Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/488/2003

ATA/693/2003 du 23.09.2003 ( TPE ) , REJETE

Descripteurs : INCONVENIENTS GRAVES; CONSTRUCTION ET INSTALLATION; TPE
Normes : CST.21 al.2; LCI.67 al.2; LCI.14 litt.a
Parties : SORG Rosa / COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS, DEPARTEMENT DE L'AMENAGEMENT, DE L'EQUIPEMENT ET DU LOGEMENT, KUHN Claudia, KUHN Volker et Claudia
Résumé : Rappel de la jurisprudence. Un talus ne viole pas la LCI lorsqu'il est distant d'au moins 1 mètre de la limite des propriétés et que sa pente n'excède pas 30 degrés. Enfin, le trafic provoqué par la construction de villas dans une zone destinée à les accueillir ne saurait être la source d'inconvénients graves pour les voisins.
En fait
En droit
Par ces motifs

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 23 septembre 2003

 

 

 

dans la cause

 

 

Madame Rosa SORG

 

 

contre

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE DE CONSTRUCTIONS

 

et

 

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DE L'ÉQUIPEMENT ET DU LOGEMENT

 

et

 

Monsieur Volker et Madame Claudia KUHN

 

et

 

Madame Françoise SCHOUCHANA

 

et

 

VARAPO S.A.

représentés par Me François Bolsterli, avocat



EN FAIT

 

1. Madame Rosa Sorg (ci-après : Mme Sorg ou la recourante) est propriétaire de la parcelle n° 5837 du Registre foncier de la commune de Collonge-Bellerive, d'une surface de 1'509 m2, sise chemin de l'Abergement 12, en cinquième zone à bâtir (zone villas).

 

Elle a pour voisins, au sud de sa propre parcelle, les époux Volker et Claudia Kuhn (ci-après : les époux Kuhn ou les intimés), eux-mêmes propriétaires de la parcelle n° 9016, d'une surface de 967 m2, également sise en zone villas et portant le n° 8A de ce même chemin de l'Abergement.

 

Il ressort du dossier de la demande d'autorisation de construire portant le n° 97'962/1/ / /23/07/02 que le 29 avril 2002, les époux Kuhn avaient promis d'acquérir outre la parcelle n° 9016, un second bien-fonds portant n° 8960, dont la copropriété dépendait pour moitié de la parcelle n° 9016.

 

À teneur d'un extrait du plan cadastral établi le 5 juin 2002, visé ne varietur le 21 novembre 2002 par le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après : le DAEL ou le département), les deux parcelles précitées, portant les n°s 5837 et 9016, étaient séparées par ce troisième bien-fonds, numéroté 8960, d'une longueur d'environ 37,5 mètres et d'une largeur d'environ 5 mètres. Il comptait ainsi une surface totale de 194 m2 en nature de "champ-pré", à teneur d'un extrait du cadastre établi le 18 août 2002, et visé également ne varietur le 21 novembre de la même année.

 

2. À l'occasion de l'examen de la demande d'autorisation de construire précitée, la commission d'architecture a émis un préavis demandant la correction du profil du futur chemin d'accès "suivant le terrain naturel de la parcelle voisine afin de réduire les talus". Ce préavis comportait encore une mention manuscrite, datée du 26 avril 2002 , donnant l'accord de la commission sur le vu d'un projet dit "n° 5".

 

3. Le 12 juin 2002, le DAEL a délivré l'autorisation de construire deux villas individuelles et leur garage, faisant notamment référence au "projet n° 5 déposé le 26 avril 2002". Dite autorisation a été publiée dans la Feuille d'avis officielle du canton de Genève le 17 juin de la même année.

 

4. Par acte déposé le 16 juillet 2002 au greffe de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : la CCRMC), Mme Sorg a demandé l'annulation de l'autorisation de construire n° 97'078. Ses conclusions étaient dirigées contre Mme Françoise Schouchana, propriétaire de la parcelle promise-vendue aux époux Kuhn et contre la société Varapo S.A., entreprise générale de constructions, de siège à Lausanne (ci-après : Varapo).

 

5. Par décision du 23 janvier 2003, la CCRMC a rejeté le recours de Mme Sorg et a confirmé l'autorisation délivrée. Les préavis usuels avaient été recueillis par le DAEL et étaient favorables, s'agissant de la création d'un chemin d'accès sis sur la parcelle n° 8960. Le projet autorisé respectait la jurisprudence du Tribunal administratif en la matière, les talus créés en limite de propriété étant admissibles lorsqu'ils laissaient une surface plane d'un mètre, puis croissaient selon une pente de 30° au maximum. Par ailleurs, la recourante ne pouvait se prévaloir de l'article 14 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) à l'égard d'un chemin d'accès à des villas voisines.

 

6. Parallèlement à la procédure précitée, Mme Sorg a recouru contre l'autorisation de construire n° DD 97'962-1, délivrée aux époux Kuhn le 21 novembre 2002 par le DAEL et ayant pour objet la construction d'une villa et d'un couvert, l'engagement relatif au report des droits à bâtir de la parcelle n° 8960 étant dûment visé dans les conditions de ladite autorisation. Elle a conclu, dans le cadre de cette seconde procédure, notamment à ce que les époux Kuhn et Mme Schouchana aménagent le chemin d'accès litigieux à un mètre au moins de la limite de parcelle, le talus ne dépassant en aucun cas 30°.

 

7. Le 17 février 2003, la CCRMC a déclaré irrecevable le recours de Mme Sorg, dans la mesure où il visait Mme Schouchana et l'a rejeté pour le surplus, se référant à sa propre décision du 23 janvier de la même année.

 

8. Mme Sorg a déposé deux recours au Tribunal administratif, le premier visant la décision prise par la CCRMC le 23 janvier 2003 (procédure A/337/2003-TPE) et le second visant la décision prise par cette même autorité le 17 février 2003 (procédure A/488/2003-TPE). Ces deux causes ont été jointes le 3 avril 2003 sous le numéro A/337/2003-TPE.

 

La recourante conclut à l'annulation des deux décisions de la CCRMC, au motif qu'elles n'avaient pas respecté les articles 14 et 67 LCI, notamment. Elle se plaint encore d'une constatation inexacte des faits pertinents de la cause quant à l'objet matériel du litige, à savoir la construction d'un chemin d'accès, notamment à la villa des époux Kuhn, dont la réalisation était projetée en limite de la propriété de la recourante. Cette dernière se plaint encore de ce que M. Claude Zuber, architecte membre de la CCRMC dans sa composition ayant statué le 23 janvier 2003, l'avait approchée en cours de procédure devant cette commission pour lui proposer d'acheter son terrain.

 

9. Le 6 mai 2003, Mme Schouchana, les époux Kuhn et Varapo ont répondu aux recours; ils concluent à leur rejet.

 

10. Le 20 mai 2003, le DAEL s'est également déterminé et conclut au rejet des recours.

 

11. Les 13 et 17 juin 2003, le tribunal a renvoyé successivement à la recourante, puis aux intimés, des écritures spontanées, la cause ayant été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées le 19 du même mois.

 

 

EN DROIT

 

1. Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. a. Le mandataire de la recourante est titulaire du brevet d'avocat. Il n'est toutefois plus inscrit au registre cantonal des avocats au sens de l'article 5 de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61). Selon une jurisprudence constante du Tribunal de céans, celui qui était avocat inscrit au registre cantonal ne peut pas prétendre agir comme mandataire professionnellement qualifié lorsqu'il n'est plus inscrit à un tel tableau (déc. TA J.R. du 20 octobre 1998; ATA B. du 27 mai 1997, confirmé par ATF M. du 25 mars 1998).

 

En l'espèce, la personne choisie par la recourante ne peut être considérée comme un avocat inscrit au tableau, ni comme un mandataire professionnellement qualifié. L'élection de domicile est en revanche valable. Les écritures déposées ayant été signées par la recourante personnellement, il n'y a pas lieu de l'interpeller sur cette question.

 

b. Il n'y a pas lieu d'examiner les griefs de la recourante vis-à-vis du comportement allégué de l'un des membres de la CCRMC. Outre qu'elle ne prend pas de conclusions formelles à cet égard, il faut relever qu'il lui incombait de saisir immédiatement cette juridiction de de telles remarques, avant qu'elle ne statue, ce qui aurait été possible.

 

3. Tel qu'il est garanti par l'article 29 alinéa 2 Cst, le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 122 I 53 consid. 4a p. 55; 119 Ia 136 consid. 2d p. 139; 118 Ia 17 consid. 1c p. 19; 116 Ia 94 consid. 3b p. 99; ATA F. du 5 janvier 1999; H. du 2 décembre 1997). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas cependant le juge de procéder à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont offertes, s'il a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 120 Ib 224 consid. 2b p. 229 et les arrêts cités). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d'obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant; il suffit que le juge discute ceux qui lui paraissent pertinents (ATF 121 I 54 consid. 2c p. 57; ATF n.p. C. du 19 juin 1997; ATA P. du 24 juin 1997).

 

En l'espèce, la recourante demande au Tribunal administratif d'ordonner la comparution des parties et de se transporter sur place. S'agissant de la première mesure d'instruction, elle a déjà été exécutée par la juridiction de première instance et il n'y a aucun motif de la répéter devant l'instance de recours. S'agissant d'un transport sur place, il n'y a pas non plus lieu de suivre la recourante sur ce terrain, les questions d'ordre technique qu'elle soulève pouvant être résolues à l'aide du dossier déposé notamment par l'autorité intimée, qui contient tous les renseignements nécessaires. La cause est donc en l'état d'être jugée utilement.

 

4. Selon une jurisprudence bien établie, le tribunal de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis, pour autant que l'autorité inférieure suive leur avis (ATA C.-M. du 15 octobre 1996 et les arrêts cités).

 

Lorsque la commission s'écarte des préavis, le Tribunal administratif peut revoir librement l'interprétation des notions juridiques indéterminées, mais contrôle sous le seul angle de l'excès et de l'abus de pouvoir l'exercice de la liberté d'appréciation de l'administration, en mettant l'accent sur le principe de la proportionnalité en cas de refus malgré un préavis favorable, et sur le respect de l'intérêt public en cas d'octroi de l'autorisation malgré un préavis défavorable (ATA O. S.A. du 3 février 1998; D. du 20 décembre 1994; CEH du 9 août 1994; P. du 30 mars 1993).

 

Dans la présente cause, ni le département, ni la CCRMC ne se sont écartés des préavis formulés par les services techniques compétents. Le tribunal de céans fera dès lors un usage modéré de sa liberté d'appréciation, ce d'autant plus que les questions encore litigieuses ont un caractère technique.

 

5. À teneur de l'article 67 alinéa 1er LCI, les constructions ne peuvent être édifiées au-dessus du sol, à la limite de deux propriétés privées. Dans un arrêt datant du 29 avril 1992 (ATA G.), connu de toutes les parties, le Tribunal administratif a constaté que, selon une pratique déjà ancienne des autorités compétentes, un talus ne violait pas la LCI, respectant notamment les conditions de l'article 67 alinéa 2 de cette loi, lorsqu'il était distant d'au moins un mètre de la limite des propriétés et que sa pente n'excédait pas 30°.

 

En l'espèce, le talus litigieux, supportant le chemin d'accès aux constructions des intimés a fait l'objet de plusieurs projets. Le dernier projet, portant le n° A 97'078/1/ /5/26/04/02, respecte l'ensemble des conditions susdécrites. Il a été expressément approuvé par la commission d'architecture. On ne discerne aucun motif dans les écritures, - au demeurant généreuses - de la recourante, d'abandonner la pratique administrative déjà connue du tribunal en 1992 et sur laquelle il n'est pas revenu au cours de ces dix années. En particulier, l'intéressée ne met en avant aucun argument de caractère technique qui permettrait de douter du bien-fondé du préavis. Comme le tracé reconnu est conforme tant à la législation qu'à la pratique administrative, le tribunal de céans, considérant de surcroît la retenue dont il fait preuve en présence de préavis positifs et de décisions conformes à ces préavis, écartera les griefs de la recourante ayant trait à l'application de l'article 67 LCI.

 

6. La recourante reproche encore à l'autorité intimée d'avoir méconnu l'article 14 lettre a LCI, à teneur duquel le département peut refuser une autorisation lorsqu'une construction ou une installation peut être la cause d'inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public. Elle voit dans le trafic induit par la desserte des villas la cause d'inconvénients graves pour elle-même.

 

Selon la jurisprudence du Tribunal administratif, l'accroissement du trafic routier, s'il est raisonnable, ne crée pas une gêne durable, au sens de l'article 14 LCI (ATA A. du 30 janvier 2001; R. du 23 novembre 1999 et L. du 7 mai 1996). Dans le premier des arrêts cités, le tribunal de céans avait notamment retenu que la construction de trois villas nouvelles ne saurait générer d'inconvénients graves pour le voisinage. Pour le surplus, il faut rappeler que la disposition invoquée par la recourante n'a plus de portée propre par rapport au droit fédéral et est devenue, dans une large mesure, sans objet (ATA R. précité et V. du 27 mai 1992).

 

Le trafic provoqué par la construction de villas nouvelles dans une zone destinée à les accueillir ne saurait être la source d'inconvénients graves pour les voisins et il faut observer que la recourante ne fait valoir sur ce point aucun argument particulier qui lui vaudrait un traitement différent des cas déjà jugés, hormis la question de la légalité du talus, déjà discutée. En particulier, elle ne saurait se prévaloir du fait que sa propre maison a été édifiée en limite de propriété pour restreindre l'usage que ses voisins pourraient faire du terrain avoisinant.

 

7. Mal fondés, les recours doivent être rejetés. Leur auteur, qui succombe, sera condamné aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 2'000.-. La recourante s'acquittera de surcroît d'une indemnité de procédure du même montant, destinée à participer aux frais de procédure de l'ensemble des parties intimées ayant pris conseil, en application de l'article 87 LPA.

 

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevables les recours interjetés les 1er et 26 mars 2003 par Madame Rosa Sorg contre les décisions de la commission cantonale de recours en matière de constructions des 23 janvier et 17 février 2003;

 

préalablement :

 

prononce la jonction des procédures A/337/2003-TPE et 488/2003-TPE sous numéro A/337/2003-TPE;

 

au fond :

 

rejette les recours;

 

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 2'000.-;

 

alloue une indemnité en CHF 2'000.- à M. et Mme Kuhn, à Mme Françoise Schouchana et à Varapo S.A., à la charge de la recourante;

 

communique le présent arrêt à Madame Rosa Sorg à son domicile élu, à la commission cantonale de recours en matière de constructions ainsi qu'à Me François Bolsterli, avocat de M. Volker et Mme Claudia Kuhn, Mme Françoise Schouchana et Varapo S.A., et au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement.

 

 


Siégeants : M. Paychère, président, MM. Thélin et Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni et Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. : le vice-président :

 

M. Tonossi F. Paychère

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci