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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2704/2008

ATA/678/2009 du 22.12.2009 ( CM ) , REJETE

Descripteurs : DOMAINE PUBLIC; USAGE COMMUN ACCRU; DÉCISION; PRINCIPE DE LA BONNE FOI; COMMUNE; CONTRAT DE DROIT ADMINISTRATIF; NULLITÉ; ANNULABILITÉ
Normes : LDPu.13 ; LDPu.16 ; Cst.9
Parties : GOUZER WAECHTER Elka / COMMUNE DE MEYRIN
Résumé : contrat entre une commune et le propriétaire d'un centre commercial pour l'utilisation de parkings communaux. Décision de la commune d'annuler le contrat en invoquant son incompétence lors de la conclusion du contrat au motif que les parkings sont construits sur des parcelles appartenant au domaine public communal et qu'en conséquence l'utilisation des parkings devait être concédée par voie de concession octroyée par le Conseil d'Etat. La recourante se prévaut de sa bonne foi puisque depuis 40 ans les parties considèrent que ces terrains font partie du patrimoine financier de la commune. Annulation du contrat admise mais prise en considération de la bonne foi de la recourante en insérant dans le dispositif de l'arrêt l'obligation de la commune de maintenir les parkings tant qu'un parking souterrain ne sera pas construit.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2704/2008-CM ATA/678/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 22 décembre 2009

 

dans la cause

 

 

Madame Elka GOUZER WAECHTER
représentée par Me Daniel Peregrina, avocat

 

contre

 

COMMUNE DE MEYRIN
représentée par Me Daniel Perren, avocat



EN FAIT

A. Situation actuelle

1. Madame Elka Gouzer Waechter est propriétaire de deux parcelles n°11803 et 11804 du cadastre de Meyrin sur lesquelles est édifié un centre commercial. Ces deux bien-fonds sont au bénéfice d'une servitude de passage portant sur les parcelles n°s 13081, 13416, 13418, 13419 et 13420 ainsi que d'une servitude d'usage le plus étendu portant sur les mêmes terrains à l'exception de la parcelle n° 13081. La parcelle n° 11803 est bénéficiaire également d'une servitude de passage à tous usages portant notamment sur la parcelle n° 13420.

2. La commune de Meyrin (ci-après : la commune) est propriétaire d'une série de bien-fonds au cœur de la cité de Meyrin, qui ont fait l'objet, au cours du temps, de nombreuses mutations, divisions et réunions. Elle est ainsi propriétaire des parcelles n°s 13415, 13416, 13417, 13418, 13419, 13420, 12924, selon la numérotation actuelle.

3. Sur la parcelle n° 13420, avenue de Feuillasse, se situe un parking dénommé PI qui empiète également en partie sur la parcelle n° 13684, celle-ci faisant partie du domaine public communal. Le parking PII, rue des Boudines, est construit sur la parcelle n° 13418 et sur la parcelle n° 13317. Cette dernière appartient à l'Etat de Genève.

A teneur du registre foncier, les parcelles n°s 13420 et 13418 sont la propriété de la commune depuis 1988. Toujours selon la même source, elles font partie du domaine privé communal.

Les terrains sur lesquels sont sis les parkings PI et PII sont en outre grevés de plusieurs servitudes en faveur du centre commercial.

4. Sur la parcelle n° 13416 est bâtie la mairie de la commune et sur la parcelle n° 13419 le centre culturel « forum de Meyrin » (ci-après : forum).

5. Sur une partie des parcelles n°s 13419 et 13420 a été aménagée une place piétonne publique, baptisée « place des Cinq Continents ».

B. Urbanisation du centre de Meyrin

6. Le 24 juin 1960, le Conseil d'Etat a adopté le plan d'aménagement (actuellement plan localisé de quartier) n° 24'386-526 dit « Cité des Vernes », ayant pour objet l'aménagement du centre de Meyrin. Le règlement du quartier des Vernes avait d'ailleurs préalablement été approuvé par arrêté du 19 janvier 1960.

Le projet d'urbanisation du centre de Meyrin (Meyrin Parc) prévoyait la construction de neuf immeubles locatifs, un centre commercial et une station d'essence. Les requêtes pour la réalisation des immeubles ainsi que le centre commercial ont été déposées au printemps 1960, avant même que le plan d'aménagement précité ait été adopté. Le projet de centre commercial comportait un édifice avec cinéma et restaurant ainsi que la création d'un parking attenant.

Selon ce projet d'aménagement, le parking prévu devait se trouver en partie sur la parcelle du centre commercial. Pour le surplus, il devait être réalisé sur des parcelles qui devenaient propriété de l'Etat de Genève. A cet effet, des servitudes de passage ou d'usage le plus étendu ont été constituées dans ce même acte notarié et inscrites au registre foncier le 15 juillet 1960.

7. Par arrêté du Conseil d'Etat du 24 juin 1960 également, ce dernier approuvait l'acquisition, par l'Etat de Genève, d'une partie des terrains concernés par le plan d'aménagement précité, d'une superficie totale de 62'000 m2 environ. Le prix d'achat des parcelles correspondantes devait être passé par le débit du compte capital, taxe d'équipement foncier. Cette acquisition a été réalisée par acte notarié du 4 juillet 1960.

8. Le parking prévu n'a pas été édifié sur le site préconisé par le projet. Aménagé en 1964, il occupe l'emplacement de l'actuel parking PI. Sa réalisation a été financée en partie, à concurrence de CHF 250'000.-, par la S.A. financière et commerciale CCM, à l'époque propriétaire du centre commercial (ci-après : CCM). L'accès au parking se faisait par l'avenue de Feuillasse et par la rue De Livron. Ce parking était public et gratuit.

9. Le parking PII a fait l'objet d'une autorisation de construire délivrée le 5 juin 1969. La construction, dont le coût total était estimé à CHF 400'000.- a été financée à raison de CHF 200'000.- par l'association des commerçants du centre commercial ainsi que ses promoteurs. Ce parking était également public et gratuit.

10. Le développement du quartier s'est poursuivi à la fin des années soixante avec la construction de l'école des Boudines, ainsi que l'ensemble des routes importantes de ce secteur : l'avenue de Mategnin prolongée par l'avenue Sainte-Cécile, la rue des Boudines continuée par la rue De Livron et l'avenue de Feuillasse comme accès principal au centre commercial. A l'angle de la rue De Livron et de la rue des Boudines a été aménagé un terrain de football provisoire qui existe toujours. La construction du centre médico-social a été entreprise au début des années 1970. Au début des années 1990, a été envisagée la construction du forum. Dans un premier temps celle-ci a été projetée dans le cadre d'un réaménagement global du centre de Meyrin, puis son édification a été effectuée de manière isolée.

11. Dans un acte notarié du 30 avril 1973, l'Etat de Genève a cédé à la commune une parcelle sur laquelle est sise l'avenue de Feuillasse pour qu'elle soit incorporée au domaine public de ladite commune.

12. Par acte notarié des 15 août et 14 septembre 1988, l'Etat de Genève a cédé gratuitement à la commune l'essentiel des terrains qu'il avait acquis en 1960. Parmi ceux-ci figurait la parcelle n° 13078 A qui abritait une partie importante des parkings PI et PII. L'acte de cession indiquait expressément que ladite parcelle faisait partie du domaine privé de la commune, conformément à l'art. 1 de la délibération n° 1a/1987 du Conseil municipal de la commune du 10 mars 1987, approuvée par arrêté du Conseil d'Etat de Genève du 5 août 1987.

13. Par acte du 5 octobre 1992, la commune a procédé à des divisions et réunions parcellaires en instaurant, en ce qui concerne les parkings PI et PII, le régime parcellaire actuellement en vigueur.

Cet acte prévoyait expressément l'incorporation au domaine public communal d'une surface de 57 ares et 80 mètres. Rien de tel n'était prévu pour les parcelles n°s 13420 et 13418, abritant respectivement les parkings PI et PII qui demeuraient inscrites au registre foncier comme domaine privé de la commune, l'Etat de Genève gardant par ailleurs un droit de préemption sur ces dernières parcelles.

C. Les conventions relatives aux parkings

14. Par convention des 5, 6, 7, 8 et 11 mai 1992, la commune, d'une part, sept commerçants ainsi que la CCM, d'autre part, ont notamment convenu que la commune réaliserait divers travaux d'aménagement sur les parkings PI et PII visant à réorganiser les places de stationnement pour en augmenter la capacité ainsi qu'à introduire un régime de stationnement à durée limitée au moyen de parcomètres à prépaiement. En effet, du fait de leur gratuité, les parkings étaient souvent saturés, les places étant bloquées par des stationnements de longue durée.

Il incombait à la commune d'assurer l'exploitation, l'entretien et la surveillance des parkings ainsi que le fonctionnement et le contrôle de leur système à prépaiement. Le tarif était fixé par la convention. Les commerçants garantissaient à la commune la couverture du déficit d'exploitation des parkings pendant quatre ans, compte tenu d'un amortissement accéléré des travaux sur quatre ans. La commune disposait d'un contingent annuel de cartes d'abonnement qu'elle pouvait distribuer à ses employés ou à d'autres organismes d'intérêt public exerçant leur activité à proximité du parking.

La durée de validité de la convention était limitée à un maximum de dix ans.

Cette convention mettait un terme à un litige intervenu entre la commune et les autres parties signataires à propos de la construction du forum. Craignant de voir réduire l'offre de parkings suite à la construction de ce dernier édifice, la CCM avait déposé un recours contre l'autorisation de construire y relative. Suite à la signature de la convention précitée, le recours a été retiré et le forum a été construit.

15. Par avenant du 14 avril 1993, la convention précitée a été modifiée pour que le parking soit désormais gratuit les deux premières heures et payant au tarif de CHF 1.- la troisième heure et CHF 2.- les heures suivantes.

16. Le 12 avril 1999, la commune et Mme Gouzer Waechter, en sa qualité de propriétaire du centre commercial suite à la liquidation de la CCM, ont conclu une convention d'utilisation des parkings PI et PII (ci-après : la convention).

Celle-ci précisait qu'elle remplaçait, dès son entrée en vigueur, la convention de 1992, avec effet rétroactif au 1er janvier 1999.

La nouvelle convention prévoyait notamment ce qui suit :

a. La commune mettait à disposition de la propriétaire tous les parkings du PI, du PII et de l'avenue de Feuillasse délimités dans un plan annexé à la convention pendant les heures d'ouverture du centre commercial de Meyrin (art. 1).

b. La convention était conclue pour une durée initiale de dix ans, renouvelable de deux ans en deux ans par tacite reconduction, étant précisé que la commune ne pouvait pour sa part la dénoncer et s'opposer à son renouvellement que pour autant que la propriétaire dispose effectivement d'un nouveau parking adjacent au centre commercial, souterrain ou non, pourvu d'un nombre de places au moins égal à celui que comportait le parking actuel (art. 2).

c. La mise à disposition des parkings était consentie moyennant une redevance annuelle de CHF 125'000.-, indexée dès la sixième année (art. 3).

d. L'entretien, les réparations et les travaux d'aménagement étaient à la charge de la commune (art. 5).

e. Le contrôle du temps de stationnement était à la charge de la propriétaire du centre commercial (art. 5).

f. La durée du stationnement était limitée à trois heures pendant les heures d'ouverture du centre commercial, en l'absence d'accord divergent entre les parties (art. 6).

g. La commune pouvait distribuer cinquante macarons autorisant le parking illimité sur le PI et le PII aux autorités et au personnel communal, voire privatiser cinquante places au bénéfice de ces personnes, les conditions de la convention étant dans ce dernier cas adaptées d'un commun accord (art. 6).

Il résultait des documents que les parties avaient échangés au cours des pourparlers ayant précédé la signature de cette convention, qu'elles avaient commencé par la qualifier de « contrat de bail », avant d'utiliser la dénomination de « convention d'utilisation ».

17. Dans un courrier du 21 décembre 2000, la commune a indiqué à la propriétaire qu'en sus de la redevance annuelle de CHF 125'000.- prévue par la convention de 1999, elle lui facturerait la TVA à 7,6%, soit CHF 9'500.-. En effet, les parkings PI et PII appartenant au domaine privé communal d'un point de vue cadastral, les prestations dues en vertu du contrat de location précité étaient soumises à la TVA.

18. Par pli du 22 avril 2003, le département des finances a informé la commune que suite à une jurisprudence du Tribunal administratif (ATA/171/2002 du 9 avril 2002), les critères pour déterminer le domaine public à charge des communes, qui devait être pris en compte dans le cadre du calcul de l'indice de leur capacité financière, avaient été précisés. A ce titre, relevait du domaine public, tout bien dont l'accès et l'utilisation étaient libres égaux et gratuits. En conséquence, il convenait de considérer comme faisant partie du domaine public les parkings publics, dans la mesure où ceux-ci relevaient du patrimoine administratif communal (et non du patrimoine financier) et dont l'accès et l'utilisation étaient libres, égaux et gratuits.

Dans ce contexte, selon le courrier adressé à la commune par le service de surveillance des communes le 5 mars 2004, les parcelles 13420 (PI) et 13418 (PII) étaient inscrites dans la liste des parcelles considérées comme faisant partie du domaine public en tant qu'il s'agissait de parkings publics gratuits. Dans le plan qui était joint à ce courrier, le domaine public communal stricto sensu était constitué uniquement des voies de circulation alors que l'ensemble des parcelles appartenant à la commune situées autour du centre commercial de Meyrin étaient assimilées au domaine public de la commune.

D. Poursuite de l'urbanisation du centre de Meyrin

19. Au cours des dernières années, la commune a mené une vaste réflexion urbanistique de réaménagement du centre de la cité qui visait notamment la construction d'immeubles administratifs et de logements. Ce projet a été entrepris en collaboration avec la propriétaire dans la mesure où il aboutirait, à terme, à la suppression des parkings existants en surface et à la création d'un parking souterrain intéressant directement la propriétaire. Dans ce cadre, la commune et la propriétaire ont notamment lancé de concert en 1997 un concours d'architecture portant sur l'aménagement du centre de la cité.

20. La commune et la propriétaire ayant des difficultés à s'entendre sur la répartition des coûts liés à la construction du parking souterrain, une « task force » composée de représentants des deux parties a été mise sur pied en 2002. Elle a conclu à une répartition des coûts liés à la construction d'un parking souterrain à raison de 70% à charge de la commune et 30% à charge de la propriétaire. D'accord dans un premier temps avec cette clé de répartition, la commune l'a remise en question par la suite. En effet, dans la mesure où l'utilisation du parking par les clients du centre commercial représentait la partie prépondérante du stationnement, il appartenait à la propriétaire de prendre en charge une part plus importante du financement.

21. Dans le projet d'aménagement retenu par la commune, il était prévu de transformer la zone comportant le parking PII et le terrain de football (parcelle 13418 et une partie de la parcelle 13419 ainsi que la parcelle 13317) en une zone de verdure ouverte au public. La place des Cinq Continents devait prendre sa dimension définitive et un nouveau bâtiment administratif, probablement une nouvelle mairie, devait être érigé sur la parcelle 13420. Le parking couvert serait réalisé en-dessous de cette même parcelle.

22. C'est dans ce contexte que le 17 mars 2006, le Grand Conseil a adopté une loi modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune, prévoyant la création d'une zone de développement 3, une zone de verdure, et la suppression d'une zone d'utilité publique situées entre l'avenue de Vaudagne, la rue de la Prulay et la promenade de Corzon ainsi qu'à l'angle de la rue De Livron et de la rue des Boudines.

E. Avis de droit

23. Par pli du 17 octobre 2005, faisant suite à une demande de la propriétaire, Me David Lachat a rendu un avis de droit concluant à l'impossibilité, pour la commune, de résilier la convention avant la première échéance contractuelle, soit au 31 décembre 2008.

Les terrains composant les parkings PI et PII faisaient partie du patrimoine financier de la commune. La convention passée entre la commune et la propriétaire était un contrat de bail à loyer puisqu'elle comportait les dispositions caractéristiques de ce dernier type de contrat. La commune ne pouvait la résilier que pour le 31 décembre 2008 au plus tôt. Rien ne s'opposait à ce que la résiliation de la commune soit soumise à une condition, pour autant que celle-ci soit réalisable. Si celle-ci ne l'était pas, la commune devait pouvoir mettre fin au contrat, mais pas avant la première échéance contractuelle. Etait réservée la possibilité pour l'Etat de Genève d'exproprier le bail à loyer. La convention ne contenait aucune disposition ayant trait au financement du futur parking souterrain. En conséquence, rien ne permettait de contraindre la propriétaire à participer au financement de cette installation, bien que par la suite la commune ait la possibilité de répercuter les coûts encourus sur son futur loyer.

24. Dans un avis de droit du 15 octobre 2007, établi à la demande de la commune, le Professeur Thierry Tanquerel arrivait à la conclusion que la convention devait être considérée comme nulle et qu'en tout état de cause, elle pouvait être annulée par voie de décision.

En effet, les parkings PI et PII faisaient partie du domaine public communal car ils étaient ouverts à tous et la redevance payée par la propriétaire était très basse. L'inscription de la commune comme propriétaire privé au registre foncier n'étant pas déterminante, de surcroît.

La convention conférait à la propriétaire, par voie contractuelle, un droit d'usage du domaine public excédant l'usage commun. Une telle opération ne pouvait être légalement réalisée que par l'octroi d'une concession du Conseil d'Etat, voire du Grand Conseil, compte tenu de sa durée.

En conséquence, la commune était incompétente pour conclure la convention et celle-ci devait être considérée comme nulle ou annulable. En tout état de cause, elle pouvait être annulée par voie de décision.

F. Procédure

25. Dans un pli recommandé du 28 mai 2008, la commune a informé la propriétaire de son intention d'annuler la convention en faisant référence à l'avis de droit précité. Elle l'a invitée à formuler ses observations.

26. Après que l'avis de droit du Professeur Tanquerel lui ait été communiqué, la propriétaire en a contesté le bien fondé par courrier du 11 juin 2008.

27. Le 18 juin 2008, la commune a notifié à la propriétaire sa décision d'annuler la convention d'utilisation avec effet au 31 décembre 2008.

Toutefois, elle n'entendait pas fermer les parkings PI et PII avant la réalisation du parking souterrain projeté. Elle souhaitait en revanche pouvoir gérer le domaine public en conformité avec la législation en vigueur. Elle se déterminerait donc ultérieurement sur la question de l'usage accru du domaine public entraîné par l'utilisation desdits parkings par la clientèle du centre commercial.

28. Par acte du 21 juillet 2008, la propriétaire a recouru à l'encontre de la décision précitée auprès du Tribunal administratif.

Les parkings PI et PII étaient aménagés sur des parcelles qui faisaient partie du patrimoine financier (domaine privé) de la commune puisqu'elles n'avaient fait l'objet d'aucune affectation au domaine public. Partant, quelle que soit la qualification juridique de la convention du 12 avril 1999, la décision entreprise était nulle. Si l'on considérait qu'il s'agissait d'un contrat de bail soumis au droit privé, il ne pouvait être résilié qu'en conformité de son art. 2 précisant que la commune ne pouvait le dénoncer ou s'opposer à son renouvellement que si la recourante disposait d'un nouveau parking adjacent au centre commercial. La même conclusion s'imposait en droit public, un contrat de droit public ne pouvant être résilié qu'à des termes convenus ou en cas de vice de consentement, d'illégalité, d'inexécution ou d'expropriation.

Même dans l'hypothèse où l'on considérait que les parcelles en cause faisaient partie du domaine public, la décision entreprise devrait être annulée. En effet, la commune pouvait de bonne foi autoriser l'usage des parkings PI et PII par le biais d'un contrat de droit administratif, étant donné qu'elle-même pensait que les parkings faisaient partie de son patrimoine financier, et qu'en conséquence il n'était pas nécessaire d'obtenir une concession du Conseil d'Etat à cette fin. Pour le surplus, la convention ne conférait pas à la recourante un usage privatif mais un usage accru qui pouvait faire l'objet d'une simple autorisation octroyée par l'autorité propriétaire. Enfin, l'éventuelle incompétence de l'autorité ayant conclu le contrat n'impliquait pas nécessairement sa nullité ou son annulabilité. Dans le cas d'espèce, au vu de la bonne foi de la recourante et de la commune au moment de la signature de la convention et pendant toute la durée de celle-ci, elle ne pouvait être considérée comme nulle ni annulée. Enfin, en tout état de cause, la commune n'était pas compétente pour annuler unilatéralement la convention.

29. Dans sa réponse du 30 septembre 2008, la commune a conclu au rejet du recours.

L'affectation au domaine public étant très fréquemment tacite, la mise du lieu à disposition de la population suffisait pour la concrétiser.

Dans le cas d'espèce, le parking PI avait été construit en 1964 en même temps que les voies de circulation qui l'entouraient. L'ensemble de ces rues avait été mis à la disposition des usagers de manière libre et gratuite, comme réseau ininterrompu de voies de communication, sans qu'il y ait une différence matérielle quelconque entre les routes immatriculées comme domaine public (Boudines, Livron, Feuillasse) et le réseau secondaire comportant la liaison entre la rue De Livron et l'avenue de Feuillasse ainsi que le PI. Le PII avait été réalisé en 1969 et avait été mis à la disposition du public sans aucune restriction. Cette vocation ouverte des voies de communication et des parkings qui en dépendaient n'avait jamais fait l'objet d'aucune contestation depuis leur mise à disposition du public, en 1964, respectivement en 1969. La manifestation de volonté qui était déterminante était celle de l'ouverture sans restriction à l'usage de tout un chacun. Le seul critère décisif pour déterminer si on se trouvait ou non sur le domaine public était celui de l'usage effectif.

L'inscription de la commune comme propriétaire privée au registre foncier n'était pas déterminante. Si, en principe, le domaine public devait être inscrit comme tel au registre foncier, l'absence de cette formalité n'empêchait pas la réglementation du domaine public de s'appliquer aux biens-fonds qui, dans les faits, avaient cette affectation.

Quelle que soit l'interprétation donnée à la convention de 1999 quant à l'intensité de l'usage que la recourante pouvait faire des parkings PI et PII (exclusif ou principal), elle lui conférait un droit d'usage accru du domaine public pour lequel une concession devait être octroyée par le Conseil d'Etat.

Le fait que la recourante ait été bénéficiaire de servitudes grevant les parcelles concernées n'était pas significatif. De même, la modicité de la redevance due par la recourante aux termes de la convention attestait aussi bien du fait qu'il ne s'agissait pas d'une convention de droit privé conclue entre deux propriétaires fonciers, que du fait qu’elle n'avait pas un droit d'usage exclusif sur les parkings concernés.

En revanche, le caractère de domaine public des parkings considérés pouvait être déduit tant par les voies de circulation ouvertes au public qui les contournaient ou les reliaient à d'autres parcelles, les faisant apparaître comme des dépendances des dites voies de circulation, que par le fait qu'une partie des parcelles 13419 et 13420 était aménagée en place publique piétonnière, librement accessible. Pour le surplus, l'ensemble du périmètre englobant les parcelles 13418, 13419 et 13420 comportait des voies piétonnières qui permettaient à tout le monde d'accéder librement et gratuitement aux locaux de la mairie, à la police municipale et à toutes sortes de magasins ou activités ouvertes au public.

Les conventions de 1992 et 1999 constituaient bien des contrats consentant au centre commercial un usage accru du domaine public. Comme tels, ils auraient dû faire l'objet d'une concession octroyée par le Conseil d'Etat, voire par le Grand Conseil. Partant, elles étaient illégales. Telle qu'elle était interprétée par la recourante, la convention de 1999 conférait à cette dernière un droit perpétuel d'usage accru du domaine public. L'annulation pour son échéance normale était justifiée par la gravité de la violation du droit en cause et par l'importance de l'intérêt public à ce que la commune puisse réaliser les objectifs d'aménagement portant sur son domaine public. Cette annulation ne causait aucune atteinte disproportionnée aux intérêts de la recourante, celle-ci ayant disposé pendant dix ans d'un usage préférentiel des parkings sis sur le domaine public communal à un tarif très avantageux.

Pour le surplus, la commune avait la compétence d'annuler la convention litigieuse. Cette mesure n'était pas contraire à l'art. 2 de la convention dans la mesure où celui-ci rendait la convention perpétuelle et devait être considéré comme nul.

Enfin, la décision d'annulation n'était ni tardive ni abusive puisqu'elle respectait l'échéance contractuelle, qu'elle était fondée sur le respect de la légalité et que la recourante ne pouvait s'en prévaloir pour faire obstacle à la politique d'aménagement d'intérêt public menée par la commune.

30. Par pli du 21 octobre 2008 adressé au tribunal de céans, la recourante a sollicité un transport sur place.

31. Le juge délégué s'est rendu sur place, en compagnie des parties, le 24 novembre 2008.

Le plan directeur de la commune était en cours d'élaboration, ainsi que le plan localisé de quartier relatif au parking souterrain. Un plan de site visant à protéger Meyrin-parc en tant que patrimoine bâti des années 60 était par ailleurs en cours d'élaboration.

Dans le cadre de l'accord intervenu à l'occasion de la réalisation du tram Cornavin Meyrin Cern (ci-après : TCMC), il avait été décidé de créer une voie de circulation entre le PI et le PII pour permettre aux voitures de passer d'un parking à l'autre lorsque le premier était saturé. L'accord précité prévoyait également que les deux parkings seraient placés en zone de parcage avec disque de stationnement limité à deux heures.

Avant 1992, il n'y avait pas de réglementation quant à la durée du parking. Entre 1992 et 1999, des horodateurs avaient été installés. De 1999 à l'accord TCMC, le stationnement était limité à trois heures. L'office cantonal de la mobilité n'était pas intervenu à l'époque, considérant qu'il s'agissait du domaine privé de la commune.

A l'origine, il y avait deux accès au PI permettant d'entrer et de sortir. Cette situation se retrouvait actuellement très provisoirement dans le cadre des mesures prévues par l'accord relatif au TCMC. A l'entrée du parking, il y avait des parcs à caddies, comme à l'opposé, vers le centre commercial.

L'accès et la sortie du PII se faisaient par la rue des Boudines. On trouvait également des parcs à caddies sur le PII. Il y avait aussi un petit parking réservé aux véhicules communaux et à ceux de la police. L'accès le long du théâtre forum actuellement en circulation interdite, serait provisoirement utilisé pour faire la liaison entre le PI et le PII. Il était projeté de supprimer le terrain de foot adjacent et le PII pour créer une forêt urbaine. Il y avait déjà deux ou trois ans que le Grand Conseil avait voté des modifications de zones. Le PI, sis en zone d'utilité publique, avait été transféré en zone de développement 3. Le PII et le stade avaient été passés en zone de verdure et le stade en herbe situé le long de l'avenue de Vaudagne en zone de développement 3 alors qu'il était en zone de verdure. La modification de zone du PI était nécessaire car l'Etat ne pouvait pas garantir qu'un parking souterrain puisse être édifié en zone d'utilité publique.

La place des Cinq Continents se trouvait juste devant le centre commercial. A l'origine, cet espace faisait partie d'une surface grevée d'une servitude d'usage destinée notamment à servir de parking pour le centre commercial. Actuellement, une partie du forum et toute la mairie étaient édifiés sur l'assiette de cette servitude. En réalité, aucun parking n'avait été construit sur cette servitude, car le PI avait été directement aménagé sur l'emplacement où il se trouvait actuellement. Bien que le parking PI ait été réalisé aux frais des propriétaires du centre commercial, l'assiette de la servitude n'avait jamais été transférée. La suppression des places de parking sur la place des Cinq Continents et la construction du forum avaient entraîné un litige qui avait été résolu par la convention de 1992.

A l'arrière du centre, se trouvait la poste qui était au bénéfice d'un droit de superficie. Côté aéroport, une parcelle, propriété de la commune de Meyrin, actuellement non bâtie, était utilisée comme zone de stockage de chantier.

Au terme du transport sur place, le juge délégué a informé les parties qu'il demanderait à la direction générale de la mobilité les décisions concernant les deux parcelles PI et PII. A réception de ces pièces, un délai serait imparti à la recourante pour répliquer et à l'intimée pour dupliquer.

32. Suite à la demande du juge délégué, la direction générale de la mobilité a transmis au tribunal de céans, par pli du 10 décembre 2008, un protocole d'accord du 23 avril 2008 établi entre la recourante, l'association des commerçants du centre commercial de Meyrin, l'Etat de Genève, les transports publics genevois et la commune.

En substance, ledit accord prévoyait les divers aménagements d'accès et de signalisation relatifs aux PI et PII pendant la durée des travaux du chantier TCMC. Les diverses modalités de cet accord seront évoquées ci-dessous dans la mesure utile.

33. Par plis des 12 et 15 décembre 2008, les parties ont fait part de leurs observations concernant le procès-verbal du transport sur place.

34. La recourante a répliqué par acte du 20 février 2009. Elle a repris en substance les arguments déjà évoqués dans son recours en les précisant. Il seront évoqués ci-après dans la mesure où ils sont pertinents.

35. La commune a dupliqué par écriture du 14 avril 2009. Elle a persisté dans la position qu'elle avait adoptée dans son écriture précédente tout en en détaillant certains termes. Ils seront rappelés ci-après en tant que de besoin.

36. D'avril à août 2009, les parties ont adressé un certain nombre de courriers au tribunal de céans.

37. Par pli du 12 août 2009, le juge délégué a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. En premier lieu il convient de déterminer si les parcelles sur lesquelles sont édifiés le PI et le PII appartiennent au domaine public ou si elles font partie du patrimoine financier de la commune.

a. Considéré dans sa globalité, le domaine public représente l'une des subdivisions des biens de l'Etat. Ceux-ci regroupent, conformément à une classification bien établie, trois types distincts de biens : le domaine public, le patrimoine administratif et le patrimoine financier […]. Le domaine public comprend l'ensemble des biens de l'Etat qui présentent la particularité de ne pas être affectés à une finalité particulière, mais au contraire générale, et d'être en conséquence ouverts à tous, d'une manière en principe libre, égale et gratuite (M. HOTTELIER, La réglementation du domaine public à Genève, in SJ 2002 p. 124).

Le patrimoine administratif se distingue du domaine public par le fait que les biens, mobiliers et immobiliers, qu'il regroupe sont affectés à une tâche étatique déterminée, comme les écoles et les établissements d'enseignement secondaire, supérieur , universitaire ou technique. En font également partie les hôpitaux, les musées, les casernes, les terrains de sport, ou encore l'ensemble des infrastructures qui sont destinées à permettre à la fonction publique ou à des institutions de droit public d'exercer les diverses missions qui leur sont imparties (M. HOTTELIER, op.cit. p. 126). En l'occurrence, cette catégorie de biens n'entre pas en considération dans le présent litige.

On entend par patrimoine financier l'ensemble des biens réservés à l'usage privé des pouvoirs publics et dont ceux-ci peuvent disposer comme le ferait n'importe quel propriétaire. Ces biens ne sont pas, en tant que tels, directement affectés à une fin d'intérêt public par leur valeur d'usage. Ils le sont tout au plus indirectement, par leur valeur en capital, par le produit de leur aliénation ou les rendements qu'ils procurent (M. HOTTELIER, op.cit. p. 128).  

b. L'affectation d'un bien-fonds au domaine public doit faire l'objet d'une loi conformément à l'art. 1 de la loi sur le domaine public du 24 juin 1961 (LDPu - L 1 05). De plus, en cas d'acquisition d'un bien-fonds, l'Etat ou la commune intéressée doit requérir du registre foncier l'inscription du bien immobilier en cause comme élément du domaine public (art. 10 LDPu). Même s'il n'a pas fait formellement l'objet d'un acte d'affectation, un bien-fonds peut être assimilé, en raison de sa destination et de son caractère, à une dépendance du domaine public (ATF 97 I 911). Tel est le cas, par exemple, de la plaine de Plainpalais (Arrêt du Tribunal fédéral P 610/85 du 21 janvier 1987 ; F. BELLANGER, Commerce et domaine public, in F. BELLANGER et T. TANQUEREL, Le domaine public, Genève-Zurich-Bâle 2004, p. 46 note 15).

  Il existe des affectations « immémoriales » dont il serait vain de rechercher un acte administratif constitutif. D'ailleurs, la doctrine considère qu'aucune forme n'est requise : l'affectation peut intervenir tacitement. Il en va ainsi de rues ou de places ouvertes au public sans qu'aucune décision n'ait jamais été prise, alors même que la parcelle serait immatriculée au registre foncier comme propriété privée de l'Etat. La simple mise à disposition par la collectivité d'une surface pour un usage commun est un acte concluant d'affectation qui, en soi, est suffisant : ainsi une commune installe une fontaine ou transforme l'un de ses terrains privés pour en faire un parc, une place piétonnière, un square; des aménagements matériels suffisent, dont on peut déduire l'affectation décidée ( ATA/288/2004 du 6 avril 2004 ; P. MOOR, Droit administratif, vol. III, L'organisation des activités administratives; les biens de l'Etat, Berne 1992, pp. 272-273 ; B. KNAPP, Précis de droit administratif, Bâle, 4e édition,1991, p. 615).

Les parkings litigieux ont été aménagés dans les années 1960 lors du développement de la cité de Meyrin, plus spécifiquement le PI en 1964 et le PII en 1969. Les parcelles 13420 et 13418 qui constituent l'essentiel de ces parkings, sont immatriculées au registre foncier comme propriété privée de la commune de Meyrin et aucune indication d'affectation au domaine public n'y figure. Toutefois, dès leur réalisation, les parkings ont été mis à la disposition des utilisateurs d'une manière libre, égale et gratuite, une convention visant la réglementation du temps de stationnement n'ayant été signée qu'en 1992. Conformément aux principes dégagés par la doctrine et la jurisprudence (ATF 97 I 911, 914 consid 3b ; SJ 1988 p. 301 ; ATA/288/2004 du 6 avril 2004), ces parcelles doivent être assimilées au domaine public, même s'il n'y a pas eu d'acte formel d'affectation.

Certes, la recourante fait valoir que ces parcelles sont inscrites au registre foncier comme propriété privée de la commune et qu'il résulte de nombreux actes que cette dernière les a considérées comme faisant partie de son patrimoine privé pendant de longues années. Ces deux éléments ne sont pas déterminants. En effet, dans un cas similaire qui concernait également une parcelle du centre de la ville de Meyrin, le tribunal de céans a considéré que la parcelle faisait partie du domaine public alors qu'il n'y avait pas eu d'acte formel d'affectation, que la parcelle était inscrite comme propriété privée de la commune au registre foncier et que la commune avait soutenu dans son argumentation qu'elle faisait partie de son patrimoine privé (ATA/288/2004 du 6 avril 2004). Il en a été de même pour ce qui concerne la plaine de Plainpalais (ATF 97 I 911 consid. 3b p. 914).

Les arguments de la recourante reposent en grande partie sur le fait que les parkings auraient été affectés avant tout aux besoins des utilisateurs du centre commercial. En réalité, depuis leur construction dans les années soixante jusqu'à la signature de la convention de 1992, l'accès aux parkings était libre, égal et gratuit pour tous les usagers, que ceux-ci se rendent au centre commercial ou dans les autres infrastructures sises à proximité des parkings (école, mairie, terrain de foot…). Il est vrai que la CCM a contribué financièrement à l'aménagement du PI et du PII mais, si elle avait un intérêt à leur réalisation, il n'en demeure pas moins qu'elle n'a pas exigé d'accès préférentiel en contrepartie. Le fait que par la suite, en 1992 et en 1999 des conventions qui conféraient des avantages aux usagers du centre commercial aient été signées n'est pas propre à faire changer la nature des parcelles.

3. Selon la recourante, la convention de 1999 n'empêche nullement l'usage commun des parkings PI et PII : elle ne lui confère ni un usage accru ni un usage privatif.

La jurisprudence et la doctrine connaissent trois types d'usage du domaine public. Est considérée comme usage commun du domaine public, l'utilisation que n'importe quelle personne peut en faire gratuitement et conformément à sa destination, sans que cet usage n'entrave ou n'exclue un usage similaire dans les mêmes conditions. L'usage accru du domaine public est caractérisé par l'exclusion de l'usage commun pour les tiers d'une certaine partie du domaine public, pour une durée déterminée ; à l'opposé de l'usage commun, cette utilisation va à l'encontre de la destination ordinaire de la chose et est soumise à autorisation. Enfin, l'usage privatif a une intensité et une durée supérieure à toute autre forme d'usage ; il n'est pas conforme à la destination ordinaire de la chose et s'oppose à l'usage commun ou à l'usage accru par les tiers de manière absolue. Il est soumis à concession et crée en faveur de son titulaire des droits acquis (ATA/308/2009 du 23 juin 2009 ; ATA/417/2007 du 28 août 2007 et les références citées).

Examinant si un temps de stationnement de plus de trente minutes au centre-ville de Zurich pouvait être considéré comme un usage commun ou accru du domaine public, le Tribunal fédéral a indiqué que le critère décisif consistait à déterminer si, dans la région considérée, un usage égal peut être assuré en principe aux intéressés. Déterminer si la durée d'un stationnement est conforme à l'usage commun s'opère en fonction du rapport entre la demande et l'offre de places de parc. Plus nombreux seront les usagers voulant utiliser une place, plus court devra être le temps pour lequel chacun pourra en réclamer l'utilisation sans entraver les autres usagers (ATF 122 I 279 ; RDAF 1997 I 550, p. 551). Pour ces raisons, il est admissible de considérer que le stationnement pendant plus de trente minutes dans les zones litigieuses de la ville de Zurich (où les places sont très convoitées) constitue un usage accru du domaine public (ATF 122 I 279 ; SJ 1997, p. 96 ; F. BELLANGER, Commerce et domaine public in : Le domaine public, Genève 2004, p. 47).

L'art.1 de la convention de 1999 prévoit la mise à disposition de la recourante des parkings PI et PII ainsi que des parkings de l'avenue de Feuillasse pendant les heures d'ouverture du centre commercial. L'art. 6 limite le temps de stationnement à trois heures pendant ces mêmes heures. Il est vrai que la convention ne prévoit pas de dispositif permettant à la recourante de réserver l'usage des parkings à ses seuls clients, mais elle n'exclut pas que la recourante puisse prendre de telles mesures.

Cependant, au vu de la jurisprudence du Tribunal fédéral citée ci-dessus, le seul fait de limiter la durée du parking à trois heures dans un périmètre très convoité consacre un usage accru du domaine public. Dans le cas d'espèce, il est constant qu'il y a une forte demande de places de parc au centre de Meyrin. C'est en effet pour pallier à la pénurie de parkings qu'ont été conclues les conventions de 1992 et 1999 : tant les autorités que la recourante ayant constaté que les clients du centre commercial avaient du mal à se garer pendant les heures d'ouverture de ce dernier, il est devenu nécessaire de réglementer les horaires de stationnement. Cette réglementation donne lieu ainsi à un usage excédant l'usage commun, dont la recourante est bénéficiaire, ses clients représentant la majorité des usagers pendant les heures d'ouverture du centre commercial.

Reste à déterminer si, dans ces conditions, la convention de 1999 est conforme au régime instauré par la loi.

4. En droit genevois, à teneur de l'art. 13 al. 1 LDPu, l'établissement de constructions ou d'installations permanentes ou non permanentes sur le domaine public, son utilisation à des fins industrielles ou commerciales ou toute autre occupation de celui-ci excédant l'usage commun sont subordonnés à une permission. Selon l'art. 13 al. 2 LDPu, les utilisations précitées sont subordonnées à une concession si elles sont assorties de dispositions contractuelles.

Selon l'art. 16 al. 2 LDPu, les concessions sont octroyées par le Conseil d'Etat ou, si leur durée est supérieure à vingt-cinq ans, par le Grand Conseil.

Le droit cantonal genevois ne distingue pas entre usage accru et usage privatif, mais seulement entre usage commun et « utilisation excédant l'usage commun ». Les comportements entrant dans cette dernière catégorie devant faire l'objet d'une concession s'ils sont assortis de dispositions contractuelles (T. TANQUEREL, Les instruments de mise à disposition du domaine public in Le domaine public, Genève 2004, p. 125).

En l'espèce, la convention de 1999 conférant à la recourante un usage du domaine public excédant l'usage commun, celle-ci aurait dû revêtir la forme d'une concession. Partant, elle aurait dû être octroyée par le Conseil d'Etat, voire par le Grand Conseil compte tenu de la possibilité de reconduire la convention prévue par son art. 2. Cette dernière question souffre de demeurer indécise, la commune étant de toute manière incompétente pour octroyer une concession à la recourante.

Il convient de déterminer quelles sont les conséquences d'un tel constat.

5. a. Un contrat de droit administratif conclu par une autorité incompétente ou au mépris de règles importantes de procédure est nul. Cependant, comme pour les décisions, la nullité absolue ne sera déclarée que s'il n'en résulte pas une atteinte trop grave à la sécurité juridique et, notamment, si le particulier, de bonne foi, n'en subit pas un dommage disproportionné. Lorsque tel est le cas, l'autorité judiciaire se contentera d'annuler le contrat pour l'avenir.

On relèvera, cependant, que la nullité ne sera que rarement constatée. En effet, elle suppose que l'un ou l'autre des contractants veut se prévaloir d'un vice originel du contrat de droit administratif qui a déjà été, du moins en partie, exécuté ; le principe de la bonne foi pourrait bien s'opposer à une telle demande de déclaration de nullité (B. KNAPP, op. cit. , 1991, p. 322).

b. "La doctrine a proposé que certains cas d'illégalité soient frappés de la sanction de la nullité par principe. La position est trop absolue. Sans doute certaines règles peuvent servir de lignes directrices : ainsi, qu'un contrat passé par un exécutif communal en lieu et place du législatif est nul, ou qu'une convention accordant un traitement fiscal privilégié est nulle. On ne peut guère s'aider de la casuistique du droit privé, puisque celui-ci ne connaît que la nullité, qu'il n'a donc pas besoin de distinguer d'un autre type de vice d'illégalité. Il ne reste donc qu'à s'inspirer du régime des irrégularités de la décision, dans lequel la nullité est tout à fait exceptionnelle. Mais même dans de telles hypothèses, il n'est pas exclu que, à raison des circonstances particulières d'un cas, le principe de la bonne foi impose qu'il n'y ait pas nullité" (P. MOOR, Droit administratif, vol. 2, 2ème éd., 2002 p. 394).

c. Découlant directement de l’art. 9 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi - qui s'applique aussi bien à l'administré qu'à l'autorité - protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités (ATF 126 II 377 consid. 3a p. 387 et les arrêts cités ; ATF 124 II 265 consid. 4a p. 269-270). Selon la jurisprudence établie sur la base de l’art. 4 a Cst., applicable au regard de l’art. 9 Cst., les assurances ou les renseignements erronés donnés par les autorités confèrent des droits aux justiciables lorsque les cinq conditions cumulatives suivantes sont remplies. Tout d’abord, une promesse concrète doit avoir été faite à l’égard d’une personne déterminée. L’autorité doit avoir agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence. Il faut que la personne concernée n’ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement fourni, qu’elle se soit fondée sur celui-ci pour prendre des dispositions qu’elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice et, enfin, que la loi n’ait pas été modifiée depuis le moment où la promesse a été faite (ATF 121 II 473 consid. 2c p. 479 ; ATF 121 V 65 consid. 2a p. 66 ss. ; ATF 117 Ia 285 consid. 2b et références citées ; ATF 117 Ia 302, consid. 4e publié in JdT 1993 I p. 415 ; Arrêt du Tribunal fédéral 4A.9/1999 du 18 avril 2000, consid. 3a ; ATA/385/2008 du 29 juillet 2008).

Tout en reconnaissant que la sanction de la nullité doit être l'exception en matière de contrat de droit administratif, la doctrine s'accorde à dire que le cas de la conclusion d'un contrat par une autorité incompétente constitue précisément une de ces exceptions, tempérée toutefois par le principe de la bonne foi qui peut imposer, en raison des circonstances particulières du cas d'espèce, qu'il n'y ait pas de nullité.

In casu, jusqu'à l'avis de droit du Professeur Tanquerel du 15 octobre 2007, la commune a considéré que les parcelles n° 13420 et 13418, qui abritent les parkings PI et PII, faisaient partie du domaine privé communal. Ceci ressort tant du registre foncier que des actes de cession passés en 1973 et 1988 par la commune et l'Etat de Genève. Preuve en sont également la convention de 1999, considérée comme un contrat de bail par les parties lors des pourparlers contractuels, et le courrier par lequel la commune indiquait à la recourante qu'en sus de la redevance annuelle stipulée par le contrat celle-ci devait également s'acquitter de la TVA, les parkings PI et PII appartenant au domaine privé communal.

Au vu de ce qui précède, la commune elle-même était persuadée d'avoir la compétence pour conclure la convention litigieuse. D'ailleurs les autorités cantonales ont considéré pendant de longues années, avant leur courrier du 22 avril 2003, qu'elles n'avaient pas à intervenir dans la gestion des parkings, celle-ci étant exclusivement du ressort de la commune. La recourante pouvait présumer que l'autorité étant censée connaître la loi et partant qu'elle était effectivement compétente pour conclure ladite convention. Il s'ensuit que la bonne foi de la recourante doit être reconnue et qu'en conséquence la convention de 1999 ne peut être considérée comme nulle.

6. Reste à examiner si la commune pouvait annuler la convention unilatéralement par simple décision notifiée à la recourante.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, si une décision administrative se révèle irrégulière, elle n'est nulle qu'à certaines conditions. Si elle favorise le citoyen, elle ne peut pas sans autre être révoquée par l'administration. Une révocation n'est au contraire possible que sur la base d'une pesée des intérêts en jeu et uniquement lorsque l'application correcte du droit objectif l'emporte sur l'intérêt à la sauvegarde de la sécurité du droit (ATF 100 Ib 302 ss et les références citées). Rien de fondamentalement différent ne peut être valable s'il s'agit de déterminer les effets juridiques d'un contrat de droit public vicié. Dans ce cas, il faut aussi prendre en considération l'intérêt à la protection de la confiance du citoyen, puisque l'essence même de tout contrat est de fonder la confiance dans le comportement futur du cocontractant. Il est dès lors contraire au principe de la bonne foi d'admettre que les vices juridiques dont est entaché un contrat de droit public favorisant le citoyen puissent avoir automatiquement des conséquences néfastes pour lui. Dans un tel cas, il faut bien plutôt procéder à une pesée entre l'intérêt à l'application correcte du droit objectif et l'intérêt à la protection de la confiance du citoyen (ATF 103 Ia 505 consid. 4a ; JdT 1979 I 354 ; RDAF 2000 I 417 p. 420).

Ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, la convention de 1999 aurait dû faire l'objet d'une concession et à ce titre aurait dû être délivrée par la Conseil d'Etat voire par le Grand Conseil (art. 16 al.1 LDPu). C'est parce que la concession est une figure juridique complexe, qui combine des éléments à caractère unilatéral et des éléments négociés de nature contractuelle qu'elle n'est accordée qu'à l'issue d'une procédure lourde, permettant d'apprécier et d'évaluer les divers intérêts, privés et publics, en cause (M. HOTTELIER, op.cit. p. 161). La lourdeur de la procédure d'octroi de la concession s'explique également parce qu'elle implique des droits acquis dont peut se prévaloir le bénéficiaire (M. HOTTELIER, op. cit. p. 161 in fine). En conséquence, le fait d'accorder un usage excédant l'usage commun du domaine public à un tiers est une démarche particulièrement importante qui limite les autorités dans l'usage qu'elles entendent faire du domaine public, comme en l'espèce, lorsque les droits acquis d'un particulier peuvent limiter les changements de planification territoriale, justifiés par l'évolution urbanistique d'une commune.

Au vu de ce qui précède, la violation de la règle de compétence dont se prévaut la commune revêt une gravité certaine, le droit cantonal genevois ayant conféré cette compétence expressément à l'exécutif cantonal, voire même au législatif cantonal en raison de l'importance de ses conséquences.

La recourante a un intérêt indéniable au maintien des parkings : un centre commercial privé de places de stationnement s'expose à tout le moins à une substantielle baisse du chiffre d'affaires voire à des conséquences économiques encore plus graves. Si la convention de 1999 n'a généré à proprement parler que le paiement de la redevance, la TVA y relative ainsi que les frais liés à la surveillance du stationnement, il n'en demeure pas moins que la recourante (à l'époque la CCM) a participé financièrement à l'aménagement des parkings. De même, sous l'angle de la bonne foi, s'il est vrai que la convention de 1999 a eu une durée de dix ans, il ne faut pas perdre de vue qu'elle a été précédée d'une première convention en 1992 et que c'est depuis sa conception que le centre de Meyrin est desservi par les deux parkings publics. En effet, ceux-ci servent tant au stationnement des visiteurs du centre commercial qu'à celui des usagers de tous les bâtiments administratifs qui l'entourent.

D'ailleurs, la commune elle-même est tellement consciente du fait que la suppression des parkings PI et PII est peu réaliste, qu'elle a pris le soin de faire coïncider la décision d'annulation avec la première échéance contractuelle prévue par la convention litigieuse et qu'elle l'a tempérée en précisant qu'elle n'entendait pas les fermer avant la réalisation d'un parking souterrain. Cette déclaration laisse toutefois la recourante ainsi que les usagers du centre de Meyrin à la merci d'un revirement d'opinion, ce qui n'est pas acceptable.

Au vu des éléments exposés ci-dessus, si pour un motif de sécurité juridique une décision d'annulation se justifie, il convient de donner acte à la commune de ce qu'elle n'entend pas fermer les parkings PI et PII avant la réalisation projetée du parking souterrain. L'engagement de la commune sera intégré au dispositif du présent arrêt.

7. Le recours est rejeté. La décision du 18 juin 2008 est confirmée et complétée comme énoncé ci-avant.

Compte tenu des circonstances du cas d'espèce et en particulier de la bonne foi de la recourante, aucun émolument ne sera mis à sa charge.

Conformément à la jurisprudence du Tribunal administratif, la commune de Meyrin doit être considérée comme une ville, dès lors qu’elle compte plus de 10'000 âmes. Il faut donc admettre qu’elle a les moyens de disposer de son propre service juridique sans recourir aux services d’un homme de loi. Dans ces conditions, aucune indemnité ne lui sera allouée (ATA/591/2007 du 20 novembre 2007 et les références citées).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 juillet 2008 par Madame Elka Gouzer Waechter contre la décision de la commune de Meyrin du 18 juin 2008 ;

au fond :

le rejette ;

confirme la décision d'annulation du 18 juin 2008 ;

donne acte à la commune de Meyrin de ce qu'elle n'entend pas fermer les parkings PI et PII avant la réalisation projetée du parking souterrain ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Daniel Peregrina, avocat de la recourante ainsi qu'à Me Daniel Perren, avocat de la commune de Meyrin.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Thélin, Mme Junod, M. Dumartheray, juges, M. Bonard, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste:

 

 

 

C. Del Gaudio Siegrist

 

la présidente :

 

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :