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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/401/2001

ATA/32/2002 du 15.01.2002 ( TPE ) , REJETE

Recours TF déposé le 01.03.2002, rendu le 18.04.2002, IRRECEVABLE, 1P.122/02
Descripteurs : CONSTRUCTION ET INSTALLATION; COLLABORATION ENTRE AUTORITES; ORGANISATION(PROCEDURE); PROTECTION DE LA NATURE; DESTRUCTION; ARBRE; TPE
Normes : RCVA.9
Parties : SECRETAN Jacques-Edouard / DEPARTEMENT DE L'AMENAGEMENT, DE L'EQUIPEMENT ET DU LOGEMENT, PISA PALLADIO IMMOBILIER SA, COMMISSION DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS
Résumé : Le principe de coordination ayant été clairement violé par la séparation chronologique entre autorisation de construire et d'abattage, cela ne doit cependant, en l'espèce, pas entraîner l'annulation des autorisations dans la mesure où l'intéressé a renoncé à recourir contre l'une d'elles et a effectivement recouru contre l'autre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 15 janvier 2002

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur Jacques-Edouard SECRETAN

 

 

 

 

contre

 

 

 

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE DE CONSTRUCTIONS

 

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DE L'ÉQUIPEMENT ET DU LOGEMENT

PISA PALLADIO IMMOBILIER S.A.

représentée par Me Alain Veuillet, avocat



EN FAIT

 

 

1. Monsieur Jacques-Edouard Secretan est domicilié à 12 A chemin de la Tour-de-Pinchat à Veyrier, soit sur la parcelle No 3'363 dont ses enfants sont propriétaires.

 

2. Par requête du 4 janvier 2000, enregistrée sous dossier DD 96'465, la société Pisa Palladio immobilier S.A. (ci-après : Pisa S.A.) a sollicité une autorisation de construire dont l'objet consistait en la construction de deux villas jumelles ainsi que des couverts à voitures et places de parking sur la parcelle No 2'926, feuille 50 de la commune de Veyrier. Cette parcelle est contiguë à la parcelle No 3'363. Elles sont toutes deux situées en 5ème zone de construction, soit en zone villas.

 

Cette demande ne mentionnait pas que la réalisation dudit projet nécessitait l'abattage d'un pommier, d'un poirier et de trois bouleaux situés sur la parcelle No 2'926.

 

3. Le 15 mai 2000, après avoir obtenu des préavis favorables, le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après : le département) a délivré l'autorisation sollicitée.

4. Par acte du 16 juin 2000, M. Secretan a recouru auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : la commission) contre ladite autorisation. Les constructions autorisées ne tenaient pas compte des arbres existants et aucune requête en abattage d'arbres n'avait été déposée. L'accès des véhicules ne répondait pas aux exigences de sécurité.

 

Lors de l'audience de comparution personnelle tenue par la commission le 27 octobre 2000, le représentant du département a exposé que l'autorisation de construire avait été délivrée comme s'il n'y avait pas d'arbres à abattre sur la parcelle, que la requête en autorisation d'abattage d'arbres avait été publiée dans la Feuille d'avis officielle (ci-après : FAO) du 27 octobre 2000, et qu'après avoir pris connaissance du plan d'abattage d'arbres établi le 29 juin 2000 par MM. Philippe Huber et Nicolas Chappuis, géomètres officiels. Le département a confirmé l'autorisation de construire.

 

5. Par décision du 9 mars 2001, la commission a confirmé l'autorisation de construire attaquée en précisant que le susvisé "relevé" faisait partie intégrante de cette autorisation.

 

6. Par acte du 20 avril 2001, M. Secretan a recouru auprès du Tribunal administratif contre ladite décision, qu'il avait reçue le 23 mars 2001.

 

Il avait recouru le 24 novembre 2000 auprès du Service des forêts, de la protection de la nature et du paysage contre l'abattage de ces arbres en demandant le maintien d'une haie; aucune décision n'avait encore été rendue par ledit service, qui avait pourtant enregistré ses observations selon son courrier du 28 novembre 2000. Il était inadmissible que la commission considère le "relevé" comme faisant partie intégrante de l'autorisation de construire. De plus, il était souhaitable de revoir la position de l'Office des transports et de la circulation.

 

Le dossier devait être renvoyé au département.

 

7. La commission, le département et Pisa S.A. ont conclu au rejet du recours.

 

8. Le 15 juin 2001, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger. Elles ont cependant été avisées du fait que selon les renseignements obtenus du service des forêts précité, aucune autorisation d'abattage d'arbres n'avait été délivée à ce jour, et l'occasion leur a été donnée de s'exprimer à ce sujet.

 

9. Seul le conseil de Pisa S.A. a indiqué le 15 août 2001 que l'autorisation d'abattage d'arbres avait été publiée le 13 août 2001; comme le département et la commission de recours avaient déjà confirmé l'autorisation de construire après avoir pris connaisance du plan d'abattage d'arbres, l'informalité avait été totalement réparée.

 

10. Par décision du 2 novembre 2001, la commission cantonale de recours en matière de constructions a constaté que le recours de M. Secretan contre ladite autorisation d'abattage était tardif, et partant irrecevable. S'il avait été déposé en temps utile, ledit recours aurait dû être rejeté, le bien-fondé de l'abattage des arbres concernés ayant déjà été admis par décision du 9 mars 2001.

 

Cette décision n'a pas fait l'objet d'un recours auprès du tribunal de céans et elle est devenue définitive.

 

11. La cause a donc été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

 

 

1. Ont qualité pour recourir, non seulement les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée, mais aussi toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (art. 60, let. a et b, LPA). L'intérêt à obtenir un jugement favorable doit être personnel, direct, voire immédiat et actuel (Mémorial des séances du Grand Conseil, 1984 I 1604 ss; Mémorial 1985 III 4373 ss; R. MAHLER, Réflexions sur la qualité pour recourir en droit administratif genevois, in RDAF 1982, p. 272 ss, not. 274, A. MACHERET, La qualité pour recourir, clef de la juridiction administrative du Tribunal fédéral, in : Les voies de recours au Tribunal fédéral, 1975, p. 159, 160; ATA T.-R. du 9 septembre 1987; S. du 13 janvier 1982; Groupe d'habitants X. du 27 janvier 1982; RDAF 1985 p. 392; 1976, p. 60 et 416).

 

En ce qui concerne les voisins, la jurisprudence a indiqué que seuls ceux dont les intérêts sont lésés de façon directe et spéciale ont l'intérêt particulier requis. Cette lésion directe et spéciale suppose qu'il y a une communauté de faits entre les intérêts du destinataire de la décision et ceux des tiers. Les voisins peuvent ainsi recourir en invoquant des règles qui ne leur donnent aucun droit et qui ne sont pas directement destinées à protéger leurs intérêts (ATA M. du 9 décembre 1997 et ATA B. - M. du 31 mars 1998).

 

En l'espèce, l'attestation de l'Office cantonal de la population démontre que le recourant est domicilié à l'adresse 12A chemin de la Tour-de-Pinchat, soit sur la parcelle 3'363 qui est contiguë à la parcelle 2'926. Dès lors, en l'application de l'art. 60 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), celui-ci a la qualité pour recourir.

 

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a LPA).

 

2. a. A teneur de l'art. 3 du règlement sur la conservation de la végétation arborée du 27 octobre 1999, entré en vigueur le 4 novembre 1999 (RCVA - L 4 05.04), aucun arbre ne peut être abattu ou élagué, ni aucune haie vive ou aucun boqueteau coupé ou défriché, sans autorisation préalable du département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie (ci- après : DIAE).

 

L'art. 9 al. 2 let. e du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RALCI - L 5 05.01) prévoit qu'un plan situant les arbres à abattre et à conserver doit être joint à la demande définitive d'une autorisation de construire.

 

L'art. 9 du RCVA instaure le principe de la coordination des autorisations d'abattage avec les autorisations de construire. En vertu de cet article, les autorisations d'abattage ou de défrichage liées à un projet de construction sont publiées simultanément aux autorisations définitives de construire (al. 1).

 

b. A de nombreuses reprises, le Tribunal fédéral a dégagé les principes imposant une coordination matérielle et formelle des décisions qui impliquent l'application de plusieurs dispositions légales différentes pour la réalisation d'un même projet. S'il existe entre celles-ci une imbrication telle qu'elles ne sauraient être appliquées indépendamment les unes des autres, il y a lieu d'assurer leur coordination matérielle. Lorsque, comme c'est souvent le cas, plusieurs autorités sont compétentes, celles-ci doivent appliquer les dispositions pertinentes de façon à obtenir un résultat qualitativement équivalent, du point de vue de l'obligation de coordination, à ce qui pourrait être atteint en confiant l'examen de toutes les questions soumises à cette obligation à une seule instance. Il faut alors au minimum que toutes les décisions nécessaires soient notifiées en même temps, de manière groupée, de préférence par l'autorité compétente dans la procédure principale, soit celle permettant une pesée globale des intérêts ("Leitverfahren"). Contre ces décisions doit être ouverte une voie de recours unique auprès d'une seule instance habilitée à juger dans une décision globale de tous les griefs invoqués. Si ces décisions sont néanmoins notifiées séparément, il faut en tout cas que reste ouverte la voie de recours contre la décision issue de la procédure principale (ATF 118 Ib 381; 118 Ib 326; 117 Ib 35; 116 Ib 175; 116 Ib 50; 114 Ib 125; A. MARTI, Verfahrenrechtliche Möglichkeiten der Koordination bei der ersten Instanz, DEP 1991 pp. 226 ss; T. TANQUEREL/R. ZIMMERMANN, Les recours, in Droit de l'environnement : mise en oeuvre et coordination, C.-A. MORAND éd. 1992 pp. 124-125; C.-A. MORAND, La coordination matérielle des décisions : espoir ultime de systématisation du droit des politiques publiques, in ibid. pp. 167 ss; J.-A. MEYLAN, La coordination formelle, in ibid. pp. 179 ss; A. KÖLZ/H. KELLER, Koordination umweltrelevander Bewilligungsverfahren als Rechtsproblem, DEP 1990 pp. 385 ss; ATA du 20 septembre 1994 en la cause R.).

 

Certes, ces principes ont été développés dans le cadre de l'application du droit fédéral. Mais ils valent par analogie dans tous les cas où un projet relève de dispositions légales étroitement imbriquées. Le Tribunal de céans a d'ailleurs déjà eu l'occasion d'indiquer qu'en matière d'autorisation de construire, l'autorité devait prendre en compte toutes les dispositions légales pertinentes, et par conséquent peser les intérêts y relatifs (ATA M. du 26 septembre 1995; ATA B.-M. du 18 février 1997; RDAF 1995 p. 146, 149; 1986 p. 24, 26). Lorsqu'un projet de construction implique l'abattage d'arbres, on ne voit pas comment l'autorisation de construire et celle d'abattre les arbres pourraient être examinées sans coordination matérielle et formelle. Au demeurant, l'art. 9 RCVA donne un appui textuel à cette exigence de coordination.

 

Dans un tel cas, l'autorisation de construire et celle d'abattage d'arbres doivent donc être réglées en même temps dans le cadre de l'autorisation définitive de construire et être publiées simultanément, afin qu'elles puissent faire l'objet d'un recours unique à la commission.

 

c. En l'espèce, une requête en abattage d'arbres nécessaire à la mise en oeuvre du projet litigieux, a finalement été publiée dans la FAO du 13 août 2001 et l'informalité dénoncée à juste titre a ainsi été réparée.

 

3. Ce grief représentait l'essentiel de la motivation du recours. M. Secretan allègue de plus que l'accès à la parcelle No 2'926 serait dangereux et qu'il faudrait revoir la position de l'OTC. Or, ce service a donné un préavis favorable en toute connaissance de cause.

 

Ce grief, allégué mais non étayé, sera donc écarté, le recourant ne prétendant pas qu'il en résulterait pour lui des inconvénients graves au sens de l'article 14 LCI, étant rappelé la portée limitée de cette disposition de droit cantonal (ATA A. de S. du 30 janvier 2001).

 

4. Le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 750.- sera mis à la charge du recourant. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à Pisa S.A. à charge de M. Secretan.

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 23 avril 2001 par Monsieur Jacques-Edouard Secretan contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 9 mars 2001;

 

au fond :

 

le rejette;

 

dit qu'un émolument de CHF 750.- sera mis à la charge du recourant;

 

dit qu'aucune indemnité de procédure ne sera pas allouée à Pisa S.A. à charge de M. Secretan.

 

communique le présent arrêt à Monsieur Jacques-Edouard Secretan, à la Commission cantonale de recours en matière de constructions, au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement ainsi qu'à Me Alain Veuillet, avocat de Pisa Palladio immobilier S.A.

 


Siégeants : M. Paychère, président, MM. Thélin et Schucani, Mme Bonnefemme-Hurni, juges,

M. Torello, juge suppléant

 

Au nom du Tribunal administratif :

le secrétaire-juriste: le vice-président :

 

O. Bindschedler F. Paychère

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci