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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/156/2001

ATA/270/2001 du 24.04.2001 ( JPT ) , REJETE

Descripteurs : DETENTION AUX FINS D'EXPULSION; DETENTION(INCARCERATION); ETABLISSEMENT PENITENTIAIRE; LIBERTE PERSONNELLE; INTERET ACTUEL; CAPACITE D'ESTER EN JUSTICE; JPT
Normes : RRIP.60; LEP.12A; LEP.12B
Résumé : Le recourant, sous tutelle, possède la capacité de discernement s'agissant des restrictions apportées à sa liberté personnelle dans le cadre de son incarcération. Le placement pour un mois en régime de sécurité renforcée ne viole pas la liberté personnelle du recourant vu le comportement de celui-ci. Il est cependant regrettable que le canton de GE ne se soit pas doté d'un établissement pénitentiaire adopté aux personnes internées (43 CPS).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 24 avril 2001

 

 

dans la cause

 

 

 

Monsieur N________

représenté par sa tutrice, Mme Nicole Geiser, juriste auprès du Tuteur général

 

 

contre

 

 

 

 

 

 

OFFICE PÉNITENTIAIRE - PRISON DE CHAMP-DOLLON

 



EN FAIT

 

 

1. Monsieur N________, né le _____ 1967, a été arrêté et incarcéré à la prison de Champ-Dollon (ci-après : la prison) le 23 juin 2000 dans le cadre d'une poursuite pénale pour lésions corporelles simples.

 

2. Le 16 janvier 2001, la Chambre d'accusation a rendu une ordonnance de non-lieu à l'endroit de M. N________, vu notamment l'expertise du 23 novembre 2000 effectuée par le Dr Vengos concluant à l'état d'irresponsabilité du prévenu s'agissant des infractions retenues dans les réquisitions. Elle a admis que la pathologie dont souffrait l'inculpé était profonde et durable et que celui-ci, depuis dix ans, refusait de se soumettre aux soins proposés. L'inculpé devait être considéré comme inapte à être traité et une mesure d'hospitalisation n'apparaissait dès lors pas suffisante. La Chambre d'accusation a ainsi ordonné l'internement de M. N________ et a transmis la cause au Conseil de surveillance psychiatrique (ci-après : CSP) pour prendre les mesures d'exécution qui s'imposaient et contrôler le traitement et les soins prodigués.

 

3. Par décision du 18 janvier 2001, le directeur de la prison a prononcé le placement de M. N________ en régime de sécurité renforcée pour une durée d'un mois, du 26 janvier au 26 février 2001. M. N________ présentait une menace pour l'établissement et plus particulièrement pour la sauvegarde de la sécurité collective. Depuis son arrivée, il avait ainsi:


- le 12 juillet 2000, pris part à une bagarre avec d'autres détenus et, ensuite, été placé 2 jours en cellule forte;

 

- le 26 juillet 2000, pris part à une bagarre avec d'autres détenus et, ensuite, été placé 4 jours en cellule forte;

 

- le 15 août 2000, bouté le feu à sa cellule alors qu'il se trouvait au quartier carcéral psychiatrique;

 

- le 22 août 2000, agressé un autre détenu et, ensuite, été placé 2 jours en cellule forte;

 

- le 14 octobre 2000, entrepris de grimper par dessus le grillage entourant la promenade du quartier carcéral psychiatrique. La promenade lui a été supprimée durant une semaine;

 

- le 20 octobre 2000, agressé un membre du personnel médical du quartier carcéral psychiatrique et, ensuite, été placé 4,5 jours en cellule forte;

 

- le 28 octobre 2000, bouté le feu à un exemplaire de la Bible qui lui avait été remis;

- le 9 décembre 2000, bouté le feu à sa cellule et, ensuite, été placé 5 jours en cellule forte;

 

- le 3 janvier 2001, agressé des membres du personnel gardien et, ensuite, été placé 10 jours en cellule forte;

 

- le 16 janvier 2001, agressé des membres du personnel gardien et, ensuite, été placé 10 jours en cellule forte.

 


La décision mentionnait que M. N________ avait été informé des faits qui lui étaient reprochés et avait eu la possibilité de s'exprimer et de faire valoir son point de vue.

 

4. Le 16 février 2001, M. N________, représenté par sa tutrice, a saisi le Tribunal administratif d'un recours contre la décision du directeur de la prison. Il a conclu à la constatation de la nullité de la décision et, subsidiairement, à son annulation.

 

Il avait fait l'objet de plusieurs sanctions disciplinaires ayant conduit à sa mise en cellule forte pour un total de 37,5 jours et à son placement en régime de sécurité renforcée. Il existait un risque que cette dernière mesure soit prononcée à nouveau. Il possédait dès lors un intérêt personnel et actuel digne de protection. Concernant sa capacité d'ester en justice, sous tutelle depuis le 24 septembre 1991, il était valablement représenté par sa tutrice qui avait obtenu l'autorisation de plaider au sens de l'article 421 chiffre 8 Code civil suisse du 10 décembre l907 (CCS - RS 210).

 

Au fond, son droit d'être entendu avait été violé. Même si l'on admettait que lui-même avait été entendu, il n'en demeurait pas moins que, ne disposant pas de l'exercice des droits civils, il devait être représenté par sa tutrice qui aurait dû être informée et entendue. Par ailleurs, sa mise en régime de sécurité renforcée portait atteinte à sa liberté personnelle. Elle était inconstitutionnelle car elle ne respectait pas le principe de la proportionnalité. L'absence de tout contact avec l'extérieur et de suivi médical avait porté atteinte à son intégrité physique et psychique. Comme les nombreuses sanctions disciplinaires, la mesure contestée allait avoir pour conséquence une recrudescence de violence de sa part et une déprédation de sa santé mentale et physique. Son placement en régime de sécurité renforcée pendant une période d'un mois n'apportait qu'une solution temporaire. Une mesure moins lourde aurait dû être prise. Il se trouvait, à titre exceptionnel, à la prison sous le régime d'un internement et il ne lui appartenait pas de répondre de l'absence d'établissement approprié tel que prévu par l'article 43 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.O). Son internement devait lui offrir un encadrement et un suivi médical et psychothérapeutique propres à améliorer sa situation personnelle. La gravité de l'atteinte à son intérêt privé justifiait qu'on renonce à la mesure. Enfin, il y avait également une violation de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Traité comme un détenu ordinaire, il n'était pas tenu compte de sa situation personnelle ce qui équivalait à un traitement inhumain. L'absence de prise en charge sur le plan médical constituait de son côté un traitement dégradant.

5. La direction de la prison a transmis ses observations le 23 février 2001. Elle a conclu au rejet du recours. L'internement de M. N________ ne contrevenait ni aux conclusions de l'expertise du Dr Vengos, ni au dispositif de l'ordonnance rendue le 16 janvier 2001 par la Chambre d'accusation. Sur décision du service médical, M. N________ avait été transféré, durant sa détention préventive, au quartier carcéral psychiatrique, section de la prison. Le service médical de la prison ne dépendait pas de la direction de cet établissement et les détenus placés en cellule forte pouvaient disposer de soins médicaux. Elle ignorait l'existence d'un mandat de tutelle. D'ailleurs, ni la tutrice, ni le service du Tuteur général ne s'étaient manifestés envers M. N________. Cet état de fait l'avait conforté dans sa conviction que M. N________ possédait la capacité de discernement par rapport aux aspects liés à la liberté personnelle. Il était capable d'ester en justice pour faire valoir son droit à la liberté personnelle et le droit d'être entendu avait été respecté. S'agissant du placement en régime de sécurité renforcée, il n'y avait eu aucune violation de la liberté personnelle de M. N________. Elle avait d'abord utilisé les sanctions ordinaires prévues par l'article 47 du règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (F 1 50.04; ci-après : le règlement de la prison). Toutefois, vu la gravité des actes commis et afin d'assurer la sécurité collective du personnel et des personnes incarcérées, elle avait dû prononcer une mesure de régime de sécurité renforcée qu'elle avait limitée à un mois. Cette mesure était proportionnée aux actes commis et il n'y avait eu d'atteinte ni à la liberté personnelle, ni à l'art. 3 CEDH.

 

6. Le 2 avril 2001, la direction de la prison a transmis au Tribunal administratif un échange de correspondance avec le CSP. Il en ressort que :

 


- le 6 mars 2001, la direction de la prison a demandé au CSP de se déterminer sur les possibilités d'amélioration des conditions de détention de M. N________. Elle indiquait notamment que pendant la phase de la détention préventive, M. N________ avait séjourné au quartier carcéral psychiatrique mais, qu'en raison de son comportement, les médecins n'avaient plus été en mesure d'assurer la poursuite du séjour;

 

- le 20 mars 2001, le CSP a répondu être en attente d'un rapport du médecin en charge du traitement de M. N________.

 

 


7. Le tribunal de céans retiendra encore les faits suivants, tels qu'ils sont établis par l'expertise du Dr Vengos du 23 novembre 2000, fournie par les parties :


- depuis 1990 jusqu'à l'incarcération de M. N________ le 23 juin 2000, celui-ci a effectué 36 hospitalisations à la clinique psychiatrique de Belle-Idée, 3 sous forme d'entrée volontaire et 33 sous forme d'entrée non-volontaire;

 

- du 29 novembre 1998 au 23 juin 2000, il n'a vécu que 16 jours en dehors de la clinique;

 

- M. N________ a commis plusieurs agressions physiques;

 

- selon le diagnostic posé par l'expert, M. N________ souffre d'un trouble mental représenté par une schizophrénie paranoïde chronique avec abus de cannabis;

 

- l'expert conclut en ces termes : "il est par conséquent nécessaire, l'hôpital psychiatrique ayant, et de loin, montré ses limites, de l'interner dans un établissement approprié (qui peut être représenté par le milieu carcéral) pour prévenir la mise en danger d'autrui.


EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile, le recours est, à cet égard, recevable (art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. a. Le Tribunal administratif est l'autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05). Le recours au Tribunal administratif n'est cependant pas recevable contre les décisions pour lesquelles le droit fédéral ou une loi cantonale prévoit une autre voie de recours (art. 56B LOJ).

 

b. La loi sur l'exécution des peines, la libération conditionnelle et le patronage des détenus libérés du 22 novembre 1941 (E 4 50) permet au Conseil d'Etat de prévoir un recours hiérarchique contre les décisions des autorités administratives compétentes en matière de détention, d'exécution des peines et mesures et de patronage (art. 12A al. 1). Un recours au Tribunal administratif est en tout cas ouvert contre les décisions portant sur le placement en régime de sécurité renforcée (art. 12B al. 1 let. a); est réservé l'épuisement préalable des voies de recours hiérarchiques (art. 12B al. 2 in fine).

 

c. L'article 60 du règlement de la prison institue un recours auprès du chef du département contre toute sanction du directeur (let. a) et auprès du Conseil d'Etat contre les sanctions prononcées par le chef du département (let. b). Le placement en régime de sécurité renforcée ne fait pas partie des sanctions, énumérées à l'article 47, chapitre X "discipline et sanctions" du règlement de la prison. En conséquence, le Tribunal administratif est, à juste titre, compétent pour connaître du recours.

 

3. Le présent litige pose la question de la capacité d'ester en justice du recourant.

 

a. La capacité d'ester en justice est une conséquence de l'exercice des droits civils en procédure. Les personnes privées de l'exercice des droits civils (art. 13, 17 CCS) doivent exercer leurs droits en justice par l'intermédiaire de leur représentant légal, lorsque la capacité d'agir raisonnablement leur fait défaut (art. 18 CCS). Demeurent toutefois réservés les droits que doctrine et jurisprudence considèrent comme strictement personnels. Pour ces droits qui, selon la conception juridique suisse, ne peuvent, de par leur nature, être exercés par un représentant légal, la loi prévoit de reconnaître aux mineurs ou aux interdits capables de discernement (art. 19 al. 2 CCS) une capacité limitée d'exercer les droits civils et d'ester en justice leur permettant de conduire des procédures relatives à ces droits eux-mêmes ou par l'intermédiaire de représentants qu'ils auraient désignés. En revanche, cette possibilité disparaît pour les personnes incapables de discernement, raison pour laquelle il est tout bonnement exclu pour elles de faire valoir en justice leurs droits dans le domaine des droits strictement personnels qui ne souffrent aucune représentation (JdT 1993 I 611, notamment 613).

 

b. Les droits strictement personnels peuvent découler du droit public (notamment dans le domaine des droits fondamentaux), de telle façon qu'en vertu de l'article 19 alinéa 2 CCS, la personne capable de discernement mineure ou interdite peut elle-même réclamer la protection des autorités administratives ou du juge (Andreas BUCHER, Personnes physiques et protection de la personnalité, 4e éd., Bâle 1999, p. 35). Le Tribunal fédéral a considéré que le droit à la liberté individuelle constituait un droit strictement personnel dans la mesure où il devait permettre à un individu de se défendre contre un internement injustifié dans un établissement. L'internement d'un individu représentait une atteinte extrêmement grave à la sphère de ses droits strictement personnels et, pratiquement, équivalait à une peine privative de liberté, même si celle-ci n'était pas ordonnée comme telle mais comme mesure de police des indigents ou de prévoyance tutélaire (JdT 1940 I 73, notamment 78-79).

 

c. Une personne est incapable de discernement si elle ne possède pas la faculté d'agir raisonnablement en raison de son jeune âge, de maladie mentale, de faiblesse d'esprit, d'ivresse ou d'autres causes semblables (art. 16 CCS). Les exigences posées quant à la faculté d'agir raisonnablement diffèrent selon la nature et l'importance de l'acte considéré. Les conditions de la capacité de discernement s'apprécient par rapport à un acte donné et en fonction de la situation concrète dans laquelle se trouve l'intéressé (Andreas BUCHER, op. cit., p. 16). L'importance de l'acte et de ses conséquences n'est en soi pas toujours déterminante. Il y a des actes très importants par rapport auxquels l'on ne peut poser des exigences élevées quant à la capacité de discernement. On a observé qu'il s'agit en général de l'exercice de droits qualifiés de strictement personnels au sens de l'article 19 alinéa 2 CCS (Andreas BUCHER, op. cit., p. 17).

 

En l'espèce, le recourant, sous tutelle, n'a pas l'exercice des droits civils. Toutefois, le placement en régime de sécurité renforcée porte atteinte au droit à la liberté personnelle qui fait partie des droits strictement personnels. Le recourant peut donc contester seul la décision de la direction de la prison s'il a la capacité de discernement. Le trouble mental dont souffre le recourant ne suffit pas à lui seul à nier sa capacité de discernement pour comprendre la décision litigieuse et se déterminer à son sujet. Depuis son incarcération, le recourant a géré seul sa détention sans l'aide de sa tutrice ou du service du Tuteur général. Les faits qui lui étaient reprochés lui ont été expliqués et il a eu l'occasion de s'exprimer concernant la mesure prononcée à son encontre. S'agissant d'une restriction apportée à sa liberté personnelle, les exigences quant à l'existence de la capacité de discernement ne doivent pas être trop élevées. Il convient donc d'admettre que le recourant a la capacité de discernement et peut faire valoir personnellement son droit en justice. Partant, le recourant possède le droit d'ester en justice et sa tutrice doit être considérée comme un mandataire.

 

4. a. A qualité pour recourir, toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (art. 60 let. b LPA). L'intérêt à obtenir un jugement favorable doit être personnel, direct, voire immédiat et actuel (Mémorial des séances du Grand Conseil 1984 I 1604 ss; Mémorial 1985 III 4373 ss; ATA T.-R. du 9 septembre 1987).

 

b. L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours; s'il s'éteint pendant la procédure, le recours n'est plus recevable (A. GRISEL, Traité de droit administratif, Neuchâtel 1984, p. 900; ATF 98 Ib pp. 53 et 57; ATA Comité d'initiative du 6 mai 1997; B.G. du 15 janvier 1997). Il y aura irrecevabilité de ce chef, par exemple, si la décision a été exécutée et a sorti tous ses effets (ATF 120 Ia 165 consid. 1a).

 

c. La juridiction n'examine un recours en dépit de l'absence d'intérêt actuel et pratique que lorsque les questions soulevées pourraient se poser à nouveau en tout temps et dans des circonstances identiques ou analogues au juge (ATF 121 I 279 consid. 1 p. 282 et arrêts cités) ou qu'en raison de sa nature, le litige ne pourrait jamais être soumis à temps au Tribunal (ATF non publié R. du 25 juin 1997 consid. 2b p.4; ATF 111 Ib 56 consid. 2b p. 59; 107 Ib 391 consid. 1 p. 392; ATA V.-G. du 2 septembre 1997).

 

Dans le cas d'espèce, la décision de placement en régime renforcé a été entièrement exécutée. Toutefois, le recourant se trouve toujours incarcéré et, dans sa situation, un risque demeure qu'une nouvelle mesure soit prononcée contre lui et exécutée dans les mêmes conditions. De plus, cette mesure est susceptible de constituer un antécédent qui pourrait porter préjudice au recourant. En conséquence, malgré l'absence d'un intérêt actuel du recourant, le recours doit être considéré comme recevable.

 

5. Le recourant se plaint de la violation de son droit d'être entendu, sa tutrice n'ayant pas été entendue. Ce grief n'est pas fondé. Pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus, le placement en régime renforcé porte atteinte à la liberté personnelle, soit à un droit strictement personnel du recourant. Or, dans le cadre du prononcé de la décision litigieuse, la capacité de discernement du recourant doit être admise. Le recourant ne contestant pas avoir été entendu et avoir pu s'exprimer avant le prononcé de la décision, il n'y a pas eu violation de son droit d'être entendu.

 

6. Selon le recourant, son placement en régime de sécurité renforcée le prive de tout contact avec l'extérieur et de suivi médical et viole son droit à la liberté personnelle garanti par la Constitution en ne respectant pas le principe de la proportionnalité. Il invoque également une violation de l'article 3 CEDH.

 

a. L'article 3 CEDH prohibe les traitements inhumains ou dégradants. Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de relever que la CEDH ne donnait pas, en matière de régime de détention dans une prison, des garanties plus étendues que le principe constitutionnel de la liberté personnelle (ATF 124 I 231 notamment 235; ATF 106 Ia 277 notamment 281).

 

b. L'article 10 alinéa 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. féd. - RS 101) garantit à tout être humain le droit à la liberté personnelle, notamment à l'intégrité physique et psychique, et à la liberté de mouvement. Cette disposition correspond à l'ancien droit constitutionnel non écrit de la liberté personnelle. La liberté personnelle n'est pas absolue, elle peut être limitée moyennant une base légale, un intérêt public et le respect du principe de la proportionnalité (ATF 124 I 170, notamment 172).

 

c. Le principe de la proportionnalité comporte traditionnellement trois aspects : d'abord, le moyen choisi doit être propre à atteindre le but fixé (règle d'aptitude); deuxièmement, entre plusieurs moyens adaptés, on doit choisir celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés (règle de nécessité); enfin, l'on doit mettre en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré avec le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (proportionnalité au sens étroit du terme; cf. ATF 123 I 112 consid. 4e p. 121 et les arrêts cités).

 

d. Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, une limitation des droits fondamentaux des détenus ne peut aller au-delà de ce qui est indispensable pour garantir les buts de la détention et pour maintenir une exploitation correcte de l'établissement pénitentiaire (JdT 1999 IV 150, notamment 151).

 

e. Le règlement de la prison prévoit le placement en régime de sécurité renforcée lorsque le régime normal de la détention présente des inconvénients ou des risques (art. 52 al. 1). Il peut être ordonné pour une durée de 6 mois au maximum et être renouvelé aux mêmes conditions (art. 52 al. 3).

 

7. a. En l'espèce, le recourant prétend, tout d'abord, que la mesure prononcée n'apporte qu'une solution provisoire et contribue à la recrudescence de violence et à l'aggravation de sa santé physique et psychique.

Une péjoration de l'état du recourant du fait de son placement en régime de sécurité renforcée n'est étayée par aucune constatation médicale et le recourant ne fait pas état d'un suivi médical qui aurait été interrompu ou qui n'aurait pu avoir lieu du fait de l'exécution de la mesure. Par ailleurs, le passé du recourant démontre qu'il a déjà commis de nombreux actes violents. Depuis 1990, en raison de son comportement, il a dû être hospitalisé à trente-six reprises à la clinique psychiatrique de Belle-Idée. Lors de sa présente incarcération, il a été placé à sept reprises en cellule forte. S'il est vraisemblable que ces nombreuses mises en cellule forte ne facilitent pas la prise en charge du recourant, on ne peut en revanche pas prétendre que la mise en régime de sécurité renforcée aggrave sa santé physique et mentale. Cela d'autant plus qu'en l'espèce cette dernière mesure est prononcée pour la première fois et est limitée à une durée d'un mois.

 

Face aux craintes exprimées par la tutrice au sujet de la santé de son pupille, le tribunal de céans constate que, durant plus de six mois, ni la tutrice ni le service du Tuteur général ne se sont enquis, auprès de l'intéressé ou auprès d'un service de la prison, de la santé du recourant malgré son lourd passé.

 

Enfin, il ressort du règlement de la prison que le service médical est assuré par l'institut universitaire de médecine légale (art. 29 al. 1) qui ne dépend aucunement de l'autorité de la prison.

 

La mesure prise est donc propre à atteindre le but fixé à l'article 52 du règlement de la prison, soit la sauvegarde de la sécurité collective.

 

b. Le recourant reproche à la direction de la prison de ne pas avoir prononcé une mesure moins lourde. Selon lui, interné en application de l'article 43 CP, il doit pouvoir bénéficier d'un encadrement et d'un suivi médical et thérapeutique propres à améliorer sa situation personnelle et n'a pas à subir les conséquences de l'absence d'établissement approprié.

 

L'internement dans un établissement approprié tel que prescrit par l'article 43 chiffre 1 alinéa 2 CP répond, en premier lieu, au besoin de prévenir la sécurité publique et peut être exécuté dans un pénitencier (JdT 1984 IV 69 notamment 71).

 

Le Concordat sur l'exécution des peines et mesures concernant les adultes et les jeunes adultes dans les cantons romands et du Tessin du 22 octobre 1984 (RS 343.3) prévoit qu'à l'égard des délinquants anormaux dangereux, les cantons romands disposent ou disposeront de sections à la prison de Champ-Dollon (art. 12 ch. 6). A l'heure actuelle ces sections n'existent toujours pas. Cette situation n'est pas acceptable. Toutefois, il appartient au canton de se doter des infrastructures nécessaires, le tribunal de céans ne pouvant que constater l'absence d'établissements tels que prévus par le Concordat et la déplorer.

 

Il n'en demeure pas moins que, même lorsque l'internement selon l'article 43 chiffre 1 alinéa 2 CP est justifié par la nécessité de protéger la société, les délinquants doivent pouvoir bénéficier des dispositions prises pour assurer la réinsertion sociale et la guérison des internés (JdT 1997 IV 101).

 

Dans le cas d'espèce, la Chambre d'accusation a retenu qu'une mesure d'hospitalisation n'apparaissait pas suffisante, le recourant devant être considéré comme inapte à être traité, et elle a prononcé une mesure d'internement sur la base de l'article 43 chiffre 1 alinéa 2 CP. Cette mesure ne peut donc être exécutée qu'en pénitencier.

 

Depuis le 23 juin 2000, date de son incarcération, le recourant a notamment pris part à deux bagarres, mis le feu à sa cellule à deux reprises et agressé, une fois, un détenu et, trois fois, des membres du personnel médical et gardien. Ces actes, non contestés, sont indiscutablement graves. Ils ont débuté peu après l'arrivée du recourant à la prison. Par les nombreuses violations des règles de l'établissement, le recourant a mis en péril la sécurité du personnel mais également sa propre sécurité et celle des autres détenus. Face à ce comportement, la direction de la prison a prononcé plusieurs sanctions disciplinaires avant de recourir au placement en régime de sécurité renforcée.

 

Devant cet état de faits, il ne peut être reproché à la direction de la prison d'avoir prononcé le placement en régime de sécurité renforcée du recourant, aucune autre mesure ne permettant de sauvegarder la sécurité collective.

 

En outre, le tribunal de céans constate que, durant la détention préventive, le recourant a été transféré au quartier carcéral psychiatrique, sur avis médical, mais qu'en raison de son comportement, les médecins n'ont pas été en mesure de poursuivre ce placement. Le Tribunal relèvera encore que, jusqu'au 16 janvier 2001, le recourant était incarcéré à titre préventif et que ce n'est qu'à partir de cette date qu'il se trouve sous le coup d'une mesure de sûreté. Il appartient donc maintenant au CSP, comme mentionné dans l'ordonnance de la chambre d'accusation et comme requis par la direction de la prison, de se déterminer sur les modalités de l'exécution de la mesure d'internement du recourant.

 

c. Le recourant soutient encore que l'atteinte portée à son intérêt privé est telle qu'elle justifie de renoncer à son placement en régime de sécurité renforcée.

 

Après la série d'actes commis telle que décrite ci-dessus, la mise en régime de sécurité renforcée était nécessaire au maintien de la sécurité de la prison. Cette mesure d'une durée d'un mois ne constitue pas une restriction disproportionnée de la liberté personnelle du recourant.

 

Par conséquent, la décision de la direction de la prison ne viole pas la liberté personnelle du recourant. Le recours sera rejeté sur ce point.

 

8. En tous points mal fondé, le recours sera rejeté. Vu la situation du recourant, aucun émolument ne sera perçu.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 16 février 2001 par Monsieur N________ contre la décision de l'office pénitentiaire - prison de Champ-Dollon du 18 janvier 2001;

 

au fond :

 

le rejette;

 

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument;

 

communique le présent arrêt à Mme Nicole Geiser, tutrice, mandataire du recourant, et à l'office pénitentiaire - prison de Champ-Dollon.

 


Siégeants : M. Schucani, président, M. Thélin, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, M. Paychère, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

V. Montani D. Schucani

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci