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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1318/2004

ATA/574/2005 du 30.08.2005 ( TPE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1318/2004-TPE ATA/574/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 30 août 2005

dans la cause

 

Madame et Monsieur C__________
représentés par Me Olivier Jornot, avocat

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIèRE DE CONSTRUCTIONS

et

DéPARTEMENT DE L'AMéNAGEMENT, DE L'éQUIPEMENT ET DU LOGEMENT

 

et

Madame et Monsieur L__________
représentés par Me Philippe Prost, avocat


 


1. Monsieur C__________ est propriétaire des parcelles __________ et __________, feuille __________, de la commune de Plan-les-Ouates, à l’adresse __________, chemin du Z__________. Ces deux parcelles, d’une surface respective de 1'509 m2 pour la première et de 493 m2 pour la seconde, sont situées à l’angle du chemin de la M__________ et du chemin du Z__________.

La parcelle __________ abrite la maison d’habitation et deux garages construits suite à l’autorisation de construire DD __________ du 2 janvier 2001. La parcelle __________ constitue la voie d’accès et est grevée d’une servitude de passage.

M. C__________ exploite une entreprise de vente de véhicules d’occasion et de location de véhicules de chambre froide, cellules frigorifiques et WC chimiques, à l’enseigne B__________. Le siège de son entreprise est situé au __________, chemin du Z__________.

2. Madame et Monsieur L__________ sont copropriétaires de la parcelle __________, feuille __________, de la commune de Plan-les-Ouates, à l’adresse __________, chemin du Z__________.

La limite sud de leur parcelle jouxte celle de M. C__________.

3. Toutes ces parcelles sont situées en cinquième zone à bâtir, soit une zone résidentielle destinée aux villas (art. 19 al. 3 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30).

Elles sont par ailleurs englobées dans le plan localisé de quartier (PLQ) 28'974A du 23 mars 1999, lequel prévoit sur lesdites parcelles des constructions R+2.

4. Suite à une dénonciation des 28 août et 2 septembre 2002 des époux L__________, un inspecteur de la police des constructions du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après : le département) s’est rendu sur place le 20 septembre 2002. A cette occasion, il a constaté que le garage situé à l’angle des chemins du Z__________ et de la M__________ semblait avoir été surélevé par rapport à l’autorisation de construire délivrée le 2 janvier 2001 à M. C__________, qu’il était équipé, à l’intérieur et dans le box extérieur, d’élévateurs de type garage professionnel, qu’il comprenait un local pouvant s’apparenter à un bureau et un WC, que le mur séparant le box extérieur de la villa avait été surélevé de 50 cm par rapport à l’autorisation et qu’enfin la largeur de la bordure engazonnée, face à l’entrée du garage et du box, en limite nord-est avait été réduite.

5. Par courrier du 7 octobre 2002, le département a signalé les faits ci-dessus à l’architecte de M. C__________, lui impartissant un délai de 15 jours pour produire un relevé établi par un géomètre officiel attestant des niveaux du faîte et de la sablière du garage ainsi que du mur séparant le box extérieur et la villa. De plus, le département entendait être renseigné sur l’affectation réellement prévue de ces constructions et installations.

6. L’architecte de M. C__________ a répondu au département le 1er novembre 2002. Le garage avait été surélevé, mais les gabarits autorisés respectés. Certes, cette nouvelle construction n’était pas conforme à l’autorisation de construire du 2 janvier 2001, mais elle répondait aux exigences du PLQ qui réglementait l’ensemble du quartier.

7. Par décision du 12 novembre 2002, le département a sommé M. C__________ de requérir dans un délai de trente jours une autorisation de construire complémentaire portant sur la surélévation du garage (avec son affectation) et du muret latéral ainsi que sur le changement des aménagements extérieurs.

De plus, une amende administrative de CHF 2'000.- était infligée à l’architecte du chantier. Dite décision n’a pas fait l’objet de recours.

8. Le 12 décembre 2002, M. C__________ a déposé une demande complémentaire ayant pour objet plusieurs changements intérieurs de la maison d’habitation et du pool-house ainsi que des travaux d’aménagements extérieurs. Au nombre des modifications énumérées dans une liste figuraient notamment la surélévation du grand garage, la création d’un petit muret en limite de propriété et la diminution de la bande herbeuse le long du chemin d’accès.

Le 3 mars 2003, l’architecte de M. C__________ a confirmé au département qu’il avait projeté le groupe garage/pool-house/sanitaire/bureau selon les données du PLQ qui autorisaient la construction R+2, en dérogation à l’article 11 de la loi sur les routes du 28 avril 1967 (LRoutes - L 1 10).

9. Dans le cadre de l’instruction de la demande complémentaire, le département a recueilli les préavis favorables de la commune et du domaine de l’eau. La DC n’a pas fait d’observations. Aucun autre préavis ne figure au dossier.

10. Les époux L__________ ont présenté leurs observations le 20 février 2003. Ils s’opposaient à l’octroi de l’autorisation sollicitée, au motif que les aménagements projetés n’avaient d’autre but que de développer l’activité de commerce et de réparations de véhicules en un lieu qui ne devrait que constituer le domicile privé de M. C__________.

11. Par décision du 28 avril 2004, le département a refusé l’autorisation sollicitée. Le projet complémentaire - consistant en la création d’un garage avec parc de véhicules d’occasion - n’était pas conforme aux dispositions légales et réglementaires régissant l’affectation de la cinquième zone de construction. En outre, ce projet ne pouvait pas être admis au titre de modification mineure du PLQ qui prévoyait l’implantation de villas en ordre contigu. Il ne saurait davantage être mis au bénéfice d’une autorisation dérogatoire au sens de l’article 16 LaLAT au vu des inconvénients graves qu’il était susceptible d’engendrer pour le voisinage. Enfin, de par son gabarit et ses dimensions, le garage en cause ne pouvait être considéré comme une construction de peu d’importance, de sorte qu’il ne pouvait être situé en limite de propriété ou à une distance inférieure à celle prévue à l’article 69 LCI.

12. Par décision du même jour, le département a notifié aux époux C__________ l’ordre de rétablir, dans un délai de 90 jours, l’affectation et les dimensions du garage à celles figurant sur les plans visés ne varietur de l’autorisation de construire initiale.

Cette décision a été régulièrement notifiée le 18 mai 2004.

13. Les époux C__________ ont saisi le Tribunal administratif d’un recours contre l’ordre de remise en conformité, par acte du 28 avril 2004 (cause A/1318/2004).

D’entrée de cause, ils ont demandé la suspension de la cause jusqu’à droit jugé par la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : la commission) qu’ils avaient saisie, suite au refus de la demande complémentaire d’autorisation de construire. Les plans de l’autorisation de construire initiale du 12 octobre 2000 prévoyaient expressément la construction d’un bâtiment comprenant trois pièces, soit un sanitaire, un local et un garage. Le plan enregistré le 13 décembre 2000 précisait l’affectation du local destiné à un bureau. Le bâtiment construit correspondait exactement, quant à l’affectation de chacune des trois parties, au contenu des plans. L’ordre de remise en conformité était dès lors sans objet et, à ce titre, devait être annulé.

S’agissant des dimensions du garage, il était exact que la hauteur au faîte (5,18 m) était plus élevée que celle prévue à l’origine (4.10 m). Cette question faisait l’objet de la demande complémentaire et comme telle, elle était présentement soumise à la commission.

La construction était autorisable, car conforme au PLQ qui prévoyait à cet endroit un bâtiment de trois étages, soit deux étages sur rez. En tout état, la démolition du garage n’était pas compatible avec le principe de la proportionnalité.

Ils concluent à l’annulation de la décision querellée, avec suite de frais et dépens.

14. Après avoir recueilli les observations des parties et tenu une audience de comparution personnelle, la commission a statué le 1er novembre 2004 et confirmé le refus d’autorisation. Une dérogation au sens de l’article 26 alinéa 1 LaLAT n’était pas justifiée, en raison des nuisances causées par l’activité de M. C__________. L’intérêt public au respect de l’affectation résidentielle l’emportait sur celui du recourant à exploiter son entreprise sur sa parcelle. De plus, l’agrandissement non autorisé du garage avait pour incidence que ce bâtiment ne pouvait plus être considéré comme de peu d’importance au sens de l’article 3 alinéa 3 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RALCI - L 5 05.01).

15. Le 16 décembre 2004, Mme et M. C__________ ont saisi le Tribunal administratif d’un recours contre la décision précitée (cause A/2567/2004).

La demande complémentaire n’était pas fondamentalement différente de la demande initiale.

La question de l’utilisation des locaux n’avait pas à être examinée dans la procédure d’autorisation complémentaire qui ne portait que sur des modifications de détail apportées aux constructions autorisées le 2 janvier 2001. Le département avait commis une erreur méthodologique grave en traitant la requête complémentaire comme une requête en changement d’affectation.

Le projet était conforme au PLQ qui autorisait à cet endroit une construction de deux étages sur rez. Or, avec 5,18 m au faîte, le gabarit du garage s’inscrivait dans celui autorisé par le PLQ.

A l’appui de leurs allégations, Mme et M. C__________ ont produit un constat d’huissier du 1er décembre 2004.

16. Dans sa réponse du 31 janvier 2005, le département s’est opposé au recours.

L’autorisation de construire initiale n’avait pas pour objet un atelier mécanique et un parc à véhicules d’occasion destinés à la vente. Le projet modifié, qui impliquait notamment l’exploitation d’un garage à véhicules, n’était pas conforme à la destination de la zone et l’activité professionnelle considérée engendrait des nuisances graves pour le voisinage, incompatibles avec l’article 26 alinéa 1 LaLAT. Le PLQ ne prévoyait aucunement la présence d’activités professionnelles. Il s’appliquait au demeurant à des habitations et non pas à un garage utilisé comme atelier de mécanique.

Le département a conclu à la jonction des causes A/1318/2004 et A/2567/2004.

17. Le 28 février 2005, les époux L__________ ont conclu au rejet du recours, en appuyant l’argumentation développée par le département.

18. L’instruction de la cause A/1318/2004 a été reprise et les deux causes jointes sous no A/1318/2004, par décision du 15 mars 2005.

19. Le département s’est déterminé le 13 mai 2005 en concluant au rejet du recours portant sur l’ordre de mise en conformité.

Le fait d’utiliser un garage attenant à une villa à des fins d’atelier mécanique constituait un changement de destination soumis à autorisation. Il en allait de même d’une activité de vente de véhicules d’occasion sur une parcelle sise en zone villas. Aucune autorisation de construire ou de changement de destination n’avait été délivrée, de sorte que l’ordre de remise en conformité était fondé dans son principe.

Le changement partiel de destination ainsi que les écarts par rapport au projet initial n’étaient pas autorisables et la mise en conformité respectait le principe de la proportionnalité.

20. Le 17 mai 2005, les époux L__________ ont conclu au rejet du recours portant sur l’ordre de mise en conformité.

21. Le Tribunal administratif a procédé à un transport sur place le 27 juin 2005.

a. La juge déléguée a constaté que le grand garage est implanté dans le périmètre R+2 PLQ 28’974A. Il s’agit d’une construction traditionnelle avec un toit à double pans. La hauteur au faîte est de 1,08 m supérieure à celle prévue par l’autorisation de construire initiale, ce que les recourants ont admis. La construction se trouve à une distance de 10 m environ des limites nord et ouest de la propriété.

b. Un élévateur se trouve dans la cour de lavage.

Le bâtiment abrite trois pièces, soit un atelier, un local sanitaire et un bureau. Dans l’atelier se trouvent un élévateur, du matériel divers, un bidon de cinq litres de diluant nitrocellulosique et deux jerrycans d’essence.

Interrogé sur la présence de ces deux élévateurs, M. C__________ a confirmé qu’ils servaient respectivement au lavage des véhicules et à de petits travaux mécaniques.

c. Le bureau constitue le siège administratif de l’entreprise de M. C__________.

d. M. C__________ a exposé que les véhicules de son entreprises étaient stationnés devant son dépôt de Perly. Au jour du transport sur place, ils étaient tous loués, sauf un. Toutes les réparations et la préparation à la vente des véhicules étaient effectuées par le garage Y__________ à Perly. Présentement, deux véhicules étaient offerts à la vente et étaient stationnés devant le bureau de l’entreprise.

e. Invité à se déterminer sur les photographies produites par les époux L__________, M. C__________ a confirmé qu’elles concernaient bien son entreprise. La situation telle qu’elle figurait sur ces documents prévalait entre midi et 14 heures et parfois la nuit.

f. La juge déléguée s’est déplacée dans la propriété des époux L__________. En se rendant sur le balcon du premier étage de la villa, elle a constaté que les intimés avaient une vue directe sur les installations de M. C__________, notamment sur la cour de lavage ainsi que sur l’atelier.

g. Les époux L__________ ont versé au dossier une liasse de photos supplémentaires, ce à quoi M. C__________ s’est opposé. Le département s’en est rapporté à justice.

22. Par courrier du 14 juillet 2005, le département a précisé sa position concernant l’objet du recours.

Le refus du 27 avril 2004 procédait de la non conformité à l’affectation de la zone et notamment à l’article 3 alinéa 3 RALCI. Les autres modifications énumérées dans la « liste des modifications » enregistrée par le département le 13 janvier 2003 étaient autorisables.

 

1. Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La qualité pour agir des époux L__________ doit leur être reconnue, vu leur qualité de voisins (ATA/434/2005 du 21 juin 2005 et les références citées).

3. L’objet du litige est d’une part le refus d’autorisation complémentaire en tant qu’elle a pour objet la surélévation du grand garage et du muret de la place de lavage et, d’autre part, l’ordre de remise en conformité du grand garage (affectation et dimensions) selon l’autorisation de construire initiale du 2 janvier 2001. Il est acquis que toutes les autres modifications demandées sont autorisables (lettre du 14 juillet 2005 du département).

4. a. Une autorisation de construire ne peut être délivrée que si la construction ou l’installation est conforme à l’affectation de la zone (art. 22 al. 2 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700).

b. Selon l'article 19 alinéa 3 LaLAT, la cinquième zone est une zone résidentielle destinée aux villas. Cette disposition précise que le propriétaire, l'ayant-droit ou le locataire d'une villa peut, à condition que celle-ci constitue sa résidence principale, utiliser une partie de cette villa aux fins d'y exercer des activités professionnelles, pour autant que celles-ci n'entraînent pas de nuisances graves pour le voisinage.

c. Selon l'article 26 alinéa 1 LaLAT, lorsque les circonstances le justifient et s'il n'en résulte pas d'inconvénients graves pour le voisinage, le département peut, après enquête publique, déroger aux dispositions des articles 18 à 22 quant à la nature des constructions.

En l’espèce, le département a refusé de considérer la surélévation du garage et du mur de la place de lavage comme étant conforme à la zone, d’une part en raison des nuisances que le projet pourrait générer pour le voisinage et, d’autre part, vu l’utilisation de ces constructions à un usage professionnel. Il est vrai que ni la LCI, ni son règlement ne définissent ce qu’il faut entendre par « modification de la destination d’une installation ». Selon la jurisprudence du Tribunal administratif le simple remplacement d’une activité de type artisanal par une autre activité du même type ne constitue pas un changement d’affectation et n’est donc pas soumis à autorisation (ATA/463/2002 du 27 août 2002 et les références citées). En l’espèce, le recourant entend utiliser une partie des constructions qu’il a érigées dans le cadre de l’autorisation de construire du 2 janvier 2001 à des fins professionnelles. Vu la zone considérée, il s’agit manifestement d’un changement d’affectation et comme tel, celui-ci ne peut être autorisé que par la voie dérogatoire.

5. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les dispositions exceptionnelles ou dérogatoires, tel que l'article 26 alinéa 1 LaLAT, ne doivent pas nécessairement être interprétées de manière restrictive, solution qui demeure possible, notamment en matière procédurale (ATF 118 II 91 consid. 1b p. 92), mais selon les méthodes d'interprétation ordinaires. Une dérogation importante peut ainsi se révéler indispensable pour éviter les effets rigoureux de la réglementation ordinaire (ATF 120 II 112 consid. 3d/aa p. 114; 118 Ia 175 consid. 2d p. 178/179; 114 V 298 consid. 3e p. 302/303; 108 Ia 74 consid. 4a p. 79 et les références citées). En tous les cas, la dérogation doit servir la loi ou, à tout le moins, les objectifs recherchés par celle-ci : l'autorisation exceptionnelle doit permettre d'adopter une solution reflétant l'intention présumée du législateur s'il avait été confronté au cas particulier. L'octroi d'une dérogation suppose une situation exceptionnelle et ne saurait devenir la règle, à défaut de quoi l'autorité compétente pour délivrer des permis de construire se substituerait au législateur cantonal ou communal par le biais de sa pratique dérogatoire. Elle implique une pesée entre les intérêts publics et privés de tiers au respect des dispositions dont il s'agirait de s'écarter et les intérêts du propriétaire privé à l'octroi d'une dérogation, étant précisé que des raisons purement économiques ou l'intention d'atteindre la meilleure solution architecturale, ou une utilisation optimale du terrain, ne suffisent pas à elles seules à conduire à l'octroi d'une dérogation (RHINOW/KRÄHENMANN, Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, Ergänzungsband, Bâle 1990, n° 37, p. 110; cf. arrêt du Tribunal fédéral du 23 juin 1997 dans la cause Commune de V. contre Tribunal administratif du canton de Vaud, paru à la Praxis 1998 n° 35 p. 243 consid. 4a; arrêt du Tribunal fédéral du 5 novembre 1998 dans la cause T. et autres contre Commune de V. et DAEL).

6. La notion de circonstances particulières au sens de l'article 26 alinéa 1 LaLAT est un concept juridique indéterminé laissant une certaine latitude à l'autorité administrative. Mais une dérogation ne peut être ni accordée, ni refusée de manière arbitraire (SJ 1987 397-398; ATA/255/1997 du 22 avril 1997 ; ATA/128/1997 du 18 février 1997). Tel est le cas lorsque la décision repose sur une appréciation insoutenable des circonstances et inconciliable avec les règles du droit et de l'équité et se fonde sur des éléments dépourvus de pertinence ou néglige des facteurs décisifs (ATA B. du 27 août 1996).

S'agissant des autorités de recours, elles doivent examiner avec retenue les décisions par lesquelles l'administration accorde ou refuse une dérogation. L'intervention des autorités de recours n'est admissible que dans les cas où le département s'est laissé guider par des considérations non fondées objectivement, étrangères au but prévu par la loi ou en contradiction avec elle (ATA A. et consorts du 31 août 1988 et la jurisprudence citée). Les autorités de recours sont toutefois tenues de contrôler si une situation exceptionnelle, de nature à entraîner une dérogation, est réalisée ou non (ATA L. du 2 septembre 1981). Il s'impose d'interpréter les circonstances de telle sorte qu'elles ne puissent aboutir à une atteinte quantitative ou qualitative à l'affectation de la 5ème zone que le législateur entendait proscrire. C'est pourquoi seules des circonstances très particulières et s'imposant de façon impérieuse peuvent être prises en considération (ATA M. du 28 septembre 1988; B. précité).

7. En l’espèce, le Tribunal administratif relève que la parcelle litigieuse n’a pas perdu sa vocation résidentielle. Suite à l’autorisation reçue en 2001, les recourants ont construit leur villa d’habitation, deux garages, une piscine et un pool-house, et ils habitent sur les lieux. Le fait que l’un des deux garages soit le siège de l’entreprise de M. C__________ ne suffit pas pour admettre que cette parcelle a acquis une vocation industrielle, voire artisanale (ATA/434/2005 du 21 juin 2005 a contrario).

8. Le département a refusé la modification de l’autorisation initiale l’estimant incompatible avec la zone villas. Le Tribunal administratif ayant pour sa part procédé à un transport sur place, il dispose d’un entier pouvoir d’examen.

Ainsi que le Tribunal administratif a pu le constater, le grand garage est le siège de l’entreprise de M. C__________. Il abrite des installations, notamment des élévateurs, qui ne sont pas celles que l’on trouve couramment dans des garages privés. M. C__________ a admis que les véhicules de son entreprise étaient lavés dans la cour ad hoc et que les véhicules et le matériel de son entreprise étaient régulièrement stationnés dans la cour de lavage, sur le chemin d’accès et aux abords immédiats de sa propriété. Certes, au jour du transport sur place, aucun véhicule de l’entreprise ne se trouvait sur les lieux. De même, sur les places de parking destinées à l’exposition des véhicules d’occasion, seule l’une d’entre elle était occupée par un tel véhicule. Cela étant, il y a lieu d’observer que la mesure d’instruction a eu lieu en juin 2005, à une période de l’année où il fait chaud et pendant laquelle se tiennent plusieurs manifestations en plein air. C’est dire qu’en cette période, l’entreprise de M. C__________ est particulièrement sollicitée, puisqu’il s’agit de location de camions avec chambre froide et cellules frigorifiques et de WC chimiques. Ainsi, l’aspect des lieux le jour du transport sur place n’est pas déterminant.

Au demeurant, les affirmations du recourant sont singulièrement démenties par les diverses photographies figurant au dossier, notamment les pièces 24 à 62, chargé des intimés du 28 février 2005. Tous ces documents, couvrant la période du 8 octobre 2004 au 18 avril 2005, témoignent du même encombrement des lieux précités par les véhicules de l’entreprise de M. C__________ (gros camions, matériel divers, notamment cabines de WC chimiques ainsi que véhicules en exposition). Pour le surplus, le Tribunal administratif écartera la seconde série de photographies versées aux débats par les intimés le jour du transport sur place. De même, il n’y a pas lieu d’accorder valeur probante au constat d’huissier du 1er décembre 2004, établi à la demande des recourants.

Les motifs qui conduisent M. C__________ à utiliser sa propriété à des fins professionnelles relèvent de la pure convenance personnelle. Il ne met en avant aucun intérêt autre que son propre intérêt pour justifier ce choix. En suivant cette voie, n’importe quel projet non conforme à la zone devrait être autorisé, pour autant que cela soit l’intention du propriétaire du terrain. Cette situation mérite d’autant moins d’être consacrée en l’espèce, M. C__________ disposant d’autres locaux et emplacements à Perly qu’il peut utiliser de manière conforme à la zone.

La situation de M. C__________ ne revêt aucun caractère exceptionnel et rien ne permet de penser que le législateur, dans le cas d’espèce, aurait prévu une affectation particulière pour la parcelle concernée. De plus, l’activité de l’entreprise du recourant, aussi bien par l’augmentation du trafic lourd, que les opérations de lavage fréquentes des différents véhicules qu’elle génère doit être assimilée à un inconvénient grave pour le voisinage. Il en va de même du stationnement des véhicules et du matériel de l’entreprise qui revient à transformer une zone résidentielle en dépôt du tertiaire.

Ces observations ont d’autant plus de pertinence en l’espèce que les parcelles concernées sont englobées dans un PLQ dont la vocation essentielle est de promouvoir le logement et l’habitation.

9. L’article 3 RALCI a pour objet les constructions de peu d’importance. Sont réputées telles, les constructions qui ne servent ni à l’habitation, ni à l’exercice d’une activité commerciale, industrielle ou artisanale, celles dont la surface n’excède pas 50 m2 et qui s’inscrivent dans un gabarit limité par une ligne horizontale de faîtage située à 4,50 m au maximum (art. 3 al. 3 let. c RALCI).

En l’espèce, il est établi que le garage litigieux sert précisément à l’exercice de l’activité commerciale de M. C__________ d’une part, et que sa hauteur dépasse 4,50 m admissibles d’autre part. Il s’ensuit que cette construction ne peut donc pas être considérée comme de peu d’importance au sens de la législation pertinente.

10. Au vu de ce qui précède, c’est à juste titre que le département a refusé l’autorisation sollicitée concernant le grand garage et la décision de la commission doit être confirmée sur ce point.

11. Lorsque l'état d'une construction n'est pas conforme aux prescriptions de la LCI, de ses règlements d'application ou des autorisation délivrées, le département peut ordonner l'évacuation des locaux, la remise en état ou la modification du bâtiment, pour autant que la mesure choisie respecte le principe de la proportionnalité, qu'elle soit dirigée contre le perturbateur, que les installations en cause ne soient pas autorisables en vertu du droit en vigueur au moment de la réalisation, qu'un délai de trente ans ne se soit pas écoulé depuis l'exécution des travaux litigieux, que l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit l'emporte sur l'intérêt privé de l'intéressé au maintien de l'installation litigieuse et que l'autorité n'ait pas créé des expectatives la liant en vertu du principe de la bonne foi (ATA/339/1999 du 1er juin 1999 et les références citées).

12. En l’espèce, les recourants admettent que ni la hauteur du garage ni celle du muret entourant la cour de lavage ne sont conformes à l’autorisation initiale.

13. Il est acquis que les recourants sont perturbateurs par situation et par comportement, que les travaux litigieux datent de moins de trente ans et que l’administration ne les a pas tolérés.

Il n’est pas davantage contesté que les recourants ont procédé à des modifications des constructions initialement autorisées. Or, comme vu ci-dessus, celles-ci ne sont pas autorisables.

14. Il résulte de ce qui précède que le département était fondé à prendre une mesure sur la base de l’article 129 LCI. Le respect du principe de la proportionnalité gouverne toute action étatique. L’ordre de mise en conformité contenu dans la décision du 28 avril 2004 est nécessaire pour assurer le respect du droit. Il est adéquat, en ce sens que l’on ne voit guère de mesure moins incisive qui permettrait d’arriver au but recherché, et il respecte le principe de la proportionnalité, si tant est que ce n’est pas la démolition du garage qui est exigée, mais la seule diminution de sa hauteur. Il sied de relever que l’ordre de remise en conformité ne mentionne pas le mur d’enceinte qui n’est donc pas touché par cette mesure. En s’en tenant au strict minimum pour assurer le respect de l’autorisation de construire initiale délivrée, le département a pris une mesure qui ne peut être que confirmée.

15. Mal fondés, les recours seront rejetés.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 2'500.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement. Une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée aux époux L__________, qui ont pris des conclusions dans ce sens, à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

préalablement :

joint les causes A/1318/2004 et A/2567/2004 ;

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés les 18 juin 2004 et 16 décembre 2004 par Madame et Monsieur C__________ contre la décision du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement du 28 avril 2004 et celle de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 1er novembre 2004 ;

au fond :

les rejette ;

met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 2’500.- ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 2'000.- aux époux L__________, à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement ;

communique le présent arrêt à Me Olivier Jornot, avocat des recourants, à la commission cantonale de recours en matière de constructions, au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, à Me Philippe Prost, avocat des époux L__________.

 

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste  adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :