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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/726/1997

ATA/182/1999 du 23.03.1999 ( GC ) , REJETE

Descripteurs : ; AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ; PLAN DIRECTEUR ; PLAN D'AFFECTATION ; ZONE AGRICOLE ; DÉCLASSEMENT
Normes : LAT.3.al2.leta
Parties : WWF - SECTION DE GENEVE / GRAND CONSEIL
Résumé : Le droit fédéral et le plan directeur cantonal obligent les autorités cantonales à protéger la zone agricole et à pratiquer un aménagement rationnel du territoire, notamment en cherchant à compenser le déclassement de la zone agricole par d'autres changements de zones. Si une telle compensation n'est pas possible, le déclassement peut néanmoins avoir lieu.
En fait
En droit
Par ces motifs

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 23 mars 1999

 

 

 

dans la cause

 

 

WWF (WORLD WIDE FUND FOR NATURE)- SUISSE et SECTION DE GENEVE

représenté par Me Karine Grobet Thorens, avocate

 

 

 

contre

 

 

 

 

GRAND CONSEIL

 



EN FAIT

 

 

1. Le 11 juin 1993, le Grand Conseil genevois a adopté une motion M 830-A invitant le Conseil d'Etat à poursuivre avec les propriétaires des périmètres de Champ-Joly et de Petites-Fontaines, sur la commune de Plan-les-Ouates, des pourparler en vue du déclassement éventuel de leurs terrains en zone à bâtir (Mémorial des séances du Grand Conseil 1993 p. 3274).

 

2. Cette motion faisait suite à des modifications de zones (création d'une zone de développement 3 et de zones de développement 4B destinées à des équipements publics) dans le même secteur, adoptées par le Grand Conseil le 23 janvier 1992 (Mémorial 1992 pp. 136 ss) et le 11 juin 1993 (Mémorial 1993 pp. 3246 ss).

 

3. La motion 830-A a abouti à un projet de loi n° 7538, adopté par le Grand Conseil le 24 janvier 1997 (Mémorial 1997 p. 415), déclassant une zone agricole d'environ 40'000 mètres carrés aux lieux-dits "Champ-Joly" et "Petites-Fontaines" pour en faire une zone de développement 3. Les oppositions formées notamment par le Fonds mondial pour la protection de la Nature (ci-après: WWF) étaient rejetées pour les motifs exposés dans le rapport de la commission chargée de l'examen de la loi.

 

A l'appui de cette dernière, l'exposé des motifs expliquait que ce secteur avait fait depuis de nombreuses années l'objet d'études en vue de sa densification. Le déclassement de la zone avait été fait en plusieurs étapes pour des raisons liées à la détermination du prix des terrains situés initialement en zone agricole, alors que d'autres terrains situés initialement en zone villa permettaient d'aller plus vite de l'avant. Le déclassement proposé permettrait la construction d'environ 37'000 mètres carrés de surface brute de plancher de logements répartis entre plusieurs bâtiments (Mémorial 1996 p. 7503-7505).

 

4. La zone considérée se trouve enchâssée entre une partie de la zone industrielle de Plan-les-Ouates et une zone villa relativement importante.

 

5. Dans son rapport de majorité, la commission chargée de l'étude de la loi proposait le rejet de l'opposition du WWF en relevant que contrairement à l'opinion de ce dernier, le déclassement n'était pas concerné par le moratoire décrété par le Grand Conseil le 27 avril 1995 dans la loi n° 7195 (Mémorial 1995 p. 1966), dont l'article 4 précisait:

 

"Le plan directeur cantonal sera complété, dans un délai de 2 ans dès l'entrée en vigueur de la présente loi, par un schéma d'aménagement de l'espace naturel et rural fixant notamment les modalités applicables aux compensations agro-écologiques lors de déclassement de terrains situés en zone agricole" (al. 1)

 

"Jusqu'à l'achèvement de la révision du plan directeur cantonal et de son schéma d'aménagement de l'espace naturel et rural, tout déclassement important de la zone agricole est suspendu. Demeurent réservés les projets et les procédures en cours" (al. 2)

 

Par ailleurs, le prix des terrains, fixé à fr. 150.- par mètre carré, ne pouvait être qualifié de trop élevé.

 

6. Par courrier posté le 24 juillet 1997, le WWF a recouru contre la loi n° 7538 auprès du tribunal administratif, en expliquant qu'il s'oppose à tout déclassement de terrain agricole d'une certaine importance si cette mesure ne fait pas l'objet d'une compensation. A défaut, la campagne genevoise, qu'il importe de protéger selon la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage et la loi fédérale sur la protection de l'environnement, diminuerait fortement. Le plan directeur cantonal exclut du reste de tels déclassements.

 

7. Dans ses observations ultérieures, le WWF a repris l'argument du moratoire décrété par le Grand Conseil le 27 avril 1995 en matière de déclassement de zone agricole, et soutient que le déclassement viole également les articles 3, 9 et 26 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), en faisant fi de la force obligatoire du plan directeur cantonal et de la nécessité de préserver au maximum les terres cultivables, soit d'utiliser au mieux les zones à bâtir déjà existantes. Selon le WWF, la commune de Plan-les-Ouates souhaite, pour y construire une école, obtenir la cession gratuite de terrains jouxtant la nouvelle zone de développement, et compte pour cela sur une opération de report de droits à bâtir sur la nouvelle zone. Un tel procédé n'est pas conforme aux buts de l'aménagement du territoire. A ce sujet le déclassement ne correspond pas à un besoin particulier, car les zones à bâtir existantes offrent suffisamment de possibilités. Un nombre important de logements ont du reste pu être construits ailleurs sur la commune. On ignore également quels types de logements seraient construits et qui sont les constructeurs potentiels. Le prix de fr. 150.- par mètre carré tel qu'il est envisagé pour les terrains déclassés ne justifie pas un déclassement aussi important.

 

8. Dans ses observations successives, la commune de Plan-les-Ouates s'est opposée au recours, en produisant notamment un projet de plan localisé de quartier n° 28'810 concernant la nouvelle zone de développement au lieu-dit "Champ-Joly", qui prévoit la construction de plusieurs immeubles à usage d'habitation.

 

9. Le Grand Conseil s'en est remis à l'appréciation du tribunal de céans.

 

10 Par arrêt du 13 janvier 1998, celui-ci a admis sa compétence pour connaître du présent litige.

 

11. Le 12 juin 1998, le tribunal a effectué un transport sur place lors duquel le WWF et le représentant de la commune de Plan-les-Ouates ont repris les arguments développés dans leurs écritures.

 

 

EN DROIT

 

 

1. Le tribunal de céans a déjà admis la recevabilité du présent recours par arrêt du 13 janvier 1998.

 

2. a. S'agissant d'une norme de rang supérieur et entrée en vigueur postérieurement (le 21 mars 1998), l'article 35 alinéa 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987 (LALAT - L 1 30) rend caduc l'article 1 alinéas 2 et 3 RLTA (entré en vigueur le 26 juin 1997). La différence entre ces normes réside dans le fait que, à supposer qu'elle l'ait été sous l'empire du RLTA, la compétence du tribunal de céans en matière de plans d'affectation n'est, à teneur du texte de la LALAT, plus limitée à l'examen des griefs recevables en recours de droit administratif.

 

b. Le pouvoir d'examen juridictionnel à propos des décisions appliquant les principes essentiels d'aménagement du territoire doit être reconnu de façon assez large, dans la mesure où la transgression de ces principes n'est pas seulement inopportune, mais constitue également une violation du droit (Office fédéral de l'aménagement du territoire, Etude relative à la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, Berne 1981, p. 93). Cependant, la présence dans la LAT d'un nombre important de notions juridiques indéterminées laisse à l'autorité chargée de son application une marge d'appréciation limitée seulement, en fin de compte, par l'excès ou l'abus (ibid).

 

Le pouvoir de contrôle que se reconnaît le Tribunal fédéral en cette matière se limite à admettre ou non le ou les intérêts publics justifiant telle mesure d'aménagement (ATF 119 Ia 411 consid. 2c p. 416), ainsi qu'à se livrer à l'examen du respect du droit fédéral sur lequel se fonde ou aurait dû se fonder l'acte litigieux (ATF 121 II 430 consid. 1c p. 432; 121 II 72 consid. 1a p. 75)

 

A cela, il faut ajouter que la délimitation des zones est une question qui relève surtout de la politique générale de l'aménagement du territoire (ATF 108 Ib 479 consid. 3c p. 484), et que le contrôle par le juge des choix opérés par le législatif dans ce domaine ne saurait par conséquent toucher aux pures questions d'opportunité.

 

Tels doivent être les considérations réglant, en matière de recours contre les plans d'affectation, le pouvoir d'examen du tribunal de céans, qui, outre le droit fédéral, contrôle aussi l'application du droit cantonal (art. 69 al. 1 LPA).

 

3. a. L'article 3 LAT définit un certain nombre de principes directeurs, dont la préservation du paysage et celle de l'agriculture, à laquelle il convient de réserver suffisamment de bonnes terres cultivables (al. 2 let. a), ainsi que la limitation des territoires destinés à l'habitation et aux activités économique (al. 3) .

 

Les articles 6 et suivants LAT, de même que les articles 4 et suivants de l'ordonnance sur l'aménagement du territoire du 2 octobre 1989 (OAT - RS 700.1) définissent le sens, le contenu et la procédure d'adoption des plans directeurs cantonaux. Ceux-ci désignent notamment les parties du territoire qui se prêtent à l'agriculture (art. 6 al. 2 let. a LAT). En outre, ils définissent au moins la façon de coordonner les activités qui ont des effets sur l'organisation du territoire, compte tenu du développement souhaité, ainsi que l'ordre dans lequel il est envisagé d'exercer ces activités et les moyens à mettre en oeuvre (art. 8 LAT). Les plans directeurs ont force obligatoire pour les autorités (art. 9 al. 1 LAT).

 

Les plans d'affectation règlent le mode d'utilisation du sol. Ils définissent en premier lieu les zones à bâtir, les zones agricoles et les zones à protéger (art. 14 LAT). Les zones à bâtir comprennent les terrains propres à la construction (art 15 LAT) qui sont déjà largement bâtis (let. a) ou qui seront probablement nécessaires à la construction dans les quinze ans à venir et seront équipés dans ce laps de temps (let. b).

 

L'article 12 alinéas 1 et 4 LALAT réserve la possibilité pour le Grand Conseil de délimiter, par la voie de plans d'affectation, des zones dites de développement dont le but est de favoriser l'urbanisation, la restructuration de certains territoires, l'extension des villages ou de zones existantes, ou la création de zones d'activités publiques ou privées. A l'intérieur de ces zones, le Conseil d'Etat peut, en vue de la délivrance d'une autorisation de construire, autoriser le département compétent à faire application des normes résultant de la zone de développement, en lieu et place de celles de la zone à laquelle elle se substitue.

 

b. Défini comme une somme d'instruments de planification (M. LENDI, Recht und Politik der Raumplanung, Zurich 1984, p. 98), le plan directeur "ne contient pas l'image de l'affectation future souhaitée de toutes les parcelles du canton, (mais) il définit en revanche une politique d'aménagement apte à aider les autorités à préciser ces affectations, au gré des décisions ponctuelles, et il met l'accent sur les questions de coordination entre ces autorités" (plan directeur du canton de Genève, du 15 septembre 1989, p. 10; cf aussi W. HALLER/P. KARLEN, Raumplanungs- und Baurecht, 2ème édition, Zurich 1992, n° 182; Office fédéral de l'aménagement du territoire, Etude relative à la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, Berne 1981, p. 130).

 

La force obligatoire - au sens du droit fédéral - du plan directeur vis-à-vis des autorités (art. 9 al. 1 LAT) se limite au contenu minimum imposé par l'article 8 LAT (Office fédéral de l'aménagement du territoire, op. cit, pp. 153 et 158), et ne doit en outre pas être comprise de façon trop absolue lorsqu'une solution globalement meilleure s'en écarte, étant rappelé que le plan directeur décrit à la fois la situation actuelle et l'évolution future de l'aménagement et qu'à ce titre, il est normal que des instruments de planification postérieurs au plan directeur rétroagissent sur ce dernier (ATF 119 Ia 362 consid. 4a p. 368 et références citées).

 

c. Les principes d'aménagement, tels que la nécessité d'éviter des zones de construction surdimensionnées, la protection des bases naturelles de la vie, le maintien des bases d'approvisionnement du pays, lient les autorités mais n'ont pas en eux-mêmes une signification absolue. Ils constituent plutôt des buts et des critères décisionnels à prendre globalement en considération (ATF 115 Ia 350 consid. 3d p. 353, et références citées)

 

Cette façon d'aborder le problème met l'accent sur les difficultés rencontrées lors de la pesée des intérêts en jeu, qui, en matière d'aménagement du territoire, peuvent être à la fois concurrents et de même nature (M. BIANCHI, La révision du plan d'affectation communal, Lausanne 1990, ad n° 3.3.5.1).

 

d. Au titre des intérêts publics à caractère environnemental qu'il convient de prendre en considération dans les mesures d'aménagement, on peut notamment citer la protection de l'environnement, des eaux, du sol, et de la nature et du paysage (M. LENDI, Rechtsfälle zum Raumplanungsrecht, Zurich 1993, p. 31 et ss).

En droit fédéral, seule une utilisation rationnelle du sol ainsi que la préservation d'une quantité suffisante de bonnes terres cultivables sont prescrites (art. 24 quater Cst. féd. et 3 al. 2 LAT). Le Tribunal fédéral rappelle ces principes de façon toute générale, sans matière à les préciser (ATF 121 II 307 consid. 5f p. 316; 119 Ia 300 consid. 3c p. 304; 112 Ib 404 consid. 3 p. 406), sauf dans le cas de l'ouverture d'une gravière en zone agricole, où il a souligné plus clairement que la préservation d'une quantité suffisante de bonnes terres agricoles est un intérêt public important (ATF 112 Ib 26 consid. 5c pp. 36 et ss).

 

Seules sont soumises à des normes impératives les surfaces d'assolement définies par l'OAT comme des terres cultivables (art. 16 al. 1) dont le maintien doit être garanti afin d'assurer l'approvisionnement alimentaire du pays au cas où le ravitaillement serait perturbé (al. 3), une surface minimale étant attribuée à chaque canton (art. 19 al. 1), à charge pour lui, par le biais de son plan directeur et en la classant dans la zone agricole, de la garantir sur son territoire (art. 20 al. 1 et 2).

 

En revanche, aucune norme n'interdit explicitement la diminution en termes absolus de la surface de zone agricole, contrairement à l'aire forestière, que la loi fédérale sur les forêts du 4 octobre 1991 (LFo - RS 921.0) protège de toute diminution en prévoyant la compensation de tout défrichement par un reboisement (art. 3 et 7).

 

e. La jurisprudence fédérale avait posé comme principe qu'un plan d'affectation ayant pour objet le déclassement d'une zone agricole en zone à bâtir devait respecter les mêmes conditions que celles posées pour une dérogation selon l'article 24 LAT (ATF 115 Ib 508 trad. in JdT 1991 I pp. 460 et ss). Le Tribunal fédéral a néanmoins récemment précisé qu'une telle affirmation reviendrait à rendre impossible tout développement de l'aménagement lorsque les conditions de l'article 24 LAT ne sont pas réalisées, ce qui ne peut être le sens de la loi. L'admissibilité d'un tel plan d'affectation dépend bien plutôt de savoir s'il obéit aux buts et aux principes qui le régissent selon la LAT. Le plan n'est contraire à l'article 24 LAT, et par conséquent illégal, que s'il s'agit par exemple de créer de façon inadmissible une petite zone à bâtir ou s'il se base sur des considérations ne prenant pas en compte les intérêts de l'aménagement qu'il met en péril (ATF 124 II 391 consid. 2c p. 393-394). Bien que dans cette cause, la parcelle à déclasser en zone à bâtir fût entièrement entourée par la zone agricole, le Tribunal fédéral a surtout constaté que cette mesure n'apportait qu'une modeste nouveauté, n'entraînant pas la nécessité d'un réexamen global de l'aménagement local, et que le projet litigieux, un manège, était concret et ne pouvait avoir été prévu à l'avance.

 

f. Sur recours du propriétaire d'une parcelle sise au lieu-dit "Petites Fontaines", qui protestait contre le fait que le plan d'affectation litigieux en l'espèce n'inclue pas son terrain dans la zone à déclasser, le Tribunal fédéral a considéré que celle-ci ne pouvait être pour l'heure qualifiée de secteur déjà largement bâti, au sens de l'article 15 lettre a LAT, et que le déclassement nécessitait donc la preuve d'un besoin au sens de la lettre b de cette même disposition. Niant précisément que ce besoin ait été démontré s'agissant des terrains laissés à l'écart par le plan d'affectation, le Tribunal fédéral ne s'est pas réellement prononcé sur l'existence d'un tel besoin concernant la zone déclassée, laissant au tribunal de céans, déjà saisi de la présente cause, le soin d'en décider. Il a cependant précisé que si l'on s'en tenait à l'exposé des motifs accompagnant la loi relative au plan d'affectation, soit au projet de construire 37'000 mètres carrés de plancher de logements, la zone déclassée prolongeait de façon cohérente la zone de développement créée précédemment, de sorte qu'il n'y avait pas d'erreur de planification manifeste (arrêt du Tribunal fédéral du 5 mars 1998 rendu en la cause 1P.264/1997, N. c. loi cantonale genevoise n° 7538 du 24 janvier 1997).

 

4. Le plan directeur du canton de Genève rattache la préservation de la zone agricole à des intérêts d'ordre économique et d'approvisionnement en temps de crise, notant qu'en 1982, cette zone s'étendait sur environ 13'300 hectares, soit sur 55% du territoire cantonal, dont 83% étaient effectivement consacrés à l'agriculture (p. 96). A ces intérêts s'ajoute celui d'une compensation naturelle à l'urbanisation, ce dont il résulte qu'il est indispensable de protéger au maximum les terres aptes à la culture situées dans la zone agricole (p. 154), en proscrivant les déclassements importants, mais en admettant des déclassements limités et ponctuels, pour répondre à un besoin précis, par exemple pour la construction d'équipements publics ou de logements sociaux (p. 128). "Une position très restrictive sera de mise lors de toute demande de déclassement d'une partie de la zone agricole. Seuls les besoins prépondérants de la population seront pris en considération et pour autant que les projets localisés de déclassement portent sur des terrains jouxtant des zones déjà bâties et ayant aujourd'hui objectivement perdu leur aptitude à la culture. Lors de l'examen de tout projet de déclassement devant conduire à une emprise au détriment des terres aptes à la culture situées en zone agricole, des solutions compensatoires seront recherchées, par exemple en reclassant en zone agricole des parcelles cultivées situées en zone à bâtir..." (p. 154).

 

S'agissant du territoire de Plan-les-Ouates, le plan sectoriel de l'urbanisation (p. 181 du plan directeur) montre que cette commune se trouvait en 1985 très largement en zone agricole. Les zones à bâtir, majoritairement la zone villa, étaient situées sur des surfaces déjà largement bâties. Seul un périmètre d'environ 200'000 mètres carrés, situé en zone de développement au nord du lieu-dit "La Butte", était exempt de construction.

 

5. a. Le pouvoir d'examen du tribunal de céans se limite en l'espèce au problème de savoir si la loi litigieuse est conforme au droit cantonal et fédéral, et ne saurait s'étendre à la question encore non résolue du prix pour lequel seront acquis les terrains, ni à la question de savoir si les autorités municipales et cantonales auraient pu gérer plus efficacement ce dossier. De même, les problèmes relatifs à une convention entre la commune de Plan-les-Ouates et certains propriétaires, ainsi qu'au projet de celle-ci d'obtenir la cession gratuite d'une partie des terrains, ne font pas l'objet de la loi attaquée, et ne seront par conséquent pas examinés.

 

b. Au titre de ses griefs recevables, la recourante soutient tout d'abord que le plan d'affectation ne respecte pas l'article 4 alinéa 2 de la loi 7195 adoptée le 27 avril 1995 par le Grand Conseil, suspendant provisoirement tout déclassement important de la zone agricole, sous réserve des projets et procédures en cours.

 

Indépendemment de savoir dans quelle mesure le Grand Conseil serait empêché de prendre des décisions s'opposant à d'autres décisions prises antérieurement par lui-même, force est de constater, contrairement à l'opinion de la recourante, que le plan d'affectation ne faisait certes par formellement l'objet d'un projet de loi lors de l'adoption de la loi 7195, mais que le déclassement lui-même était déjà un projet au sens de la motion M 830, adoptée le 11 juin 1993 par le Grand Conseil. Ce déclassement entre dès lors dans la réserve instituée par l'article 4 alinéa 2 da la loi 7195.

 

c. La recourante reproche en outre au Grand Conseil de ne pas avoir cherché à savoir si la zone déclassée correspondait réellement à un besoin.

 

Ainsi que le relève le Tribunal fédéral dans l'arrêt précité du 24 janvier 1997, l'exposé des motifs accompagnant la loi litigieuse justifie le déclassement par la construction future de 37'000 mètres carrés de surface brute de plancher de logements. Il est établi par ailleurs qu'un projet de plan localisé de quartier prévoit d'ores et déjà la construction de logements sur la plus grande partie de la zone couverte par le plan d'affectation.

 

Le plan directeur cantonal prend en compte un état des zones à bâtir en 1985, tel qu'il ressort du plan sectoriel de l'urbanisation. Il apparaît à la lecture de ce document qu'il y a près de quinze ans, la commune de Plan-les-Ouates ne disposait pratiquement d'aucun terrain libre de construction en zone à bâtir. Il n'est pas contestable que certaines tendances urbanistiques et démographiques relevées il y a dix ans par le plan directeur, tels que desserrement, vieillissement de la population ou décohabitation (p. 130), ont entraîné depuis lors une pression constante sur l'ensemble du territoire cantonal. La demande de logements, illustrée par la faiblesse du taux de vacance dans les catégories d'appartements de 2 pièces et demi à 6 pièces (art. 25 al. 2 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation du 25 janvier 1996 - LDTR - L 5 20; arrêté du Conseil d'Etat du 22 avril 1998, publié dans la Feuille d'avis officielle du 29 avril 1998), ne s'est pas relâchée depuis l'adoption du plan directeur cantonal, faisant passer à Plan-les-ouates le nombre de logement de 1'909 à 2'275 entre 1988 et 1996, soit une augmentation de 366 logements (Annuaire statistique du canton de Genève 1997, p. 203). Durant la même période, la population résidente de la commune est passée de 4'768 à 5'777 personnes, soit une augmentation de 1'009 individus (ibid. p. 51). Mises en parallèle, ces augmentations font apparaître une occupation de chaque nouveau logement par 2,75 personnes. A ce chiffre, qui ne trahit pas une sous-occupation, il faut ajouter la pression de phénomènes tels que la décohabitation, contribuant à accroître la demande de logements pour un nombre stable d'habitants.

 

Par ailleurs, la surface de la zone agricole de Plan-les-ouates est passée de 353,9 hectares en 1989 à 332,1 en 1996, ce qui représente une diminution de près de 22 hectares (Annuaires statistiques du canton de Genève 1991 et 1997, p.23, respectivement p. 17). Des diminutions aussi importantes sont également visibles dans d'autres communes telles que le Grand-Saconnex (-21 hectares) ou Meyrin (-57 hectares). Il faut à cet égard relever que comme ces deux communes, Plan-les-Ouates est située à la fois en bordure de la ville et près de la frontière, et que des infrastructures telles que la gare marchande de la Praille ou l'autoroute de contournement la jouxtent ou la traversent. Ce sont autant de facteurs exerçant une pression supplémentaire sur le territoire de la commune.

 

Il n'est dans ces conditions pas possible de suivre la recourante lorsqu'elle prétend que Plan-les-Ouates dispose certainement d'un réservoir de terrains libres en zone à bâtir, ce qu'au demeurant elle ne démontre pas.

 

Il faut encore observer que le périmètre à déclasser est situé depuis plusieurs années entre une zone villa et une zone industrielle. Même s'il est resté jusqu'à présent formellement en zone agricole, ce qui aurait pu par exemple justifier le refus d'autorisations de construire selon l'article 24 LAT, et même si cela ne signifie pas qu'un tel périmètre doive forcément passer un jour ou l'autre en zone à bâtir, la mesure d'aménagement consistant à urbaniser prioritairement un secteur déjà inclu à l'intérieur de la zone urbanisée, apparaît comme un choix logique et conforme à un aménagement rationnel du territoire (art. 24 quater Cst féd.). On ne saurait donc reprocher à la mesure incriminée un manque de cohérence, compte tenu du caractère d'ilôt que revêt le périmètre concerné.

 

d. Il n'apparaît pas non plus que le plan d'affectation litigieux contreviendrait de façon claire à d'autres principes de l'aménagement du territoire, par exemple en n'ayant pas entraîné au préalable une pesée soigneuse des intérêts en présence. L'intérêt à la préservation d'une quantité suffisante de bonnes terres agricoles se heurte en l'espèce à l'intérêt à la construction de nouveaux logements, dont le Tribunal fédéral a encore récemment admis qu'il s'agissait d'un intérêt public important (arrêt du 9 février 1999 en la cause 1P.552/1998, P. c. commune de P.). Le plan directeur cantonal prohibe les déclassements importants de zone agricole, tout en autorisant des déclassements ponctuels justifiés par un besoin prépondérant de la population, en particulier lorsque l'on a affaire à un secteur déjà bâti. Or comme il vient d'être dit, le plan litigieux en l'espèce est fondé sur un projet concret d'intérêt général. Il n'élude par conséquent ni le plan directeur cantonal ni l'article 24 LAT.

 

e. L'urbanisation croissante d'un petit canton comme Genève entraîne nécessairement de tels conflits d'intérêts, lesquels seront de plus en plus aigus à mesure que la partie du canton encore vouée à la nature et à l'agriculture se réduira. Il s'agit là cependant d'un problème qui n'a de chances d'être résolu qu'à travers des choix politiques et non par le tribunal de céans, qui se contente d'examiner au cas par cas la justification de certains déclassements.

 

f. S'agissant de la nécessité alléguée par la recourante de procéder à une compensation en reclassant en zone agricole des terrains actuellement en zone à bâtir, force est de constater au vu des principes ancrés dans la LAT et développés par la jurisprudence, qu'une telle obligation n'existe pas. Certes, la zone agricole doit être préservée, et probablement autant au titre de l'auto-suffisance alimentaire du pays qu'au titre de la protection de l'environnement au sens large, mais seules les surfaces d'assolement sont strictement garanties. L'interdiction absolue d'une diminution de la zone agricole n'existe pas, contrairement à celle que l'on trouve dans la LFo. Cette situation peut être qualifiée de regrettable selon l'angle sous lequel on se place, mais le droit actuel ne permet pas d'y remédier.

 

Quant au plan directeur cantonal, il force le Grand Conseil à rechercher des solutions compensatoires, sans pour autant empêcher le déclassement si une telle tentative reste vaine. La recourante ne démontre pas à cet égard qu'une compensation était possible en l'espèce.

 

En tous points mal fondés, le recours sera rejeté.

 

Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 24 juillet 1997 par le WWF (World Wide Fund for Nature) - Section de Genève contre la loi n° 7538 adoptée par le Grand Conseil le 24 janvier 1997;

 

au fond :

 

le rejette ;

 

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1'000.-;

dit que conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par devant le Tribunal fédéral; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il est adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

communique le présent arrêt à Me Karine Grobet Thorens, avocate de la recourante, ainsi qu'au Grand Conseil.

 


Siégeants : M. Schucani, président, M. Thélin, vice-président, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, M. Paychère, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

le greffier-juriste adj. : le vice-président :

 

N. Bolli Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci