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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1010/2021

ATA/609/2021 du 08.06.2021 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1010/2021-PRISON ATA/609/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 juin 2021

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______2000, est incarcéré à la prison de Champ-Dollon (ci-après : la prison) depuis le 16 décembre 2020 et y demeure à ce jour.

2) Le 27 février 2021, deux appointés ont procédé à la fouille de la cellule 1______ occupée notamment par M. A______. L'un des appointés a enlevé de la cellule plusieurs cartons vides pliés ainsi que des sacs en papier. M. A______ s'est montré agressif et a voulu récupérer un carton cassé et plié. Il a expliqué d'un ton agressif que ce carton lui servait pour faire sa prière qu'il n'en avait « rien à foutre » et qu'il voulait le garder. Les appointés lui ont alors rappelé les règles en vigueur en lui expliquant le danger en cas de feu. M. A______ n'a pas souhaité rendre le carton. Un sous-chef a alors été avisé de la situation et a tenté à son tour de raisonner M. A______ pour qu'il accepte de lui remettre le carton qu'il avait repris. Le détenu a refusé à plusieurs reprises, s'est énervé et a jeté ce carton au visage du sous-chef.

3) Ces faits sont rappelés dans le rapport d'incident du 27 février 2021. Par décision du même jour signée par le directeur de la prison, M. A______ a été sanctionné pour ces faits de trois jours de cellule forte. Il a été entendu avant que la sanction lui soit notifiée par un gardien-chef adjoint.

4) Par acte expédié le 17 mars 2021, reçu le 18 mars 2021 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative),
M. A______ a recouru contre cette sanction. Il a expliqué avoir été amené au cachot trois jours suite à la décision d'un gardien adjoint et souhaité faire recours contre cette décision qu'il trouvait injustifiée. Il a allégué avoir depuis ce jour des problèmes médicaux aux yeux.

5) La direction de la prison a conclu au rejet du recours. La sanction était justifiée suite au refus d'obtempérer et à l'attitude incorrecte envers le personnel manifestée par M. A______. Il s'était également montré agressif en s'en prenant physiquement à un sous-chef en lui jetant un carton en plein visage. La sanction était justifiée et sa durée proportionnée. Par ailleurs, M. A______ n'avait pas expliqué pourquoi il trouvait la sanction injustifiée et pour quelles raisons il avait des problèmes aux yeux. Il n'avait produit aucun certificat médical à cet égard.

6) Par courrier du 6 avril 2021, la chambre de céans a donné un délai au 26 mai 2021 à M. A______ pour une éventuelle réplique et notamment pour indiquer pour quelles raisons il évoquait un problème aux yeux. M. A______ ne s'est pas manifesté dans le délai imparti de sorte que la cause a été gardée à juger le 1er juin 2021.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Bien que la sanction de trois jours de cellule forte ait été exécutée, le recourant conserve un intérêt actuel à l'examen de la légalité de celle-ci, dès lors qu'il ne ressort pas du dossier que sa peine aurait pris fin et qu'il pourrait être tenu compte de la sanction contestée en cas de nouveau problème disciplinaire (ATA/774/2020 du 18 août 2020 consid. 3b ; ATA/637/2020 du 30 juin 2020 consid. 1).

2) L'objet du litige est principalement défini par l'objet de la contestation, les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2).

En l'espèce, l'acte contesté est la sanction de trois jours de cellule forte prononcée à l'encontre du recourant.

Il convient donc d'examiner le bien-fondé de la sanction de trois jours de cellule forte.

3) a. Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l'autorité dispose à l'égard d'une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d'obligations, font l'objet d'une surveillance spéciale. Il s'applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d'abord par la nature des obligations qu'il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l'administration et les intéressés. L'administration dispose d'un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

b. Le statut des personnes incarcérées à la prison est régi par le règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du
30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04), dont les dispositions doivent être respectées par les détenus (art. 42 RRIP). En toute circonstance, ceux-ci doivent observer une attitude correcte à l'égard du personnel pénitentiaire, des autres personnes incarcérées et des tiers (art. 44 RRIP). Il est interdit aux détenus, notamment, d'une façon générale, de troubler l'ordre et la tranquillité de l'établissement (art. 45 let. h RRIP).

c. Si un détenu enfreint le RRIP, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée (art. 47 al. 1 RRIP). Avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu (art. 47 al. 2 RRIP).

À teneur de l'art. 47 al. 3 RRIP, le directeur ou, en son absence, son suppléant sont compétents pour prononcer, notamment, la privation de travail
(let. f) et le placement en cellule forte pour dix jours au plus (let. g). Le directeur peut déléguer ces compétences à un membre du personnel gradé (art. 47
al. 7 RRIP). Les modalités de la délégation sont prévues dans un ordre de service. L'ordre de service B 24 de la prison prévoit une telle délégation pour le placement en cellule forte de un à cinq jours en faveur du membre « consigné » de la direction, et pour la suppression de travail en faveur du gardien-chef adjoint (ATA/1631/2017 du 19 décembre 2017 consid. 3).

d. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATA/219/2020 du 25 février 2020 consid. 6d et la référence citée).

e. En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation, le pouvoir d'examen de la chambre administrative se limitant à l'excès ou l'abus de ce pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/97/2020 précité consid. 4f et les références citées).

f. De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés, sauf si des éléments permettent de s'en écarter. Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 19 de la loi sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 3 novembre 2016 - LOPP - F 1 50), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers (ATA/284/2020 du 10 mars 2020 consid. 4f et les références citées).

g. Dans sa jurisprudence, la chambre de céans a confirmé une sanction de deux jours de cellule forte infligée à un détenu qui avait traité un agent de détention de « sale fils de pute » (ATA/502/2018 du 22 mai 2018). Elle a également confirmé une sanction d'un jour de cellule forte prononcée en raison des propos de « sale fils de chiottes » désignant un infirmier de l'établissement pénitentiaire (ATA/1066/2015 du 6 octobre 2015).

4) En l'espèce, les faits reprochés au recourant ressortent du rapport établi le 27 février 2021. Les faits ne sont pas contestés. Par ailleurs, il n'y a pas lieu de s'écarter des constatations figurant dans le rapport susmentionné établi par un agent assermenté et qui a une pleine valeur probante. En refusant à plusieurs reprises de rendre le carton que les appointés voulaient sortir de sa cellule pour des raisons de sécurité, le recourant a commis un refus d'obtempérer. En se montrant agressif à plusieurs reprises à l'encontre des appointés, il a manifesté une attitude incorrecte envers le personnel. De plus, en jetant ce carton au visage d'un sous-chef, il a été physiquement agressif. Ces comportements sont susceptibles de porter atteinte à la personnalité des agents de détention et de troubler l'ordre et la tranquillité de l'établissement, violant ainsi ses obligations de détenus qui figurent aux art. 42 ss RRIP en particulier 44 et 45 let. h RRIP. Il s'ensuit que l'autorité intimée était fondée à sanctionner le recourant en relation avec ces faits.

S'il est vrai que le placement en cellule forte constitue la sanction la plus sévère mentionnée à l'art. 47 al. 3 RRIP, il faut rappeler que le maximum qui peut être prononcé est de dix jours. Au vu notamment de la violence physique et des troubles à l'ordre de l'établissement causés par le recourant, le fait de garder des cartons et sacs en papier dans la cellule étant une cause certaine de mise en danger en cas de feu, l'autorité intimée était fondée à faire preuve de sévérité en lui infligeant une sanction de trois jours de cellule forte. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'autorité intimée n'a ni abusé ni excédé son pouvoir d'appréciation ni violé le principe de la proportionnalité.

Le recours sera donc rejeté.

5) Au vu de la nature du litige et de son issue, il ne sera pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 mars 2021 par Monsieur A______ contre la décision de la prison de Champ-Dollon du 27 février 2021 ;

 

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à la prison de
Champ-Dollon.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Balzli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :