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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4124/2015

ATA/731/2016 du 30.08.2016 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE ; GENÈVE(VILLE) ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; CONSEIL EXÉCUTIF ; NULLITÉ
Normes : LPA.41; Cst.29.al2; Statut.4.al4; Statut.4.al5; Statut.93.al1; Statut.93.al2; Statut.95.al1; Statut.96.al1; Statut.96.al2; Statut.103.al1; Statut.103.al3; REGAP.107.al1; REGAP.107.al3
Résumé : Nullité de la décision d'avertissement prononcée par la direction du département et confirmée par le conseil administratif de la Ville de Genève. Recours irrecevable. Le droit à une audition orale, qui implique le droit d'être informé du cadre dans lequel une audience sera tenue, tout comme le droit de se faire assister, sont des droits procéduraux essentiels dans le système mis en place par la ville. Violation grave de ces garanties.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4124/2015-FPUBL ATA/731/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 août 2016

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Yvan Jeanneret, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE

 



EN FAIT

1. Par décision du 16 février 2011, le Conseil administratif de la Ville de Genève (ci-après : CA et la ville) a engagé Monsieur A______ en qualité de chef de service du service B______ (ci-après : B______) à compter du 1er juin 2011.

2. Parmi les tâches confiées à l’intéressé figurait la conduite du projet « C______ », commencé en 2008, visant à rapprocher le B______ et le service de sécurité de D______, au sein d’un service unique dont il était prévu que M. A______ prenne la direction. Le projet ayant été abandonné fin 2013 notamment pour des raisons de coûts, le cahier des charges de l’intéressé a été adapté.

3. Par courrier du 16 janvier 2015, Madame E______, présidente de la commission du personnel du B______, a informé Madame F______, directrice en charge du département de G______ (ci-après : G______ ou le département), que M. A______ s'était rendu le 2 janvier 2015 en H______ de manière informelle pour boire un café avec la section de service du jour. Un échange d'opinions sur divers sujets a suivi le café. Il n’y avait pas eu de conflits et personne n'avait monté le ton. Néanmoins, au moment de son départ, M. A______ avait tenu les propos suivants en serrant la main d'un collaborateur de service : « Au revoir I______, vous me faites chier ! ». Elle invoquait notamment la présence de deux témoins et priait Mme F______ de prendre les mesures adéquates.

4. Par courrier du 23 janvier 2015, Mme F______ a informé M. A______ des faits portés à sa connaissance par Mme E______ et lui a demandé de s' « expliquer » sur cette accusation par retour de courrier. Elle indiquait que si les faits étaient confirmés, ils constitueraient une violation flagrante de l'art. 83 du Statut du personnel de la Ville du 29 juin 2010 (ci-après : le statut - LC 21 151)
« Attitude générale » et seraient passibles d'une sanction. Le directeur adjoint, Monsieur J______, était mis en copie.

5. Par courriel du 26 janvier 2015, M. A______ a réfuté toute insulte ou volonté d'attitude insultante à l'égard d'un membre du personnel du B______ le
2 janvier 2015 ou à toute autre occasion. Il confirmait que la visite de début d'année en H______ avait été particulièrement amicale et détendue. Il se tenait à disposition pour un échange concernant les propos allégués.

6. Le 18 février 2015, Mme F______ et M. J______ ont entendu séparément Messieurs K______ et L______ au sujet des faits litigieux. Ces derniers ont notamment confirmé la venue informelle de M. A______ le 2 janvier 2015 en H______.

M. L______ a précisé que, dès son arrivée, un des collaborateurs avait dit à M. A______ « vous venez nous dire que vous partez ? ». Celui-ci avait infirmé et indiqué qu'il venait dire bonjour. Une discussion sur divers sujets s'en était suivie.

MM. K______ et L______ ont expliqué qu'en partant, lorsqu'il avait serré la main de Monsieur I______, M. A______ avait prononcé la phrase litigieuse.

7. Le 19 février 2015, M. I______ a été entendu par Mme F______ et M. J______. Il a confirmé qu'un collaborateur avait dit à M. A______ « vous venez nous dire que vous partez ? » et que celui-ci n'avait pas réagi, se limitant à dire « non, je viens prendre un café ». La discussion était « bon enfant ». En partant, M. A______ avait serré sa main en lui disant la phrase litigieuse.

8. Par courriel du 2 mars 2015, Mme F______ a souhaité entendre l’intéressé.

Par courriel du même jour, M. A______ lui a demandé si l’entretien prévu le lendemain s'inscrivait dans le cadre des art. 94 à 104 du statut et 107 du règlement d'application du statut du 14 octobre 2009 (ci-après : le REGAP - LC 21 152.0). Le cas échéant, il souhaitait savoir dans quel cadre normatif l'entretien était prévu.

9. Par courriel toujours du 2 mars 2015, Mme F______ l'a informé que l'entretien du lendemain était une audition, sa version des faits et propos tenus le
2 janvier 2015 allant être « notée » et sa déposition devant être signée. Elle a précisé que « la séance n'ira pas au-delà. S'il s'avère que des faits doivent vous être reprochés, vous seriez entendu à ce sujet. Nous serions là dans le cadre des articles 93 et suivants du statut. J'espère avoir répondu à vos interrogations ».

10. a. Le 3 mars 2015, Mme F______ et M. J______ ont entendu
M. A______. Ils l'ont préalablement rendu attentif au fait que le but de l'entretien était de connaître quel avait été l'échange de propos, le ton employé et l'attitude de part et d'autre dans le cadre de la visite informelle de H______. Ils lui ont indiqué que MM. I______, L______ et K______ avaient été auditionnés, qu'ils avaient signé leurs déclarations et qu'ils avaient affirmé, tous les trois, que M. A______ avait dit à M. I______, au moment de le quitter, la phrase litigieuse.

b. Au début de son audition, M. A______ a produit une déclaration écrite sur les faits de la cause. Ladite déclaration rappelait en en-tête de page l'affirmation de Mme F______ que « cet entretien n'ira pas au-delà de [son] audition pour noter [sa] version des faits et propos tenus le 2 janvier (2015) et de la signature de [sa] déposition. S'il s'avère que des faits doivent [lui] être reprochés, [il sera] entendu à ce sujet, dans le cadre des articles 93 ss du statut ». Ensuite, il exposait le déroulement des faits le 2 janvier 2015. Il déclarait notamment n'avoir pas de souvenir d'avoir tenu des propos discourtois lors de la visite du 2 janvier 2015 envers M. I______ et se tenait à disposition pour une confrontation avec ce dernier.

L’intéressé a aussi produit un extrait du dossier des ressources humaines de M. I______.

Lors de son audition, M. A______ a confirmé ne pas se souvenir d'avoir prononcé les mots litigieux.

11. Dès le 27 mars 2015, M. A______ s'est trouvé en état d'incapacité totale de travailler pour cause de maladie et ce pour une durée indéterminée.

12. Le 21 avril 2015, la direction du G______, sous la signature de Mme F______, a prononcé un avertissement à l'encontre de M. A______. Elle faisait suite à son audition du 3 mars 2015 et aux déclarations signées par le
sergent I______ et deux témoins des faits du 2 janvier 2015 et retenait que les paroles litigieuses avaient bien été prononcées par M. A______.

13. Le 29 avril 2015, le CA a informé M. A______ de l'ouverture d'une enquête administrative à son encontre pour des faits autres que ceux visés par son avertissement.

14. Le 30 avril 2015, M. A______ a été convoqué à une audience de comparution personnelle dans le cadre de ladite enquête administrative.

15. Le 4 mai 2015, M. A______ a produit un certificat médical attestant son incapacité de participer à des audiences ou démarches en relation avec la procédure dirigée à son encontre.

16. Le 22 mai 2015, M. A______ a recouru devant le CA contre la décision d'avertissement prononcé le 21 avril 2015. Il a conclu préalablement à son audition en application de l'art. 103 al. 3 du statut et principalement à l'annulation de la décision précitée.

Il n'avait pas été invité à une audition orale organisée dans le cadre des art. 92 ss du statut avant le prononcé de l'avertissement et il n'avait pas pu se faire assister par un conseil comme le prévoyait l'art. 96 al. 2 du statut.

17. Par décision sur recours du 26 octobre 2015, le CA a confirmé l'avertissement infligé le 21 avril 2015 à l'encontre de M. A______.

Les règles de procédure imposées par le statut en matière de droit d'être entendu avaient été observées, puisque M. A______ avait été en mesure de s'exprimer tant par écrit que par oral, lors de son audition du 3 mars 2015, avant le prononcé de l'avertissement.

18. Par acte du 25 novembre 2015, interjeté le 26 novembre 2015,
M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant principalement à sa nullité et subsidiairement à son annulation.

Il sollicitait l'audition de MM. I______, L______ et K______. Son droit d'être entendu avait été violé tant devant la direction du département que devant le CA. Dans un premier temps, les art. 96 du statut et 107 du REGAP n'avaient pas été respectés. Il devait avoir l'occasion de s'exprimer par écrit sur la décision envisagée, d'être entendu oralement devant la direction du département, cas échéant assisté d'un conseil, et d'assister aux auditions des autres « témoins ». Dans un deuxième temps, l'art. 103 du statut n'avait pas été respecté. Il n'avait pas été entendu oralement par une délégation du CA alors qu'il avait formulé une demande en ce sens.

Enfin, il invoquait une application arbitraire des art. 83 et 93 du statut relatif au prononcé d'une sanction.

19. Dans sa réponse du 29 janvier 2016, la ville a conclu principalement à la confirmation de la décision du 26 octobre 2015 du CA.

Le droit d'être entendu du recourant avait été respecté durant toute la procédure. La direction du G______ l'avait d'abord interpellé par courrier du
23 janvier 2015, l'informant que dans l'hypothèse où les faits dénoncés étaient avérés, une sanction pouvait être prise à son égard. Le recourant s'était déterminé une première fois au sujet des propos litigieux, par courriel du 26 janvier 2015. Ensuite, le recourant avait été convoqué à une audition orale le 3 mars 2015. À cette occasion, il avait pu s'exprimer encore à deux reprises sur les faits de la cause, d'une part en déposant une déclaration écrite et d'autre part en s'exprimant oralement. Il ne pouvait dès lors prétendre que cette audition était intervenue hors de toute procédure administrative, compte tenu du courriel du 26 janvier 2015 et du caractère formel de l'audition. Dans l'échange de courriel du 2 mars 2015 avec Mme F______, celle-ci ne précisait pas qu'une nouvelle séance serait agendée à un autre moment dans l'hypothèse où des faits devaient être reprochés au recourant. Il pouvait et devait donc s'attendre à être entendu à propos des faits litigieux dans le cadre des art. 93 ss du statut. Il avait été informé du contenu des déclarations des autres témoins et n'avait pas sollicité de nouvelle audition par la suite. Sur la base de l'ensemble du dossier, en particulier des déterminations tant orales qu'écrites du recourant, la direction du G______ avait décidé de le sanctionner par un avertissement. Bien que le recourant n'eût pas été averti du type de sanction qui lui serait infligée, il avait toujours soutenu n'avoir jamais insulté ou eu la volonté d'insulter quiconque, s'opposant dès lors implicitement, par cette position, à tout type de sanction.

Le 22 mai 2015, le recourant avait déposé un recours circonstancié devant le CA, en critiquant tant les éléments de fait retenus par la direction du G______ que l'avertissement qui lui avait été infligé. Une éventuelle violation de son droit d'être entendu était réparée devant le CA qui disposait du même pouvoir d'appréciation. Le recourant avait fait valoir l'ensemble de ses moyens en fait et en droit par l'entremise de ce recours. Son audition par une délégation du CA n'aurait abouti manifestement à aucun résultat. D'ailleurs, le recourant n'était pas de bonne foi, dans la mesure où il s'était retrouvé en incapacité totale de travailler, l'empêchant de participer à des auditions selon les certificats médicaux produits.

Par conséquent et à tous les stades de la procédure, le recourant était en mesure de valablement s'exprimer et de faire valoir ses moyens avant qu'une décision ne soit prise à son sujet.

Pour le surplus, la ville exposait la conformité de la sanction prononcée avec la législation et les principes usuels en matière de droit disciplinaire. Ses arguments seront repris en tant que besoin dans la partie en droit ci-dessous.

20. Dans sa réplique du 1er mars 2016, M. A______ a sollicité la production du rapport émis par l'institut de santé au travail de l'université de Lausanne, établi en relation avec le statut des M______ du B______, et a complété son recours avec des conclusions subsidiaires en renvoi à l'autorité intimée pour nouvelle instruction contradictoire en jonction avec l'enquête administrative.

21. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du
26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. Tel qu’il est garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé de se déterminer avant qu'une décision ne soit prise qui touche sa situation juridique, d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 136 I 265 consid. 3.2 ; 135 II 286 consid. 5.1 ; 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). En tant que droit de participation, le droit d'être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu'elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 136 I 265 consid. 3.2). L'étendue du droit de s'exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale, mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu. L'idée maîtresse est qu'il faut permettre à une partie de pouvoir mettre en évidence son point de vue de manière efficace (arrêt du Tribunal fédéral 8C_861/2012 précité consid. 5.2 ; ATF 111 Ia 273
consid. 2b ; 105 Ia 193 consid. 2b/cc).

b. Le droit d'être entendu inscrit à l'art. 29 al. 2 Cst. comprend également le droit de se faire représenter ou assister (arrêts du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-3494/2013 du 8 avril 2015, consid. 3.1 ; C-3298/2008 du
24 août 2009, consid. 3.2). Ce droit est consacré, en procédure administrative cantonale, par l'art. 9 LPA.

c. Le droit d'être entendu accorde aux parties à une procédure le droit de participer à l'audition des témoins (art. 42 LPA). La chambre de céans a déjà eu l'occasion de préciser que cette disposition n'empêche toutefois pas l'employeur, dans le cadre du rapport de travail qui le lie à ses employés, d'entendre ces derniers au sujet d'une plainte qu'ils formulent, pour évaluer la situation et juger de la pertinence des faits soulevés et de l'opportunité d'ouvrir une enquête administrative. De tels entretiens relèvent de la gestion du personnel et du rôle hiérarchique que les représentants de l'institution assument à l'égard de leurs subordonnés. Ils se différencient, matériellement, de l'enquête administrative qui intervient subséquemment, avec pour fonction d'instruire la plainte et d'établir la réalité des reproches faits au fonctionnaire incriminé. Cette procédure ne peut se dérouler sans procès-verbaux et sans la présence des parties, sauf exceptions prévues par la loi. Les auditions préliminaires peuvent être versées au dossier dans la procédure subséquente, comme toute pièce en rapport étroit avec le litige. L'employé incriminé doit cependant pouvoir se déterminer à leur sujet, si les procès-verbaux de ces auditions ont été joints au dossier (ATA/421/2008 du
26 août 2008, consid. 5).

d. À la question de savoir qui doit être entendu en cas de maladie du collaborateur, la doctrine précise qu’« il s'agit de savoir si le collaborateur doit être entendu personnellement ou s'il peut être représenté par son avocat. En premier lieu, il s'agit de déterminer si le collaborateur ne peut réellement pas exercer son droit d'être entendu, ni par écrit, ni par oral. Un certificat médical d'incapacité de travail ne suffit pas, car ne pas être en état de travailler n'équivaut pas à ne pas pouvoir s'exprimer par écrit ou par oral. Si le collaborateur prétend ne pas être en état d'être entendu, il faut exiger un certificat médical attestant que le collaborateur ne peut pas être entendu, ni par écrit, ni par oral. En deuxième lieu, il s'agit d'examiner la question de la représentation. Le droit d'être entendu étant un droit fondamental, il est personnel, c'est-à-dire rattaché au sujet du droit et indissociable de la personnalité de celui-ci. Par contre, son exercice peut être confié à un représentant, par le sujet du droit, qu'il soit en état d'être entendu personnellement ou non. La difficulté pourrait surgir là où l'intéressé refuse de se faire représenter, alors qu'il est lui-même incapable d'être entendu. À notre connaissance, il n'y a pas eu de situation de ce type. L'incapacité attestée d'être entendu ne permettrait pas de conclure à une renonciation tacite à l'exercice du droit. Dans une telle impasse, il ne resterait probablement pas d'autre solution que de s'adresser à l'autorité tutélaire » (Gabrielle STEFFEN, « Le droit d’être entendu du collaborateur de la fonction publique : juste une question de procédure ? » in RJN 2005, p. 49 ss, p. 63 ; ATA/621/2016 du 19 juillet 2016 consid. 6c).

e. Le droit d’être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l’autorité de recours n’est pas possible, l’annulation de la décision attaquée, sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2 ; 133 III 235 consid. 5.3 ; ATA/563/2015 du 2 juin 2015 consid. 2a).

f. La violation du droit d'être entendu – pour autant qu'elle ne soit pas d'une gravité particulière – est réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant du même pouvoir d'examen que l'autorité de décision (ATF 129 I 129 consid. 2.2.3 ; 126 I 68 consid. 2 ;
124 II 132 consid. 2d ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_449/2012 du 6 juin 2012 consid. 2.4.1). Toutefois, la réparation d'un vice éventuel ne doit avoir lieu qu'exceptionnellement (ATF 127 V 431 consid. 3d.aa ; 126 V 130 consid. 2b et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_449/2012 du 6 juin 2012 consid. 2.4.1).

3. a. Selon l'art. 4 al. 4 du statut, le CA exerce les fonctions d'employeur, notamment en ce qui concerne l'engagement et la résiliation des rapports de service. Il peut, par règlement, déléguer ses compétences d'employeur sauf dans les cas où le statut prévoit qu'il lui appartient de statuer (art. 4 al. 5 du statut). Les membres du personnel qui violent leurs devoirs de service intentionnellement ou par négligence peuvent se voir infliger un avertissement ou un blâme ou la suppression de l'augmentation annuelle de traitement pour l'année à venir
(art. 93 al. 1 du statut). Le CA détermine par règlement l'autorité compétente pour prononcer ces sanctions (art. 93 al. 2 du statut).

Selon l'art. 107 al. 1 REGAP, le chef de service, le directeur du département, de même que le directeur général de la ville sont compétents pour prononcer un avertissement concernant le personnel placé sous leur autorité. Ces sanctions disciplinaires sont notifiées par lettre motivée après que la ou le membre du personnel ait été entendu oralement sur les faits qui lui sont reprochés, avec le droit de se faire assister (art. 107 al. 3 REGAP).

L'employeur statue par décision dans tous les cas où le présent statut le prévoit (art. 95 al. 1 du statut). La procédure de décision est régie par la LPA, en particulier en ce qui concerne la notification et la motivation des décisions
(art. 96 al. 1 du statut). Les membres du personnel ont la possibilité de s'exprimer par écrit sur les motifs invoqués à l'appui de la décision. Les membres du personnel ont également droit à une audition orale devant l'autorité compétente pour rendre la décision, ou une délégation de celle-ci s'il s'agit du CA, avec le droit de se faire assister (art. 96 al. 2 du statut).

Lorsqu'il n'est pas lui-même autorité de décision, un recours hiérarchique auprès du CA est ouvert contre toute décision concernant les membres du personnel. Le délai de recours est de trente jours (art. 103 al. 1 du statut). S'il ou elle en fait la demande, le recourant ou la recourante est entendu par une délégation du CA avec le droit de se faire assister (art. 103 al. 3 du statut).

b. Dans l’exposé des motifs à l’appui du projet de nouveau statut, le CA, qui a été le moteur de la révision de l'ancien statut applicable au personnel de l'administration municipale (ci-après : SPAM), précise qu'il a voulu ancrer dans le nouveau statut les instruments modernes de gestion du personnel, reconnaître les besoins actuels de protection de celui-ci et promouvoir le dialogue social. Le statut impose des devoirs accrus pour le CA dans son rôle d’employeur. Il « introduit expressément un droit à une audition orale à tous les niveaux. Ce droit est institué de manière générale pour toute décision concernant un membre du personnel (art. 96 al. 2 2ème phr. du statut). Pour les décisions prises par une autorité subordonnée au Conseil administratif, quelle que soit leur importance, les membres du personnel auront donc deux fois droit à une audition s’ils le demandent : d’abord devant l’autorité compétente pour rendre la décision, ensuite devant une délégation du CA. Pour les décisions prises par le CA, les intéressés auront toujours droit à une audition orale devant une délégation de celui-ci. En matière de droit d’être entendu, les membres du personnel bénéficieront ainsi d’une protection sans équivalent en Suisse » (mémorial du conseil municipal de la ville du 14 octobre 2009, PR-749 p. 3 et 15 ; ATA/1257/2015 du 24 novembre 2015).

Ainsi, en matière de sanctions disciplinaires, le système mis en place prévoit un double degré d'audition orale pour une décision d'avertissement, avec à chaque fois le droit de se faire assister. Une telle décision comporte de surcroît une part d'appréciation en opportunité.

4. En l'espèce, il ressort clairement du courriel de la directrice du G______ de la veille de l'entretien du 3 mars 2015 que le recourant bénéficierait d'une nouvelle audition si des faits devaient lui être reprochés et que cet entretien ne s'inscrivait pas dans le cadre des art. 93 ss du statut. Il en découle que les garanties procédurales offertes par lesdites dispositions devaient être mises en œuvre ultérieurement audit entretien, ce que l'intimée n'a pas fait. Le recourant a dès lors été privé de son droit de se faire assister lors de son audition avant la prise de décision, en violation manifeste des art. 107 al. 3 REGAP, 96 al. 2 du statut, 9 al. 1 LPA et 29 al. 2 Cst.

Au vu de ce qui précède, la question de savoir si le recourant devait être présent lors de l'audition des autres collaborateurs ou, à tout le moins, devait pouvoir se déterminer sur l’entier des procès-verbaux de leur audition avant la décision de sanction disciplinaire, peut souffrir de demeurer indécise en l'état. Il en va de même s'agissant de la question de savoir si le recourant pouvait bénéficier, dans le cadre du recours hiérarchique devant le CA, d'une « audition personnelle », compte tenu de son incapacité médicale à participer à des audiences. En effet, dans la mesure où le CA a nié, à tort, une violation du droit d'être entendu de l’intéressé devant la direction du G______ qui a prononcé l'avertissement, la décision du CA, confirmant ladite sanction, viole le droit pour ce motif déjà, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs du recourant relatifs à son droit d'être entendu.

5. a. Une décision entreprise pour violation du droit d’être entendu n’est en principe pas nulle, mais annulable (ATF 137 I 195 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.207/2001 du 12 novembre 2001 consid. 5a ; ATA/1257/2015 précité ; ATA/289/2014 du 29 avril 2014 consid. 6 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, Genève 2011, n. 916). La violation du droit d'être entendu doit en principe entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recourant sur le fond (ATF 133 III 235 consid. 5.3 ; ATA/1257/2015 précité).

La nullité absolue d'une décision peut être invoquée en tout temps devant toute autorité et doit être constatée d'office. Elle ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement reconnaissables et pour autant que sa constatation ne mette pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Sauf dans les cas expressément prévus par la loi, il ne faut admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire (ATF 132 II 21 consid. 3.1 ; 130 II 249 consid. 2.4 p. 257 ; ATA/1257/2015 précité ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 908 ss). Des vices de procédure qui tiennent à des violations du droit d'être entendu sont en soi guérissables et ne conduisent en règle générale qu'à l'annulabilité de la décision entachée du vice. S'il s'agit cependant d'un manquement particulièrement grave aux droits essentiels des parties, les violations du droit d'être entendu entraînent aussi la nullité (arrêt de Tribunal fédéral 8C_861/2012 du 20 août 2013 consid 5.2 et les arrêts cités).

b. En l’occurrence, le droit à une audition orale, qui implique le droit d’être informé du cadre dans lequel une audience sera tenue, tout comme le droit de se faire assister, sont des droits procéduraux essentiels dans le système mis en place par la ville. Ces droits sont explicitement prévus à l'art. 107 al. 3 REGAP, s'agissant d'une décision d'avertissement, et rappelés à l'art. 96 al. 2 du statut.

La violation de ces garanties doit être qualifiée de grave. Elle était au demeurant reconnaissable, dans la mesure où le recourant a cherché à se renseigner auprès de la direction du G______, avant la date de l'audition, afin de déterminer si celle-ci s'inscrivait dans le cadre des art. 94 à 104 du statut et 107 REGAP. L'attitude du recourant, qui a de surcroît précisé en en-tête de sa déclaration fournie le jour de son audition que « cet entretien n'ira pas au-delà de [son] audition pour noter [sa] version des faits et propos tenus le 2 janvier (2015) et de la signature de [sa] déposition », confirme que, pour celui-ci, cette audition n’était qu’informelle. Il ne ressort d’ailleurs pas du procès-verbal d'audition qu'il ait été contredit sur ce point.

La violation du droit d’être entendu ayant été niée par le CA, celui-ci a confirmé la sanction sans s’interroger sur les moyens d’une éventuelle réparation devant lui.

En matière de sanction disciplinaire d'un membre du personnel de la ville, la chambre administrative ne dispose pas du même pouvoir d'examen que l'autorité intimée. Elle ne peut revoir l'opportunité de la décision (art. 62 al. 2 LPA). Ainsi, le recourant ne peut faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse devant elle aussi efficacement qu'il aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision initiale.

En conséquence, seule la nullité des décisions, soit celle prise par la direction du G______, d'une part, et, d'autre part, celle prise par le CA la confirmant, entre en ligne de compte. La sécurité du droit n'en souffrira pas sérieusement, dès lors que la sanction disciplinaire prononcée, en l'occurrence l'avertissement, n'a pas modifié les rapports de service.

6. La nullité des décisions querellées sera donc constatée. En cas de constat de nullité, le recours n'a pas ou plus d'objet, ce qui conduit en principe à son irrecevabilité (ATF 136 II 415 consid. 1.2 ; ATA/1257/2015 précité ; ATA/312/2015 du 31 mars 2015).

7. Vu le constat de nullité, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée au recourant, à la charge de la ville (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

constate la nullité de la décision de la direction du G______ et de la sécurité du 21 avril 2015 ;

constate la nullité de la décision du Conseil administratif de la Ville de Genève du
26 octobre 2015 ;

déclare irrecevable le recours interjeté le 26 novembre 2015 par Monsieur A______ contre la décision du Conseil administratif de la Ville de Genève du
26 octobre 2015 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Monsieur A______, à la charge de la Ville de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les
art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yvan Jeanneret, avocat du recourant, ainsi qu'à la Ville de Genève.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.


 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :