin, les taux utilisés (rendement, amortissement, hypothécaire etc.) sont ceux usuellement pratiqués dans le domaine immobilier. Le tribunal de céans dispose ainsi de suffisamment d'éléments pour statuer sans qu'il soit fait droit à la requête de PSGe, d'ordonner de nouvelles mesures d'instruction. Toutefois, s'agissant de la typologie des logements considérés, l'expert n'a pas été à même de définir si l'on se trouvait en présence d'un logement d'1, d'1,5 ou de 2 pièces. Il s'agira dès lors à titre préliminaire de trancher ce point, des conséquences financières essentielles en découlant.

3 a. Selon l’article 52 alinéa 1er LCI, toute pièce pouvant servir à l’habitation doit avoir en principe 9 m2 mais au minimum 6 m2 de surface. Pour calculer le nombre de pièces au sens de la LDTR, le DCTI se réfère toutefois à l’article 1er alinéa 5 du règlement d’exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RLGL – I 4 05.0), selon lequel toute chambre d’une surface inférieure à 9 m2 compte pour une demi-pièce. Cette disposition s’applique au calcul du nombre de pièces des logements soumis à la LGL, sauf des logements d’utilité publique. Le tribunal de céans a admis que les buts poursuivis par la LDTR et la LGL relevant d’un même souci de préserver l’habitat et de lutter contre la pénurie de logements à Genève, on pouvait parfaitement appliquer, par analogie, au calcul du nombre de pièces selon la LDTR, l’article 1er alinéa 5 RLGL (ATA/322/2008 du 17 juin 2008).

b. A teneur de l'article 1 alinéa 5 RGL, pour le calcul du nombre de pièces des logements, il est tenu compte de la surface nette, telle que définie à l'article 4 du présent règlement. Les dispositions suivantes sont par ailleurs applicables :

- toute chambre d'une surface inférieure à 9 m2 compte pour demi-pièce (let. a) ;

- les studios sont assimilés aux appartements de 2 pièces si leur surface est d'au moins 25 m2 (let. b) ;

- l'espace communautaire compte pour 2 pièces lorsque sa surface est supérieure ou égale à celle visée à l'alinéa 6 ; il compte pour 1,5 pièce lorsque sa surface est inférieure (let. c) ;

- les surfaces annexes telles que jardins, balcons, loggias, terrasses, galeries ou mezzanines ne sont pas assimilées à des pièces (let. d).

c. Quant à l'article 4 alinéa 1 RGL, il précise que par surface nette du logement on entend l'addition des surfaces des pièces habitables du logement et de la cuisine ou du laboratoire, à l'exclusion des gaines techniques, dégagements, couloirs, réduits et locaux sanitaires, galeries ou mezzanines, loggias, balcons, terrasses, jardins. La surface nette se calcule entre les murs intérieurs (…).

En l'espèce, il ressort de l'expertise comme des plans versés à la procédure que les appartements se composent, outre un réduit, un WC et un débarras, d'une cuisine-laboratoire et d'une chambre d'une surface de respectivement 5,92m2 et 14,5m2, soit un total de 20,42m2. Dès lors qu'à teneur du RGL, seuls ces deux derniers locaux doivent être pris en compte pour le calcul du nombre de pièces du logement, force est d'admettre que l'on se trouve en présence d'un logement d'une seule pièce (art. 1 al. 5 et 4 al. 1 RGL).

4. a. Il résulte de l'arrêt du Tribunal fédéral du 30 novembre 2006 que l'intérêt public au classement est définitivement acquis, l'immeuble pouvant, sans arbitraire, être qualifié de monument au sens de l'article 4 LPMNS. La Haute Cour a toutefois précisé qu'une telle mesure devait respecter le principe de proportionnalité et être compatible avec l'article 26 Cst. en garantissant aux propriétaires un rendement acceptable. Celui-ci peut soit résulter de la continuation de l'activité économique antérieure, soit d'une reconversion totale ou partielle, pourvu que les frais de celle-ci puissent être raisonnablement mis à la charge du propriétaire. A défaut, l'Etat devait ou renoncer à la mesure de classement envisagée, ou en réduire la portée, ou encore la maintenir, mais à la condition, dans ce dernier cas, de prêter son concours, y compris financier, au changement d'affectation nécessaire, voire à l'exploitation future du bâtiment (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.842/2005).

b. Sous l'angle du principe de proportionnalité au sens étroit, une mesure de protection des monuments est incompatible avec la Constitution si, dans la pesée des intérêts en présence, elle produit des effets insupportables pour le propriétaire. Pour trancher cette question, il convient d'apprécier non seulement les conséquences financières de la mesure critiquée, mais aussi de son caractère nécessaire : plus un bâtiment est digne d'être conservé, moins les exigences de la rentabilité doivent être prises en compte (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.842/2005 ; ATF 126 I 219 consid. 2b ; 118 Ia 384 consid. 5e p. 393).

Compte tenu de l'arrêt du Tribunal fédéral et à l'instruction complémentaire qui en est découlé, il s'agit en l'espèce de déterminer si la mesure de classement envisagée garantit un tel rendement acceptable à la propriétaire de l'immeuble litigieux.

5. a. Dans le cadre de l'examen du caractère proportionné d'une mesure de protection du patrimoine immobilier, c'est le rendement de l'immeuble dont le classement est ordonné qui est déterminant (notamment en comparaison avec celui escompté par le propriétaire sans le classement), et non pas le rendement d'une opération immobilière plus vaste, où la perte sur l'exploitation d'un immeuble serait en quelque sorte compensée par des perspectives de profit dans la location d'autres bâtiments. Les conséquences du classement ne doivent en effet être appréciées que du point de vue du monument en cause (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.842/2005 précité, consid. 2.4).

b. Le Tribunal fédéral indique par ailleurs, que dans le cadre de cet examen, le tribunal de céans ne saurait enjoindre la propriétaire du bien litigieux à solliciter les diverses aides étatiques envisageables sans en avoir précédemment estimé le montant (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.842/2005 précité, consid. 2.4).

c. Enfin, s'agissant d'une restriction très grave au droit de propriété, il s'agira d'établir les faits de telle manière qu'apparaissent clairement toutes les conséquences du classement, tant pour ce qui concerne le bâtiment lui-même et son utilisation future, que le rendement que le propriétaire pourra désormais en escompter. A cette fin, l'autorité et le propriétaire doivent se concerter pour examiner tous les effets du classement, étudier d'éventuelles variantes et solutions alternatives, fixer les modalités, les charges et les conditions de l'utilisation future (ATF 126 I 219 consid. 2h p. 226).

Au vu des explications fournies au chiffre 4 de la partie en droit, seules les données telles qu'elles résultent du point 5 (addendum) et des annexes 5 et 6 du complément au rapport d'expertises seront prises en compte pour l'examen ci-après.

6. Ainsi, il ressort du complément d'expertise qu'en cas de classement de l'immeuble litigieux, la transformation des locaux, même dans sa variante la plus légère, ne permettrait pas à la propriétaire d'obtenir un rendement acceptable au sens de la jurisprudence précitée. En effet, dans le cas d'une réhabilitation simple, il convient de retenir un investissement de CHF 2'385'000.- pour un état locatif de CHF 142'245.-. Or, sur la base de ces données, les tableaux de flux financiers actualisés sur 10 ans aboutissent à une valeur théorique négative de CHF 120'000.-. Cette perte est encore plus importante dans le cadre d'une rénovation (variante 2). Pour obtenir un chiffre positif, il faudrait en réalité diminuer le pourcentage du rendement acceptable moyen admis dans le domaine, de l'immobilier, équivalent à 5,1%, ce qu'à expressément exclu le Tribunal fédéral dans ses jurisprudences précitées.

Sous l'angle de la garantie constitutionnelle de la propriété, force est ainsi d'admettre que le classement de l'immeuble litigieux ne permettrait pas de garantir à la FLPAI le rendement minimum auquel elle a droit.

A titre subsidiaire, la FLPAI a par ailleurs démontré, dans ses dernières conclusions, que si au lieu de calculer une valeur initiale pour un rendement imposé, l'on recherchait le rendement moyen de l'opération par rapport à une valeur initiale connue, qu'elle arrêtait ici entre CHF 2'514'118.- et CHF 1'690'460.-, l'on arrivait à un taux de rendement interne moyen oscillant entre -3 et -5%, qui confirmait le caractère déficitaire de l'opération. Les chiffres et pourcentages pris en compte par la FLPAI pour parvenir à ce résultat apparaissent conforme à la pratique.

7. Enfin, à teneur de l'article 9 alinéa 5 LDTR, le maximum des loyers peut être dépassée lorsque notamment la protection du patrimoine génère des coûts supplémentaires. Tel n'est cependant pas le cas en l'espèce, les coûts de la rénovation, notamment dans la variante 1, étant en réalité particulièrement bas. Quant à la subvention telle que prévue aux articles 42A et suivants LPMNS, les montants avancés par les parties oscillent entre CHF 35'00.- et CHF 100'000.-, ce qui ne permet pas, même dans l'hypothèse de rénovation la plus favorable, de rendre économiquement viable l'opération litigieuse. Bien que le bâtiment litigieux soit un monument de l'architecture, au sens de l'article 4 lettre a LPMNS, le Conseil d'Etat, défavorable à la mesure de classement envisagée, n'est pas disposé à prêter son concours, notamment financier, à l'exploitation future du bâtiment ; dès lors, aucune solution permettant son maintien n'est réalisable (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.842/2005 du 30 novembre 2006).

8. Le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 1'500.- ainsi que les frais d'expertise à hauteur de CHF 13'772,80.- seront mis à la charge de PSGe. Une indemnité de procédure de CHF 3'000.- sera allouée à la FLPAI, à charge de la recourante (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27septembre 2004 par Patrimoine suisse Genève contre la décision du Conseil d'Etat du 25 août 2004 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Patrimoine suisse Genève, un émolument de CHF 1'500.- ainsi que les frais d'expertise à hauteur de CHF 13'772,80.- ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 3'000.- à la Fondation des logements pour personnes âgées et isolées, à la charge de Patrimoine suisse Genève ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian Pirker, avocat de la recourante, à Me Lucien Lazzaroto, avocat de la Fondation des logements pour personnes âgées et isolées ainsi qu'au Conseil d'Etat.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Thélin, Mmes Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :