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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/25/1999

ATA/339/1999 du 01.06.1999 ( TPE ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : CONSTRUCTION ET INSTALLATION; AFFECTATION; AMENDE; BUREAU(LOCAL); TPE
Normes : LCI.137
Résumé : Le fait d'installer des ordinateurs dans un local qui n'est pas équipé de fax/téléphone et occupé seulement 15h. par semaine ne constitue pas une activité professionnelle interdite par le département (locaux ne pouvant servir de bureau, en raison des vides d'étage insuffisant). En revanche, une amende de CHF 1'250.- a été infligée au propriétaire qui a loué une partie des locaux à une entreprise commerciale.
En fait
En droit
Par ces motifs

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/25/1999-TPE ATA/339/1999

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 1er juin 1999

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur J__________

 

et

 

P__________ PROJETS REALISATIONS IMMOBILIERS S.A.

représentés par Me Dominique Burger, avocate

 

 

 

contre

 

DEPARTEMENT DE L'AMENAGEMENT, DE L'EQUIPEMENT ET DU LOGEMENT

 



EN FAIT

 

1. La société P__________ Projets Réalisations Immobiliers S.A. (ci-après : P__________ S.A.) est propriétaire d'un immeuble édifié sur la parcelle 4xxx, feuille 8 de la commune du Grand-Saconnex, à l'adresse route de C__________ , en zone B de développement A. Monsieur J__________ en est l'administrateur unique.

 

2. Le 28 octobre 1996, P__________ S.A. a obtenu du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après : le département), par le biais d'une procédure accélérée, l'autorisation d'aménager partiellement les combles du bâtiment existant. La condition n° 5 de l'autorisation, aujourd'hui définitive, exécutoire et exécutée, précisait qu'"en aucun cas, les locaux créés dans les combles ne (serviraient) à de l'habitation ou des locaux de travail". Au cours de la procédure d'instruction de la requête en autorisation de construire, l'architecte de P__________ S.A., Monsieur A__________, avait précisé que les locaux étaient à destination d'archives et de dépôt.

 

3. Le 16 novembre 1998, Mme M__________, propriétaire d'un logement situé sous les combles dans l'immeuble en question, a interpellé le département afin de connaître l'utilisation autorisée desdits combles. Un inspecteur de la police des constructions a effectué un contrôle, le 1er décembre 1998, et constaté qu'un des locaux aménagés dans ces combles était occupé par l'entreprise G__________. Selon M. Colonna, directeur de cette entreprise, le local n'était occupé que le matin, par deux personnes au maximum.

 

Un autre local, situé au même niveau et contigu, de moindre importance, était occupé par M. D__________, entrepreneur. Cette personne n'avait pas pu être atteinte.

 

4. Le 7 décembre 1998, le département a ordonné à P__________ S.A., prise en la personne de son administrateur, de faire évacuer, dans un délai de soixante jours, les locaux occupés de façon illicite par G__________ et M. D__________, afin de les restituer à leur affectation autorisée. Une amende de CHF 2'500.- était infligée.

 

5. Le 8 janvier 1999, M. J__________ et P__________ S.A. ont saisi le Tribunal administratif d'un recours. Lors de l'aménagement des combles, il avait été prévu que l'un des propriétaires économiques de l'immeuble - M. D__________ - utilise ces locaux comme lieu de réunion d'un groupe politique et comme local d'archives, ce qui ne s'était pas concrétisé. Un local d'environ nonante mètres carrés avait été loué à l'entreprise G__________ et un autre, de cinquante mètres carrés environ, à M. W__________.

 

G__________ utilisait ce lieu pour domicilier son entreprise, entreposer des collections et échantillons de papiers peints et recevoir, à l'occasion, des clients. Le bureau installé n'était occupé que quelques heures par jour, par l'un ou l'autre des associés de l'entreprise.

 

M. W__________ était indépendant et travaillait seul. Il mettait au point et vendait des programmes informatiques et exerçait la plus grande partie de son activité chez ses clients. Il lançait son entreprise et espérait pouvoir occuper de réels bureaux en cas de développement.

 

Le département avait autorisé la création de Velux et de W-C, ce qui impliquait que les surfaces des combles puissent être utilisées. Si les activités de G__________ et de M. W__________ n'étaient pas conformes à l'affectation autorisée, on se demandait à quel usage pourraient être affectés les combles dudit immeuble.

 

6. Le 15 février 1999, le département s'est opposé au recours, reprenant et développant l'argumentation figurant dans la décision litigieuse.

 

7. Le 24 mars 1999, les parties ont été entendues en comparution personnelle.

 

a. P__________ S.A. a confirmé que M. W__________ allait quitter les lieux, alors que G__________ était toujours présente. M. D__________ était un des propriétaires économiques, qui entendait utiliser les locaux pour des activités politiques, ce qui ne s'était pas concrétisé.

 

Le département a précisé que les locaux créés pouvaient servir de dépôt, mais pas de bureaux où des gens travaillaient, en raison du vide d'étage insuffisant, de l'absence d'éclairage, etc.

 

b. Le même jour, le tribunal a entendu M. C__________. Ce dernier a expliqué que G__________ était une petite entreprise, occupant trois peintres, un plâtrier, une secrétaire à mi-temps et lui-même. La secrétaire, qui était associée et s'occupait de l'administration, travaillait de 08h00 à 11h00 ou 11h30 dans le local litigieux. Il lui arrivait de travailler à son domicile. Du matériel, tels qu'échantillons de peinture et de tapisseries, ainsi que du matériel artisanal, étaient entreposés à cet endroit. Les conditions de travail étaient bonnes.

 

c. M. W__________ a également été entendu. Il a indiqué avoir loué ledit local, car il avait besoin d'un lieu pour rassembler et réunir des idées en vue de développer une société d'informatique. En l'état, aucun produit n'avait été créé. Il n'avait pas installé de téléphone, ni de fax et la société n'avait pas encore de nom. Il occupait le local environ quinze heures par semaine et en avait trouvé un autre, sans avoir encore signé de bail.

EN DROIT

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 8 al. 1 ch. 104 de la loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits du 29 mai 1970 - LTA - E 5 05; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. Lorsque l'état d'une construction n'est pas conforme aux prescriptions de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), de ses règlements d'application ou des autorisation délivrées, le département peut ordonner l'évacuation des locaux, la remise en état ou la modification du bâtiment, pour autant que la mesure choisie respecte le principe de la proportionnalité, qu'elle soit dirigée contre le perturbateur, que les installations en cause ne soient pas autorisables en vertu du droit en vigueur au moment de la réalisation, qu'un délai de trente ans ne se soit pas écoulé depuis l'exécution des travaux litigieux, que l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit l'emporte sur l'intérêt privé de l'intéressé au maintien de l'installation litigieuse et que l'autorité n'ait pas créé des expectatives la liant en vertu du principe de la bonne foi (ATA W. du 29 octobre 1996, résumé in SJ 1997 p. 449).

 

3. En l'espèce, le seul point litigieux est de savoir si l'utilisation que G__________ S.A. et M. W__________ font des locaux en question est conforme ou non à l'affectation autorisée, étant précisé que lesdits locaux, pour des motifs objectifs de vide d'étage et d'ensoleillement, ne peuvent être affectés à de l'habitation ou à des postes de travail.

 

a. En ce qui concerne l'entreprise G__________, l'audition de M. Colonna a mis en évidence que son associée effectuait son travail, quasiment à mi-temps, dans le local litigieux. L'affectation actuelle n'est donc pas conforme à celle autorisée et n'est pas non plus autorisable.

 

b. En ce qui concerne M. W__________, la procédure a démontré que ce dernier était en train de quitter le local qu'il occupait. P__________ S.A. attend, pour les relouer, d'être au clair sur les activités qui pourraient être admises. L'ordre de remise en état apparaît dès lors être devenu sans objet sur ce point.

 

Toutefois, la conformité ou non de l'activité à l'autorisation délivrée et le fait de savoir si ladite utilisation aurait été ou non autorisable sont pertinents pour la fixation du montant de l'amende. Dès lors, le Tribunal administratif relèvera que l'activité qu'exerçait M. W__________ dans son local ne peut être qualifiée d'activité de bureau, interdite par la condition n° 5 de l'autorisation de construire. En effet, le fait d'installer des ordinateurs dans un local, même dans le but d'y concevoir des projets professionnels, alors que ledit local n'est équipé ni du téléphone, ni du fax et est occupé pendant quinze heures par semaine seulement, ne peut être considéré comme une activité professionnelle.

 

4. L'article 137 LCI prévoit qu'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 60'000.- peut être infligée à toute personne ayant contrevenu à ladite loi, à ses règlements d'application ou aux ordres donnés par le département, le maximum étant toutefois de CHF 20'000.- lorsqu'une installation, une construction ou un ouvrage a été entrepris sans autorisation, mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales.

 

5. a. Les amendes administratives sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des amendes ordinaires pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister (ATA U. du 18 février 1997; P. MOOR, Droit administratif : Les actes administratifs et leur contrôle, vol. 2, Berne 1991, ch. 1.4.5.5, pp. 95-96; P. NOLL et S. TRECHSEL, Schweizerisches Strafrecht : Allgemeine Voraussetzungen der Strafbarkeit, AT I, 4ème édition, Zurich 1994, p. 30). L'application des principes généraux du droit pénal aux sanctions administratives n'est plus contestée.

 

En droit cantonal, l'article 1 alinéa 2 de la loi pénale genevoise du 20 septembre 1981 (LPG - E 4 05) renvoie expressément aux dispositions générales du code pénal : Il y a lieu ainsi de faire application des règles contenues dans ces dispositions, comme la juridiction de céans l'a fait en matière d'exploitation d'établissements publics (RDAF 1997, pp. 100-103) sous réserve des exceptions prévues en matière contraventionnelle par le législateur cantonal qui a exclu l'application des articles 13, 14 (aujourd'hui abolis), 15 (idem), 48, 49, 50, 57 et 103 CPS (cf. art. 24 LPG).

 

b. Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence. Selon des principes qui n'ont pas été remis en cause, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi (A. GRISEL, Traité de droit administratif, vol. 2, Neuchâtel, 1994, pp. 646-648; ATA G. du 20 septembre 1994).

 

6. En l'espèce, en ce qui concerne G__________ S.A., il ressort du dossier que c'est en pleine connaissance de cause que P__________ S.A. a loué le local, sachant que ce dernier ne serait pas utilisé pour un dépôt ou des archives. L'infraction apparaît dès lors avoir une certaine gravité, tant objective que subjective.

 

En revanche, l'usage que fait M. W__________ du local qui lui a été loué ne paraît pas constitutif d'une infraction.

 

Au vu de ces éléments, le Tribunal administratif admettra partiellement le recours et fixera le montant de l'amende à CHF 2'000.-.

 

7. Vu l'issue du litige, aucune émolument ne sera perçu. Une indemnité de procédure, en CHF 300.-, soit CHF 150.- pour P__________ S.A. et CHF 150.- pour M. J__________, sera allouée aux recourants, à la charge de l'Etat.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 8 janvier 1999 par Monsieur J__________ et P__________ Projets Réalisations Immobiliers S.A. contre la décision du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement du 7 décembre 1999;

 

au fond :

 

admet partiellement le recours;

 

annule partiellement la décision du département;

 

confirme l'ordre d'évacuation en ce qui concerne G__________ S.A.;

 

constate que l'ordre d'évacuation est devenu sans objet en ce qui concerne M. W__________;

 

fixe le montant de l'amende à CHF 2'000.-;

 

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument;

 

alloue une indemnité de CHF 300.- aux recourants, soit CHF 150.- pour P__________ S.A. et CHF 150.- pour M. J__________;

 

communique le présent arrêt à Me Dominique Burger, avocate des recourants et au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement.

 


Siégeants : M. Schucani, président, M. Thélin, Mme Bovy, M. Paychère, juges, M. Peyrot, juge suppléant.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

V. Montani D. Schucani

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci