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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2892/2009

ATA/713/2010 du 19.10.2010 ( AMENAG ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : ; AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ; MODIFICATION(EN GÉNÉRAL) ; PLAN D'AFFECTATION ; PLAN DE ZONES ; DÉCLASSEMENT ; 5E ZONE ; 4E ZONE B ; ZONE DE DÉVELOPPEMENT ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; INTÉRÊT ACTUEL
Normes : LaLAT.12 ; LaLAT.13 ; LaLAT.19 ; LaLAT.20 ; LPE.10 ; Cst.29.al2 ; LPA.41ss ; LPA.60
Parties : GAZNAT SA / GRAND CONSEIL, LES CHARMETTES, LES HOIRS MOOR
Résumé : Une société exploitant une conduite de gaz à haute pression n'a pas d'intérêt actuel à recourir au stade de l'examen et de l'adoption d'un plan d'affectation général. D'éventuelles restrictions à bâtir doivent être examinées dans le cadre de la procédure d'autorisation de construire.
En fait
En droit

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2892/2009-AMENAG ATA/713/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 19 octobre 2010

 

dans la cause

 

GAZNAT S.A.
représentée par Me Amédée Kasser, avocat

contre

GRAND CONSEIL

et

SNC LES CHARMETTES, LES HOIRS MOOR, appelée en cause
représentée par Me Guy Reber, avocat

 



EN FAIT

1. La société en nom collectif les Charmettes, les Hoirs Moor (ci-après : la SNC) est propriétaire des parcelles n° 2281, 2427 et 7078, feuille 13 du cadastre de la commune de Bernex, colloquées en zone 5 (villas) au sens de l’art. 19 al. 3 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30). Ces bien-fonds accueillent l’établissement médico-social « Les Charmettes » (ci-après : l’EMS), établissement de droit public formé de deux bâtiments.

Au nord et au sud de ces terrains, se trouvent des parcelles sises en 5ème zone de développement, formant un "tissu bâti pavillonnaire" réalisé entre 1960 et 1980. A l’est, se situe le quartier de Cressy, soit un secteur sis en zone de développement 4B (art. 19 al. 2 let. b LaLAT), dans lequel ont été construits dans les années 2000 des petits immeubles d’un gabarit R+1+Attique. Enfin, les biens-fonds sont bordés à l’ouest par le chemin de Gambay, au-delà duquel se trouve un secteur non bâti sis en zone agricole (art. 20 al. 1 LaLAT).

2. La société pour l’Approvisionnement et le Transport du Gaz Naturel en Suisse Romande S.A. (ci-après : Gaznat), dont le siège est à Lausanne, exploite une conduite de gaz à haute pression passant sous la zone agricole précitée, le long du chemin de Gambay, à 9 ou 10 mètres du périmètre ouest du plan de zone regroupant les trois parcelles susmentionnées.

3. Le 12 décembre 2006, la SNC a déposé une demande de renseignement (ci-après : DR) auprès du département des constructions et des technologies de l’information (ci-après : DCTI). Enregistrée sous le n° 17978/1, cette DR avait pour objet la transformation et l’agrandissement de l’EMS, dans le but d’améliorer le confort des résidents et du personnel et d’assurer la pérennité de l’institution.

L’EMS était composé de deux bâtiments comportant un rez-de-chaussée, un 1er étage et un sous-sol et comptant quatre-vingt-huit chambres, dont soixante-huit aménagées avec deux lits. Le projet visé par la DR n° 17978/1 prévoyait la surélévation d’un étage des bâtiments existants et la création d’un bâtiment de liaison entre les deux afin de permettre aux résidents et aux employés de passer de l’un à l’autre en étant à l'abri et de disposer de nouveaux locaux communs pour décharger les unités. La surélévation permettrait de plus d’augmenter la surface moyenne des chambres par résident de 9,2m2 à 13,7m2.

4. Le 4 juillet 2007, la DR n° 17978/1 a reçu une réponse favorable. Néanmoins, lors de l’examen du dossier, la direction générale de l’aménagement du territoire (ci-après : DGAT) a considéré qu’en dépit de sa modestie, la réalisation d’un tel projet nécessiterait une modification du régime des zones existant. Elle a ainsi préconisé la création d’une zone de développement 4B, laquelle permettrait en outre de régulariser l’utilisation réelle des bâtiments existants par rapport à la zone dans laquelle ils se trouvaient.

5. Le 16 novembre 2007, le Conseil d’Etat a élaboré un avant-projet de plan de zones n° 29673-507, situant les parcelles n° 2281, 2427 et 7078 en zone de développement 4B, accompagné d’un exposé des motifs et soumis à l’enquête technique.

6. Le 19 décembre 2007, Gaznat a délivré un préavis favorable sous réserve: ce plan n’appelait pas de remarque particulière de sa part. Ce projet permettait une affectation des trois parcelles plus conforme à la réalité et à l’affectation des bâtiments s’y trouvant. Toutefois, elle évoquait des incertitudes quant à l’application de l’ordonnance sur la protection contre les accidents majeurs du 27 février 1991 (OPAM - RS 814.012) lors de nouvelles affectations de zones ou de constructions se trouvant à proximité de conduites de gaz existantes. Concernant la transformation et l’agrandissement de l’EMS, Gaznat se réservait le droit de prendre part à l'enquête publique et, dans le cas où les transformations envisagées le justifiaient, de faire opposition au projet.

7. Le 21 janvier 2008, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) a lui aussi délivré un préavis favorable, relevant qu’il n’y avait pas d’entreprise assujettie à l’OPAM à l’intérieur ou à proximité du projet de modification de zone n° 29673-507.

8. Tous les autres services compétents ont préavisé favorablement cet avant-projet.

9. Du 11 juin au 12 juillet 2008, le DT a mis à l’enquête publique l’avant-projet de loi concernant le projet de plan de zones n°29673-507. Celui-là n’a alors fait l’objet d’aucune observation.

10. Par délibération du 14 octobre 2008, le Conseil municipal de la commune de Bernex a délivré un préavis favorable à l’avant-projet de loi, par dix-neuf voix pour et une abstention.

11. Le 8 janvier 2009, le Conseil d’Etat a déposé au Grand Conseil le projet de loi n° 10431 (ci-après: PL 10431), modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Bernex (création d’une zone de développement 4B, située à l’est du chemin de Gambay, au lieu-dit « Cressy-Molliers »), selon le plan de zone n° 29673-507.

12. La procédure d’opposition à ce projet de loi a été ouverte du 2 février au 4 mars 2009.

13. Le 2 mars 2009, Gaznat a déclaré former opposition au PL 10431.

Le projet de loi prévoyait certes une modification nécessaire à la densification du lieu-dit « Cressy-Molliers » suite à la transformation et à l’agrandissement de l’EMS; cependant cette zone se trouvait à proximité d’un gazoduc haute pression. L’exploitation de telles installations était soumise à la législation fédérale, notamment la loi fédérale du 4 octobre 1963 sur les installations de transport par conduites de combustibles ou carburants liquides ou gazeux du 4 octobre 1963 (LITC - RS 746.1) et dans une certaine mesure restant à définir, à l’art. 10 de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) et à l’OPAM. Si les autorités compétentes en la matière imposaient l'application de cette dernière lors de nouvelles affectations de zones ou de constructions situées à proximité des conduites de gaz existantes, cette pratique était contestée et avait récemment fait l’objet d’une procédure judiciaire encore en cours. Cette législation prévoyait des dispositions particulièrement strictes en termes d’analyse de risque.

Dans l’hypothèse où l’OPAM était applicable en l’espèce, il convenait de procéder à une pesée des intérêts en tenant compte des intérêts économiques de Gaznat à exploiter le gazoduc à haute pression, ainsi que de l’intérêt de la collectivité à être approvisionnée en gaz naturel. Sa mission d’intérêt public devenait impossible si elle devait trouver d’autres positionnements pour cette conduite au motif que toutes les zones devenaient constructibles les unes après les autres, entraînant une densification de la population. Or, cette analyse n’avait pas été faite au stade du PL 10431.

14. Après approbation, le 1er avril 2009, par la commission parlementaire de l’aménagement chargée de son étude, le PL 10431 a été adopté par le Grand Conseil le 15 mai 2009. Cette loi a fait l’objet d’un arrêté de publication, puis de promulgation, paru dans la Feuille d’avis officielle (ci-après : FAO) du 13 juillet 2009.

15. L’art. 3 de la loi n°10431 rejetait l’opposition formée par Gaznat pour les motifs exposés dans le rapport de la commission de l’aménagement.

Le périmètre du plan litigieux ne comprenait pas de conduite de gaz à haute pression. Une telle conduite existant à proximité n’était cependant pas soumise à l’OPAM, selon l’art. 1 al. 4 let. a de cette ordonnance. Gaznat n’était probablement pas touchée par un accroissement potentiel des risques dus aux transformations à venir, ce qui ne devait pas avoir d’incidences sur ses obligations.

Gaznat avait déposé un recours auprès du Tribunal fédéral contre une décision de l’office fédéral de l’énergie, confirmée par le Tribunal administratif fédéral, lui imposant, en tant qu’exploitante d’installations qui, en cas d’événements extraordinaires, pouvaient causer de graves dommages à l’homme ou à l’environnement, de prendre les mesures propres à assurer la protection de la population et de l’environnement, notamment en adoptant des mesures techniques de sécurité, sur la base de l’art.10 LPE.

Même si la conduite de gaz devait être considérée comme une installation à risques soumise à l’OPAM sur la base de la LPE, le plan querellé était un plan d’affectation général et non un plan localisé de quartier dès lors qu’il ne contenait aucune planification de détail. Il ne s’agissait pas non plus d’une autorisation de construire portant sur un projet particulier. Ces questions liées aux risques éventuels ne devaient donc pas être étudiées à ce stade.

Gaznat avait délivré un préavis favorable au projet de la modification des zones et ses réserves avaient trait au projet concret de transformation et d’agrandissement de l’EMS. En faisant opposition, elle confondait à tort le plan de zones litigieux et les constructions susceptibles de découler de l’adoption de ce plan.

Rien ne permettait en l’état de penser que les constructions qui pourraient être édifiées suite à l’adoption du plan de zone engendreraient un accroissement des risques liés à l’exploitation du gazoduc au point d’entraver de manière excessive cette exploitation ou de générer des frais disproportionnés en vue de répondre aux exigences légales prévalant en la matière. Gaznat ne démontrait d’ailleurs pas le contraire et n’avançait aucun élément objectif et pertinent permettant de s’écarter du préavis favorable de l’OCIRT.

Enfin, même si la présence d'habitants supplémentaires à proximité de la conduite de gaz pouvait avoir des incidences sur les obligations de Gaznat, cette dernière ne pouvait, aux fins de limiter ses coûts, priver les voisins des droits dont ils disposaient - en se prévalant par exemple du fait que ces terrains seraient de par sa présence sur le site impropre à la construction - sans acquérir ces propriétés ou disposer de droits réels restreints sur celles-ci, ainsi que l'avait jugé récemment le tribunal de céans (ATA/80/2009 du 17 février 2009 consid. 9 p. 13).

16. Par envoi recommandé du 12 août 2009 adressé au Tribunal administratif, Gaznat a interjeté recours contre la loi 10431 approuvant le plan n° 29673-507 modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Bernex (création d’une zone de développement 4B située à l’est du chemin de Gambay, au lieu-dit « Cressy-Mollier ») (10431), priant préalablement le tribunal de céans d’ordonner une comparution personnelle des parties et concluant principalement l'annulation de cette loi.

L’autorité refusait de tenir compte de la problématique relative à la proximité d’un gazoduc haute pression dans ses décisions en matière d’aménagement du territoire. Elle faisait en outre abstraction des intérêts économiques de Gaznat d’une part, et de ceux de la collectivité à être approvisionnée en gaz d’autre part, violant ainsi son devoir de planification résultant de la loi fédérale du 22 juin 1979 sur l’aménagement du territoire (LAT - RS 700).

L’OPAM ne s’appliquait pas aux installations de transport par conduite soumises à la LITC, cette exclusion n’était toutefois pas absolue et la question pouvait se poser pour le gazoduc exploité par Gaznat.

Le Tribunal administratif fédéral avait confirmé une décision de l’office fédéral de l’énergie: l’art. 10 LPE restait directement applicable au détenteur d’une installation à risques, en dépit de l’entrée en vigueur de l’OPAM. Il en résultait que cette norme permettait d’imposer à l’exploitant d’une conduite de gaz des mesures supplémentaires à celles prévues par la législation topique. Le Tribunal fédéral venait de déclarer irrecevable un recours contre cette décision, au motif qu’elle n’était pas finale puisqu’elle ne mettait pas fin à la procédure d’ordonner des mesures de sécurité.

L’opposition au PL 10431 avait été rejetée au motif que le plan querellé était un plan d’affectation général, ne contenant pas de planification de détail et n’étant constitutif d’aucune autorisation de construire portant sur un projet particulier. Or, le plan concernait un périmètre restreint de trois parcelles et était uniquement destiné à permettre l’agrandissement de l’EMS. Malgré le fait que les détails de la modification étaient inconnus, une densification était une conséquence prévisible qui aurait une incidence pour Gaznat.

Si Gaznat faisait valoir ses intérêts dans le cadre de la procédure d’adoption d’un plan d’affectation du sol ce n'était pas pour priver les voisins des droits dont ils disposaient. Toutefois, sa mission d’approvisionner une région du pays en gaz naturel allait devenir impossible si elle était contrainte de trouver d’autres positionnements pour le gazoduc au motif que toutes les zones se construisaient les unes après les autres et que la population s’y densifiait.

17. Le 14 septembre 2009, la SNC a sollicité son intervention dans la procédure. Elle était, en tant que propriétaire du terrain déclassé, directement intéressée à l’aboutissement et à l’entrée en force de la loi n° 10431, dans la mesure où la mise aux normes de l’EMS devenait urgente.

18. Dans sa réponse du 24 septembre 2009, le Grand Conseil a conclu au rejet du recours, s’en remettant à justice concernant la recevabilité du recours.

Le Tribunal administratif ne pouvait revoir un plan d’affectation que sous l’angle de la légalité, son opportunité étant examinée au stade de l’opposition par le Grand Conseil ayant plein pouvoir d’examen. La loi de modification de régime des zones querellée était en outre conforme aux objectifs du plan directeur cantonal.

La conduite de gaz était soumise à la LITC et non à l’OPAM, raison pour laquelle Gaznat n'était pas concernée par un accroissement potentiel des risques dus aux constructions érigées suite à l’adoption du plan de zones. Celui-ci ne devait dès lors pas avoir d’incidences sur les obligations de la recourante.

Comme cela résultait du rapport de la commission de l’aménagement, même dans l’hypothèse où le gazoduc était soumis à l’OPAM, le plan visé à l’art. 1 de la loi litigieuse était un plan d’affectation général, ne contenant aucune planification de détails et n’étant pas constitutif d’une autorisation de construire. En l’absence de prescriptions de détail particulières, il était impossible de mesurer l’accroissement du risque qui pouvait résulter, pour le gazoduc exploité par la recourante, de l’adoption de ce plan. Une contestation en toute connaissance de cause n’était donc envisageable qu’à un stade ultérieur de la procédure. La jurisprudence, tant du Tribunal administratif que du Tribunal fédéral, allait d’ailleurs dans ce sens.

Gaznat n’avait jamais démontré, ni lors de son opposition, ni dans son acte de recours, qu'elle risquait de devoir prendre des mesures supplémentaires, cas échéant lesquelles. Elle n’avait pas non plus établi que le coût engendré par de telles mesures serait économiquement insupportable. Toutefois, même si cela s’avérait être le cas, la recourante ne pouvait pas, aux fins de limiter ses coûts, priver les voisins des droits dont ils disposaient - en se prévalant par exemple du fait que ces terrains seraient, de par sa présence sur le site, impropres à la construction - sans acquérir ces propriétés ou disposer de droits réels restreints sur celles-ci, ainsi que le Tribunal administratif l'avait jugé dans l'arrêt précité.

Le Grand Conseil avait donc procédé à une pesée complète de tous les intérêts publics et privés en cause, y compris ceux invoqués par la recourante, sans mésuser du pouvoir d’appréciation que lui conférait la législation applicable en la matière.

19. Le 19 novembre 2009, la SNC, appelée en cause, a déposé ses observations.

Elle se sentait "prise en otage" par la recourante dans sa volonté d’engager un bras de fer avec l’Etat de Genève et ne voulait pas participer à cette querelle s’agissant du respect ou non des besoins de Gaznat dans l’exécution des missions qui lui étaient dévolues.

S’agissant du projet de transformation à l’origine de la modification législative, aucune densification n’en résulterait puisque l’EMS n’accueillerait plus que 84 résidents au lieu de 88 actuellement. L’objectif consistait en une simple mise aux normes des bâtiments, afin d’améliorer leur confort et leur fonctionnalité, dans la mesure où l’EMS ne répondait plus aux normes, ni aux standards attendus par les résidents et leurs familles, au point de mettre à mal le taux d’occupation et de mettre en péril la pérennité de l’établissement. Un tel intérêt public était dès lors au moins équivalant à celui avancé par Gaznat.

Enfin, les parcelles concernées par le projet de loi étaient déjà largement densifiées, de même que toutes les parcelles voisines et ce depuis une dizaine d’années. L’argumentation des risques liés à l’exploitation de la conduite de gaz n’était donc pas pertinente, d’autant plus que la recourante ne démontrait pas en quoi le périmètre de sécurité à la limite des parcelles ne serait pas respecté.

Pour toutes ces raisons, elle s'en remettait à justice quant à la recevabilité du recours et concluait au rejet de celui-ci.

20. Le 7 décembre 2009, la SNC a indiqué ne pas avoir d’observations complémentaires à formuler.

21. Le 14 décembre 2009, le Grand Conseil a constaté que la SNC, appelée en cause, concluait également au rejet du recours. Il n’avait pas d’observations particulières à formuler, et persistait dans ses conclusions.

22. Le 7 janvier 2010, Gaznat a formulé des observations complémentaires.

La problématique de la proximité d’un gazoduc à haute pression devait être prise en considération au stade de la planification déjà. Dès lors, le recours ne pouvait être déclaré irrecevable au motif que la loi litigieuse ne définissait pas avec précision l’implantation des constructions et installations prévues: il ressortait d'ailleurs de la réponse du Grand Conseil que la modification législative avait été adoptée précisément pour permettre la transformation et l’agrandissement de l’EMS.

Le devoir de planification imposé par la LAT n’amenait pas le pouvoir législatif à se préoccuper des aspects liés aux risques ou à l’accroissement de ceux-ci du fait de l’augmentation des possibilités de densification du territoire. Le refus d’un examen dans ce sens avant l’adoption d’un plan d’affectation revenait à placer devant le fait accompli l’exploitant d’une conduite de gaz conforme au droit, en le confrontant à une situation permettant de facto une densification susceptible d’aboutir à des mesures que celui-ci serait contraint de prendre en raison de l’art. 10 LPE ou de l’OPAM.

Si elle n'utilisait pas les voies de droit ouvertes contre l’adoption d’une loi destinée à permettre une densification du territoire, Gaznat risquait de se voir opposer les principes directeurs de cette loi lors d’une éventuelle opposition au plan d’affectation.

23. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 56A al. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La recourante demande une audience de comparution personnelle et des enquêtes.

Le droit d’être entendu est une garantie de nature formelle (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.256/2001 du 24 janvier 2002 consid. 2a et les arrêts cités ; ATA/172/2004 du 2 mars 2004). Sa portée est déterminée en premier lieu par le droit cantonal (art. 41ss LPA) et le droit administratif spécial (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.742/1999 du 15 février 2000 consid. 3a ; ATF 124 I 49 consid. 3a p. 51 et les arrêts cités ; Arrêt du Tribunal fédéral du 12 novembre 1998 publié in RDAF 1999 II 97 consid. 5a p. 103). Si la protection prévue par ces lois est insuffisante, ce sont les règles minimales déduites de la Cst. qui s’appliquent (Arrêts du Tribunal fédéral 2P.256/2001 du 24 janvier 2002 consid. 2b ; 1P.545/2000 du 14 décembre 2000 consid. 2a et les arrêts cités ; B. BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 198).

Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.77/2003 du 9 juillet 2003 consid. 2.1 et les arrêts cités ; ATA/172/2004 du 2 mars 2004 et les arrêts cités). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne pourraient l’amener à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (Arrêts du tribunal fédéral 2P.200/2003 du 7 octobre 2003, consid. 3.1 ; 2P.77/2003 du 9 juillet 2003 consid. 2.1 et les arrêts cités ; ATA/172/2004 du 2 mars 2004 ; ATA/39/2004 du 13 janvier 2004 consid. 2).

En l’espèce, la procédure devant le Tribunal administratif est en principe écrite. La recourante a ainsi eu la possibilité, qu’elle a utilisée, de faire valoir son point de vue tout au long de la procédure. Le tribunal de céans dispose donc dans le dossier des éléments suffisants pour statuer sans qu’une audience de comparution personnelle des parties ou des enquêtes ne soient nécessaires.

3. Pour qu’un recours soit recevable il faut encore que les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée, et toute personne touchée par ladite décision, soient titulaires de la qualité pour recourir, c’est-à-dire soient touchées directement par celle-ci et qu’elles aient un intérêt digne de protection à ce qu’elle soit annulée et modifiée (art. 60 litt b LPA). Un tel intérêt suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 131 II 361 consid. 1.2 p. 365).

L’intérêt du recourant n’est digne de protection que s’il est actuel, c’est-à-dire si la situation de fait ou de droit est susceptible d’être influencée par l’issue du recours. Son admission doit donc lui procurer un avantage ou supprimer un inconvénient de nature matérielle ou idéale (B. BOVAY, Procédure administrative, Berne, 2000, p. 351). Le juge ne se prononcera ainsi que sur des recours dont l’admission élimine véritablement un préjudice concret (P. MOOR, Droit administratif, tome II, Berne, 2002, p. 642).

L’existence d’un tel intérêt s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours sera déclaré sans objet (ATF 123 II 285 consid. 4 p. 286 ss. ; 118 Ia 46 consid. 3c p.53 ; 111 Ib 58 consid. 2 et les références citées ; ATA/915/2004 du 23 novembre 2004 ; ATA/270/2001 du 24 avril 2001 ; ATA/731/2000 du 5 décembre 2000 ; ATA/295/1997 du 6 mai 1997 ; A. GRISEL, Traité de droit administratif, Neuchâtel, 1984, p. 900 ).

En l’espèce, le plan visé à l’art. 1 de la loi litigieuse est un plan d’affectation général au sens de l’art. 12 LaLAT et non un plan localisé de quartier au sens de l’art. 13 al. 1 let. a LaLAT. Il ne contient en effet aucune planification de détail et n’est pas constitutif d’une autorisation de construire, ce qu’admet la recourante. En l’absence de prescriptions de détail particulières, il est impossible de déterminer si et dans quelle mesure un accroissement du risque peut résulter concrètement, pour le gazoduc exploité par la recourante, de l’adoption de ce plan, étant rappelé que l’EMS se trouve déjà implanté depuis plusieurs années sur les parcelles en cause. D’éventuelles restrictions à bâtir devront être examinées dans le cadre de la procédure d’autorisation de construire (ATA/169/2010 du 16 mars 2010).

Partant, Gazant ne peut se prévaloir d’un intérêt actuel et son recours sera déclaré irrecevable.

4. Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante. Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à l'appelée en cause, à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

déclare irrecevable le recours interjeté le 12 août 2009 par Gaznat S.A. contre la décision du Grand Conseil du 15 mai 2009 ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1'000.- ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la SNC les Charmettes, les Hoirs Moor, appelée en cause, à la charge de la recourante ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Amédée Kasser, avocat de la recourante, au Grand Conseil, ainsi qu’à Me Guy Reber, avocat de la SNC les Charmettes, les Hoirs Moor, appelée en cause.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges, M. Hottelier, juge suppléant

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

F. Glauser

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :