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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1164/2000

ATA/298/2001 du 08.05.2001 ( TPE ) , ADMIS

Descripteurs : AMENAGEMENT DU TERRITOIRE; AUTORISATION(EN GENERAL); PLAN D'AFFECTATION SPECIAL; REVISION(PLAN D'AMENAGEMENT); INTERET PUBLIC; TPE
Normes : LGZD.3 al.2
Résumé : Projet de transformation de super-structures techniques, sur un toit, en logements conformité au PLQ et notions de modifications mineure du PLQ et d'intérêt général (art. 3 al.2 LZD).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 8 mai 2001

 

 

 

dans la cause

 

 

SI CH. X A, B et C

représentées par Me Laurent Strawson, avocat

 

 

 

contre

 

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE DE CONSTRUCTIONS

 

et

 

DÉPARTEMENT DE L'AMENAGEMENT, DE L'EQUIPEMENT ET DU LOGEMENT

 



EN FAIT

 

 

1. Les SI Ch. X. A, B et C sont respectivement propriétaires des parcelles X, et X, feuille X de la commune de Genève, section Eaux-Vives. Ces parcelles sont sises avenue X 13, 11 et 9.

 

2. Elles sont classées en zone 5 développement 3 et incluses dans un plan d'aménagement approuvé par le Conseil d'Etat le 1er avril 1960 sous le n° X. Les plans d'aménagement sont devenus des plans localisés de quartier (ci-après: le PLQ) dès le 26 novembre 1987 (art. 39 de la loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités du 9 mars 1929 - LExt - L 1 40).

 

3. Un bâtiment d'un seul tenant, à l'adresse 9, 11 et 13 avenue X, a été édifié sur ces parcelles conformément à une autorisation de construire datant de 1962. Celle-ci prévoyait notamment la construction d'une superstructure technique affectée à un vestiaire pour la piscine d'agrément qui était prévue sur le toit; cette dernière, dont les dimensions prévues étaient de 9,20 mètres sur 3,80 mètres, n'a jamais été construite.

Dès lors, cette superstructure de 607 m2 (64,35m x 9,60m) et de 2,65 mètres de hauteur n'abrite aujourd'hui que la machinerie des trois ascenseurs.

 

4. Désirant transformer la superstructure technique en l'agrandissant en vue d'y créer quatre appartements de quatre pièces et demie dans chacun des immeubles sis 9 et 11 avenue X et deux appartements de trois pièces dans l'immeuble sis 13 avenue X, soit au total 24 pièces supplémentaires, les SI Ch. X. A, B et C ont déposé le 25 mars 1999 une demande préalable en autorisation de construire auprès du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après: le département).

 

5. Ce dernier a refusé l'autorisation de construire par décision du 16 décembre 1999, au motif que le projet n'était pas conforme à l'article 3, alinéas 1, 2 et 4 de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35).

 

Le département a suivi en cela le préavis négatif de la direction de l'aménagement, selon lequel le projet contrevenait au plan d'aménagement. Celui-ci prévoit en effet un gabarit maximum de 21 mètres à la corniche sans retrait d'attique, alors que l'immeuble existant dépasse déjà ce maximum, sa hauteur à la corniche étant de 23,51 mètres. Toutes les autres autorités consultées ont émis des préavis favorables:

- la Ville de Genève a préavisé favorablement le projet quant à sa conformité au plan d'utilisation du sol.

 

- l'office cantonal du logement n'a formulé aucune observation.

 

- le groupe LDTR-service juridique a confirmé le respect par le projet des dispositions de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20).

 

- le service des contrôles de l'assainissement du département de l'intérieur, de l'agriculture de l'environnement et de l'énergie a émis un préavis favorable, moyennant le respect de quelques spécifications techniques.

 

- la commission d'architecture du DAEL a donné son accord à la réalisation du projet, "vu la situation actuelle" et l'existence des superstructures d'attique dûment autorisées.

 

Le département a considéré que les transformations envisagées ne constituaient pas des dérogations mineures au plan d'aménagement, plan qu'il n'envisageait pas de revoir.

 

6. Par acte posté le 14 janvier 2000, les SI Ch. X. A, B et C ont recouru auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après: la commission).

A titre principal, elles ont conclu à l'annulation de la décision attaquée, la dérogation au PLQ ayant été octroyée dans le cadre de l'autorisation de construire délivrée en 1962.

A titre subsidiaire, elles ont conclu au renvoi de la cause au département afin qu'il statue sur la conformité du projet aux normes applicables en matière d'autorisations de construire et qu'il délivre l'autorisation requise.

 

7. Par décision du 15 septembre 2000 et reçue par les recourantes le 27 septembre 2000, la commission a rejeté le recours, la modification envisagée ne pouvant être qualifiée de mineure par rapport au plan. L'agrandissement de 159 m2 de la surface de l'attique était significatif et entraînerait une modification du gabarit et du volume de l'immeuble, notamment en portant la hauteur de gabarit à la dalle de toiture à 24 mètres. Les autres conditions prévues par l'article 3 alinéa 2 LGZD n'ont dès lors pas été examinées par la commission.

 

8. Par acte posté le 26 octobre 2000, les SI Ch. X. A, B et C ont recouru devant le Tribunal du céans contre cette décision en développant leur argumentation.

 

La commission avait erré dans son argumentation:

 

- le projet n'avait pas pour effet de porter la hauteur de l'immeuble à 24 mètres, la structure étant préexistante;

 

- l'augmentation des surfaces existantes serait minime (159 m2);

 

- elles étaient victimes d'une inégalité de traitement puisque les propriétaires des parcelles X et X, feuille X de la Ville de Genève, section des Eaux-Vives, incluse dans le PLQ n° 26232-268, avaient été autorisés à aménager en logements des superstructures techniques alors que ledit PLQ prévoyait expressément que celles-ci ne pouvaient être habitables.

 

- au regard de la pénurie de logement à Genève, la création de six nouveaux appartements répondait à un intérêt public.

 

9. Le département a réfuté chacun de ces points et il a conclu au rejet du recours. Non seulement le projet devait être examiné quant à sa conformité au seul PLQ n° 24261-268, mais le projet dérogeait par trop à celui-ci pour qu'une autorisation de construire soit délivrée. Enfin, le département craignait que l'autorisation d'une telle dérogation ne constitue un précédent.

 

10. Le Tribunal de céans a procédé à un transport sur place le 30 mars 2001 et il a effectué les constatations suivantes:

 

- l'ascenseur de l'immeuble monte jusqu'à l'avant-dernier étage.

 

- la rampe d'escalier et le palier de l'étage supérieur sont recouverts de marbre, comme le reste de l'allée, ce qui démontre qu'il était prévu d'utiliser la terrasse de l'immeuble.

 

- sur les immeubles avoisinants se trouvent des superstructures techniques qui abritent les cages d'ascenseurs mais elles sont beaucoup plus petites que celles en cause.

Les photographies prises à cette occasion figurent au dossier. Le procès-verbal a été adressé aux parties, qui n'ont émis aucune observation à son sujet.

 

11. La cause a été gardée à juger.

 

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. Les plans localisés de quartiers, appelés jusqu'à fin 1987 plans d'aménagement, trouvent leur base légale dans les art. 1 LExt et 2 LGZD. Ils déterminent l'affectation du sol à l'échelle d'un quartier, de quelques parcelles, voire d'un seul immeuble. Le Tribunal fédéral a considéré que ces plans étaient des plans d'affectation au sens de l'art. 14 de la loi sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT) et que dès lors l'art. 33 al.2 LAT leur était applicable (T. TANQUEREL, La participation de la population à l'aménagement du territoire, 1988, p.251).

C'est pourquoi, les plans d'aménagement forment une catégorie spécifique parmi tous les actes de droit public (P. MOOR, Aménagement du territoire et propriété privée, in : Revue de droit suisse, 1976, p.432) qui réunissent en une réglementation générale visant une fin déterminée des normes applicables à des parcelles individuelles. Cette réglementation a force obligatoire pour chacun et détermine d'une façon détaillée le mode, le lieu et la mesure de l'utilisation admissible du sol. Ils prévoient notamment le périmètre d'implantation, le gabarit et la destination des bâtiments à construire (art. al.1 let.a et b LExt et LGZD).

 

En zone de développement, les PLQ sont régis exclusivement par la LGZD et ils ont la même force obligatoire qu'en zone ordinaire (art.6 al.4, 6, 11 et 12 LGZD). Par conséquent, le projet doit être examiné dans sa conformité au PLQ, et par voie de conséquence à la LGZD.

 

3. Il convient de déterminer si une construction en retrait d'attique autorisée en 1962, en dérogation au PLQ adopté en 1960, dans un but abandonné depuis (vestiaire d'une piscine) peut faire l'objet d'une seconde dérogation visant à augmenter sa surface afin de rendre celle-ci habitable.

 

4. Selon une jurisprudence bien établie, lorsque l'autorité inférieure suit les préavis, l'autorité de recours doit s'imposer une certaine retenue, qui est fonction de son aptitude à trancher le litige. En effet, la commission de recours, composée pour une part de spécialistes, est mieux à même de prendre position sur des questions qui font appel aux connaissances de ces derniers, que le Tribunal administratif, qui est composé de magistrats.

 

Toutefois, lorsque la commission s'écarte des préavis, le Tribunal administratif peut revoir librement l'interprétation des notions juridiques indéterminées, mais contrôle sous le seul angle de l'excès et de l'abus de pouvoir, l'exercice de la liberté d'appréciation de l'administration (ATA O. S.A. du 20 décembre 1994).

 

Enfin, en présence de préavis divergents, le tribunal de céans a d'autant moins de raisons de s'imposer une certaine restriction de son propre pouvoir d'examen qu'il a procédé, comme en l'espèce, à un transport sur place (ATA DTP du 19 avril 1989, ATA F. du 21 décembre 1999).

 

5. Les recourantes invoquent trois griefs:

 

A) Elles seraient victimes d'une inégalité de traitement avec les propriétaires des parcelles X et X, feuille x de la Ville de Genève, section des Eaux-Vives.

 

Ce grief est infondé car le principe de l'égalité de traitement ne donne pas droit au même traitement illégal que celui accordé à un tiers (ATF 113 Ia 456). Un administré ne peut prétendre à l'égalité dans l'illégalité que dans la mesure où un certain nombre de conditions sont cumulativement réalisées, notamment l'identité des circonstances entre les deux cas (ATF 115 Ia 83). Or, in casu, les parcelles 2244 et 2245 sont soumises au PLQ n° 26232-268, alors que les parcelles des recourantes sont soumises au PLQ n° 24271-268. Les circonstances n'étant pas identiques, les recourantes ne peuvent faire valoir un droit à l'égalité de traitement.

 

B) L'affirmation de la commission selon laquelle la réalisation du projet aurait pour conséquence de porter la hauteur de gabarit de l'immeuble à 24 mètres serait erronée.

 

Etant donné que les superstructures sont préexistantes, qu'elles ont été dûment autorisées par le département en 1962, et que le projet ne prévoit aucune augmentation de la hauteur de celles-ci, le tribunal se bornera à relever que la motivation de la commission, est inexacte sur ce point.

 

6. C) L'augmentation de surface (159 m2) serait peu importante et, dès lors, ne constituerait qu'une modification mineure par rapport au PLQ, justifiée par l'intérêt public à la construction de nouveaux logements, de sorte que la dérogation devrait être accordée.

 

Il s'agit bien de la seule question à trancher. Lors du contrôle de conformité des requêtes en autorisation de construire avec le PLQ, le département peut admettre que le projet s'écarte légèrement dudit plan dans la mesure où la mise au point technique du dossier ou un autre motif d'intérêt général le justifie (art.3 al.2 LGZD).

 

Le tribunal du céans a déjà eu plusieurs fois l'occasion de préciser que "le PLQ définit de manière aussi précise et complète que possible tous les aspects contenus à l'intérieur du périmètre qu'il fixe (ATA S.I. Villa L. du 26 avril 1994; ATA B. et A.C.P. du 30 mai 2000).

 

De même a-t-il déjà jugé que le déplacement d'un bâtiment d'un mètre était une modification mineure d'un PLQ (ATA M. du 12 janvier 1993), et que la création d'un parking souterrain reposait valablement sur la dérogation de l'article 3 alinéa 2 LExt en raison de l'intérêt public prépondérant à assurer une circulation fluide et à offrir aux habitants d'immeubles la possibilité de se parquer, nonobstant le fait que ce parking était prévu sous une surface devant rester non bâtie selon le PLQ (ATA DTP du 3 octobre 1990). Enfin, une emprise supplémentaire de 100 m2 de parking souterrain n'a pas été considérée comme une modification mineure, mais admissible en l'espèce vu les circonstances particulières du cas (ATA P. et R. du 14 septembre 2000).

 

En application de cette jurisprudence, il faut admettre, en l'espèce, que la dérogation au PLQ serait mineure, en tenant compte que:

 

1. le volume de l'immeuble avant transformation est supérieur à 30.000 m3. La réalisation du projet engendrerait une augmentation modeste de celui-ci d'environ 421,35 m3 (159m2 x 2,65m de hauteur) soit approximativement 1,4% d'augmentation;

 

2. le projet n'entraîne pas de surélévation du bâtiment, contrairement à ce qu'a retenu la commission;

 

3. la réalisation du projet n'engendre pas de modification substantielle de l'esthétique du bâtiment et a fait l'objet d'un préavis favorable de la commission d'architecture, ainsi que de toutes les autorités intéressées, à l'exception de la direction de l'aménagement dont le préavis n'a pas un poids prépondérant.

 

7. A teneur de l'art. 3 al. 2 LGZD, une telle dérogation, pour être acceptée, doit être justifiée par la nécessité d'une mise au point technique ou par un autre motif d'intérêt général.

 

En l'espèce, deux motifs d'intérêt général s'opposent:

- face à la pénurie de logements dans le canton de Genève, attestée par l'arrêté du Conseil d'Etat du 3 mai 2000 publié dans la FAO le 8 mai 2000, et qui perdure depuis, la mise sur le marché en zone urbaine de six appartements totalisant 24 pièces répond à un intérêt général;

- le respect du PLQ en vigueur, interdisant les retraits d'attique, et le fait que les dérogations doivent être accordées de manière restrictive constitue également un motif d'intérêt général.

 

En l'espèce, l'intérêt général à la réalisation de logements est prépondérant, étant donné qu'il n'y a pas lieu de craindre, dans le présent cas, que l'octroi de la dérogation constitue un précédent. En effet, les circonstances de la présente cause sont très particulières: les superstructures, spécialement importantes, ont été autorisées en 1962 en dérogation au PLQ déjà en vigueur et cette dérogation apparaît comme majeure par rapport au projet objet du présent recours. Ces superstructures ont été laissées vides depuis lors du fait de l'abandon du projet d'aménagement d'une piscine; leur transformation en logements ne comporte pas de modification substantielle du gabarit existant et est conforme à l'affectation de la zone.

 

8. La décision de la commission de recours du 15 septembre 2000 doit donc être annulée et la cause renvoyée au département afin qu'il délivre l'autorisation, dans la mesure où les autres conditions d'octroi de l'autorisation de construire sont réunies.

 

9. Le recours sera donc admis.

 

Il ne sera perçu aucun émolument.

 

Une indemnité de procédure de CHF 1500.- sera allouée aux recourantes, à charge de l'Etat de Genève (art.87 LPA).

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 26 octobre 2000 par les SI chemin X A, B et C contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 15 septembre 2000;

 

 

au fond :

 

l'admet;

annule la décision de la commission de recours;

renvoie la cause au département pour qu'il délivre l'autorisation de construire, dans la mesure où les autres conditions légales sont remplies;

dit qu'il ne sera pas perçu d'émolument;

 

met à la charge de l'Etat de Genève une indemnité de procédure de CHF 1500.-;

 

communique le présent arrêt à Me Laurent Strawson, avocat des recourantes, à la commission cantonale de recours en matière de constructions ainsi qu'au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement.

 


Siégeants : M. Thélin, président, M. Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni et Bovy, M. Paychère, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj.: le vice-président :

 

C. Goette Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

M. Oranci