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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4764/2008

ATA/582/2010 du 31.08.2010 sur DCCR/727/2009 ( LCI ) , REJETE

Parties : SCHOUCHANA Françoise / DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION, ELEPHANTINE SA
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4764/2008-LCI ATA/582/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 31 août 2010

2ème section

dans la cause

 

Madame Françoise SCHOUCHANA
représentée par Me Pierre Louis Manfrini, avocat

contre

ELEPHANTINE S.A.
représentée par Me Lucien Lazzarotto, avocat

et

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 22 juillet 2009 (DCCR/727/2009)


EN FAIT

1. Le 22 novembre 2002, le département des constructions et des technologies de l'information (ci-après : DCTI) a délivré à Eléphantine S.A. l'autorisation de construire un immeuble d'habitation, ainsi qu'un garage souterrain (38 m de longueur et 24 m de largeur) au 141-143 route de la Capite, sur la parcelle n° 9263 (anciennement parcelles nos 8965 et 8966), feuille 35 de la commune de Collonge-Bellerive, située en zone 4B protégée (DD 97560-1). La surface de ladite parcelle était de 1'679 m2 selon l'extrait du registre foncier du 20 juillet 2007.

2. Par décisions des 17 août 2006 et 27 septembre 2007, le DCTI a délivré des autorisations complémentaires pour la création de tabatières en toiture, des modifications de la dalle des combles et de la typologie des appartements, ainsi que pour la réunion d'appartements (DD 97560/2-1 et DD 97560/3-1). Aucun recours n'a été interjeté contre ces décisions.

3. Madame Françoise Schouchana est domiciliée sur la parcelle n° 8958, feuille 16 de la commune de Collonge-Bellerive, sise 10, ch. de l'Abergement, dont elle est propriétaire. Cette parcelle est située majoritairement en zone 5 et partiellement en zone 4B protégée. Elle est sise en contrebas de la parcelle n° 9263 qui a fait l'objet des autorisations précitées. Les deux parcelles étaient alors séparées en limite de propriété par une dense haie d'une hauteur variant entre 5,5 et 6 mètres, empêchant toute vue réciproque.

4. Selon le projet initial, les appartements du rez-de-chaussée du nouvel immeuble sis sur la parcelle n° 9263 devaient être prolongés par une terrasse de 4 mètres de longueur. Un décrochement devait suivre, donnant lieu à un nouveau terrassement recouvrant les garages souterrains sur une longueur de 9 mètres. Ce terrassement devait rejoindre un talus en pente douce d'une longueur d'environ 15 mètres, s'étendant jusqu'à la limite de propriété séparant la parcelle n° 9263 et la parcelle de Mme Schouchana.

5. Lorsqu'Eléphantine S.A. a entrepris les travaux extérieurs, Mme Schouchana a alerté le service compétent du département du territoire (service du domaine, nature et paysage) de l'arrachage du rideau de végétation séparant sa parcelle de celle sur laquelle se construisait le nouveau bâtiment. Un représentant dudit service s'est rendu sur place pour constater le défrichement.

6. En cours de chantier, il est apparu que les plans du parking ayant fait l'objet de la première autorisation ne pouvaient pas être réalisés. La rampe d'accès au garage présentait une déclivité trop importante, le niveau de la dalle du parking prévu, à savoir 457,38 mètres, étant trop bas. Il convenait donc de le relever de 47 cm afin de le porter à 457,85 cm. Pour le surplus, le décrochement prévu au niveau de la dalle supérieure paraissait irréalisable car il fallait assurer une continuité des armatures et donc réaliser une dalle ne présentant aucun décrochement, ce qui induirait une modification de l'assiette du terrain sur la dalle de parking.

Le parking avait ainsi été édifié à un niveau supérieur à celui qui avait été initialement autorisé, ce qui avait modifié la hauteur et l'assiette du terrain situé au-dessus, celui-ci étant rehaussé au niveau des terrasses des appartements du rez-de-chaussée et prolongé, avant d'être abaissé à la hauteur de la parcelle voisine.

Le chantier étant en cours, ce n'est qu'après les travaux qu'Eléphantine S.A. a déposé, le 17 décembre 2007, une demande complémentaire (DD 97'560/4) pour les modifications apportées au projet initial. Une lettre explicative de Monsieur Olivier Vallat, architecte, datée du même jour, ainsi qu'un courrier de Monsieur David Amsler, ingénieur civil, étaient joints à la demande d'autorisation complémentaire.

7. Les préavis des instances compétentes ont été recueillis. La commune de Collonge-Bellerive a émis un préavis favorable le 11 janvier 2008 et le service des monuments et sites en a fait de même le 14 janvier 2008.

8. Le 31 janvier 2008, Mme Schouchana a formé opposition auprès du DCTI, concluant au refus de l'autorisation sollicitée.

Eléphantine S.A. avait agi contrairement à la bonne foi en requérant une autorisation pour des travaux déjà effectués. Le rehaussement d'un terrain sur une longueur de 16 mètres avec la création d'un talus abrupt d'une hauteur de 2,79 mètres et d'une surface de 252 m2 correspondait à une modification sujette à autorisation. Suite aux changements apportés au projet initial, le talus litigieux se trouvait à un mètre de la limite de propriété. Ce faisant, Eléphantine S.A. n'avait pas respecté la distance minimale de 6 mètres prescrite par l'art. 34 al. 2 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Enfin, la suppression de la végétation arborée en limite de propriété violait le règlement sur la conservation de la végétation arborée du 27 octobre 1999 (RCVA - L 4 05.04).

9. Le 7 mai 2008, le DCTI a octroyé à Eléphantine S.A. l'autorisation de construire complémentaire sollicitée (DD 97560/4-1) qui a été publiée dans la FAO du 14 mai 2008.

10. Par acte du 10 juin 2008 Mme Schouchana a recouru à l'encontre de cette décision auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions, dont les compétences ont été reprises depuis lors par la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la CCRA). Elle a conclu préalablement à ce qu'un transport sur place soit ordonné ainsi qu'à l'annulation de la décision querellée.

En implantant le talus litigieux à un mètre de la limite de propriété, Eléphantine S.A. n'avait pas respecté la distance légale minimale de 6 mètres imposée par l'art. 34 al. 2 LCI. L'art. 43 al. 2 LCI prévoyait qu'en 4e zone, seules les constructions de peu d'importance pouvaient être édifiées à une distance inférieure à celle prévue pour les distances aux limites de propriété, dans les conditions fixées par le règlement d'application. Le rehaussement de terrain réalisé par Eléphantine S.A., ne remplissait pas les conditions de l'art. 3 al. 3 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05 01). Il ne pouvait donc être dérogé à la distance légale de 6 mètres.

Pour le surplus, Eléphantine S.A. avait arraché sans autorisation le rideau de végétation séparant les deux parcelles. La haie n'avait pas été remplacée, alors que, selon la recourante, les représentants du maître de l'ouvrage avaient pris l'engagement de la replanter avec des caractéristiques similaires à celle qui avait été supprimée.

Enfin, le comportement d'Eléphantine S.A. contrevenait au principe de la bonne foi et portait atteinte aux droits de voisinage.

11. Dans sa réponse du 9 juillet 2008, Eléphantine S.A. a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée.

Les nouveaux mandataires, responsables de la réalisation du projet, s'étaient rendus compte au cours des travaux que la dalle du parking figurant dans les plans des autorisations de construire était techniquement inadéquate. Celle-ci avait ainsi dû être rehaussée, ce qui impliquait une modification de l'altitude et de l'assiette du terrain. Le chantier étant déjà en cours, ces travaux, imposés par les circonstances, avaient été exécutés avant le dépôt de la requête d'autorisation complémentaire. Étant compatibles avec les dispositions légales topiques, ils pouvaient être entérinés par le DCTI. Mme Schouchana se plaignait à tort d'une violation du principe de la bonne foi puisque la nécessité de procéder aux modifications critiquées n'avait pas pu être identifiée plus tôt.

Les aménagements extérieurs et les modifications du terrain respectaient la largeur d'un mètre en limite de propriété telle qu'imposée par l'art. 46C RCI. Conformément à cette disposition réglementaire, la pente du profil modifié s'inscrivait également à l'intérieur de la ligne oblique formant un angle de 30° avec l'horizontale. L'art. 3 al. 3 RCI n'était pas applicable en l'espèce.

Enfin le plan d'abattage d'arbres avait été scrupuleusement observé. La haie qui avait été partiellement arrachée durant le chantier avait été replantée en respectant la hauteur légale de 2 mètres. La recourante ne pouvait exiger que cette haie en limite de propriété soit maintenue au-delà de deux mètres de haut (art. 64 et ss de la loi d’application du code civil et du code des obligations du 7 mai 1981 LaCC - E 1 05).

12. Lors de l'audience de comparution personnelle du 21 novembre 2008, Mme Schouchana a allégué que l'angle de 30 degrés imposé par l'art. 46C RCI n'était pas respecté. Selon elle, la construction était techniquement réalisable sans rehaussement de la dalle du parking. Pour le surplus, l'art. 46C RCI était contraire aux dispositions de la LCI, notamment à l'art. 34 al. 2 LCI.

D'après Eléphantine S.A. le talus n'était pas une construction mais un aménagement extérieur.

Selon la représentante du DCTI l'art. 46C RCI était applicable, s'agissant d'aménagements extérieurs.

13. Par ordonnance du 22 décembre 2008, la CCRA a imparti à Mme Schouchana un délai au 16 février 2009 pour faire établir par un géomètre officiel un plan indiquant la pente du terrain sur tout le périmètre concerné, ainsi que les limites de propriété, considérant qu'un transport sur place ne permettrait pas de recueillir de tels éléments.

14. Le 9 mars 2009, Mme Schouchana a produit les relevés établis par M. Alain Kupfer, géomètre officiel.

Selon ce document, la pente du talus couvrant le garage souterrain s'inscrivait à l'intérieur d'une ligne oblique formant un angle de 30° avec l'horizontale et la largeur séparant la limite de la parcelle 9263 du remblai était d'un mètre.

En conséquence, selon Mme Schouchana, l'art. 46C RCI ne s'appliquait pas dès lors que la modification du terrain était consécutive à la réalisation du garage souterrain lequel correspondait donc à une construction au sens de l'art. 1 al. 1 LCI et non à un aménagement extérieur. Une distance de 6 mètres avec la limite de propriété aurait dû être respectée, conformément à l'art. 34 al. 2 LCI.

Pour le surplus l'art. 46C RCI était contraire à la Constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1847 (Cst-GE - A 2 00) car il n'y avait pas de clause de délégation permettant au Conseil d'Etat de prévoir des exceptions à la distance de 6 mètres de la limite de propriété fixée par la loi.

15. Eléphantine S.A. a déposé ses observations le 17 mars 2009.

S'agissant de l'inconstitutionnalité de l'art. 46C RCI, l'art. 34 al. 2 LCI réservait l'art. 43 LCI prévoyant une dérogation aux règles relatives aux distances pour les constructions de peu d'importance, outre une délégation de compétences au Conseil d'Etat pour régler de telles questions dans le RCI.

Les aménagements extérieurs impliquant des mouvements de terrain étaient des modifications de peu d'importance par rapport aux constructions ordinaires et pouvaient être réglementés par le Conseil d'Etat, ce qui était le cas pour l'art. 46C RCI.

L'aménagement extérieur n'était pas une conséquence de la construction du garage souterrain. En effet, l'aplanissement du terrain dans le prolongement des terrasses avait été requis par les futurs occupants des logements.

16. Le 30 avril 2009, le DCTI a rappelé que les constructions en sous-sol n'étaient pas soumises aux règles de distance relatives aux limites de propriété. Lorsque ces constructions avaient pour effet une modification du niveau du terrain, elles étaient soumises à l'art. 46C RCI qui réglait de manière topique la problématique des aménagements extérieurs et des modifications de terrain. Le garage ainsi que la terre qui le recouvrait étaient compris dans les limites fixées par cet article.

17. Lors de l'audience de comparution personnelle du 3 juin 2009, Mme Schouchana a persisté dans ses conclusions, l'aménagement litigieux constituant une véritable construction au sens de la LCI puisqu'elle représentait un volume de 1'000 à 1'500 m3.

18. Dans sa détermination du 15 juin 2009, le DCTI a conclu au rejet du recours.

L'autorisation complémentaire avait été délivrée car le projet respectait les dispositions légales applicables et plus particulièrement les conditions de l'art. 46C RCI s'agissant d'aménagements extérieurs en limite de propriété. L'art. 34 LCI n'était pas applicable aux travaux consistant en un simple remblai de terrain.

Le Conseil d'Etat disposait d'une clause de délégation de compétence prévue à l'art. 151 al. 1 let. a LCI pour édicter un règlement d'application. Dès lors que l'art. 1 al. 1 let. d LCI prévoyait que toute modification de la configuration du terrain pouvait être autorisée, le Conseil d'Etat était habilité à préciser, par voie réglementaire, les conditions selon lesquelles étaient tolérés les aménagements extérieurs en limite de propriété. Pour le surplus, dans la mesure où la LCI ne fixait pas de conditions applicables aux aménagements extérieurs qui ne pouvaient pas être considérés comme des constructions au sens de l'art. 34 LCI, cette lacune authentique pouvait être comblée par le Conseil d'Etat par l'adoption d'une disposition topique dans le RCI.

19. Mme Schouchana a répliqué le 29 juin 2009.

L'objet litigieux était un terrassement d'un volume de 1'000 à 1'500 m3 de terre d'une hauteur de 2,79 mètres sur une longueur de 16 mètres. L'édification d'une telle terrasse était une construction ne répondant ni aux conditions de l'art. 43 al. 1 LCI (constructions basses et de peu d'importance) ni à celles de l'art. 3 al. 3 RCI (constructions de peu d'importance).

Dans l'hypothèse où l'art. 151 let. a LCI contenait une clause de délégation, il ne pouvait s'agir que de règles secondaires précisant la loi sans pouvoir y déroger. Dans la mesure où l'art. 46C RCI tendait à légaliser des constructions à moins de 6 mètres de la limite de propriété autres que les constructions de peu d'importance prévues par l'art. 43 LCI, cette disposition contrevenait à la loi.

20. Eléphantine S.A. a dupliqué le 30 juin 2009. Elle a laissé ouverte la question de la qualification juridique de l'aménagement extérieur en cause. En tout état, l'art. 43 al.2 LCI exonérait expressément les constructions de peu d'importance des restrictions de distances prévues à l'art. 34 LCI, réservant la compétence du Conseil d'Etat pour édicter les modalités d'application de cette dérogation. L'art. 46 RCI, qui codifiait une pratique longue, constante et incontestée, était bien fondé sur la délégation de l'art. 151 LCI en relation avec l'art. 43 LCI.

21. Le 22 juillet 2009 la CCRA a rejeté le recours.

Le Conseil d'Etat pouvait se fonder exclusivement sur l'art. 151 let. a LCI pour adopter une norme autorisant l'édification d'aménagements extérieurs en retrait d'un mètre de la limite de propriété.

Le rehaussement de terrain constituait un simple aménagement extérieur au sens de l'art. 46C RCI, échappant ainsi aux règles normalement applicables aux constructions.

Le fait que les nouveaux propriétaires aient la vue sur la parcelle de Mme Schouchana ne constituait pas un inconvénient grave pour celle-ci et l'autorisation querellée ne violait pas l'art. 14 al. 1 LCI.

22. Par acte du 19 août 2009 Mme Schouchana a interjeté recours auprès du Tribunal administratif à l'encontre de cette décision en concluant préalablement à ce qu'un transport sur place soit ordonné et, au fond, que la décision et l'autorisation de construire querellées soient annulées.

En substance elle a fait valoir les griefs déjà invoqués devant la CCRA. L'art. 34 LCI traitant de la distance aux limites de propriété visait tous les travaux assujettis à autorisation selon l'art. 1 LCI et donc aussi bien les constructions que les modifications de terrain. Les seules exceptions à la règle des 6 mètres de distance étaient traitées par les art. 33, 42 et 43 LCI. Or, l'aménagement réalisé par Eléphantine S.A. ne correspondait à aucune des catégories de constructions visées par les articles précités.

L'art. 46C RCI dérogeant à la LCI était contraire à la délégation législative que l'art 151 LCI conférait au Conseil d'Etat. En effet, si les let. b à i de l'art. 151 LCI, non applicables en l'espèce, contenaient bien une délégation législative en faveur du gouvernement lui permettant de compléter la réglementation contenue dans la LCI, la lettre a de cette disposition chargeait le Conseil d'Etat de fixer par règlement les dispositions d'application de la loi. Or il ne pouvait s'agir que de règles secondaires précisant la volonté du législateur sans y déroger. En conséquence, la dérogation prévue par l'art. 46C RCI était contraire aux principes de la légalité et de la séparation des pouvoirs ancrés dans la constitution genevoise.

Pour le surplus, Eléphantine S.A. avait délibérément modifié les aménagements extérieurs prévus dans l'autorisation initiale, sans demander d'autorisation, afin d'offrir aux nouveaux propriétaires une vue plus dégagée en direction du lac, en violation des plus élémentaires règles de la bonne foi. Enfin en arrachant la végétation sise en limite de propriété, elle avait contrevenu à l'art. 3 RCVA.

23. La CCRA a déposé son dossier auprès du Tribunal aministratif, le 17 septembre 2009.

24. Dans sa réponse du 30 septembre 2009, Eléphantine S.A. a repris les arguments déjà développés devant la CCRA.

Le DCTI avait appliqué à juste titre l'art. 46C RCI. La loi ne fournissant aucun critère quant aux conditions de délivrance des autorisations en matière de mouvements de terrain, le Conseil d'Etat avait comblé une lacune en édictant l'article précité. Pour le surplus, on pouvait considérer que le législateur avait admis une dérogation à l'art. 34 LCI pour les constructions de peu d'importance (art. 43 al. 2 LCI) sans toutefois les définir. L'art. 46C RCI était un cas d'application de l'art. 43 al. 2 LCI.

25. Le 30 septembre 2009, le DCTI a persisté dans les conclusions déjà prises en première instance.

26. Par pli du 5 octobre 2009 le juge délégué a fixé aux parties un délai au 30 du même mois pour formuler d'éventuelles observations ou toute requête complémentaire. Passé ce délai, la cause serait gardée à juger.

27. Le DCTI a indiqué par courrier du 12 octobre 2009 ne pas avoir d'autres observations ou requêtes complémentaires à formuler.

28. Dans ses écritures du 30 octobre 2009, la recourante a requis un transport sur place, l'audition de des premiers nommés, respectivement ingénieur et architecte, ainsi que d'un fonctionnaire du service du domaine, nature et paysage.

L'audition de Messieurs Amsler et Leopizzi devait porter sur les vraies raisons qui avaient motivé la modification du projet initial et celle du représentant du service domaine nature et paysage sur le fait que la haie séparant les parcelles de la recourante et de l'intimée avait été arrachée sans autorisation.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La recourante a sollicité un transport sur place ainsi que l'audition de plusieurs témoins.

Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; 127 III 576 consid. 2c p. 578 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C.573/2007 du 23 janvier 2008 consid. 2.3). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; 130 I 425 consid. 2.1 p. 428 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C.402/2008 du 27 juin 2008 consid. 3.2 ; 2P.205/2006 du 19 décembre 2006 consid. 2.1 et les arrêts cités ; ATA/432/2008 du 27 août 2008 consid. 2b). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 133 II 235 consid 5.2 p. 248 ; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236 ; 126 I 97 consid. 2b p. 103 ; ATA/446/2010 du 29 juin 2010).

Le tribunal de céans est en mesure de statuer sur la base des pièces du dossier. Il n'y a pas lieu de procéder à un transport sur place dans la mesure où les éléments pertinents sur la modification du terrain sont d'ordre technique et ressortent du rapport du géomètre. Enfin, il n'est pas utile de procéder à l'audition des témoins requise par la recourante, celle-ci n'étant pas pertinente pour l'issue du litige.

3. Toutes les parties admettent que le remblai érigé par Eléphantine S.A. est sujet à autorisation de construire. Elles divergent en revanche quant à sa qualification juridique et au régime légal qui lui est applicable. La recourante reproche à la CCRA d'avoir admis la légalité de l'art. 46C RCI qui traite de la problématique des aménagements extérieurs et des modifications de terrain.

4. Aux termes de l'art 34 al. 2 LCI, sous réserve des dispositions des articles 33, 42 et 43, la distance entre une construction et une limite de propriété ne peut en aucun cas être inférieure à 6 m (D ³ 6).

Selon l'art. 43 al.2 LCI, en 3e et 4e zones, seules des constructions de peu d'importance peuvent être édifiées à la limite des propriétés ou à une distance inférieure à celle prévue pour les distances aux limites de propriétés, dans les conditions fixées par le règlement d'application.

L'art. 67 al. 1 LCI stipule que les constructions ne peuvent être édifiées en dessus du sol, à la limite de deux propriétés privées

Dans un arrêt relativement ancien (ATA G. du 29 avril 1992), le Tribunal administratif avait constaté qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne fixait expressément les conditions auxquelles il pouvait être procédé à des modifications du terrain existant à la limite d'une propriété et que le département, selon une pratique vieille de plusieurs années, autorisait des apports de terre lorsqu'ils n'étaient pas effectués à moins d'un mètre de la limite de propriété et que la pente du talus n'excédait pas 30°.

5. Il y a lacune dans une réglementation juridique lorsqu’une question se pose à laquelle aucune réponse ne peut être trouvée par l’interprétation ou, en droit administratif, par l’application de principes ou de règles généraux. Il convient alors de déterminer s’il s’agit d’un silence qualifié (lacune non authentique) ou au contraire d’une lacune authentique (lacune proprement dite) ou encore d’une lacune improprement dite, qui se caractérise par une réponse insatisfaisante de la loi (ATA/778/2002 du 10 décembre 2002). Si le législateur a renoncé volontairement à codifier une situation qui n’appelle pas nécessairement une intervention de sa part, son inaction équivaut à un silence qualifié. D’après la jurisprudence, seule l’existence d’une lacune authentique appelle l’intervention du juge, tandis qu’il lui est en principe interdit de corriger les lacunes improprement dites, à moins que l’invocation du sens réputé déterminant de la norme ne constitue un abus de droit, voire une violation de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; ATF 125 III 425 consid. 3a p. 427-428 et les arrêts cités ; ATF K 66/01 du 19 octobre 2001 ; ATA/7/2008 du 8 janvier 2008 et les références citées).

En faisant référence à l'arrêt du 29 avril 1992 déjà cité, le Tribunal administratif a constaté que, selon une pratique constante des autorités compétentes, un talus ne violait pas la LCI, lorsqu'il était distant d'au moins un mètre de la limite des propriétés et que sa pente n'excédait pas 30° (ATA/693/2003 du 23 septembre 2003). Ce faisant, le tribunal de céans a fait acte de législateur en comblant une lacune authentique de la loi. L'art 46C RCI, adopté le 3 novembre 2004, est entré en vigueur le 11 novembre de la même année, a ainsi entériné la pratique admise par le tribunal de céans.

En effet, selon l'art 46C RCI qui traite des aménagements extérieurs en limite de propriété, le niveau du terrain naturel doit être maintenu sur une largeur de 1 m (al. 1). Au-delà de 1 m, les aménagements extérieurs doivent s'inscrire à l'intérieur d'une ligne oblique formant un angle de 30° avec l'horizontale (al. 2).

Le remblai de terrain édifié par Eléphantine S.A. ayant été élevé à un mètre de la limite de propriété et s'inscrivant à l'intérieur d'une ligne oblique formant un angle de 30° avec l'horizontale selon les relevés de M. Kupfer, géomètre officiel, le grief de la recourante doit être rejeté et l'autorisation de construire confirmée sur ce point.

La recourante est particulièrement malvenue de critiquer cette disposition qui a été adoptée suite à l'arrêt du 23 septembre 2003 (ATA/693/2003). En effet elle était parfaitement au courant de cette jurisprudence dans la mesure où elle était partie à cette procédure et qu'à l'époque, elle a notamment bénéficié de la pratique qui est à l'origine de l'art. 46C RCI.

6. La recourante s'est encore plainte de la mauvaise foi d'Eléphantine S.A. qui avait délibérément modifié les aménagements extérieurs pour complaire aux nouveaux propriétaires.

De jurisprudence constante (ATA/8/2009 du 13 janvier 2009 ; ATA/200/2003 du 8 avril 2003), il est admis que lorsqu'une construction est autorisable, le vice de l'absence d'autorisation initiale peut être guéri par le dépôt d'une demande d'autorisation postérieure et par l'obtention d'une telle autorisation.

La construction litigieuse étant autorisable, peu importent les motivations d'Eléphantine S.A. puisqu'une telle autorisation pouvait être accordée. Les arguments de la recourante seront également rejetés sur ce point.

7. Reste à examiner le grief de la recourante relatif à l'arrachage de la haie sise en limite de propriété.

a. La loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) protège les sites et paysages, espèces végétales et minéraux qui présentent un intérêt biologique, scientifique, historique, esthétique ou éducatif (art. 35 al. 1 LPMNS). Le Conseil d'Etat peut n'autoriser que sous condition ou même interdire l'abattage, l'élagage ou la destruction de certaines essences d'arbres, de cordons boisés, de boqueteaux, buissons ou de haies vives (art. 36 al. 2 let. a LPMNS).

b. Le RCVA a pour but d'assurer la conservation, à savoir la protection, le maintien et le renouvellement de la végétation formant les éléments majeurs du paysage (art. 1 RCVA).

Aucun arbre ne peut être abattu ou élagué, ni aucune haie vive ou aucun boqueteau coupé ou défriché, sans autorisation préalable du département (art. 3 al. 1 RCVA).

A contrario, point n'est besoin d'autorisation pour abattre une haie d'agrément. La CCRA a jugé que même si, par défaut d'entretien, une haie a dégénéré de telle façon que les arbres sont devenus d'une certaine ampleur, il n'en demeure pas moins que celle-ci reste une haie d'agrément et que son abattage n'est pas soumis à autorisation (DCRC/8397/2006 du 5 janvier 2006).

En l'occurrence la recourante fait uniquement valoir le fait que la haie avait une hauteur de 5,5 à 6 mètres de haut. Or, un tel élément est à lui seul insuffisant pour conclure à la protection du RCVA. Pour le surplus, la haie a été remplacée de manière conforme à l'art. 64 LaCC.

Ce grief doit également être rejeté

8. Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté. Mme Schouchana, qui succombe, sera condamnée aux frais de la procédure arrêtés à CHF 500.-. Elle s'acquittera de surcroît d'une indemnité de procédure de CHF 1’000.- en faveur d'Eléphantine S.A., en application de l'art. 87 LPA.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 août 2009 par Madame Françoise Schouchana contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 22 juillet 2009 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Madame Françoise Schouchana un émolument de CHF 500.- ;

alloue à Eléphantine S.A. une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à charge de Madame Françoise Schouchana ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Louis Manfrini, avocat de la recourante, à la commission cantonale de recours en matière administrative, au département des constructions et des technologies de l'information, ainsi qu'à Me Lucien Lazzarotto, avocat d'Eléphantine S.A.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

F. Glauser

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :