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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2489/2011

ATA/734/2013 du 05.11.2013 ( NAT ) , REJETE

Descripteurs : ; NATURALISATION ; ACQUISITION DE LA NATIONALITÉ ; LANGUE NATIONALE ; INTÉGRATION SOCIALE ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; MOTIVATION DE LA DÉCISION
Normes : Cst.29.al2; LN.14; LNat.12; LNat.15; LNat.16; RNat.13; LEtr.4; OIE.4
Résumé : Bien que la recourante, de nationalité kenyane, arrivée en Suisse en 1997, soit capable de s'exprimer en langue française, elle ne remplit pas les autres conditions d'intégration pour pouvoir obtenir la naturalisation suisse et genevoise : l'intéressée n'a pas démontré s'être intégrée dans la communauté genevoise auprès de jeunes francophones de son âge ni avoir lié des liens d'amitié avec des personnes de nationalité suisse, son réseau de relations privées et professionnelles étant composé de personnes anglophones ; ses connaissances en matière d'institutions, de politique, d'histoire et de géographie suisse et genevoise sont lacunaires et insuffisantes en l'état ; elle fait l'objet de deux poursuites en force dans le canton de Genève.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2489/2011-NAT ATA/734/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 novembre 2013

 

dans la cause

 

Madame K______
représentée par Me Yves Rausis, avocat

contre

CONSEIL D’ÉTAT



EN FAIT

1) Madame K______, célibataire, née le ______ 1983 à Nairobi, est de nationalité kenyane. Elle a effectué toute sa scolarité obligatoire au Kenya et est arrivée en Suisse le 16 décembre 1997 : elle a d’abord vécu dans le canton de Vaud, puis, dès le 17 janvier 2004, dans le canton de Genève.

2) Le 18 juin 2008, Mme K______ a, par le biais de son avocat, déposé auprès du service cantonal des naturalisations (ci-après : SCN) une demande de naturalisation suisse et genevoise pour la commune de Vernier, où elle résidait officiellement depuis le 17 janvier 2004.

Elle était âgée d’un peu moins de 25 ans, avait vécu en Suisse les années les plus importantes de son existence et souhaitait y passer sa vie. Ses liens familiaux étaient à Genève, où elle avait créé également d’intenses relations amicales et personnelles. Elle s’y sentait chez elle et souhaitait prendre part activement à la vie genevoise. Elle était encore en formation et voulait travailler dans le secteur du développement et de la protection de l’environnement, au sein d’organisations internationales. Ses langues maternelles étaient l’anglais et le kiswahili. Elle ne faisait l’objet d’aucune poursuite ni acte de défaut de biens dans le canton de Genève. Dans sa demande de naturalisation, sous la rubrique « personnes de références (preuve d’intégration par le réseau d’amis suisses) », elle avait indiqué le nom de deux personnes. Elle avait également indiqué ses numéros de téléphone fixe et portable, ainsi que le nom et le numéro de son mandataire.

3) Le 19 juin 2008, le SCN a retourné la demande précitée et ses annexes à Mme K______, car il ressortait du dossier que cette dernière effectuait ses études à l’étranger.

4) Le 3 juillet 2008, Mme K______ a répondu au SCN qu’elle avait terminé ses études en Grande-Bretagne en juin 2007. Elle résidait à Genève, où elle rédigeait son travail de diplôme. Ses centres d’intérêts étaient à Genève. Elle suivrait un cours intensif de français durant l’été à l’Université de Genève.

5) Le 7 janvier 2009, Mme K______ a quitté Genève pour s’installer à Gland, où elle a effectué un stage auprès de la Convention sur les zones humides (RAMSAR). Le 12 février 2010, elle est revenue résider à Genève, dans la commune de Vernier.

6) Selon le rapport d’enquête établi par le SCN le 26 novembre 2009, Mme K______ a étudié au Kenya de 1990 à 1997, puis en Suisse de 1998 à 2000, et enfin en Grande-Bretagne de 2000 à 2007. Ses parents étaient fonctionnaires internationaux à Genève. Mme K______ avait montré peu d’empressement à contacter le SCN, malgré plusieurs rappels et reports de rendez-vous. Vu les études de l’intéressée au Kenya et en Grande-Bretagne et les déplacements professionnels à l’étranger, son intégration dans la communauté suisse et genevoise ne semblait pas réalisée en l’état. Les personnes que Mme K______ avait indiquées comme référence étaient des amis de ses parents. L’intéressée s’exprimait en français avec quelques difficultés de compréhension. Elle n’était membre d’aucune association ou société de la région. Les nombreuses années passées à l’étranger avaient certainement empêché Mme K______ de se créer un cercle d’amis à Genève. Elle disait s’intéresser à la vie politique du pays, mais avait très peu de connaissances générales de la Suisse.

7) Le 12 mai 2010, la commune de Vernier a écrit à Mme K______ pour lui souhaiter la bienvenue à la suite de son retour dans la commune.

8) Le 21 mai 2010, faisant suite à la demande de Mme K______, le SCN a transmis à cette dernière une copie du rapport d’enquête du 26 novembre 2009.

9) Le 23 juin 2010, l’office fédéral des migrations (ci-après : ODM) a autorisé Mme K______ à se faire naturaliser dans le canton de Genève.

10) En juillet 2010, la commune de Vernier a convié Mme K______ à la fête nationale du 1er Août, afin qu’elle puisse faire plus ample connaissance avec la commune.

11) Par courriers des 2 et 8 juillet 2010, Mme K______ a prié le SCN de poursuivre la procédure de naturalisation.

12) Le 12 juillet 2010, le SCN a indiqué à Mme K______ qu’il avait transmis le dossier de naturalisation à la commune de Vernier pour préavis.

13) Par courrier recommandé du 27 septembre 2010, envoyé à l’adresse vaudoise de Mme K______, le conseiller municipal de la commune de Vernier en charge du dossier de naturalisation de l’intéressée a demandé à cette dernière de le contacter d’ici le 10 octobre 2010 pour fixer un entretien. Selon le relevé « track & trace » de la Poste, le courrier précité a été expédié le 28 septembre 2010 et distribué « via case postale » le 30 du même mois.

14) Le 12 octobre 2010, Mme K______ a répondu à certaines des 27 questions écrites figurant dans le « protocole des connaissances générales sur l’Histoire, la vie sociale, les institutions suisses » lui ayant été soumis par le SCN.

15) Par rapport du 15 octobre 2010, le conseiller municipal en charge du dossier de Mme K______ a informé le conseil municipal de la commune de Vernier que la candidate n’avait pas donné suite à ses appels et à son courrier du 27 septembre 2010. Cette attitude montrait le désintérêt de Mme K______ pour la procédure de naturalisation. Le rapport du SCN permettait de considérer que Mme K______ ne remplissait pas les conditions pour acquérir la nationalité, la candidate ne s’étant pas adaptée au mode de vie genevois.

16) Le 16 novembre 2010, le conseil municipal de la commune de Vernier a formulé, à l’unanimité de ses membres, un préavis défavorable à la naturalisation de Mme K______.

17) Le 22 novembre 2010, le conseil administratif de la commune de Vernier a également délivré un préavis défavorable à la naturalisation de Mme K______.

18) Le 25 novembre 2010, la commune de Vernier a informé Mme K______ que le conseil administratif et le conseil municipal avaient formulé un préavis négatif à sa demande de naturalisation. Le rapport d’enquête relevait qu’elle montrait peu d’intérêt à l’obtention de la naturalisation et que son intégration n’était pas réalisée. Elle n’avait pas contacté le commissaire chargé de l’examen du dossier, malgré plusieurs téléphones et un courrier la priant de le faire.

19) Le 20 décembre 2010, Mme K______ a écrit personnellement à la commune de Vernier pour s’excuser de n’avoir pas donné suite aux appels et au courrier de la commune. Elle avait omis d’informer les autorités en charge de son dossier de naturalisation qu’elle avait changé de numéro de téléphone mobile en juillet 2010 et craignait que cela ne lui porte préjudice. Elle était joignable sur le téléphone fixe chez ses parents ainsi que par le biais de son avocat. Le courrier recommandé du 27 septembre 2010 ne lui était jamais parvenu. Elle souhaitait être naturalisée et fonder une famille en Suisse. Elle était de plus en plus intégrée dans la société suisse. Elle priait le conseiller administratif de reconsidérer son préavis.

20) Le 22 décembre 2010, le SCN a écrit à l’adresse genevoise de Mme K______, en la priant de prendre contact avec la personne en charge de l’enquête relative à la demande de naturalisation, afin de convenir d’un entretien et fournir des documents complémentaires.

21) Le 29 décembre 2010, Mme K______ a écrit à la commune de Vernier, sous la plume de son avocat, qu’elle remplissait les conditions légales pour l’obtention de la nationalité : elle avait acquis à Genève une grande partie de sa formation et s’exprimait aisément en langue française. Toute sa famille vivait dans la commune de Vernier, à laquelle elle était très attachée. Elle avait toujours respecté l’ordre public suisse. Elle travaillait auprès d’organisations internationales et désirait « appartenir à l’un des traits caractéristiques de la Genève internationale ». Son intégration à Genève était réussie. Elle avait omis d’annoncer aux autorités son changement de numéro de téléphone et d’adresse, mais ne pouvait pas « être pénalisée pour de simples manquements administratifs ». Elle priait le conseiller administratif de la commune de Vernier de reconsidérer son préavis et de l’entendre concernant sa motivation en vue de la naturalisation.

22) Dans son rapport du 18 janvier 2011, la gendarmerie vaudoise a donné suite à une requête du SCN du 14 décembre 2010 et indiqué à ce dernier que Mme K______ avait quitté la commune de Gland le 11 février 2010 pour s’établir dans le canton de Genève.

23) Le 24 janvier 2011, la commune de Vernier a informé Mme K______ que le préavis négatif avait été adressé au SCN.

24) Par courriel du 22 février 2011, Mme K______ a écrit au SCN pour s’enquérir de la suite de la procédure. Le 1er mars 2011, le SCN lui a répondu que le dossier était en cours d’examen auprès du département et la priait de fournir des renseignements au sujet de ses activités actuelles. Le même jour, Mme K______ a répondu qu’elle était inscrite dans une école de langue française à Genève dans le but d’obtenir un diplôme et poursuivre ses études à l’Université de Genève.

25) Selon le rapport complémentaire d’enquête établi par le SCN le 19 mai 2011, Mme K______ résidait à Genève depuis le 12 février 2010. L’intéressée avait suivi à deux reprises, en 2008 et en 2011, deux mois de cours de langue française dans une école à Genève.

26) Par arrêté du 15 juin 2011, le Conseil d’Etat a refusé d’accorder la naturalisation genevoise à Mme K______. L’intéressée n’avait pas réussi à démontrer qu’elle avait de réelles attaches envers son pays d’accueil et une intégration suffisante. Les conditions de l’art. 12 let. a et f de la loi sur la nationalité genevoise du 13 mars 1992 (LNat – A 4 05) n’étaient pas remplies. Le préavis de la commune de Vernier était défavorable.

La décision de refus pouvait faire l’objet d’un recours dans les trente jours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

27) Par acte posté le 17 août 2011, Mme K______ a recouru auprès de la chambre administrative contre l’arrêté précité, concluant préalablement à l’octroi d’un délai pour compléter son recours et à l’audition de deux témoins, principalement à l’annulation de l’arrêté du Conseil d’Etat, au renvoi de la cause à ce dernier pour complément d’instruction et nouvelle décision, ainsi qu’à l’allocation d’une « indemnité équitable valant participation à ses honoraires d’avocat ».

La décision querellée n’était pas suffisamment motivée et était arbitraire. En se basant sur les conclusions « manifestement erronées » du rapport d’enquête du SCN et sur le préavis négatif de la commune de Vernier, le Conseil d’Etat avait mésusé de son pouvoir d’appréciation ; la décision litigieuse était contraire au droit. Son intégration ne pouvait pas être remise en cause en raison de ses études au Kenya et en Grande-Bretagne. Elle avait toujours conservé le centre de ses intérêts en Suisse. Son développement personnel avait été « façonné » tant en Suisse auprès de sa famille qu’en Grande-Bretagne pendant ses études. Elle était attachée à la Suisse et s’était établie à Genève, où elle souhaitait poursuivre sa carrière professionnelle. Elle travaillait auprès du Fonds mondial à Genève. Elle ne faisait pas l’objet de poursuites et était inconnue des services de police. Elle s’exprimait en langue française et suivait des cours pour approfondir ses connaissances linguistiques et terminer ses études à Genève. Elle avait certes fait preuve d’insouciance en tardant à prendre contact avec le SCN, mais les contretemps administratifs ne pouvaient pas préjuger de son intégration. Les autorités auraient dû prendre contact avec son avocat - en l’étude duquel elle avait élu domicile - si elles n’arrivaient pas à la joindre. Le préavis négatif de la commune de Vernier n’avait pas de valeur probante, puisqu’il se basait exclusivement sur le rapport d’enquête du SCN. Elle remplissait les conditions légales pour l’obtention de la nationalité suisse et genevoise.

28) Le 13 septembre 2011, le département rapporteur pour le Conseil d’Etat, soit le département de la sécurité (ci-après: le département) a conclu au rejet du recours.

Mme K______ n’avait pas de réelles attaches avec le canton de Genève témoignant de son adaptation au mode de vie genevois et elle ne s’était pas intégrée dans la communauté genevoise, de sorte qu’elle ne remplissait pas les conditions de l’art. 12 let. a et f LNat. Même si l’intéressée résidait en Suisse depuis 1997 au bénéfice d’une carte de légitimation, elle avait en réalité vécu 60 à 70% de son temps en Grande-Bretagne pour ses études, ce qui l’avait empêchée de s’intégrer réellement en Suisse. Elle n’avait pas réussi à se constituer un cercle d’amis à Genève. Elle n’avait pas montré d’intérêt pour sa demande de naturalisation et pour la vie locale. Elle n’avait pas su répondre à des questions élémentaires telles que : « Comment s’appelle le gouvernement genevois ? », « Qui élit le gouvernement genevois ? », « Avez-vous actuellement le droit de vote ? », « Donnez le nom de 4 personnalités issues de l’histoire suisse et genevoise. » et « Donnez le nom de 3 personnalités politiques. ». Elle avait presque 28 ans et un emploi temporaire : son intégration dans le monde du travail local n’était pas réalisée. Ne maîtrisant qu’imparfaitement la langue française, elle suivait des cours afin de combler ses lacunes.

29) Le 19 septembre 2011, la commune de Vernier a confirmé son préavis défavorable et s’en est remise à la décision de la chambre administrative quant au fond. Le commissaire chargé de l’examen du dossier de Mme K______ s’était trouvé dans l’impossibilité de remplir son mandat, Mme K______ n’ayant pas répondu aux diverses sollicitations. La candidate aurait dû communiquer son nouveau numéro de téléphone et sa nouvelle adresse aux autorités chargées de son dossier. Son comportement démontrait une légèreté dans l’approche de la démarche en vue de la naturalisation.

30) Le 4 novembre 2011, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle.

a. Mme K______ a persisté dans son recours. Elle se sentait suissesse. Elle avait passé la moitié de sa vie à Genève, où elle avait ses amis et son travail. Elle fournirait une liste d’amis proches pouvant être entendus par la chambre administrative. Elle avait tardé à contacter le SCN car, à cette période-là, elle accordait la priorité à sa première activité professionnelle en Suisse, mais avait finalement rencontré un collaborateur du SCN.

Mme K______ a versé trois lettres de recommandation à la procédure, datées respectivement des 1er, 2 et 3 novembre 2011 et signées par des amis de ses parents : son évolution en milieu anglophone avait réduit ses chances de perfectionner ses connaissances en français et de « tisser des liens d’amitié avec des personnes du terroir ». Elle avait visité la Suisse en famille. Elle se sentait chez elle en Suisse, où elle avait son « cocon familial », malgré ses études universitaires en Grande-Bretagne. Intègre, mature et responsable, elle était prête à devenir citoyenne genevoise. Elle avait toujours réussi à se faire comprendre en français dans la vie de tous les jours, tout en étant consciente qu’elle devait améliorer ses connaissances, sans que cela n’affecte son intégration. Elle avait trouvé un équilibre et souhaitait se projeter dans l’avenir à Genève. Elle faisait partie intégrante de la Genève internationale. Une nouvelle chance devait lui être donnée pour démontrer son intégration et obtenir la naturalisation.

b. Le maire de la commune de Vernier a indiqué que cette dernière maintenait son préavis négatif. Mme K______ était peu intégrée dans la vie locale et avait eu des difficultés à contacter les autorités en charge de son dossier de naturalisation. La commune de Vernier avait adressé un courrier d’accueil à Mme K______ à l’arrivée de cette dernière dans la commune, comme elle le faisait avec tous les nouveaux habitants. Le conseiller municipal chargé du dossier de Mme K______ avait écrit à l’ancien domicile vaudois de l’intéressée alors que celle-ci était représentée par un avocat, car il n’était pas familier des procédures judiciaires.

c. Le représentant du département a indiqué que le Conseil d’Etat maintenait sa décision de refus de naturalisation.

d. Le chef du secteur des enquêtes du SCN a précisé que le collaborateur ayant procédé à l’enquête concernant Mme K______ était expérimenté et fiable. Le questionnaire de connaissances générales soumis à Mme K______ était utilisé dans les cas où l’intégration du candidat ne semblait pas complète. Dans la mesure où Mme K______ avait déposé sa demande de naturalisation avant d’avoir atteint l’âge de 25 ans, son dossier aurait dû être acheminé directement au conseil administratif de la commune de Vernier, sans passer par le conseil municipal. Dans les rapports d’enquête, le SCN ne précisait pas si la personne concernée était assistée ou non par un mandataire ; la commune ne pouvait donc pas savoir si un mandataire était intervenu ou non. La procédure de naturalisation était une démarche personnelle du candidat : tant l’enquêteur cantonal que les représentants municipaux cherchaient à rencontrer personnellement la personne concernée, la participation du mandataire n’étant pas nécessaire. Le dossier que le SCN envoyait à la commune pour préavis contenait le rapport d’enquête et le cas échéant des pièces d’état civil ; le dossier complet restait à disposition auprès du SCN.

31) Par pli du 21 novembre 2012, le juge délégué a prié Mme K______ de lui indiquer de quelle manière sa situation avait évolué dans l’intervalle, notamment s’agissant de ses activités professionnelles.

32) Le 14 janvier 2013, Mme K______ a répondu qu’elle s’était améliorée en langue française : elle joignait une lettre qu’elle avait écrite à son avocat le 10 janvier 2013. Elle travaillait auprès du Fonds mondial depuis novembre 2010 au bénéfice d’un contrat de durée déterminée renouvelable en qualité de « Fund Portfolio Support Assistant » et donnait entière satisfaction. Elle ne pouvait pas proposer ses services sur le marché du travail local, puisqu’elle était titulaire d’une carte de légitimation. Elle était intégrée en Suisse, parlait le français, vivait à Genève depuis de nombreuses années et avait dans ce canton toutes ses attaches personnelles et familiales. Elle souhaitait participer à la vie sociale, professionnelle et culturelle genevoise. Elle joignait notamment un extrait de son casier judiciaire, qui était vierge, ainsi qu’un extrait de poursuites, lequel mentionnait un montant de CHF 188.- dû à l’Etat de Genève, ainsi que le non-paiement de primes d’assurance-maladie suisse pour un montant total de CHF 8'828,25 ; il s’agissait d’une méprise, puisqu’elle était titulaire d’une carte de légitimation et affiliée à une caisse maladie auprès des Nations Unies de Genève depuis 1998 ; le litige y relatif était sur le point d’être réglé.

33) Le 4 février 2013, la commune de Vernier s’en est rapportée à justice, soulignant que le courrier de Mme K______ du 14 janvier 2013 n’apportait pas d’élément nouveau.

34) Le 13 février 2013, le département a persisté dans ses conclusions. Pour prouver l’amélioration de ses connaissances de la langue française, Mme K______ aurait dû produire une attestation officielle, la copie du courrier adressé à son avocat le 10 janvier 2013 ne constituant pas une preuve en la matière. Son intégration dans le monde du travail local était insuffisante. Même lorsqu’elle était au bénéfice d’un permis B, elle n’avait pas proposé ses services sur le marché local. Son contrat de travail avait été prolongé jusqu’au 9 juillet 2013, de sorte que son avenir professionnel à Genève était incertain. Les explications de l’intéressée au sujet des deux poursuites dont elle faisait l’objet n’étaient pas convaincantes. Depuis le mois d’août 2012, Mme K______ était domiciliée en Ville de Genève, mais continuait d’indiquer aux autorités son ancienne adresse, à Vernier. La décision querellée devait être confirmée, la recourante ayant vécu le plus clair de son temps au Kenya et en Angleterre, n’ayant pas d’amis à Genève, pas d’intérêt particulier à la vie locale, n’étant pas intégrée dans le monde du travail local, ne maîtrisant qu’imparfaitement la langue française. Mme K______ ne remplissait donc pas les conditions d’adaptation et d’intégration définies dans la législation.

35) Le 26 février 2013, le juge délégué a transmis aux parties une copie des écritures précitées et les a informées que la cause était gardée à juger.

36) Le 23 août 2013, Mme K______ a transmis à la chambre administrative une copie du courrier de son assurance-maladie suisse du 26 février 2013 indiquant que son assurance obligatoire des soins était résiliée rétroactivement au 31 mai 2011, mais que son affiliation d’office était maintenue pour la période du 1er août 2010 au 31 mai 2011.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17A al. 1 let. b et 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur le refus, par le Conseil d’Etat, d’accorder la naturalisation genevoise à la recourante, cette dernière estimant remplir les conditions légales à son obtention.

3) La recourante sollicite l’audition de deux témoins.

a. Selon la jurisprudence fondée sur l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend pour l’intéressé celui d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b ; 127 III 576 consid. 2c ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C_58/2010 du 19 mai 2010 consid. 4.3 ; 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.2 et les arrêts cités ; ATA/432/2008 du 27 août 2008).

b. En l’espèce, les témoins dont la recourante sollicite l’audition sont les deux personnes qu’elle a mentionnées dans sa demande de naturalisation sous la rubrique « personnes de références (preuve d’intégration par le réseau d’amis suisses) ». Il ressort du dossier qu’il s’agit de deux amis des parents de la recourante et non pas de ses propres amis, de sorte que leur audition n’est pas susceptible d’apporter d’éléments déterminants dans le cadre du présent litige.

Bien que la recourante se soit engagée, lors de l’audience de comparution personnelle des parties du 4 novembre 2011, à adresser au juge délégué une liste d’amis proches pouvant être entendus, ladite liste n’est jamais parvenue à la juridiction de céans.

Le dossier étant complet, la chambre administrative dispose des éléments nécessaires pour statuer sans donner suite à la demande d’audition précitée.

4) La recourante estime que l’arrêté du Conseil d’Etat du 15 juin 2011 lui refusant la naturalisation genevoise n’est pas suffisamment motivé.

a. Le droit d’être entendu comprend notamment le droit d’obtenir une décision motivée (ATF 138 I 232 consid. 5.1 p. 237; 129 I 232 consid. 3.2 p. 237 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C_552/2012 du 3 décembre 2012 consid. 4.1; 1C_70/2012 du 2 avril 2012 ; 1C_424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2 et les arrêts cités). L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 138 IV 81 consid. 2.2 p. 84; 137 II 266 consid. 3.2 p. 270; 136 V 351 consid. 4.2 p. 355 et les références citées; T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 521 n. 1573). Il suffit, de ce point de vue, que les parties puissent se rendre compte de la portée de la décision prise à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 138 I 232 consid. 5.1 p. 237; 136 I 184 consid. 2.2.1 p. 188; ATA/613/2013 du 17 septembre 2013 ; ATA/268/2012 du 8 mai 2012 ; P. TSCHANNEN/U. ZIMMERLI, Allgemeines Verwaltungsrecht, 3ème éd., 2009, p. 257 ; P. MOOR/E. POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 348 ss, n. 2.2.8.3).

b. En l'espèce, l’arrêté du Conseil d’Etat du 15 juin 2011 indique que Mme K______ n’a pas réussi à démontrer qu’elle a de réelles attaches envers son pays d’accueil et une intégration suffisante, que les conditions de l’art. 12 let. a et f LNat ne sont pas remplies. Le Conseil d’Etat précise également que le préavis de la commune de Vernier est défavorable.

Bien que la motivation de l’arrêté précité soit sommaire, la recourante a pu se rendre compte de la portée de la décision litigieuse et a eu l’occasion de se déterminer et de faire valoir son point de vue à diverses reprises devant la chambre administrative, tant par écrit qu’oralement en audience de comparution personnelle des parties.

Au vu de ce qui précède, le droit d'être entendu de la recourante a été respecté.

5) a. Selon l’art. 12 de la loi fédérale sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse du 29 septembre 1952 (LN - RS 141.0), dans la procédure ordinaire de naturalisation, la nationalité suisse s’acquiert par la naturalisation dans un canton et une commune, qui n’est valable que si une autorisation fédérale a été accordée.

L'art. 14 LN, intitulé « aptitude », a la teneur suivante : « Avant l’octroi de l’autorisation, on s’assurera de l’aptitude du requérant à la naturalisation. On examinera en particulier si le requérant : a) s'est intégré dans la communauté suisse ; b) s'est accoutumé au mode de vie et aux usages suisses ; c) se conforme à l'ordre juridique suisse ; et, d) ne compromet pas la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse ».

b. L’ODM, compétent en matière d'acquisition et de perte de la nationalité suisse (art. 14 al. 1 de l'ordonnance du Conseil fédéral du 17 novembre 1999 sur l'organisation du Département fédéral de justice et police - Org DFJP - RS 172.213.1), délivre ou refuse l’autorisation, accordée pour un canton déterminé, dont la durée de validité de trois ans peut être prolongée (art. 13 al. 1 à 3 LN). En cas de refus, la décision de l’ODM peut être portée devant le Tribunal administratif fédéral (voir pour un exemple : ATAF C-1280/2009 du 11 juin 2010). L’obtention de l’autorisation fédérale ne confère aucun droit à la naturalisation (ATA/179/2013 du 19 mars 2013 et les références citées).

c. Selon le Message du Conseil fédéral du 26 août 1987 concernant la révision de la loi sur la nationalité du 23 mars 1990 (FF 1987 III 285, 296), le candidat à la naturalisation doit avoir bonne réputation en matière pénale et en matière de poursuites et faillites. De plus, son comportement lors de l'exercice de ses droits et de l'accomplissement de ses devoirs doit pouvoir être pris en compte. D’après le Message du Conseil fédéral du 4 mars 2011 concernant la révision totale de la loi fédérale sur l’acquisition et la perte de la nationalité suisse (FF 2011 2639, 2647), le respect de l’ordre juridique comprend notamment le respect de décisions des autorités et l’observation des obligations de droit public ou des engagements privés (par exemple, absence de poursuites ou de dettes fiscales, paiement ponctuel des pensions alimentaires).

6) a. D'une part, un candidat à la naturalisation genevoise doit remplir les conditions fixées par le droit fédéral (art. 1 al. 1 let. b LNat). A cet effet, il doit disposer d'une autorisation fédérale accordée par l'office compétent, lequel examine ses aptitudes à la naturalisation (art. 12-15 LN).

b. D'autre part, le requérant doit avoir résidé deux ans dans le canton d'une manière effective, dont les douze mois précédant l'introduction de sa demande. Il doit en outre résider effectivement en Suisse et être au bénéfice d’un titre de séjour valable pendant toute la durée de la procédure (art. 11 al. 1 et 3 LNat). Il peut présenter une demande de naturalisation quel que soit le titre de séjour dont il bénéficie. Conformément à l'art. 12 LNat, il doit remplir les conditions d'aptitudes suivantes : a) avoir avec le canton des attaches qui témoignent de son adaptation au mode de vie genevois ; b) ne pas avoir été l'objet d'une ou de plusieurs condamnations révélant un réel mépris de nos lois ; c) jouir d'une bonne réputation ; d) avoir une situation permettant de subvenir à ses besoins et à ceux des membres de sa famille dont il a la charge ; e) ne pas être, par sa faute ou par abus, à la charge des organismes responsables de l'assistance publique ; f) s'être intégré dans la communauté genevoise et respecter la déclaration des droits individuels fixée dans la Constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1847 (recte : du 14 octobre 2012) (Cst-GE - A 2 00).

c. Le candidat doit fournir les renseignements utiles sur les faits qui motivent sa demande et produire les pièces y relatives qui sont en sa possession (art. 14 al. 4 LNat). Le candidat est tenu d’informer le service compétent de tout changement survenant dans sa situation économique et familiale pendant la procédure (art. 14 al. 6 LNat). Le Conseil d’Etat peut déclarer irrecevable une requête lorsque le candidat ne prête pas le concours nécessaire que l’on peut attendre de lui (art. 14 al. 7 LNat).

d. L'étranger âgé de moins de 25 ans doit obtenir, sous forme de préavis, le consentement du conseil administratif ou du maire de la commune qu'il a choisie. En cas de préavis négatif, celui-ci est motivé (art. 15 LNat). L'étranger âgé de plus de 25 ans qui souhaite obtenir la naturalisation suisse dans le canton de Genève doit obtenir, sous forme de consentement, le préavis de la commune qu'il a choisie (art. 16 al. 1 LNat) ; ce préavis doit être donné par le conseil municipal ou, sur délégation, par le conseil administratif ou le maire (art. 16 al. 2 LNat). L'autorité communale compétente transmet ce préavis au Conseil d'Etat et, en cas de refus, motive sa décision sur la base de l'art. 12 LNat et en informe le candidat (art. 16 al. 4 LNat). Le Conseil d'Etat statue sur l'octroi de la naturalisation par arrêté, après examen du préavis (art. 18 al. 1 LNat). Le requérant prête ensuite publiquement serment devant le Conseil d'Etat, date à laquelle la naturalisation prend effet (art. 24 al. 3 let. a LNat).

e. L’art. 13 du règlement d’application de la LNat du 15 juillet 1992 (RNat - A 4 05.01) prévoit que, si le préavis cantonal est favorable, le département adresse le rapport d’enquête, à titre confidentiel notamment au conseil administratif ou au maire de la commune choisie : 1° si le candidat est âgé de moins de 25 ans, le dossier est traité par le conseil administratif ou le maire ; 2° si le candidat est âgé de plus de 25 ans, le conseil administratif ou le maire transmet le dossier au conseil municipal (al. 2). Le département applique la procédure fixée à l’art. 16 LNat dès que le candidat entre dans sa 25ème année (al. 3). Une procédure engagée conformément à l’art. 15 LNat est valable tant que le candidat n’est pas entré dans sa 28ème année, à moins que la prolongation de la procédure ne lui soit pas imputable (al. 4).

f. En cas de préavis du conseil administratif ou du maire, ceux-ci retournent le rapport d’enquête au département avec le préavis et en informent le candidat (art. 17 RNat). En cas de préavis du conseil municipal, celui-ci retourne le rapport d’enquête au département avec son préavis et en informe le candidat (art. 18 RNat). Le Conseil d’Etat examine les requêtes en naturalisation suisse et genevoise qui lui sont soumises par le département (art. 21 al. 1 RNat) et statue par arrêté (art. 21 al. 2 RNat).

g. En l’espèce, au moment du dépôt de la demande de naturalisation, la recourante était âgée d’un peu moins de 25 ans, de sorte qu’il appartenait au conseil administratif de formuler un préavis sur sa requête. En l’occurrence, tant le conseil municipal que le conseil administratif de la commune de Vernier se sont déterminés, respectivement les 16 et 22 novembre 2010, tous deux ayant émis un préavis défavorable à la naturalisation de l’intéressée. En l’occurrence, l’erreur d’acheminement du dossier de la part du SCN au conseil municipal au lieu du conseil administratif n’a pas eu de conséquence au niveau procédural, puisque le conseil administratif a émis un préavis comme prescrit par la LNat et le RNat. Au final, la procédure a donc été respectée.

7) La condition de l'intégration dans la communauté suisse est établie aux art. 14 let. a LN et 12 let. a et f LNat.

La loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) et l'ordonnance du 24 octobre 2007 sur l’intégration des étrangers (OIE – RS 142.205) précisent la notion d'intégration.

Selon l'art. 4 LEtr, l’intégration des étrangers vise à favoriser la coexistence des populations suisse et étrangère sur la base des valeurs constitutionnelles ainsi que le respect et la tolérance mutuels (al. 1). Elle doit permettre aux étrangers dont le séjour est légal et durable de participer à la vie économique, sociale et culturelle (al. 2). L’intégration suppose d’une part que les étrangers sont disposés à s’intégrer, d’autre part que la population suisse fait preuve d’ouverture à leur égard (al. 3). Il est indispensable que les étrangers se familiarisent avec la société et le mode de vie en Suisse et, en particulier, qu’ils apprennent une langue nationale (al. 4).

Selon l'art. 4 OIE, les étrangers contribuent à leur intégration, notamment par le respect de l’ordre juridique et des valeurs de la Constitution fédérale (let. a), l’apprentissage de la langue nationale parlée sur le lieu de domicile (let. b), la connaissance du mode de vie suisse (let. c) et la volonté de participer à la vie économique et d’acquérir une formation (let. d).

8) La question de l’apprentissage et de la connaissance de la langue locale a été traitée par le Tribunal fédéral (ATF 137 I 235 = JdT 2011 I 183). Selon cet arrêt, la mise en œuvre d’une procédure d’évaluation des connaissances linguistiques basée sur le « Cadre européen commun de référence pour les langues du Conseil de l’Europe » et sur les niveaux d’aptitude qui y sont définis est admissible, en l’absence de droit édicté concernant cette évaluation (consid. 3). Les communes peuvent aussi déterminer la procédure de manière individuelle pour des candidats qui ne satisfont pas aux exigences linguistiques en raison de motifs particuliers, tel que l’âge avancé ou un handicap mental, les personnes handicapées ou souffrant de difficulté d’apprentissage ne devant pas être exclues de la naturalisation (ATF 137 I 235 consid. 3.4 in fine).

Le Tribunal fédéral indique dans son arrêt que la référence au portfolio européen des langues est judicieuse, mais - à l'instar de l'autorité cantonale dont il contrôlait la décision - ne spécifie pas un niveau linguistique que les candidats à la naturalisation doivent obtenir. Il considère néanmoins comme parfaitement admissible l'exigence d'un niveau B1 ou B2 pour les connaissances passives de la langue locale (ATF 137 I 235 consid. 3.4.1 = JdT 2011 I 183, 191).

9) En l'espèce, il ressort du dossier que la recourante est capable de s’exprimer en langue française, de comprendre ses interlocuteurs et de se faire comprendre par eux, comme cela a été le cas notamment lors de l’audience de comparution personnelle des parties du 4 novembre 2011. De plus, elle a été à même de comprendre et de répondre par écrit, en français, à une partie des questions du protocole en date du 12 octobre 2010, indépendamment de la justesse des réponses apportées par la candidate. Bien que la recourante n’a pas démontré avoir passé et réussi des examens de langue française, ses connaissances linguistiques sont suffisantes au sens des art. 14 LN et 12 LNat.

10) Il convient encore d'examiner la condition d'intégration prévue aux art. 14 let. a LN et 12 let. a et f LNat sous un angle plus général, la maîtrise de la langue locale ne représentant que l'un des aspects de l'intégration d'un candidat à la naturalisation (ATA/613/2013 du 17 septembre 2013).

A cet égard, la jurisprudence fédérale précise que les cantons sont libres de poser divers critères destinés à mesurer l'intégration des candidats à la naturalisation ; la participation à la vie publique locale et associative constitue un indice d'intégration, mais ne saurait être érigé en critère déterminant (ATF 138 I 242 consid. 5.3).

11) En l'espèce, il ressort du dossier que le réseau de relations privées et professionnelles de la recourante est composé de personnes anglophones, évoluant principalement dans le milieu des organisations internationales.

Contrairement à ce qu’elle a indiqué lors de l’audience de comparution personnelle des parties du 4 novembre 2011, la recourante n’a pas établi de liste d’amis proches pouvant être entendus par la chambre de céans. Elle a en revanche remis à cette dernière une copie des lettres de recommandation signées par trois amis de ses parents. L’intéressée n’a pas démontré son intégration dans la communauté genevoise auprès de jeunes gens francophones de son âge avec lesquels elle partagerait son quotidien, qu’il soit d’ordre privé ou professionnel. Elle n’a pas non plus démontré avoir lié des liens d’amitié avec des personnes de nationalité suisse, hormis quelques amis de ses parents.

La recourante est au bénéfice d’un contrat de travail à durée déterminée renouvelable auprès du Fonds mondial, où la langue de travail est l’anglais. Elle n’a pas démontré avoir cherché un emploi plus stable ailleurs. L’intégration dont elle se prévaut dans le milieu anglophone de la « Genève internationale » n’est pas suffisante au regard des exigences légales en vue d’une naturalisation.

La recourante motive son souhait d'obtenir la nationalité suisse en indiquant qu’elle se sent chez elle dans ce pays, ses parents vivant dans le canton de Genève. Ces arguments sont insuffisants dès lors que, depuis son arrivée en Suisse, elle a toujours été au bénéfice soit d’une autorisation de séjour soit d’une carte de légitimation.

La recourante ne prend que très peu part à la vie sociale, culturelle et politique suisse et genevoise : elle n’a pas démontré avoir fait des efforts particuliers d’intégration, par exemple en adhérant à des associations locales, qu’elles soient culturelles, sportives ou sociales. A cet égard, le souhait formulé par l’intéressée de participer à la vie locale n’est pas suffisant s’il n’est pas accompagné d’actes concrets pouvant être documentés.

Il ressort également du dossier que les connaissances de la recourante en matière d’institutions, de politique, d'histoire et de géographie suisse et genevoise sont lacunaires : parmi les questions écrites qui lui ont été soumises par le SCN le 12 octobre 2010, elle n’a pas su répondre à des questions élémentaires telles que : « Comment s’appelle le gouvernement genevois ? », « Qui élit le gouvernement genevois ? », « Avez-vous actuellement le droit de vote ? », « Donnez le nom de 4 personnalités issues de l’histoire suisse et genevoise. » et « Donnez le nom de 3 personnalités politiques. ». Les connaissances de la recourante en la matière sont en l’état insuffisantes.

L’on peut attendre d’un candidat à la naturalisation que lui-même – même s’il est représenté par un avocat comme c’est le cas en l’espèce – suive attentivement le déroulement de la procédure de naturalisation et, conformément à son devoir de collaboration, informe spontanément les autorités en charge de son dossier si des modifications interviennent dans sa situation personnelle, comme aurait dû le faire la recourante lorsqu’elle a changé de numéro de téléphone en juillet 2010. En revanche, il ne peut pas être reproché à la recourante de n’avoir pas donné suite au courrier recommandé de la commune du 27 septembre 2010 adressé à l’ancien domicile vaudois de l’intéressée, puisque cette dernière avait dans l’intervalle réintégré la commune de Vernier.

C’est le lieu de mentionner également que la recourante fait l’objet de deux poursuites en force dans le canton de Genève. Elle ne remplit donc pas la condition de l’absence de poursuites.

Au vu de ce qui précède, la recourante ne remplit pas les conditions d’intégration exigées par la loi pour pouvoir obtenir la naturalisation suisse et genevoise. Dès lors, le Conseil d’Etat était fondé à lui refuser la naturalisation genevoise pour les raisons précitées, malgré l’autorisation fédérale dont elle a bénéficié le 23 juin 2010 et dont la durée de validité est échue depuis le 23 juin 2013.

Le recours sera rejeté.

12) Aucun émolument ne sera mis à la charge de la recourante, la procédure étant gratuite (art. 87 al. 1 LPA ; art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 août 2011 par Madame K______ contre l’arrêté du Conseil d’Etat du 15 juin 2011 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yves Rausis, avocat de la recourante, au Conseil d'Etat, ainsi qu'à l'office fédéral des migrations.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mmes Junod et Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :