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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1159/2009

ATA/687/2009 du 22.12.2009 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1159/2009-FPUBL ATA/687/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 22 décembre 2009

 

dans la cause

 

Monsieur X______
représenté par Me Patrick Udry, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POLICE ET DE L’ENVIRONNEMENT

 



EN FAIT

1. Monsieur X______, né en 1972, domicilié en France, a été engagé par l’Etat de Genève le 10 octobre 2007 en qualité de surveillant de maison d’arrêt et de fin de peine, avec un statut d’employé. Il a été affecté à l’établissement fermé La Brenaz, dépendant du département des institutions, devenu depuis le 7 décembre 2009, le département de la sécurité, de la police et de l’environnement (ci-après : le département). Le début de son engagement a été fixé au 1er décembre 2007.

2. Dans la nuit du 22 au 23 novembre 2007, M. X______ a tiré deux coups de feu en l’air depuis l’extérieur de sa maison, avant de se retrancher à l’intérieur où se trouvaient sa femme et ses deux enfants. La police étant intervenue, il a été interpellé, présenté aux autorités françaises compétentes et relaxé après avoir été prévenu de violences avec usage ou menace d’arme à l’encontre de son conjoint et ses enfants.

Ces faits ont aussitôt été portés à la connaissance du directeur du service des établissements de détention et des peines alternatives (ci-après : SEDPA), par l’intéressé notamment.

3. Le 27 novembre 2007, le directeur du SEDPA a dispensé M. X______ de se présenter, jusqu’à nouvel avis, sur son lieu de travail, compte tenu des circonstances et pour des motifs d’opportunité.

4. Le 10 décembre 2007, l’intéressé, assisté de son conseil, a eu un entretien de service avec le directeur adjoint de l’office pénitentiaire (ci-après : OFPEN), le directeur du SEDPA et la responsable des ressources humaines du département. Un procès-verbaliste était présent.

Au cours de cet entretien, M. X______ a fait état de tensions familiales dues à un conflit conjugal de longue durée et, ayant lui-même mal supporté la séparation de ses parents, était extrêmement affecté par l’idée de devoir faire subir la même chose à ses enfants. Les faits du 22 novembre précédent étaient intervenus alors qu’il était particulièrement fatigué, étant en manque de sommeil très marqué. A cette période, il effectuait l’essentiel de ses missions pour son employeur la nuit, entre 23h00 et 07h00, à raison de plus de vingt nuits par mois. Sa dernière mission s’était déroulée le 17 novembre 2007 et il n’avait pu s’adapter immédiatement à un nouveau rythme. Il était maintenant suivi par un médecin. Sur le plan professionnel, il avait été particulièrement apprécié dans son travail antérieur d’éducateur et de surveillant et avait eu à gérer avec succès des situations de tension. Dans le cadre de ses activités pour son précédent employeur, il assumait en effet déjà des missions pour le SEDPA. Les événements du 22 novembre 2007 étaient un accident isolé.

Au terme de l’entretien, le directeur du SEDPA a informé l’intéressé que les événements précités étaient susceptibles de conduire à une résiliation des rapports de service pour justes motifs.

5. Par courrier du 18 décembre 2007, le directeur du SEDPA a avisé M. X______ que le département était disposé à lui donner l’opportunité de démontrer qu’il était digne de la confiance « qui lui était témoignée ». Il pourrait intégrer son poste de travail le 2 janvier 2008.

6. Par jugement du 17 janvier 2008, le Tribunal de Grande Instance de Thonon-les-Bains a condamné M. X______ pour violences aggravées à la peine d’un an d’emprisonnement dont six mois avec sursis, assortis d’un délai d’épreuve de deux ans.

7. L’intéressé a informé le directeur du SEDPA de cette condamnation, en précisant qu’il devrait pouvoir bénéficier d’un aménagement pour l’exécution de sa peine sous forme de surveillance électronique.

8. En date du 15 février 2008, le directeur du SEDPA a confirmé qu’en accord avec la direction de La Brenaz, il acceptait que l’intéressé exécute sa peine sous la forme de bracelet électronique. Il devrait se montrer particulièrement discret et prendre le maximum de temps de ses vacances en exécution de peine.

9. Le 7 mai 2008, M. X______ a eu un entretien d’évaluation « après trois mois de collaboration ». L’évaluation était positive, l’intéressé étant décrit par son responsable hiérarchique comme un collaborateur avec un bon potentiel, volontaire et toujours prêt à rendre service.

10. Le 3 juin 2008, M. X______ a retiré l’appel qu’il avait interjeté contre le jugement du 17 janvier 2008, le juge d’application des peines lui ayant confirmé qu’il devrait voir l’exécution de sa peine aménagée sous forme de surveillance électronique, et, sur le plan professionnel, tout se passait bien. Sa hiérarchie lui avait fait part de sa satisfaction lors de son évaluation.

11. Le 21 octobre 2008, M. X______ a eu un deuxième entretien d’évaluation, après neuf mois de collaboration. La direction de La Brenaz était très satisfaite du fonctionnement de cet « excellent » collaborateur, auquel elle faisait « pleine confiance ».

12. Le 3 novembre 2008, le nouveau directeur général de l’OFPEN a convoqué M. X______ pour un entretien de service portant sur « les conséquences de [sa] condamnation pénale (…) et l’exécution subséquente de la peine privative de liberté sur [son] engagement en tant que surveillant de maison de détention ».

13. Le 12 novembre 2008, le service pénitentiaire d’insertion et de probation de Thonon-les-Bains a confirmé au conseil de M. X______ qu’il proposerait au magistrat de l’application des peines l’aménagement de la peine de prison sous forme de placement sous surveillance électronique. La mesure durerait quatre mois et demi environ car l’intéressé bénéficiait d’un crédit de réduction de peine.

14. Le 24 novembre 2008, M. X______ a participé à l’entretien de service assisté de son conseil. Etaient en outre présents le directeur général de l’OFPEN, la directrice des ressources humaines du département et un procès-verbaliste.

Le directeur général avait pris connaissance du dossier de M. X______. Après avoir rappelé les critères d’engagement en qualité de surveillant de maison d’arrêt, il apparaissait que l’intéressé ne remplissait pas au moins l’une de ces conditions, en raison de la lourde condamnation pénale dont il avait fait l’objet et qui posait un problème institutionnel majeur. M. X______ était en période probatoire. Une nomination à l’échéance de cette période était impossible. Son licenciement lui serait notifié courant décembre avec un délai de trois mois qui lui donnerait un peu de temps pour chercher un autre emploi. C’était une question de principe : quelqu’un qui avait un casier judiciaire ne pouvait pas travailler comme gardien de prison. Lorsqu’un policier ou un gardien était condamné alors qu’il était déjà engagé, il perdait son emploi, pour des raisons déontologiques mais aussi en raison de la nécessité de l’exemplarité de la profession. Il n’était pas envisageable qu’un surveillant de maison d’arrêt purge une peine durant son temps de travail. Le département avait pris clairement position sur cette question.

15. Le 12 février 2009, M. X______ a eu un entretien avec le directeur général de l’OFPEN, qui lui a confirmé qu’une condamnation pénale était incompatible avec le métier d’agent de détention et que l’exécution de sa peine était inenvisageable dans une telle fonction.

16. Le 25 février 2009, le département a licencié M. X______ pour le 31 mai 2009, conformément aux art. 20 al. 3 et 21 al. de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), pour les motifs qui lui avaient été communiqués notamment lors de l’entretien de service du 24 novembre 2008. Cette décision a été remise à l’intéressé en mains propres le 27 février 2009.

17. Par acte du 30 mars 2009, M. X______ a recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision susmentionnée, concluant principalement à son annulation, subsidiairement à sa réintégration et plus subsidiairement encore à l’octroi d’une indemnité de CHF 40'950.-, correspondant à six mois de traitement brut.

Son licenciement violait le principe de la bonne foi. Il avait commis une infraction pénale en dehors du service et en avait immédiatement informé sa hiérarchie. Son engagement avait été maintenu, malgré la condamnation pénale qui avait été prononcée. Le directeur du SEDPA avait donné son accord à l’exécution de peine sous forme de surveillance électronique. C’était une assurance de pouvoir conserver son emploi. Il avait alors retiré son recours contre sa condamnation.

18. Le 18 mai 2009, le département s’est opposé au recours. M. X______ avait été autorisé à intégrer son poste de travail après avoir commis une infraction pénale et le directeur du SEDPA avait accepté que la peine soit exécutée sous la forme de bracelet électronique. En automne 2008, à la suite d’un changement à la direction de l’OFPEN, le nouveau directeur général avait fait clairement savoir à l’intéressé qu’il n’était pas envisageable qu’un surveillant de maison d’arrêt fasse l’objet d’une condamnation pénale pour violences aggravées et qu’il exécute sa peine pendant son activité professionnelle. Estimant à juste titre que la crédibilité de cette fonction n’était pas compatible avec une condamnation pénale et avec une exécution de peine aux côtés de détenus, le directeur général a demandé au département de rectifier une situation contraire à l’intérêt bien compris de l’Etat. Aucune réintégration n’était envisageable.

19. Le 25 juin 2009, le juge délégué a entendu les parties en audience de comparution personnelle.

M. X______, sans emploi, a confirmé son recours. Il n’avait pas compris la décision de licenciement, compte tenu de qui avait été fait jusqu’alors. Il n’avait toujours pas exécuté sa peine, car le licenciement avait tout remis en question. Lors de l’entretien du 10 décembre 2007, la possibilité qu’il exécute sa peine de manière fractionnelle et prenne des jours de congé pour l’exécuter avait été évoquée, de même que l’hypothèse de prendre un congé sans traitement, comme cela avait été le cas pour des gardiens de Champ-Dollon ou encore la possibilité d’être affecté à un poste sans contact avec les détenus.

Le directeur général de l’OFPEN a indiqué que lorsqu’il avait eu connaissance de la situation de M. X______, cela lui avait paru « surréaliste », puisque les fonctionnaires, et plus particulièrement ceux de la police et de la prison, devaient être exemplaires. Les critères de sélection d’entrée, sévères notamment au niveau des antécédents pénaux, devaient perdurer pendant l’emploi. Son prédécesseur avait privilégié l’intérêt privé de M. X______, qui avait déjà effectué des missions de surveillance dans des établissements d’exécution de peine, étant connu et apprécié. Lorsqu’il avait postulé pour être engagé à La Brenaz, trois des critères étaient remplis. Quand les faits en cause s’étaient produits, la réflexion alors menée avait été d’autoriser l’intéressé à commencer son activité professionnelle. A ce moment-là, il ne savait pas de quelle manière il serait sanctionné, ni quelles seraient les modalités d’exécution possibles.

La représentante du service des ressources humaines du département a déclaré qu’en février 2008, le département était opposé à ce que M. X______ exécute sa peine alors qu’il exerçait son activité de gardien à La Brenaz. Elle produisait un courriel à ce sujet entre le service des ressources humaines du département et l’OFPEN. A sa connaissance, il n’y avait pas de fonctionnaire de police ou de la prison engagé avec des antécédents pénaux ou qui ait conservé son poste après une condamnation intervenue en cours d’activité professionnelle. Elle transmettrait le résultat de ses recherches, portant sur les dix dernières années, au Tribunal administratif.

20. Le 14 juillet 2009, le département a informé le tribunal de céans que la cheffe de la police lui avait indiqué que la police n’avait pas accès aux casiers judiciaires, de sorte qu’il n’était pas possible de déterminer de manière systématique si un collaborateur de la police ou de la prison, actuellement en fonction, avait fait l’objet d’une peine privative de liberté au cours des dix dernières années. Toutefois, tant la cheffe de la police que le directeur général faisaient des recherches sur la base des procédures administratives ouvertes à l’encontre de leurs collaborateurs.

21. Le 5 avril 2009, le département a transmis au Tribunal administratif la liste du personnel de la police ayant fait l’objet d’une ordonnance de condamnation entre 1999 et 2009. L’OFPEN n’avait trouvé aucune affaire de ce type.

A ce courrier étaient joints :

une note du directeur général de l’OFPEN précisant qu’il n’avait pas eu accès aux casiers judiciaires des collaborateurs. Les archives consultées ne mettaient pas en évidence de collaborateurs condamnés. Dans un passé plus lointain, une procédure de licenciement avait été engagée contre un gardien principal adjoint, qui avait été écroué un jour à la prison suite à un accident de la circulation ;

un tableau des ordonnances de condamnations prononcées entre 1999 et 2009 à l’encontre de policiers.

Sur seize cas de condamnations pour des infractions diverses (violation du secret de fonction, entrave à l’action pénale, homicide par négligence, lésions corporelles simples, abus d’autorité, accès indu à un système informatique), trois collaborateurs avaient quitté le corps de police, dont l’un six ans après la condamnation. Les autres étaient encore en fonction. Dans un cas, la décision de condamnation n’était pas définitive au moment de l’établissement du tableau.

22. Le 11 septembre 2009, M. X______ s’est déterminé sur les éléments susmentionnés.

Le fait que le département n’avait pas accès aux casiers judiciaires de ses collaborateurs ne permettait pas d’affirmer qu’aucun gardien de prison n’avait été condamné. Il connaissait le cas de l’un d’entre eux qui avait effectué une peine privative de liberté de cinq jours pour avoir enfreint la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) dans le cadre de l’armée. Il ne voulait toutefois pas communiquer son identité « pour des raisons évidentes ». Par ailleurs, il existait un nombre important de policiers qui n’avaient pas été exemplaires mais n’avaient pas été licenciés, malgré un casier judiciaire.

Il produisait en outre le certificat de travail établi par le SEDPA le 31 mai 2009, dont le contenu élogieux accentuait encore son sentiment d’injustice.

23. Le 17 septembre 2009, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. Le Tribunal administratif est l'autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 56A LOJ). Conformément à l'art. 56A al. 2 LOJ, le recours au Tribunal administratif est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives, au sens des art. 4, 5, 6, al. 1, let. d et 57 LPA, sauf exception prévue par la loi. Enfin, l’al. 3 de cette disposition dispose que le recours au Tribunal administratif est également ouvert lorsque la loi le prévoit expressément.

b. Le Conseil d’Etat est l'autorité compétente pour prononcer la fin des rapports de service (art. 17 al. 1 LPAC). Il peut déléguer cette compétence aux chefs de département agissant d'entente avec l'office du personnel de l’Etat (ci-après : OPE) pour les membres du personnel n'ayant pas la qualité de fonctionnaire (art. 17 al. 2 et 4 LPAC).

c. Peut recourir au Tribunal administratif pour violation de la loi tout membre du personnel dont les rapports de service ont été résiliés (art. 31 al. 1 LPAC).

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est ainsi recevable (art. 32 al. 6 LPAC ; art. 63 al. 1 let a LPA).

3. Le recourant est employé en période probatoire au sens de l’art. 6 LPAC. La fin des rapports de service étant intervenue après plus d’une année de service, le délai de résiliation est de trois mois (art. 20 al. 3 LPAC).

4. Pendant le temps d’essai et la période probatoire, chacune des parties peut mettre fin aux rapports de service ; le membre du personnel n’ayant pas la qualité de fonctionnaire est entendu par l’autorité compétente. Elle peut demander que le motif de la résiliation lui soit communiqué (art. 21 al. 1 LPAC).

Les rapports de service sont régis par les dispositions statutaires (art. 3 al. 4 LPAC) et la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations (CO - RS 220) ne s’applique plus à titre de droit public supplétif à la question de la fin des rapports de service, sous réserve des art. 336c et 336d CO. Le licenciement d’un employé est donc uniquement soumis au droit public qui doit respecter les droits et principes constitutionnels tels que le droit d’être entendu, l’égalité de traitement, l’interdiction de l’arbitraire et la proportionnalité (ATA/544/2007 du 30 octobre 2007 et les réf. citées).

En l’espèce, le licenciement a été prononcé le 22 février 2009 pour le 31 mai 2009 pendant la période probatoire, de sorte que le délai de trois mois précité a été respecté.

5. Les membres du personnel de l’Etat sont tenus au respect de l’intérêt de celui-ci et doivent s’abstenir de tout ce qui pourrait lui porter préjudice (art. 20 du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publics du 24 février 1999 - RPAC - B 5 05.01). Par leur attitude générale, ils se doivent instamment de justifier et renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l’objet (art. 21 let. c RPAC). Ils doivent remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1 RPAC).

En l’espèce, il n’est pas reproché au recourant d’avoir manqué à ses devoirs de service ni commis une quelconque faute professionnelle. La qualité reconnue de son travail n’est pas en cause. L’employeur estime en revanche que la condamnation pénale dont le recourant a fait l’objet et l’exécution de sa peine sont incompatibles avec la crédibilité de la fonction de surveillant de maison d’arrêt. Une telle appréciation n’est en rien arbitraire. Les membres du personnel de l’Etat auxquels est confiée la tâche importante et délicate d’assurer la surveillance de personnes condamnées pour une infraction pénale et exécutant la sanction qui leur a été infligée par ce même Etat, doivent être irréprochables. Cela implique notamment qu’ils n’aient pas fait l’objet de condamnation pénale avant leur engagement et n’en fassent pas l’objet après. La résiliation des rapports de service ne prête pas le flan à la critique de ce point de vue.

6. Le recourant se plaint d’une inégalité de traitement avec des policiers toujours en fonction malgré un casier judicaire et des gardiens de prison qui auraient conservé leur poste malgré une condamnation pénale.

Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 131 I 1 consid. 4.2 p. 6/7 ; 129 I 346 consid. 6 p. 357 ss ; 129 I 113 consid. 5.1 p. 125 ; V. MARTENET, Géométrie de l'égalité, Zürich-Bâle-Genève 2003, p. 260 ss).

Selon la jurisprudence, un justiciable ne saurait en principe se prétendre victime d’une inégalité de traitement au sens de l’art. 8 Cst. lorsque la loi est correctement appliquée à son cas, alors même que dans d’autres cas, elle aurait reçu une fausse application ou n’aurait pas été appliquée du tout (ATF 127 II 113 consid. 9a p. 121 ; 122 II 446 consid. 4 p. 451 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C.72/2008 du 21 mai 2008 consid. 6.2 ; ATA/432/2008 du 27 août 2008 consid. 5 ; A. AUER/ G. MALINVERNI/ M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Berne 2006, vol. 2, 2ème éd., p. 502/503 n. 1025-1027 ; V. MARTENET, Géométrie de l'égalité, Zürich-Bâle-Genève 2003, p. 260 ss ; P. MOOR, Droit administratif, Berne 1994, vol. 1, 2e éd., p. 314 ss, n. 4.1.1.4).

Cependant, cela présuppose de la part de l’autorité dont la décision est attaquée la volonté d’appliquer correctement, à l’avenir, les dispositions légales en question et de les faire appliquer par les services qui lui sont subordonnés. En revanche, si l’autorité persiste à maintenir une pratique reconnue illégale ou s’il y a de sérieuses raisons de penser qu’elle va persister dans celle-ci, le citoyen peut demander que la faveur accordée illégalement à des tiers le soit aussi à lui-même, cette faveur prenant fin lorsque l’autorité modifie sa pratique illégale (ATF 127 II 113 consid. 9a p. 121 ; 125 II 152 consid. 5 p. 166 ; 122 II 446 consid. 4a p. 451/452 et les réf. citées ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.426/2007 du 8 mai 2008 consid. 3 et 4 ; ATA/434/2008 du 27 août 2008 consid. 8).

Encore faut-il qu’il n’existe pas un intérêt public prépondérant au respect de la légalité qui conduise à donner la préférence à celle-ci au détriment de l’égalité de traitement (ATF 115 Ia 81 consid. 2 p. 82/83 ; 99 Ib 377 consid. 5 p. 383), ni d’ailleurs qu’aucun intérêt privé de tiers prépondérant ne s’y oppose (ATF 108 Ia 212 consid. 4 p. 213).

Toutefois, si l’illégalité d’une pratique est constatée à l’occasion d’un recours contre le refus d’un traitement illégal, le juge n’admettra le recours que s’il peut être exclu que l’administration changera sa politique (ATF 115 Ia 81 consid. 2 p. 82/83 ; 112 Ib 381 consid. 6 p. 387 ; ATA/432/2008 du 27 août 2008 consid. 5). Il présumera, dans le silence de l’autorité, que celle-ci se conformera au jugement qu’il aura rendu quant à l’interprétation correcte de la règle en cause (Arrêt du Tribunal fédéral 2C.721/2007 du 15 avril 2008 consid. 3.1).

S’agissant des gardiens de prison et surveillants de maison d’arrêt, les éléments figurant au dossier ne permettent pas de retenir une pratique de tolérance en la matière de la part des autorités compétentes, chaque fois qu’elles ont eu connaissance d’un cas. La seule exception, durant un certain temps, a été celle du recourant.

La décision querellée ne viole ainsi pas le principe de l’égalité de traitement.

La comparaison avec les policiers n’est pas pertinente. Ceux-ci sont en effet soumis à un statut, différent de celui régissant le recourant, défini par la loi sur la police du 27 octobre 1957 (LPol - F 1 05). Si l’exigence d’irréprochabilité en théorie est identique, elle s’inscrit dans un cadre légal spécifique, avec des droits et obligations qui doivent être sanctionnés par la hiérarchie policière selon une procédure distincte de celle applicable au recourant. Outre qu’il n’apparaît pas que des membres de la police aient été engagés alors qu’ils faisaient l’objet d’une condamnation pénale connue, le fait que l’autorité compétente pour appliquer la LPol ait une pratique différente de celle des autorités pénitentiaires et tolère que des policiers ayant fait l’objet de condamnations pénales demeurent en fonction n’est ainsi d’aucun secours au recourant.

7. Le recourant invoque encore une violation du principe de la bonne foi.

Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 131 II 627 consid. 6.1 p. 637 ; 129 I 161 consid. 4.1 p. 170 ; 128 II 112 consid. 10b/aa p. 125 ; 126 II 377 consid. 3a p. 387 et les arrêts cités). Selon la jurisprudence, les assurances ou les renseignements erronés donnés par les autorités confèrent des droits aux justiciables lorsque les cinq conditions cumulatives suivantes sont remplies. Tout d’abord, on doit être en présence d’une promesse concrète effectuée à l’égard d’une personne déterminée. Il faut également que l’autorité ait agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence, que la personne concernée n’ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement fourni, qu’elle se soit fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions qu’elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice et, enfin, que la loi n’ait pas subi de changement depuis le moment où la promesse a été faite (ATF 131 II 627 consid. 6.1 p. 637 ; 129 I 161 consid. 4.1 p. 170 ; 122 II 113 consid. 3b/cc p. 123 et les réf. citées ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P.373/2006 du 18 octobre 2006 consid. 2 ; G. MULLER/U. HÄFELIN/F.UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, Zürich 2006, 5ème éd., p. 130ss ; A. AUER/G. MALINVERNI/M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Berne 2006, Vol. 2, 2ème éd., p. 546, n. 1165ss ; P. MOOR, Droit administratif, Berne 1994, Vol. 1, 2ème éd., p. 430, n. 5.3.2.1).

In casu, le recourant a été engagé par le département alors que sa hiérarchie connaissait l’existence de l’infraction pénale qui lui était reprochée et qui n’était pas bénigne. L’employeur a ensuite été dûment informé de l’évolution de la procédure, en particulier de la condamnation pénale pour violences aggravées à une peine de prison dont seule une partie était assortie du sursis. Moins d’un mois après le début de l’activité professionnelle du recourant, ses supérieurs hiérarchiques savaient qu’il devrait exécuter un peine de prison. Ce nonobstant, ils sont entrés en matière sur les modalités d’exécution de cette peine sous la forme de bracelet électronique, le directeur du SEDPA acceptant officiellement cette manière de faire. La divergence à ce sujet entre l’OFPEN et le département n’a pas été communiquée au recourant avant l’instruction de la cause. Compte tenu de l’aval formel donné par sa hiérarchie aux modalités particulières d’exécution de sa peine, le recourant a retiré l’appel qu’il avait interjeté en France contre son jugement de première instance, qui est devenu définitif. Les évaluations dont il avait fait l’objet durant cette période étaient positives faisant naître l’expectative d’être nommé fonctionnaire à l’issue de sa période probatoire. Le revirement d’attitude de son employeur est dû uniquement à un changement à la tête de la direction de l’OFPEN. Force est ainsi de constater que l’Etat a engagé le recourant en affirmant qu’il lui offrait une opportunité de démontrer qu’il était digne de confiance, et lui a donné des assurances quant à la possibilité de concilier l’exécution de sa peine, selon des modalités particulières, avec la poursuite de son activité professionnelle. L’Etat l’amenant ainsi à renoncer à l’éventualité d’une peine plus clémente, est finalement revenu sur ses engagements sans que rien ne puisse être reproché au recourant, mettant fin aux rapports de service, alors que le recourant avait retiré son appel. Un tel comportement de l’employeur est constitutif d’une violation du principe de la bonne foi. Partant, le licenciement du recourant est contraire au droit.

8. Selon l’art. 31 al. 2 LPAC, si le tribunal de céans retient que la résiliation des rapports de service est contraire au droit, il peut proposer la réintégration à l’autorité compétente.

Dans le cas particulier, une telle proposition serait inutilement formaliste, le département ayant d’ores et déjà indiqué, en cours de procédure, le 18 mai 2009, qu’il n’était pas envisageable de réintégrer le recourant, vu sa condamnation pénale.

9. En cas de refus de réintégrer le collaborateur licencié, le Tribunal administratif fixe une indemnité dont le montant ne peut être inférieur à un mois du dernier traitement brut mais ne peut être supérieur à six mois, pour un employé (art. 31 al. 3 LPAC).

Dans le cas d’une employée remplissant les conditions d’engagement, n’ayant commis aucune infraction pénale et licenciée arbitrairement, le tribunal de céans a accordé l’indemnité maximum (ATA/306/2007 du 12 juin 2007).

Au vu de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, en particulier le motif pour lequel le licenciement est contraire au droit et le fait qu’aucun reproche ne peut être adressé au recourant pour la durée de son activité au service de l’Etat de Genève, mais aussi en tenant du fait que le recourant ne remplissait pas les exigences d’engagement par sa faute, le Tribunal administratif fixera l’indemnité à quatre mois du dernier traitement brut, avec intérêt à 5 % dès le 18 mai 2009.

10. Au vu de ce qui précède, le recours sera admis partiellement. Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du département et un émolument du même montant à celle du recourant. Une indemnité de CHF 1'000.- sera allouée à ce dernier, à la charge de l’Etat de Genève (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 mars 2009 par Monsieur X______ contre la décision du département de la sécurité, de la police et de l’environnement du 25 février 2009 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

déclare que la résiliation des rapports de service de Monsieur X______ est contraire au droit ;

prend acte du refus de l’Etat de Genève de réintégrer Monsieur X______ ;

fixe l’indemnité due par l’Etat de Genève à Monsieur X______ à quatre mois de son dernier traitement brut, avec intérêt à 5 % dès le 18 mai 2009 ;

condamne en tant que de besoin l’Etat de Genève à payer dite indemnité ;

met à la charge du département de la sécurité, de la police et de l’environnement un émolument de CHF 500.- ;

met à la charge de Monsieur X______ un émolument de CHF 500.- ;

alloue à Monsieur X______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l’Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt  peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 et ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt  et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Patrick Udry, avocat du recourant ainsi qu'au département de la sécurité, de la police et de l’environnement.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Thélin, Mmes Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :