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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3990/2013

ATA/556/2015 du 02.06.2015 ( AMENAG ) , REJETE

Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ; PLAN D'AFFECTATION SPÉCIAL ; QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR ; ASSOCIATION ; PRISE DE POSITION DE L'AUTORITÉ ; AUTONOMIE COMMUNALE ; OPPORTUNITÉ ; POUVOIR D'APPRÉCIATION ; DROIT CONSTITUTIONNEL À LA PROTECTION DE LA BONNE FOI ; LIBERTÉ ÉCONOMIQUE ; GARANTIE DE LA PROPRIÉTÉ ; MOTION ; INITIATIVE PARLEMENTAIRE ; SÉPARATION DES POUVOIRS ; COMPÉTENCE
Normes : Cst.5 ; Cst.9 ; Cst.26 ; Cst.27 ; LaLAT.10 ; LGZD.5 ; LGZD.5a ; LGZD.6 ; LGZD.9 ; LRGC.143
Parties : MEYER Jérôme, QUELOZ Laurence, GANDILLON Evelyne, MAUVIS Jean-François, DE GIORGI Elena, LATOUR Irena, WAGNER Jean, MOSER Gisèle, CATILLAZ Bernard, MAUVIS Elettra, DEGIORGI Marco, MEYER Sandrine, GINET Lucien, JOOWALAY BAIJOT Zareena, ROBLEDO Antonio, WAGNER Georges, VÖLKI Robert, VÖLKI Rose-Marie, ASSOCIATION LES PASSEREAUX ET AUTRES, BLIN Evelyne, AVILES ROMAN Isabel, BAIJOT Marc, GYGER Anita, ETTER Nathalie, CASUTT Daniel, CASUTT Martine, FUSINAZ Françoise, WAGNER Georges / CONSEIL D'ETAT, CLIVAZ Jean-Paul, CLIVAZ ENTREPRISE GENERALE SA ET M. CLIVAZ JEAN-PAUL
Résumé : Le délai de 60 jours donné au Conseil d'Etat pour approuver les plans directeurs de quartier est un délai d'ordre. Les plans directeurs localisés n'ont force obligatoire que pour les autorités et ne produisent aucun effet juridique à l'égard des particuliers. En matière d'aménagement du territoire, la pesée des intérêts en jeu (publics et privés), est incorporée dans la loi ; il ne saurait dès lors y avoir de violation à la liberté économique et à la garantie de la propriété si le principe de la légalité est respecté. Le principe de la bonne foi n'est pas applicable dans le domaine de la planification territoriale.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3990/2013-AMENAG ATA/556/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 juin 2015

 

dans la cause

 

ASSOCIATION LES PASSEREAUX
Madame Isabel AVILÈS ROMAN
Monsieur Marc BAIJOT
Madame Evelyne BLIN
Monsieur Bernard CATILLAZ
Madame Elena DE GIORGI
Monsieur Marco DE GIORGI
Madame Evelyne GANDILLON
Monsieur Lucien Marcel GINET
Madame Zareena JOOWALAY BAIJOT
Madame Irena LATOUR
Madame Elettra MAUVIS
Monsieur Jean-François MAUVIS
Monsieur Jérôme MEYER
Madame Sandrine MEYER
Monsieur Gisèle MOSER
Madame Laurence QUELOZ
Monsieur Antonio ROBLEDO
Monsieur Robert VÖLKI
Madame Rose-Marie VÖLKI
Monsieur Georges WAGNER
Monsieur Jean WAGNER

représentés par Me Michel Schmidt, avocat

et

 

Monsieur Daniel CASUTT

et

Madame Martine CASUTT-ETTER

et

Madame Nathalie ETTER

et

Madame Françoise FUSINAZ-ETTER

et

Madame Anita GYGER-ETTER

 

contre

CONSEIL D'ÉTAT

et

CLIVAZ ENTREPRISE GÉNÉRALE SA

et

Monsieur Jean-Paul CLIVAZ, appelés en cause
représentés par Me Alain Veuillet, avocat



EN FAIT

1) Le quartier des Semailles, situé sur la Ville de Lancy (ci-après : la commune), est délimité à l’ouest par le ruisseau du Voiret, à l’est par l’avenue des Communes-Réunies, au nord par la Place du 1er août et au sud par le chemin des Palettes. Il se trouve dans la couronne suburbaine de l’agglomération genevoise. Il est classé en zone cinq, développement trois depuis 1985, à l’exception du lieu-dit « Pied du champignon », pour lequel la zone de développement trois a été abrogée en mars 2004.

2) Depuis 1998, l’aménagement du quartier des Semailles fait l’objet d’importantes controverses qui ont fortement mobilisé plusieurs de ses habitants, des propriétaires terriens, la commune et le département de l’aménagement, du logement et de l’énergie (anciennement département du territoire, puis département de l’urbanisme ; ci-après : le département ou le DALE).

3) En 2004, un avant-projet de plan directeur de quartier (ci-après : PDQ) a été élaboré par la commune, avant d’être abandonné. Les études y relatives ont repris en 2008.

4) Un plan directeur communal (ci-après : PDCom) a été adopté par le conseil municipal de la commune (ci-après : conseil municipal ou CM) en 2008 et approuvé par le Conseil d’État le 9 mars 2009.

Ce plan prévoyait l’adoption prochaine du plan directeur de quartier susmentionné, encore à l’étude, qui devrait répondre aux besoins en logements de la population en ménageant la volonté de la commune de limiter l’urbanisation à un indice d’utilisation du sol (ci-après : IUS) de 1. Ce PDQ devrait être structuré sur deux axes principaux définis par le chemin des Semailles et celui des Rambossons, à la croisée desquels se développerait une grande « chambre verte ». Les gabarits maximaux recommandés pour les immeubles de logements étaient de rez + six étages (ci-après : R+6) en face des Palettes et le long de l’avenue des Communes-Réunies, de rez + quatre étages (ci-après : R+4) partout ailleurs. Des bâtiments de bas gabarits (rez + un étage ; ci-après : R+1) accueilleraient des activités.

5) En 2010 et 2011, le PDQ a fait l’objet de discussions entre la commune et le Conseil d’État, ce dernier refusant d’approuver l’IUS de 1 préconisé par le plan, au motif qu’il n’était pas conforme au plan directeur cantonal (ci-après : PDC). Des modifications y ont été finalement apportées, portant cet indice à 1,3 (y compris les constructions à haut standard énergétique) avec des gabarits oscillant entre R+1 et R+8.

6) Parallèlement à cette procédure, le département a élaboré quatre projets de plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) portant sur quatre périmètres du quartier des Semailles se situant dans le périmètre du PDQ, en se fondant sur l’IUS précité.

Le PLQ n° 29’758-543 (ci-après : PLQ n° 1) régit le secteur sis au chemin des Rambossons, entre l’avenue du Curé-Baud et le chemin des Semailles (procédure A/4029/2013).

Le PLQ n° 29’860-543 (ci-après : PLQ n° 2) vise le périmètre situé entre le chemin des Rambossons et l’avenue des Communes-Réunies (procédures A/4039/2013 et A/3990/2013).

Le périmètre du PLQ 29’835-543 (ci-après : PLQ n° 3) couvre le territoire qui se trouve entre le chemin des Semailles, le chemin de Rambossons et le long de l’avenue Curé-Baud (procédure A/4037/2013).

Le territoire visé par le PLQ n° 29’813-543 (ci-après : PLQ n° 4) est compris entre le chemin des Rambossons et le chemin des Palettes (procédure A/4036/2013).

7) Le PDQ a été soumis à enquête publique début décembre 2011 (PDQ n° 29’889).

Les quatre projets de PLQ précités y ont été soumis presque parallèlement, le 13 décembre 2011.

8) Le PDQ a été adopté par le conseil municipal le 24 mai 2012.

9) L’association d’habitants et de propriétaires dénommée « les Passereaux » (ci-après : l’association), active depuis plusieurs années dans le cadre de cet aménagement, a esquissé un avant-projet de PLQ (ci-après : le PLQ alternatif) englobant les périmètres des quatre PLQ précités. Ce document prévoit une densité des constructions à 1,5, avec des bâtiments de style différents (hôtels particuliers, palais vénitien, etc ) dont l’implantation était étudiée pour permettre aux propriétaires des parcelles concernées de réaliser eux-mêmes lesdites constructions sans recourir à un promoteur.

10) Par lettre du 19 septembre 2012 adressée à la commune, le département a pris position sur ce projet.

L’IUS prévu par le PLQ alternatif dépassait celui qui avait fait l’objet d’un accord entre les autorités et la commune. La répartition des droits à bâtir n’y était pas précisée. La faisabilité et la réalité du caractère indépendant de chaque opération par rapport aux autres parcelles ne pouvait par conséquent être vérifiée. Le principe de la « chambre verte » prévu par le PDQ n’était pas respecté car son implantation était décalée au nord du secteur. Les trois césures vertes permettant d’assurer des espaces collectifs de qualité dans le futur quartier étaient remplacées par des espaces semi-privatifs au pied des constructions projetés. La création d’îlots pouvait compromettre les itinéraires de mobilité douce et les perméabilités visuelles prévues dans le PDQ. La nature des cheminements n’apparaissait pas clairement, de même que la hiérarchisation du réseau des déplacements. Les gabarits, faibles, s’éloignaient des orientations du PDQ. Il ne s’agissait pas de densifier une zone villa mais de planifier l’aménagement d’un secteur en zone de développement trois. Enfin, une remise en question des quatre projets de PLQ, déjà finalisés, reporterait toute possibilité de construction à un délai de deux ans au mieux. La procédure en cours devait continuer. Les quatre projets de PLQ concernés ne seraient pas modifiés.

11) Par une résolution adoptée le 27 septembre 2012 ne faisant aucune référence à ce courrier, le CM a chargé son Conseil administratif de demander au département d’examiner, dans un délai de deux mois, comment les projets de PLQ pouvaient être modifiés pour tenir compte des principales demandes ressortant du PLQ alternatif proposé. Les PLQ modifiés devraient lui être à nouveau présentés pour préavis.

12) Le 24 octobre 2012, plusieurs députés ont déposé devant le Grand Conseil une motion (M 2115) invitant le Conseil d’État à mettre au point un nouveau projet de PLQ, élaboré sur la base du PLQ alternatif déposé par l’association, à suspendre la procédure relative aux PLQ en cours et à soumettre le nouveau PLQ à la procédure d’adoption prévue par l’art. 6 de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35).

13) Par lettre du 8 novembre 2012 adressée à l’association, le président du département a informé celle-ci qu’il n’entrerait pas en matière sur le PLQ alternatif ni sur la résolution prise le 27 septembre 2012 par le CM de la commune.

14) La procédure d’opposition aux PLQ a été ouverte du 11 janvier au 11 février 2013.

15) Par lettre du 8 février 2013 adressée au Conseil d’État, Madame Martine CASUTT ETTER, Monsieur Daniel CASUTT, ainsi que Mesdames Anita GYGER ETTER, Nathalie ETTER et Françoise FUSINAZ ETTER (tous les cinq étant ci-après nommés : les sœurs ETTER) ont fait opposition au PLQ n° 2.

Propriétaires des parcelles devant abriter le bâtiment A et la presque totalité du bâtiment B, elles réitéraient leur demande formulée lors de l’enquête publique, que ce dernier bâtiment soit légèrement déplacé pour leur permettre d’en assurer elles-mêmes la réalisation, sans devoir recourir à un promoteur. Elles souhaitaient que la totalité de leurs droits à bâtir soit reportée sur le seul immeuble B. Elles désiraient être acteurs du développement à venir plutôt que spectateurs et participer au projet d’urbanisation en conservant la maîtrise de leurs parcelles.

16) Le 11 février 2013, l’association, Madame Isabel AVILÈS ROMAN, Monsieur Marc BAIJOT, Madame Evelyne BLIN, Monsieur Bernard CATILLAZ, Madame Elena DE GIORGI, Monsieur Marco DE GIORGI, Madame Evelyne GANDILLON, Monsieur Lucien Marcel GINET, Madame Zareena JOOWALAY BAIJOT, Madame Irena LATOUR, Madame Elettra MAUVIS, Monsieur Jean-François MAUVIS, Monsieur Jérôme MEYER, Madame Sandrine MEYER, Madame Gisèle MOSER, Madame Laurence QUELOZ, Monsieur Antonio ROBLEDO, Monsieur Robert VÖLKI, Madame Rose-Marie VÖLKI, Monsieur Georges WAGNER et Monsieur Jean WAGNER, notamment (ci-après : les consorts), ont fait opposition aux quatre PLQ précités, par quatre courriers séparés.

Leurs arguments se recoupant avec ceux développés dans leurs recours, ils seront exposés ci-après.

17) Par arrêté du 27 mars 2013, le Conseil d’État a approuvé le PDQ.

18) Par arrêtés du 13 novembre 2013, le Conseil d’État a rejeté les oppositions formées par les prénommés et adopté lesdits PLQ.

19) Cette adoption a été publiée dans la FAO le 15 novembre 2013.

a. Le PLQ n° 2 prévoyait la construction d’un immeuble rez + huit étages (ci-après : R+8) le long de l’avenue des Communes-Réunies, de deux bâtiments rez + cinq étages (ci-après : R+5) au centre (bâtiment B) et à l’ouest (bâtiment A) du périmètre. Une construction R+1 était accolée à ce dernier bâtiment. Hormis les rez-de-chaussée qui étaient dévolus aux activités, tous les bâtiments étaient affectés au logement. L’IUS était de 1,18. Les droits à bâtir des parcelles n° 1’142, 1’143 et 1’161 (parcelles propriétés des sœurs ETTER) étaient répartis dans les bâtiments A et B. Ils réalisaient la totalité du bâtiment B, mais seulement une partie du bâtiment A.

Un parking en sous-sol de cent vingt-trois places était prévu, ainsi que l’installation de trente places de parc à l’extérieur, le long de l’avenue des Communes-Réunies. Il était possible d’accéder au bâtiment D par le chemin des Rambossons ou par l’avenue des Communes-Réunies. L’accès au bâtiment A était possible à pied par le chemin des Rambossons et en voiture par le chemin des Semailles.

b. Vu les arguments développés dans les différents recours, la description détaillée des trois autres PLQ n’était pas nécessaire.

Il sera uniquement relevé que ceux-ci prévoyaient la construction de barres rectangulaires d’immeubles (seize en tout) R+4 à R+8, dont la plupart étaient dévolues au logement.

20) Par acte du 9 décembre 2013, les sœurs ETTER ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le PLQ n° 2 (procédure A/3990/2013) en concluant implicitement à son annulation. Elles s’étonnaient de l’absence de prise en considération par le Conseil d’État de leurs précédentes objections.

21) Par quatre actes séparés du 13 décembre 2013, les consorts ont interjeté recours contre les quatre arrêtés du Conseil d’État du 13 novembre 2013 adoptant les PLQ n° 1 à 4, et contre l’arrêté du même jour rejetant leur opposition, auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Ils concluaient à leur annulation et à l’annulation des PLQ correspondants.

Ils avaient tenté par tous les moyens de participer aux projets de densification menés par la commune et le département. Ils avaient cherché des solutions alliant le maintien de la qualité de vie des habitants, l’esthétique des constructions, l’individualisation des projets qui permettrait aux propriétaires souhaitant densifier leur parcelle conformément au PLQ de le faire, et à ceux qui souhaitaient conserver leurs bâtiments encore quelques années, d’y demeurer sans subir de nuisances trop importantes. À ces préoccupations s’était ajoutée celle de conserver quatre bâtiments dont la valeur architecturale ou historique avait été relevée par la commission des monuments de la nature et des sites (ci-après : CMNS). Le PLQ alternatif proposé était un excellent compromis de tous ces intérêts en présence. Avec un IUS de 1,5, il réalisait, mieux que les PLQ adoptés, l’objectif de construire des logements pour lutter contre la pénurie. Certes, il n’était pas conforme au PDCom, mais les PLQ litigieux ne l’étaient pas davantage. En effet, ce document prévoyait un IUS et des gabarits moindres que ceux prévus, soit un IUS de 0,8 et des gabarits R+6 au maximum en face des Palettes, le long de l’avenue des Communes-Réunies et R+4 (voir R+1) partout ailleurs.

Le PDQ venu se greffer sur le PDCom n’avait pas eu pour but de supprimer ce dernier mais d’affiner son contenu. À défaut, les art. 9 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700) et 10 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) perdraient leur substance.

Le PDQ était dépourvu de toute force contraignante. En effet, il avait été approuvé par le Conseil d’État plus d’une année après son adoption par le CM, alors que la loi imposait à cette autorité de statuer dans un délai de soixante jours. Le 27 septembre 2012, la commune avait manifesté sa volonté de voir le PLQ alternatif pris en compte par le département et de pouvoir préaviser sur la modification consécutive des PLQ en projet. Il ne pouvait être considéré, vu ces circonstances, qu’elle avait préavisé favorablement ces derniers. Son silence subséquent n’équivalait pas à un préavis positif tacite au sens de l’art. 6 al. 3 LGZD. Le considérer comme tel violait le principe de l’autonomie communale.

Le préavis obligatoire de la commune n’ayant pas été obtenu, le PDQ était invalide.

Les autorités communales et cantonales n’avaient cessé, depuis 2007, de revenir sur des accords et des promesses, violant ainsi le principe de la bonne foi qui protégeait les citoyens dans la confiance légitime qu’ils mettaient dans les assurances reçues des autorités lorsqu’ils réglaient leur conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration.

Le PLQ alternatif n’était certes pas conforme au PDQ, mais ce dernier étant invalide, il ne pouvait être pris en compte. Leur projet avait été refusé par le Conseil d’État sans base légale, sans justification cohérente et contre la volonté clairement exprimée du CM de la commune. Le président du département lui-même avait admis publiquement dans la presse que l’imagination et la créativité architecturale des immeubles du canton « ne faisaient rêver personne ». Les barres d’immeubles prévues dans le quartier des Semailles étaient l’expression de cette absence totale de capacité à réinventer l’urbanisme. Il n’y avait pas, en l’espèce, de rapport raisonnable entre la restriction de la propriété imposée par le PLQ et le résultat recherché. Le PLQ alternatif respectait mieux l’intérêt public que les PLQ attaqués, soit la construction de logements pour la population et le maintien des bâtiments ayant une valeur patrimoniale. Le principe de la proportionnalité était en conséquence violé. Il en allait de même de la liberté économique garantie par l’art. 27 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), car aucun intérêt public ne pouvait être opposé à des propriétaires qui souhaitaient réaliser davantage de logements que ne le prévoyaient les PLQ contestés.

La procédure d’adoption desdits PLQ avait violé le principe de coordination imposé par l’art. 25a LAT, car les différentes positions exprimées par les différentes autorités n’avaient pu être harmonisées.

L’emprise des places de parc extérieures était trop grande vu l’importante desserte du quartier par les transports publics. Seuls des parkings souterrains devraient être prévus pour favoriser la mobilité douce. La prolongation de la contre-route longeant l’avenue des Communes-Réunies et permettant l’accès aux futurs immeubles augmenterait le trafic dans le quartier et créerait des dangers pour les piétons.

Enfin, les deux villas sises au 17, chemin des Semailles et au 17, chemin des Rambossons avaient été relevées par la CMNS comme dignes d’être conservées et ne devaient pas être détruites.

22) Par décision du 20 décembre 2013, la chambre administrative a joint les procédures A/3990/2013 et A/4039/2013 sous le numéro de cause A/3990/2013, toutes deux concernant des recours dirigés contre le PLQ n° 2.

23) Le 17 février 2014, le Conseil d’État soit pour lui le département, a répondu aux recours, en concluant à leur rejet.

Le PDCom était un instrument de planification qui liait les autorités entres elles et qui ne pouvait être invoqué par les particuliers. En l’espèce, il ne fixait aucune norme prescriptive en matière d’IUS ou de gabarit dans le quartier des Semailles. Il n’aurait pu prévoir valablement un IUS de 0,8 puisque le minimum prévu par le plan directeur cantonal (ci-après : PDC) prescrivait, à cette époque déjà, un IUS minimum de 1,2 pour ce quartier. L’actuel PDC (fiche : 2.01 du schéma) avait repris cet objectif. Le PDQ adopté par le CM le 24 mai 2012 et approuvé par l’autorité intimée prévoyait quant à lui un IUS de 1,3 sur l’ensemble du périmètre concerné. Les PLQ litigieux étaient pleinement conformes à ces documents.

Le PDQ avait été adopté valablement malgré le dépassement du délai de soixante jours pour son approbation, qui n’était qu’un simple délai d’ordre. Même s’il avait été invalide, l’absence de ce document n’aurait pas remis en cause la validité des PLQ litigieux qui pouvait directement se baser sur le PDC, l’existence d’un PDQ n’étant pas obligatoire (art. 10 al. 4 LaLAT).

La commune n’avait pas contesté avoir, par son silence, préavisé positivement les PLQ en question. Le conseiller administratif ne s’y était pas opposé devant le Grand Conseil comme le lui permettait l’art. 6 al. 10 LGZD. Ni la LGZD ni le principe de l’autonomie communale n’avaient été violés.

Le département pouvait se distancier d’un avant-projet présenté par des particuliers sans violer le principe de la bonne foi.

De jurisprudence constante, les contraintes imposées par la planification territoriale à la liberté économique et à la garantie de la propriété étaient admissibles à condition qu’elle ne les supprime pas entièrement, ce qui était le cas en l’espèce, les propriétaires demeurant libres de vendre ou non leur terrain et de réaliser les plans d’aménagement litigieux.

Le principe de coordination n’avait pas pour vocation d’éviter des divergences d’opinion entre les parties et ne trouvait pas application en l’espèce.

Les autres griefs étaient trop peu étayés pour être pris en compte. En particulier, le service des patrimoines et des sites (ci-après : SMS) avait préavisé favorablement, le 8 août 2011, le PLQ prévoyant la destruction des villas précitées.

24) Par lettre du 7 avril 2014 adressée à l’association, le président du Conseil d’État s’est déterminé sur une demande formée par celle-ci, datant du 2 février 2014 et concernant le projet de tracé du tram dans le secteur des Palettes, dont elle venait d’apprendre l’existence et qui lui paraissait remettre en cause les PLQ litigieux.

Le département de l’environnement, des transports et de l’agriculture (ci-après : DETA) était chargé de l’étude du projet de tramway. Il s’appliquait à examiner l’articulation entre cette infrastructure future et les projets urbains déjà planifiés. Les PLQ litigieux, ainsi que le PDQ, n’avaient pas vocation à être remis en cause à cette occasion. Une enquête publique serait ouverte concernant les tracés adoptés.

25) Par lettre du 8 avril 2014 adressée à la chambre administrative, les consorts ont relevé que le PLQ n° 2 serait forcément touché par le projet de tram, la construction d’une gare étant prévue sur une parcelle voisine à celui-ci.

Ils sollicitaient l’audition de Madame Claire LESAGE, ingénieur en charge de ce projet, ainsi que d’un représentant du département, car ce projet remettait en cause la réalisation du PLQ concerné.

26) Par décision du 22 avril 2014, la chambre administrative a appelé en cause Monsieur Jean-Paul CLIVAZ en sa qualité de propriétaire de la parcelle n° 2’635, feuille 20 de la commune de Lancy située dans le périmètre du PLQ n° 1 et CLIVAZ Entreprise Générale SA, promettant acquéreur de la parcelle n° 997, également visée par ce plan. Ces appelés en cause se sont déterminés le 22 mai 2014 sur le recours interjeté par les consorts contre ce PLQ en concluant à son rejet, pour les mêmes motifs que ceux développés par le Conseil d’État dans sa réponse au recours.

27) Le 30 juin 2014, les consorts et les appelés en cause ont été entendus en audience de comparution personnelle.

a. Pour les consorts, le département adoptait une attitude contradictoire en refusant d’entrer en matière sur le PLQ alternatif au motif qu’il n’était pas conforme au PDQ, d’une part, et en admettant que ce PDQ serait remis en cause par le projet de tram, comme cela leur avait été confirmé. La gare et le tram se situaient d’ailleurs dans le périmètre du PDQ. Ce grand projet influençait d’ailleurs les chemins d’accès et les voies piétonnières d’une manière générale. Le département ne respectait pas les principes de concertation qu’il prétendait appliquer et qui ne consistaient, dans la réalité, qu’en des simulacres de consultation.

b. Selon le Conseil d’État, les quatre PLQ adoptés ne seraient pas touchés par la construction du tram. Le périmètre du PDQ qui devait encore faire l’objet d’un PLQ avait été laissé à l’étude et la procédure de PLQ suspendue.

L’association ne représentait pas l’intégralité des propriétaires concernés par les plans. D’autres avaient donné leur accord aux projets.

28) Le 10 juillet 2014, les consorts ont requis la production de tous les échanges de correspondance entre le département et la commune relatifs à la procédure d’adoption du PDQ.

29) Par décision du même jour, la chambre administrative a ordonné la jonction de toutes les causes sous le numéro A/3990/2013.

30) Sur requête du juge délégué du 18 juillet 2014, le Conseil d’État a versé à la procédure, le 14 août 2014, l’échange de correspondances dont la production était requise par les consorts, d’où il ressort les faits exposés au point 5 ci-dessus.

Le PDQ relevait d’une initiative communale, de sorte que le dossier y relatif était archivé au sein de la commune concernée.

31) Le 19 septembre 2014, les consorts ont répliqué en persistant dans leurs conclusions.

Du fait du projet de tram, le PDQ serait immanquablement modifié dans un proche avenir. Il n’y avait dès lors aucune raison liée à la stabilité de ce document ou des PLQ adoptés, pour refuser le PLQ alternatif qu’ils avaient proposé.

Le cas des Semailles constituait le seul dans lequel un projet de PLQ avait été proposé par des habitants. L’occasion était unique, pour la chambre administrative, de décider qu’une telle initiative l’emportait sur les projets du département au nom du principe de la proportionnalité (intérêt public préservé et atteinte moindre à la garantie de la propriété et à la liberté économique, du fait de l’accord des propriétaires et des habitants concernés).

Ils produisaient un courrier d’une des propriétaires, qui contestait avoir jamais donné son accord au PLQ, alors que le département s’était prévalu d’un tel accord lors de l’audience de comparution personnelle.

Ils joignaient également à leurs déterminations une résolution du CM du 17 octobre 2013, demandant au Conseil administratif d’interpeller fermement le département au sujet du tracé du tram 15. Ce conseil venait de prendre connaissance qu’une gare devant servir de hall d’échange et de liaison avec les bus du périmètre qui devrait prendre place dans le périmètre du PDQ, à la place des immeubles de logement prévus, ce qui était inenvisageable et inacceptable pour la commune.

32) Le même jour, le Grand Conseil a approuvé la motion M 2115-A (ci-après : la motion), invitant le Conseil d’État à « adapter [et non à adopter, comme il figure par erreur dans le procès-verbal de la session du Grand Conseil y relative] les projets de PLQ, en concertation avec les habitants du quartier des Semailles, en tenant notamment compte de l’avant-projet de PLQ qu’ils ont réalisé durant l’été 2012, ainsi que des projets des TPG relatifs au passage du tramway au chemin des Palettes et à l’extension de l’arrêt de tram des Palettes ».

33) Le 2 octobre 2014, les consorts ont écrit à la chambre administrative.

L’approbation par le Grand Conseil de ladite motion remettait en cause la validité des PLQ querellés. Ceux-ci seraient remplacés par de nouveaux PLQ, qui intégreraient par ailleurs les besoins de la nouvelle ligne de tram.

34) Le 10 octobre 2014, les appelés en cause se sont déterminés sur cette dernière écriture et ont déclaré persister dans leurs conclusions.

Il résultait tant de l’audience de comparution personnelle du 30 juin 2014 que de la résolution du CM du 17 octobre 2013 produite par les consorts que la volonté des autorités était de ne pas toucher au PLQ litigieux.

35) Le 11 novembre 2014, les consorts ont produit un échange de courriers entre l’association et le Conseil d’État, d’où il découlerait que la portée de la motion adoptée par le Grand Conseil était interprétée de manière très différente par les parties.

36) Par courrier du 6 février 2015, le juge délégué a demandé au Conseil d’État quelles suites il entendait donner à la motion M 2115-A.

37) Le 4 mars 2015, le Conseil d’État a répondu à la demande du juge délégué. Il persistait dans ses conclusions.

La motion devait être comprise comme visant uniquement les trois PLQ restant à adopter dans le quartier des Semailles, et non les quatre litigieux déjà adoptés. Le texte de la motion prêtait certes à confusion, mais de nombreux éléments plaidaient en faveur de cette interprétation. Il ne pouvait par ailleurs s’agir que d’une motion ordinaire au sens de l’art. 148 de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève du 13 septembre 1985 (LRGC - B 1 01) et non de la motion qualifiée visée par l’art. 5A al. 3 LGZD, car les PLQ concernés étaient entrés en force et ne pouvaient être révisés sans qu’une telle révision ne viole la LAT.

Il versait à la procédure son rapport à l’attention du Grand Conseil, qu’il envoyait par ailleurs le jour même à cette autorité.

38) Le 18 mars 2015, les appelés en cause ont persisté dans leurs conclusions.

L’invite faite au Conseil d’État dans la motion n’avait pas un caractère contraignant.

39) Les consorts se sont déterminés le 13 avril 2015.

Ils sollicitaient l’audition de Madame Christina MEISSNER, députée présente lors de l’adoption de la motion litigieuse, de Monsieur Antonio HODGERS, conseiller d’État, et de la personne responsable au département de l’implantation du tramway dans le quartier des Semailles, car ces personnes étaient à même d’établir la véracité des éléments suivants.

La motion se fondait sur l’art. 5A LGZD. Elle avait un caractère contraignant, ainsi qu’il découlait de la lettre de cette disposition. Le texte de la proposition de motion y faisait expressément référence.

Celle-ci ne visait pas les PLQ qui restaient à adopter, mais bien ceux querellés. En effet, seul un projet de PLQ devait encore être adopté dans le périmètre. Si la motion avait voulu le désigner, elle n’aurait pas utilisé la forme plurielle et visé « les projets » de PLQ. L’invitation faite au Conseil d’État d’ « adapter » (et non d’ « adopter ») lesdits PLQ confirmait cette interprétation. Certes, le terme « projets » n’était pas adéquat puisque les PLQ étaient déjà adoptés lorsque la motion avait été votée ; il se référait cependant au caractère précisément non définitif qu’il fallait donner à ceux-ci, du point de vue des députés ayant proposé le texte de la motion.

Ils produisaient un courrier de Mme MEISSNER adressé au conseil des consorts et co-signé par le président du MCG et par Monsieur François LEFORT, député vert ayant voté pour la motion litigieuse. Ceux-ci déclaraient partager cette interprétation. Mme MEISSNER indiquait par ailleurs que suite à la motion litigieuse, des négociations avaient été ouvertes au sujet de l’aménagement de ce quartier. Celles-ci réunissaient toutes les parties prenantes et avaient quelques chances d’aboutir.

Dans un schéma explicatif, ils démontraient les effets qu’aurait indubitablement, sur les PLQ litigieux adoptés, la grande gare de tramway devant être construite sur le dernier périmètre à aménager selon le PDQ. Cette construction, non prévue et non prise en compte lors de l’élaboration desdits PLQ, constituait un fait nouveau très important, justifiant, cas échéant, la révision de ceux-ci au sens de l’art. 21 LAT.

40) Le 24 avril 2015, la chambre administrative a donné un délai aux sœurs ETTER pour se déterminer une dernière fois sur la procédure, après s’être aperçue que certaines écritures ne leur avaient pas été transmises.

41) Après l’échéance de ce délai, le 20 mai 2015, la chambre administrative a gardé la cause à juger.

EN DROIT

1) Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables sous cet angle (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ E 2 05 ; art. 35 LaLAT ; art. 17, 17A, al. 3 et 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l’art. 35 al. 3 LaLAT, les associations d’importance cantonale ou actives depuis plus de trois ans qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement ou à la protection des monuments, de la nature ou des sites ont qualité pour recourir.

La qualité pour recourir de l’association est douteuse mais peut être laissée ouverte, dès lors que les autres recourants en disposent en leur qualité de propriétaires de terrains visés par les PLQ attaqués ou d’habitants vivant dans ce périmètre.

3) Selon la jurisprudence, le recours peut indifféremment être dirigé contre l'arrêté d'adoption du PLQ litigieux ou contre celui rejetant l’opposition le concernant (ATA/664/2014 du 26 août 2014).

Les recours visant l’un ou l’autre de ces arrêtés dans le cadre de la procédure d’adoption des quatre PLQ litigieux, ils sont recevables de ce point de vue également.

4) Enfin, la voie de l’opposition a été préalablement épuisée dans les cinq procédures d’espèce, conformément à l’art. 35 al. 4 LaLAT.

Les recours sont ainsi recevables.

5) Les recourants contestent la validité du PDQ. Ils considèrent que ce document est invalide, le Conseil d’État l’ayant approuvé tardivement.

Selon l’art. 10 al. 7 LaLAT, le département vérifie que le plan est conforme notamment au plan directeur cantonal. Dès la réception de l’accord du département, le conseil municipal adopte le plan sous forme de résolution, dans un délai de 90 jours. Le Conseil d’État statue dans un délai de soixante jours à moins que le conseil municipal n’ait apporté des modifications non conformes.

En l’espèce, le PDQ a été adopté par la commune le 24 mai 2012 et approuvé par le Conseil d’État le 27 mars 2013.

Ce délai constitue un simple délai d’ordre et non un délai impératif dont l’inobservation entraîne des conséquences juridiques (invalidité de l’acte, irrecevabilité du recours, etc).

À supposer qu’ils soient touchés directement par le non-respect de ce délai, ce qui est douteux, les recourants ne peuvent par ce biais remettre en cause la validité de l’approbation donnée.

Leur grief à cet égard sera donc rejeté.

6) Les recourants considèrent que les PLQ entrepris violent le PDCom.

Selon l’art. 10 al. 8 LaLAT, le plan directeur localisé (notion qui inclut les PDQ et les PDCom ; art. 10 al. 2 LaLAT) adopté par une commune et approuvé par le Conseil d'État a force obligatoire pour ces autorités. Il ne produit aucun effet juridique à l’égard des particuliers, lesquels ne peuvent former aucun recours à son encontre, ni à titre principal, ni à titre préjudiciel.

Par cette disposition, le législateur a exprimé clairement sa volonté de donner à cet instrument une portée exclusivement politique et de laisser la sanction de son irrespect aux seules autorités politiques. Il ressort d’ailleurs de l’exposé des motifs y relatifs que, selon la volonté du législateur, les plans directeurs localisés ont le caractère d’un outil de travail consensuel liant les autorités entre elles, dépourvu d’effet juridique (ATA/74/2008 du 19 février 2008). Il ne s’agit pas d’un nouvel instrument formel d’aménagement du territoire, venant s’ajouter à ceux existants, pouvant être invoqué par des tiers dans le cadre de la procédure d’adoption des plans d’affectation du sol et donc susceptible de retarder ce dernier type de procédure, ce qu’il convient d’éviter (MGC 2001 41/VIII 7360ss, not. 7366 ; ATA/1019/2014 du 16 décembre 2014).

L’absence de conformité desdits PLQ à cet instrument de travail ne peut ainsi fonder leur invalidation.

Ce grief sera également rejeté.

7) Les recourants considèrent que les PLQ sont invalides, faute pour le Conseil d’État d’avoir obtenu le préavis communal requis par la loi. Ce manquement violerait par ailleurs le principe de l’autonomie communale.

Conformément à l’art. 6 al. 3 LGZD, simultanément à l’ouverture de l’enquête publique, le DALE transmet à la commune le projet de plan pour qu’il soit porté à l’ordre du jour du conseil municipal. À l’issue de l’enquête, le département transmet à la commune les observations reçues. L’autorité municipale doit communiquer son préavis dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la réception des observations. Son silence vaut approbation sans réserve.

Il est à nouveau douteux que les recourants puissent se prévaloir s’une violation de l’art. 6 al. 3 LGZD et du principe de l’autonomie communale, qui sont des prérogatives communales.

Quoi qu’il en soit, ce grief ne peut qu’être écarté. En effet, par résolution du 27 septembre 2012, le CM a demandé au département de revoir les PLQ en tenant compte du PLQ alternatif et de pouvoir préaviser sur les modifications apportées à ceux-ci. Le Conseil d’État a refusé d’entrer en matière sur toute modification. La commune n’a pas contesté, dans les mois qui ont suivi, avoir préavisé positivement les PLQ qui lui avaient été précédemment soumis. Son silence vaut donc approbation sans réserve au sens de l’art. 6 al. 3 LGZD, ce qu’elle n’a, au demeurant, jamais contesté.

Ces griefs seront par conséquent écartés.

8) Les recourants reprochent au Conseil d’État de ne pas avoir préféré leur PLQ alternatif à celui élaboré par le département.

La loi confère aux autorités de planification un très grand pouvoir d’appréciation, qui n’est soumis au contrôle juridictionnel qu’en tant qu’il consacre une violation du droit.

Les choix liés à la planification du sol sont donc essentiellement politiques et relèvent de l’opportunité, qui n’est revue que par le Conseil d’État lors de la procédure d’opposition (art. 33 al. 3 let. b LAT ; ATA/900/2014 du 18 novembre 2014).

La chambre administrative n'est ainsi pas habilitée à examiner l'opportunité des mesures d'aménagement dont elle a à connaître sur recours (art. 61 al. 2 LPA et 35 LaLAT ; ATA/438/2014 précité consid. 4 ; ATA/566/2008 précité consid. 4 ; Jean-Charles PAULI, L'élargissement des compétences du Tribunal administratif en matière d'aménagement du territoire et ses premières conséquences sur la conduite des procédures à Genève, RDAF 2000, vol. I, p. 526 ; Thierry TANQUEREL, Le contentieux de l'aménagement du territoire, in 3ème journée du droit de la propriété, 2000, p. 10). Même si elle était convaincue par les arguments des recourants s’agissant des choix préconisés, elle ne pourrait substituer sa propre appréciation à celle du Conseil d’État.

Ainsi en va-t-il du refus par le département de la prise en compte du PLQ alternatif pendant la procédure d’adoption, de même que du choix relatif à la répartition des droits à bâtir.

9) Constitue une violation du droit, un excès ou un abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA).

En l’espèce, les PLQ entrepris sont conformes aux options du PDC, à la LAT et à la LaLAT, ce que ne contestent pas les recourants, sous réserve des griefs examinés ci-dessus. Ils sont destinés à créer des logements supplémentaires et à répondre ainsi à un but d’intérêt public qui fait l’objet d’un large consensus. Ils ne portent pas atteinte de manière disproportionnée aux garanties et libertés constitutionnelles que sont la garantie de la propriété et la liberté économique, à supposer que celle-ci soit invocable en l’espèce. En effet, en matière d’aménagement du territoire, la pesée des intérêts en jeu (publics et privés), est incorporée dans la loi ; il ne saurait dès lors y avoir de violation de ces libertés si le principe de la légalité est respecté, ce qui est le cas en l’espèce.

10) Les recourants se plaignent enfin du fait que le département aurait adopté des comportements contradictoires au cours de la procédure.

De jurisprudence constante, les membres des nouvelles législatures sont liés par les actes de leurs prédécesseurs si ceux-ci se sont engagés à l’égard de l’administré par des promesses ou des décisions concrètes et que les autres conditions d’application du principe de la bonne foi sont remplies (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 p. 193; ATF 137 I 69 consid. 2.5.1 ; 131 II 627 consid. 6.1 p. 637 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_151/2012 du 5 juillet 2012 consid. 4.2.1; 2C_1023/2011du 10 mai 2012 consid. 5). Les simples changements d’option dans le traitement des dossiers d’aménagement qui font notamment suite à des changements de législature, relèvent de l’opportunité et ne violent pas le principe de la bonne foi au sens de l’art. 9 Cst.

À cela s’ajoute le fait que le principe de la bonne foi n’est pas applicable dans le domaine de la planification territoriale, qui concerne un nombre indéterminé de personnes, auxquelles les intérêts de quelques-uns ne sauraient être opposés.

Au moment de leur adoption, les PLQ litigieux étaient ainsi, en tous points, conformes à la loi.

11) Reste à examiner si le litige qui oppose les consorts au Conseil d’État concernant les suites qu’il convient de donner à la motion - votée alors que les PLQ litigieux étaient d’ores et déjà adoptés, mais non entrés en force - est de nature à modifier ce résultat.

12) Selon l’art. 5 al. 3 LGZD, lorsque le Grand Conseil le demande par voie de motion, le département met au point, en liaison avec les propriétaires concernés et dans un délai de douze mois après l’adoption de la motion, un projet de PLQ, conformément à l’art. 6 LGZD (procédure d’approbation usuelle des PLQ).

Par l’adoption de cette disposition, le législateur a voulu se doter de la possibilité d’initier lui-même un projet de PLQ dans un périmètre situé en zone de développement lorsqu’un tel plan était inexistant, en fixant au département un délai contraignant (MGC 2001 31/VI 5553). La même disposition figure dans la loi sur l’extension des voies de communication et l’aménagement des quartiers ou localités du 9 mars 1929 (LExt - L 1 40) à l’art. 1 al. 4, applicable aux zones ordinaires. Cette prérogative du Grand Conseil déroge au régime général prévu par l’art. 5A al 1er LGZD (respectivement 1er al. 2 LExt), qui donne au département, au Conseil d’État et aux communes la compétence d’initier un tel plan. Elle constitue une lex specialis de ce point de vue. L’art. 5A al. 3 LGZD confère ainsi au Grand Conseil un droit d’initiative ; il n’a pas pour fonction de permettre au Grand Conseil d’intervenir dans le choix en opportunité qui est opéré par le département, ni de modifier la répartition des compétences fixée à l’art. 6 al. 9 LGZD (respectivement l’art. 5 al. 9 LExt), qui donne au Conseil d’État la compétence d’adopter les PLQ. La seule exception à ce système concerne l’opposition faite par une commune à un PLQ. Si le Conseil d’État entend la rejeter, il doit saisir le Grand Conseil et supporter la décision prise (art. 6 al. 10 LGZD, respectivement 5 al. 10 LExt).

La motion litigieuse est ainsi une motion ordinaire, fondée sur l’art. 143 de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève du 13 septembre 1985 (LRGC - B 1 01). Même s’il ressort clairement des débats et du contexte de la motion que le Grand Conseil souhaite une véritable refonte des quatre PLQ litigieux adoptés, prenant en compte le PLQ alternatif, il n’en demeure pas moins que cette manifestation de volonté a essentiellement une portée politique. Juridiquement, elle ne contraint le Conseil d’État qu’à présenter au Grand Conseil un rapport écrit, dans un délai de six mois à compter de la date de la motion, en motivant son refus s’il n’adhère pas à la proposition.

Le contrôle du respect de cette obligation par le Conseil d’État échappe à la chambre de céans, qui n’est pas compétente en cette matière (art. 132 LOJ a contrario).

13) Le raisonnement qui précède rend inutile l’audition, demandée par les consorts, de Mmes LESAGE et MEISSNER, de M. HODGERS et de la personne responsable au département de l’implantation du tramway dans le quartier des Semailles, car les faits devant être prouvés par ce biais, même s’ils étaient admis, ne seraient pas à même d’en modifier la pertinence.

Lesdites demandes d’audition seront donc rejetées.

14) Le recours sera en conséquence entièrement rejeté.

Un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement. Une indemnité conjointe et solidaire de CHF 1'000.- sera par ailleurs allouée aux appelés en cause, qui plaident par l’entremise du même avocat (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés le 11 décembre 2013 par Madame Martine CASUTT ETTER, Monsieur Daniel CASUTT, Mesdames Anita GYGER ETTER, Nathalie ETTER et Françoise FUSINAZ ETTER et le 13 décembre 2013 par l’association Les Passereaux, Madame Isabel AVILÈS ROMAN, Monsieur Marc BAIJOT, Madame Evelyne BLIN, Monsieur Bernard CATILLAZ, Madame Elena DE GIORGI, Monsieur Marco DE GIORGI, Madame Evelyne GANDILLON, Monsieur Lucien Marcel GINET, Madame Zareena JOOWALAY BAIJOT, Madame Irena LATOUR, Madame Elettra MAUVIS, Monsieur Jean-François MAUVIS, Monsieur Jérôme MEYER, Madame Sandrine MEYER, Madame Gisèle MOSER, Madame Laurence QUELOZ, Monsieur Antonio ROBLEDO, Monsieur Robert VÖLKI, Madame Rose-Marie VÖLKI, Monsieur Georges WAGNER et Monsieur Jean WAGNER, tous représentés par Me Michel Schmidt, contre les arrêtés du Conseil d'État du 13 novembre 2013 ;

au fond :

les rejette ;

met à la charge de l’association Les Passereaux, Madame Isabel AVILÈS ROMAN, Monsieur Marc BAIJOT, Madame Evelyne BLIN, Monsieur Bernard CATILLAZ, Madame Elena DE GIORGI, Monsieur Marco DE GIORGI, Madame Evelyne GANDILLON, Monsieur Lucien Marcel GINET, Madame Zareena JOOWALAY BAIJOT, Madame Irena LATOUR, Madame Elettra MAUVIS, Monsieur Jean-François MAUVIS, Monsieur Jérôme MEYER, Madame Sandrine MEYER, Madame Gisèle MOSER, Madame Laurence QUELOZ, Monsieur Antonio ROBLEDO, Monsieur Robert VÖLKI, Madame Rose-Marie VÖLKI, Monsieur Georges WAGNER et Monsieur Jean WAGNER, tous représentés par Me Michel Schmidt, un émolument de CHF 750.- , pris conjointement et solidairement ;

met à la charge Madame Martine CASUTT ETTER, Monsieur Daniel CASUTT, Mesdames Anita GYGER ETTER, Nathalie ETTER et Françoise FUSINAZ ETTER, un émolument de CHF 750.-, pris conjointement et solidairement ;

alloue une indemnité conjointe et solidaire de CHF 1'000.- à Clivaz Entreprise Générale SA et à Monsieur Jean-Paul CLIVAZ, appelés en cause, à la charge de l’association Les Passereaux, Madame Isabel AVILÈS ROMAN, Monsieur Marc BAIJOT, Madame Evelyne BLIN, Monsieur Bernard CATILLAZ, Madame Elena DE GIORGI, Monsieur Marco DE GIORGI, Madame Evelyne GANDILLON, Monsieur Lucien Marcel GINET, Madame Zareena JOOWALAY BAIJOT, Madame Irena LATOUR, Madame Elettra MAUVIS, Monsieur Jean-François MAUVIS, Monsieur Jérôme MEYER, Madame Sandrine MEYER, Madame Gisèle MOSER, Madame Laurence QUELOZ, Monsieur Antonio ROBLEDO, Monsieur Robert VÖLKI, Madame Rose-Marie VÖLKI, Monsieur Georges WAGNER et Monsieur Jean WAGNER, tous représentés par Me Michel Schmidt, pris conjointement et solidairement pour CHF 500.-, et de Madame Martine CASUTT ETTER, Monsieur Daniel CASUTT, Mesdames Anita GYGER ETTER, Nathalie ETTER et Françoise FUSINAZ ETTER, pris conjointement et solidairement, pour CHF 500.- ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel Schmidt, avocat des consorts, soit l’association les Passereaux, Madame Isabel AVILÈS ROMAN, Monsieur Marc BAIJOT, Madame Evelyne BLIN, Monsieur Bernard CATILLAZ, Madame Elena DE GIORGI, Monsieur Marco DE GIORGI, Madame Evelyne GANDILLON, Monsieur Lucien Marcel GINET, Madame Zareena JOOWALAY BAIJOT, Madame Irena LATOUR, Madame Elettra MAUVIS, Monsieur Jean-François MAUVIS, Monsieur Jérôme MEYER, Madame Sandrine MEYER, Madame Gisèle MOSER, Madame Laurence QUELOZ, Monsieur Antonio ROBLEDO, Monsieur Robert VÖLKI, Madame Rose-Marie VÖLKI, Monsieur Georges WAGNER et Monsieur Jean WAGNER, à Madame Martine CASUTT ETTER, Monsieur Daniel CASUTT, Mesdames Anita GYGER ETTER, Nathalie ETTER et Françoise FUSINAZ ETTER, au Conseil d'État, à Me Alain Veuillet, avocat de Clivaz Entreprise Générale SA et de Monsieur Jean-Paul CLIVAZ, appelés en cause, ainsi qu’à l’office fédéral du développement territorial ARE.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Dumartheray et Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :