Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3831/2010

ATA/705/2012 du 16.10.2012 sur JTAPI/1193/2011 ( LCI ) , PARTIELMNT ADMIS

Parties : BROLLIET SA, CONSORTS FOEX-SPAHNI-BOSSY / CORBERIA SA, CERUTTI Joseph, DPF MOSER & CONSORTS, SOCIETE EN COMMANDITE, COORDINATION TECHNIQUE DE CONSTRUCTION SA "COTECH", POZZI Roland, POZZI Heidie et Roland, DEPARTEMENT DE L'URBANISME
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3831/2010-LCI ATA/705/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 octobre 2012

1ère section

 

dans la cause

 

BROLLIET S.A.

Monsieur Gilbert BOSSY

Monsieur Jean-Pierre BOSSY

Monsieur Roland BOSSY

Monsieur Louis BOSSY

Monsieur Bénédict FOëX

Monsieur Nicolas FOëX

Monsieur Pierre FOëX

Madame Elvire JOLIAT

Monsieur Denis SPäHNI

représentés par Me Lucien Lazzarotto, avocat

 

et

 

Département de l'urbanisme

 

contre

CORBERIA S.A.
représentée par Me Erin Wood Bergeretto, avocate

 

et

 

Monsieur Joseph CERUTTI

COORDINATION TECHNIQUE DE CONSTRUCTION S.A. « COTEC »

DPF MOSER & CONSORTS

représentés par Me Bruno Mégevand, avocat

 

et

 

Madame Heidie et Monsieur Roland POZZI

représentés par Me Pierre Banna, avocat

 

 

 

 

 

_________


 

 

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 novembre 2011 (JTAPI/1193/2011)


EN FAIT

1. Le 17 juillet 2009, la société Brolliet S.A. (ci-après : Brolliet), Messieurs Gilbert, Jean-Pierre, Roland et Louis Bossy (ci-après : les consorts Bossy), Messieurs Bénédict, Nicolas et Pierre Foëx (ci-après : les consorts Foëx), Madame Elvire Joliat (née Spähni) et Monsieur Denis Spähni (ci-après : les consorts Spähni) ont déposé auprès du département des constructions et des technologies de l'information, devenu depuis lors le département de l'urbanisme (ci-après : le département), une requête en autorisation de construire définitive (DD 103019-4) impliquant des parcelles toutes cadastrées sur la feuille 28 de la commune de Genève (ci-après : la commune), section Petit-Saconnex.

2. Les numéros se rapportant aux parcelles précitées ou voisines, concernées par le présent litige, ont varié au cours du temps. Ils se réfèrent, dans le présent arrêt, à la numérotation actuelle. L'ancien numéro ne sera indiqué qu'en tant que de besoin.

3. Brolliet est propriétaire de la parcelle no 3'175, sise à l'adresse rue du Moléson 9.

Les consorts Spähni sont copropriétaires de la parcelle no 577, située au n° 7 de cette même rue.

Les consorts Foëx sont copropriétaires de la parcelle no 578, qui se trouve rue du Colombier 10.

Les consorts Bossy sont copropriétaires de la parcelle no 582, sise rue du Moléson 6.

4. Ces terrains, classés en zone 3, sont inclus dans le périmètre du plan localisé de quartier (ci-après : le plan ou le PLQ) no 28328-227, adopté par le Conseil d'Etat le 14 décembre 1992.

Le périmètre régi par ce plan se trouve entre les rues de la Servette, du Colombier, de la Poterie et Antoine-Carteret.

5. Ce PLQ prévoit la construction de quatre bâtiments référencés sous les lettres A, C, D et E, dont trois ont déjà été réalisés (bâtiments C, D et E). Le bâtiment A envisagé est situé sur les parcelles nos 578, 577 et 582 et comporte cinq étages sur rez, auxquels s'ajoute une superstructure. Il chevauche la rue du Moléson en laissant un passage à la circulation qui procure par ailleurs un accès à un garage situé au sous-sol, dont la rampe débute sur la rue du Colombier pour s'étendre le long de la rue du Moléson.

Selon la légende du PLQ, le rez-de-chaussée est destiné à des activités commerciales, éventuellement administratives. Les étages sont affectés aux logements.

Les immeubles projetés - ainsi que ceux qui y figurent mais qui étaient déjà construits lors de l'adoption du PLQ - sont disposés autour de deux grands jardins, situés de part et d'autre de la rue du Moléson et munis de places de jeux (parcelles nos 3'175 et 4'155 pour le jardin situé au sud-ouest de cette rue ; nos 587, 588, 591 et 592 pour celui placé au nord-est, anciennement nos 587, 588, 589, 591, 592 et 593) auxquelles on accède par des chemins dont l'accès est directement prévu sur la voie publique ou au bénéfice de servitudes.

6. Le règlement du PLQ prévoit que les droits à bâtir des parcelles ou des fractions de parcelles situées dans le périmètre du plan seront répartis proportionnellement à la surface de celles-ci. Deux tableaux, l'un de répartition, l'autre de localisation de ces droits, sont intégrés dans le PLQ.

7. Le projet déposé par les requérants vise la construction d'un immeuble de trente-quatre logements répartis sur sept niveaux (rez, plus cinq étages, plus superstructure). Il ne réalise pas l'intégralité du bâtiment A prévu par le plan, les requérants ne disposant pas de la totalité des droits à bâtir nécessaires, qui sont partiellement détenus par des propriétaires voisins non associés au projet.

Ces derniers sont Corberia S.A. (ci-après : Corberia), propriétaire de la parcelle no 591, Monsieur Joseph Cerutti et DPF Moser & Consorts, société en commandite (ci-après : DPF), copropriétaires des parcelles nos 592 et 4'966, Coordination Technique de Construction S.A. « Cotec » (ci-après : Cotec), propriétaire de la parcelle no 588, ainsi que Madame Heidie et Monsieur Roland Pozzi (ci-après : les époux Pozzi), copropriétaires de la parcelle no 587.

L'implantation de l'immeuble prévue dans la demande d'autorisation de construire se calque sur le PLQ dans sa partie sud-ouest. En revanche, dans sa partie sud-est, des murs en attente sont prévus, qui laissent non construites deux portions du bâtiment A, l'une située contre la parcelle no 587 (en raison des règles sur les distances en limites de propriété) et l'autre au sud-est de la parcelle no 582.

Le rez-de-chaussée est affecté intégralement à du logement.

Un garage de deux étages en sous-sol est prévu, dont l'accès se fait par la rampe précitée.

Le jardin situé au sud-ouest de la rue du Moléson, seul concerné par la demande d'autorisation, est privatif et destiné exclusivement aux habitants du bâtiment A.

8. Lors de l'instruction de la requête, entre août 2009 et septembre 2010, de nombreux préavis, favorables, avec ou sans observations, ont été délivrés, parmi lesquels il convient de citer ceux de la Ville de Genève du 27 juillet 2010, de la commission d'architecture du 4 août 2010 et de la direction générale de l'aménagement du territoire (ci-après : DGAT) du 7 septembre 2010.

Selon le premier, la commune était favorable au projet sous certaines conditions qui ne sont pas litigieuses. Le changement d'affectation de l'intégralité du rez-de-chaussée (logements en lieu et place des activités commerciales ou administratives) n'est pas relevé.

La commission d'architecture a préavisé favorablement, sans se prononcer sur la question d'une réalisation par étapes du bâtiment A.

La DGAT s'est déclarée favorable à la requête et à la substitution des commerces du rez-de-chaussée par des logements, cette dernière constituant un motif d'intérêt général au sens de l'art. 3 al. 4 de la loi sur l’extension des voies de communication et l’aménagement des quartiers ou localités du 9 mars 1929 (LExt - L 1 40). Cet accord était donné sous réserve que le solde de la parcelle no 582 qui aurait dû servir, selon le PLQ, à construire le bout manquant du bâtiment A, fasse l'objet d'une cession fiduciaire gratuite à l'Etat de Genève, après un remaniement parcellaire, afin de garantir la réalisation de la suite de l'opération prévue par le plan.

9. Le 5 octobre 2010, le département a accordé l'autorisation de construire précitée, parallèlement à une autorisation de démolir deux villas, un immeuble d'habitation et leurs annexes, dont le sort est lié au projet (autorisation M 6278-4).

10. Ces autorisations ont été publiées dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève le 8 octobre 2010.

11. Le 8 novembre 2010, Corberia a recouru contre cette décision auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative, devenue depuis lors le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). M. Cerutti, DPF et Cotech, d'une part, ainsi que les époux Pozzi, d'autre part, ont interjeté recours le même jour auprès de la même juridiction par deux actes séparés.

12. Le 6 décembre 2010, le TAPI a joint les causes et admis la requête en restitution de l'effet suspensif déposée par ces derniers.

13. Le 2 novembre 2011, il a admis le recours et renvoyé le dossier au département pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

La tenue d'un transport sur place ne s'avérait pas nécessaire.

Le projet litigieux n'était pas conforme au PLQ. L'assiette de la construction projetée s'en écartait, faute pour les propriétaires concernés d'avoir pu se mettre d'accord. Le bâtiment se trouvait ainsi amputé de façon notable dans sa partie sud-est. Les droits à bâtir répartis entre les différents propriétaires et définis par le PLQ dans leur quotité comme dans leur localisation n'étaient plus respectés. Le rez-de-chaussée de l'immeuble était affecté intégralement à du logement alors que le PLQ le destinait à des activités administratives ou commerciales. D'autres différences, de moindre importance, ressortaient encore d'une comparaison attentive entre le PLQ et l'autorisation de construire litigieuse, tels que les modalités d'accès au parking ou le jardin public devenu privatif.

Ces modifications, prises dans leur ensemble - voire individuellement s'agissant des trois premières en tout cas - n'étaient pas mineures et consacraient une violation de l'art. 3 al. 4 LExt. Cette solution s'imposait d'autant plus que le préavis de la commission d'architecture était manifestement incomplet, en tant qu'il ne se prononçait ni sur la conformité du projet litigieux avec le PLQ, ni sur l'opportunité et la justification des modifications intervenues, et alors même qu'il revêtait une importance particulière en pareil cas.

L'autorisation était annulée et la cause renvoyée au département pour qu'il examine, en concertation avec les intéressés et après avoir sollicité l'avis de la commission d'architecture, s'il convenait de procéder à une modification du PLQ ou de s'en tenir à la teneur actuelle de celui-ci, auquel cas la demande devrait être modifiée dans le sens prévu par ce plan.

14. Par un acte unique du 8 décembre 2011, Brolliet, ainsi que les consorts Bossy, Foëx et Spähni, ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ledit jugement, dont ils sollicitent l'annulation.

Depuis une dizaine d'années, Corberia, ainsi que les époux Pozzi, dont les parcelles étaient incluses dans le périmètre du PLQ litigieux, faisaient systématiquement échec à toute solution négociée visant à la réalisation de ce dernier. Devant l'impossibilité de lever ces blocages, les recourants avaient opté pour la réalisation d'une partie seulement de l'immeuble A. Titulaires des droits à bâtir nécessaires, ils avaient déposé un projet qui laissait aux précités, détenteurs des droits à bâtir restants, la possibilité d'achever ultérieurement la construction. Le projet respectait l'assiette figurant dans le PLQ puisque, lorsque les autres parties du groupe d'immeubles à construire seraient achevées, l'ensemble correspondrait exactement à ce plan. Ce dernier n'excluait pas une réalisation du bâtiment A par étapes. Quatre zones de surface brute de plancher étaient d'ailleurs numérotées au sein de cette barre d'immeubles sur le plan. Le projet n'impliquait ainsi aucune dérogation.

Certes, le projet ne respectait pas le schéma de localisation des droits à bâtir. Ce dernier n'avait toutefois qu'une portée exemplative. A partir du moment où le projet respectait l'image urbanistique retenue et laissait intacts les droits à bâtir des tiers dans leur quotité, il était possible de s'écarter de la proposition de localisation contenue dans le PLQ.

Une interprétation contraire des art. 3 ss LExt irait à l'encontre du droit de la garantie de la propriété figurant à l'art. 26 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) ; la restriction à ce droit qu'elle entraînerait serait dépourvue de base légale formelle.

S'agissant de l'affectation du rez-de-chaussée en logements, en lieu et place d'activités administratives ou commerciales, ce changement constituait une dérogation mineure au PLQ adopté dans l'intérêt général (art. 3 al. 4 LExt). L'affectation prévue avait initialement eu pour but de procurer aux propriétaires des immeubles concernés un rendement supérieur aux surfaces d'habitation. Aucune volonté de maintenir une activité commerciale dans le quartier n'avait présidé à cette décision. Les propriétaires ayant actuellement renoncé à ce gain supplémentaire potentiel, rien ne s'opposait à la réalisation du projet.

La rampe d'accès au garage prévue dans le projet venait s'ajouter à une autre, existante, dont la construction, non conforme au PLQ, avait fait l'objet d'une autorisation dérogatoire du département. Certes, la construction d'une deuxième rampe n'était pas prévue par le PLQ mais, d'une part, celle-ci avait été demandée expressément par la voirie qui la souhaitait pour l'évacuation des containers des bâtiments et, d'autre part, seule la rampe prévue dans le projet respectait l'implantation projetée par le PLQ.

Enfin, le projet réservait la surface du jardin aux habitants du bâtiment A. Ce choix avait été effectué en collaboration avec la Ville de Genève. Il avait pour but d'éviter que cet espace ne donne lieu à toutes sortes d'incivilités (trafic de drogues, nuisances nocturnes, etc.) dont le nombre allait croissant dans le quartier, et de renforcer ainsi la sécurité des locataires du bâtiment litigieux. Le PLQ n'exigeait pas qu'un accès soit accordé aux tiers non domiciliés dans l'immeuble. Il s'agissait tout au plus d'une dérogation mineure imposée par l'évolution des circonstances et fondée sur un motif d'intérêt général.

Le préavis de la commission d'architecture n'avait pas à être davantage motivé. En effet, selon la jurisprudence, seuls les préavis négatifs nécessitaient des motivations claires. En outre, si un tel manquement était avéré, le TAPI aurait dû, par économie de procédure, demander lui-même un préavis complémentaire à cette commission.

15. Le TAPI a déposé son dossier le 15 décembre 2011.

16. Le 24 janvier 2012, le département a conclu à l'admission du recours et à la confirmation de l'autorisation de construire délivrée le 5 octobre 2010.

Il faisait sienne l'argumentation développée par les recourants.

17. Le 29 février 2012, DPF et Cotec ont répondu au recours en concluant à son rejet, ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

L'implantation du bâtiment projeté ne respectait pas le PLQ, le prolongement du rez-de-chaussée du côté de la rue du Colombier ayant été supprimé. En outre, la dimension du bâtiment avait été réduite dans sa portion voisine de la parcelle no 587 pour respecter les distances aux limites de propriété prescrites par la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Ces dérogations n'étaient pas mineures au sens de l'art. 3 al. 4 LExt.

Les recourants voulaient construire une deuxième rampe d'accès au parking alors que le PLQ n'en prévoyait qu'une. Les frais de réalisation et d'entretien de ce nouvel accès devraient être supportés par chacun des constructeurs ultérieurs, au prorata de leurs droits à bâtir, conformément à l'art. 2 du règlement du PLQ. De ce point de vue également, le projet s'écartait dudit plan.

Selon ce dernier, le jardin était public. Des servitudes de passage public et à pieds devaient rendre son accès possible par au moins quatre endroits. La volonté de créer un tel espace dans le quartier, densément construit et pauvre en jardins publics, avait été clairement exprimée dans le PLQ. En autorisant une affectation privative du jardin, le département n'avait pas respecté cette volonté.

La localisation claire des droits à bâtir figurant dans le plan contraignait les propriétaires concernés à un remaniement parcellaire, soit conventionnel, soit provoqué par une procédure de remembrement foncier urbain.

L'art. 3 al. 3 let. b LExt constituait la base légale formelle justifiant la restriction au droit de propriété figurant dans le schéma de localisation des droits à bâtir.

Le changement d'affectation du rez-de-chaussée consacrait une modification essentielle du PLQ. Selon la jurisprudence, une telle modification n'était pas autorisée par la loi, indépendamment de la présence d'un intérêt public à la construction de logements.

Les recourants avaient délocalisé les droits à bâtir de manière à se procurer le meilleur emplacement du bâtiment à construire. En effet, seule sa partie ouest bénéficiait d'un dégagement du côté sud-ouest, alors que le reste du bâtiment à construire, qui leur était laissé, se trouvait dépourvu de tout dégagement, à côté d'un immeuble de grand gabarit. En éloignant par ailleurs leur portion du bâtiment A de la limite de la parcelle no 587, les recourants s'octroyaient le même avantage au détriment des autres propriétaires concernés.

18. Le même jour, les époux Pozzi se sont déterminés et ont conclu au rejet du recours ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

M. Cerutti était récemment devenu co-propriétaire de la parcelle no 588, incluse dans le périmètre du PLQ, dont dépendait pour moitié la parcelle no 4'885.

Le 13 octobre 2011, DPF avait déposé une requête en autorisation de construire un immeuble d'habitation avec garage souterrain sur les parcelles nos 588, 592 et 4'406 dont celle-ci et M. Cerutti étaient propriétaires, ainsi que sur la parcelle no 582, propriété des consorts Bossy, recourants dans la présente procédure.

La DGAT avait préavisé défavorablement ce projet, au motif qu'il violait le schéma de localisation des droits à bâtir prévus par le PLQ, alors même qu'il avait préavisé favorablement la demande d'autorisation litigieuse, qui emportait les mêmes conséquences.

La Ville de Genève avait également rendu un préavis défavorable. La rampe construite au moment de la réalisation des bâtiments voisins devait être maintenue comme accès unique au garage souterrain de l'ensemble du périmètre, en lieu et place de celles prévues par le PLQ. Un projet d'aménagement de la cour (jardin), cohérent avec les autres projets, devait être représenté. Il résultait de ce préavis que, conformément au plan litigieux, une seule rampe de parking était souhaitée par la commune, qui avait pourtant préavisé favorablement le projet litigieux.

Le caractère public du jardin, soit son accessibilité à tous les habitants du périmètre et non exclusivement à ceux du bâtiment A, ressortait de son affectation en place de jeux, expressément prévue par le PLQ. Si cet espace avait été conçu pour être privatif, l'installation de jeux n'aurait pas été expressément signalée sur ce plan.

Concernant la localisation des droits à bâtir, le département insérait désormais dans les PLQ une clause stipulant que la modification du schéma de localisation de ces droits ne pouvait intervenir qu'avec le consentement de tous les propriétaires concernés. S'il était dérogé, dans le cas d'espèce, au schéma de localisation de ces droits, ils ne pourraient plus bénéficier d'appartements localisés à l'endroit initialement prévu et n'auraient plus la possibilité de définir librement la typologie des appartements qu'ils entendaient réaliser. La validation de l'autorisation de construire litigieuse leur causerait ainsi un réel dommage.

L'affectation du rez-de-chaussée à des activités administratives ou commerciales, telle que prévue par le PLQ, réalisait un objectif de mixité des activités nécessaire à l'harmonie du quartier. La création de logements au rez-de-chaussée générait en outre une habitabilité médiocre (mauvaise lumière, bruit lié à la circulation, etc.).

Tous ces changements n'étaient pas mineurs au sens de l'art. 3 al. 4 LExt.

19. Le 29 mars 2012, Corberia a conclu au rejet du recours et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Selon le PLQ, sa parcelle était entièrement dévolue à la construction de l'espace de jeux et de jardin. La villa qui s'y trouvait devait donc être entièrement démolie, raison pour laquelle sa surface brute de plancher avait été reportée dans le bâtiment A à construire. Le schéma de localisation des droits à bâtir prévu par le PLQ lui garantissait une compensation dont les recourants voulaient la priver. La création d'un espace de jeux et de jardin ouverts au public relevait de l'aménagement de quartier et ne pouvait être privatisée.

Les autres arguments soulevés se recoupent avec ceux précédemment développés.

20. Le 23 août 2012, la cause a été gardée à juger après que les parties aient indiqué n'avoir pas de requête complémentaire à formuler, à l'exception des recourants, qui ont sollicité un transport sur place et une comparution personnelle des parties.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Les recourants demandent la tenue d'une audience de comparution personnelle des parties, ainsi qu'un transport sur place.

Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (Arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 I 279 consid. 2.3 p. 282 ; 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_552/2011 du 15 mars 2012 consid. 3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; Arrêts du Tribunal fédéral 8C_799/2011 du 20 juin 2012 consid. 6.1 ; 2D_2/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 ; 2D_51/2011 du 8 novembre 2011 ; 2C_58/2010 du 19 mai 2010 consid. 4.3 ; 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.2 et les arrêts cités ; ATA/432/2008 du 27 août 2008 consid. 2b). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 133 II 235 consid 5.2 p. 248 ; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C_424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2 ; 2C_514/2009 du 25 mars 2010 consid. 3.1).

Appréciant cette offre de preuves de manière anticipée, la chambre renoncera à ordonner les mesures d'instruction demandées, le dossier étant complet pour statuer.

3. Selon l'art. 3 al. 4 LExt, les projets de construction concernant des parcelles comprises dans le périmètre d’un plan localisé de quartier doivent être conformes à celui-ci. Toutefois, lors du contrôle de conformité des requêtes en autorisation de construire avec le plan localisé de quartier, le département peut admettre que le projet s’écarte légèrement du plan dans la mesure où la mise au point technique du dossier ou un autre motif d’intérêt général le justifie.

Selon la jurisprudence, cette disposition doit s'interpréter restrictivement. A défaut, la procédure d'approbation des plans et, en particulier, la participation publique à l'élaboration de ceux-ci, seraient vidées de leur substance (ATA/463/2011 du 26 juillet 2011). Cette conception a guidé le législateur ainsi que cela ressort du Mémorial des séances du Grand Conseil (MGC 2003-2004/VII D/31 1835).

Ont notamment été considérées comme des modifications mineures au sens de l'art. 3 al. 4 LExt - ou de l'art 3 al. 4 de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35), qui comporte une condition semblable (ATA/505/2007 du 9 octobre 2007), l'élévation de 1,5 m et de 2,70 m du gabarit d'un bâtiment (ATA/684/2002 du 11 novembre 2002 et ATA/583/2010 du 31 août 2010), la création de 19 places de parking en lieu et place de 21 (ATA/126/2005 du 10 mars 2005), une augmentation de surface de 159 m2 en attique (ATA/298/2001 du 8 mai 2001) ou le déplacement d'un mètre d'un bâtiment (ATA/M. du 12 janvier 1993). N'ont pas été admis comme telles la modification de l'emprise d'un parking et le déplacement de sa rampe d'accès (ATA/463/2011 du 26 juillet 2011) ou encore une emprise supplémentaire de 100 m2 d'un garage souterrain (ATA/559/2000 du 14 septembre 2000).

En l'espèce, le projet ne s'écarte pas véritablement du PLQ s'agissant de l'assiette du bâtiment. Certes, il ne prévoit qu'une réalisation partielle du bâtiment A restant à construire, mais l'implantation de la partie prévue est conforme à celle projetée dans le PLQ.

Le plan n'exclut par ailleurs pas une réalisation partielle dudit bâtiment.

Ce n'est qu'en tant que celle-ci déroge au schéma de localisation des droits à bâtir qu'elle pose problème. En effet, dans ce dernier, une grande partie des droits à bâtir des recourants sont localisés à l'emplacement que doit prendre le bâtiment projeté (chiffres 1 et 2 dudit schéma). Le projet implique ainsi la délocalisation de ces droits dans la partie sud-ouest qui resterait à construire.

Il est douteux qu'une telle délocalisation soit conforme à l'art. 21 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700), qui confère une force obligatoire aux plans en imposant certes des obligations aux propriétaires, mais en protégeant corrélativement leurs droits, qui sont circonscrits au terme d'une analyse soigneuse des intérêts privés en présence et du principe de l'égalité de traitement.

En outre, comme le relève le TAPI, on peut déplorer qu'aucune remarque ne figure dans le préavis de la commission d'architecture sur la faisabilité de cette réalisation par étape et les contraintes architecturales et de construction qu'imposerait cette option aux constructeurs de la future partie.

Cette question, comme celle de savoir si une dérogation au schéma de localisation des droits à bâtir est possible dans certaines circonstances peut rester ouverte, vu la solution du litige.

4. En effet, indépendamment de cette dérogation, le projet litigieux s'écarte du plan dans la mesure suivante :

a. Le jardin situé sur la parcelle 3'175 est privatif. Dans le plan, il est aménagé en place publique de jeux, qui forme une sorte de jardin intérieur pour les bâtiments disposés tout autour. Un accès par la rue du Moléson est prévu. Un chemin longeant le bâtiment à construire, créé au moyen d'une servitude de passage public à pied, le dessert également par le sud-ouest. Ces accès, ainsi que la mention d'un aménagement en place de jeu, affirment le caractère public de cet espace qui, selon la volonté clairement exprimée dans le plan, a pour vocation de créer un lieu de rencontre, de jeu et de détente pour l'ensemble des bâtiments édifiés aux alentours.

Cette dérogation n'est pas mineure. Elle emporte des conséquences directes pour les habitants des immeubles concernés et modifie l'image urbanistique du quartier en supprimant l'idée d'une cour intérieure, qui constitue une option centrale en matière d'aménagement.

b. Le rez-de-chaussée est, pour sa part, intégralement affecté à du logement, alors que le plan y prévoit uniquement des activités commerciales et administratives.

Cette modification est également d'importance. Elle intervient dans le choix d'un équilibre entre activités et logement, clairement exprimé dans le plan et qui touche la vie du quartier et de ses habitants, sans qu'aucune analyse ou justification n'ait été apportée en l'espèce (absence de besoin de telles surfaces vu l'évolution du quartier, etc).

Elle entraîne également des conséquences sur l'habitabilité de ces surfaces (lumière, bruit, humidité, sécurité, vues droites).

D'un point de vue social et urbanistique, une mixité de commerces (tea-room, restaurant, boulangerie, etc) et d'activités administratives disposés le long d'un chemin public, autour d'un jardin public situé dans une cour intérieure, telle que prévue par le plan, n'a rien de commun avec un jardin fermé et privé, destiné à desservir les seuls habitants des logements du bâtiment A, situés au rez-de-chaussée ou dans les étages, sans qu'aucune activité ne prenne place à cet endroit.

Les modifications apportées par le plan répondent certes à un important besoin en logement. Cet intérêt public ne saurait toutefois suffire à justifier des dérogations à un PLQ, lorsque celles-ci ont un impact sur l'image urbanistique retenue et sur la vie d'un quartier dans son ensemble.

A défaut, on rendrait sans portée les règles de participation de la population à l'adoption de tels plans (art. 5 LExt).

c. Reste la rampe d'accès au garage souterrain, dont la conformité au plan peut se poser, dès lors que depuis l'adoption de ce dernier et suite à une autorisation dérogatoire du département, une autre rampe a été construite à un autre endroit.

Les dérogations au PLQ consacrées par le projet, concernant le jardin et l'affectation du rez-de-chaussée, ne pouvant être qualifiées de mineures au sens de l'art. 3 al. 4 LExt, cette dernière question n'a pas besoin d'être tranchée.

L'autorisation délivrée par le département le 5 octobre 2010 n'étant pas conforme à la loi, le jugement du TAPI sera confirmé dans la mesure où il annule cette décision.

5. Dans son dispositif, le TAPI a renvoyé la cause au département pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

Ce renvoi est peu compréhensible, dans la mesure où l'avis de la commission d'architecture n'est pas à même de modifier la qualification donnée aux dérogations au PLQ contenues dans la demande d'autorisation et qu'une nouvelle décision du département n'est ainsi pas nécessaire en l'état du dossier. Seule une modification du PLQ ou du projet de construction pourra justifier la prise d'une nouvelle décision.

Le recours sera partiellement admis pour cette seule raison.

6. Un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement. Trois indemnités de procédure, de CHF 1'000.- chacune, seront allouées d’une part à Corberia, d’autre part à M. Cerutti, Cotec et DPF, et enfin à Mme et M. Pozzi, à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, pour CHF 2'000.- et de l'Etat de Genève pour CHF 1’000.-. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée aux recourants, dont le recours n'a été admis partiellement que sur un point mineur du dispositif, qu'ils n'avaient pas contesté au demeurant (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 décembre 2011 par Brolliet SA, Messieurs Gilbert, Jean-Pierre, Roland et Louis Bossy, Messieurs Bénédict, Nicolas et Pierre Foëx, Madame Elvire Joliat et Monsieur Denis Spähni contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 novembre 2011 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 novembre 2011 en ce qu’il renvoie le dossier au département de l’urbanisme pour instruction complémentaire et nouvelle décision;

le confirme pour le surplus ;

met à la charge de Brolliet S.A., Messieurs Gilbert, Jean-Pierre, Roland et Louis Bossy, Messieurs Bénédict, Nicolas et Pierre Foëx, Madame Elvire Joliat et Monsieur Denis Spähni, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'500.- ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Corberia S.A. ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Monsieur Joseph Cerutti, Coordination Technique de Construction S.A. « Cotec », DPF Moser & Consorts ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Madame Heidie et Monsieur Roland Pozzi ;

met ces trois indemnités de procédure, à hauteur de CHF 2'000.-, à la charge de Brolliet S.A., Messieurs Gilbert, Jean-Pierre, Roland et Louis Bossy, Messieurs Bénédict, Nicolas et Pierre Foëx, Madame Elvire Joliat et Monsieur Denis Spähni, pris conjointement et solidairement ;

met ces trois indemnités de procédure, à hauteur de CHF 1'000.-, à la charge de l'état de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Lucien Lazzarotto, avocat des recourants, au département de l'urbanisme, à Me Erin Wood Bergeretto, avocate de Corberia S.A., à Me Bruno Mégevand, avocat de Monsieur Joseph Cerutti, de Coordination Technique de Construction S.A. « Cotec » et de DPF Moser & Consorts, à Me Pierre Banna, avocat de Madame Heidie et Monsieur Roland Pozzi, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Hurni, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction a.i. :

 

 

C. Sudre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :