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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1679/2008

ATA/500/2009 du 06.10.2009 ( FIN ) , REJETE

Recours TF déposé le 18.11.2009, rendu le 28.04.2010, REJETE, 2C_763/2009
Descripteurs : ; TAXE D'ENCOURAGEMENT AU TOURISME ; ASSUJETTISSEMENT(IMPÔT) ; FARDEAU DE LA PREUVE ; CHARGE DE PRÉFÉRENCE ; ÉGALITÉ DE TRAITEMENT ; LÉGALITÉ ; DÉLÉGATION LÉGISLATIVE
Normes : LTour.25 ; RTour.26 ; Cst.127
Résumé : L'art. 26 al. 4 RTour , qui soumet à la taxe de promotion du tourisme les activités économiques exercées à l'intérieur des centres commerciaux quelle que soit la localisation géographique de ces derniers dans le canton, est conforme à la délégation législative de l'art. 25 LTour. Pas d'inégalité de traitement entre les activités qui sont exercées dans les centres commerciaux et celles qui ne le sont pas.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1679/2008-FIN ATA/500/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 6 octobre 2009

1ère section

dans la cause

 

I______ Bâle
et
X______ RÉGION SUISSE ROMANDE
représentées par Me Pascal Pétroz, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE



EN FAIT

1. La X______ est une société coopérative ayant son siège à Bâle. Elle dispose dans le canton de Genève de plusieurs succursales X______ (supermarchés) et I______ (commerces spécialisés dans l’audiovisuel et l’électronique) situées dans des centres commerciaux.

2. Le 28 août 2007, le service des taxes sur le tourisme de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) a notifié aux succursales de X______ région Suisse romande (ci-après : X______) six bordereaux au titre de taxe de promotion du tourisme pour l’exercice 2007. Il s’agit des succursales situées aux adresses suivantes :

- Rue de Lausanne, zone A selon l’art. 12 du règlement d’application de la loi sur le tourisme du 22 décembre 1993 (RTour - I 1 60.01) ;

- Rue des Pâquis, zone A selon l’art. 12 RTour ;

- Centre commercial du Lignon, zone B selon l’art. 12 RTour ;

- Centre commercial Cardinal-Mermillod, zone B selon l’art. 12 RTour ;

- Centre commercial La Praille, zone B selon l’art. 12 RTour ;

- Centre commercial Eaux-Vives 2000, zone B selon l’art. 12 RTour.

3. En date du 27 septembre 2007, X______ a élevé réclamation contre lesdits bordereaux. Le règlement d’application de la loi sur le tourisme violait le principe de la légalité dans la mesure où l’art. 26 al. 4 RTour soumettait à la taxe précitée les activités économiques exercées à l’intérieur des centres commerciaux quelle que soit leur localisation dans le canton de Genève.

4. Le 27 décembre 2007, l’AFC a notifié aux succursales I______, division de X______ Bâle (ci-après : I______), huit bordereaux de taxe de promotion du tourisme. Il s’agit des succursales situées aux adresses suivantes :

- Aéroport de Genève, zone A selon l’art. 12 RTour ;

- Rue de Coutance 7, zone A selon l’art. 12 RTour ;

- Rue de Lausanne 20, zone A selon l’art. 12 RTour ;

- Rue de la Croix-d’Or 4, zone A selon l’art. 12 RTour ;

- Centre commercial Forum Meyrin-Feuillasse, zone B selon l’art. 12 RTour ;

- Centre commercial Eaux-Vives 2000, zone B selon l’art. 12 RTour ;

- Centre commercial Balexert, zone B selon l’art. 12 RTour ;

- Centre commercial Planète Charmilles, zone B selon l’art. 12 RTour.

5. I______ a déposé réclamation le 28 janvier 2008 contre lesdits bordereaux reprenant en substance l’argumentation déjà développée dans la réclamation de X______ du 27 septembre 2007. Elle a également fait valoir, à l'appui de son raisonnement, qu'elle était "active dans le domaine de l'électronique grand public" et qu'elle se qualifiait de "commerce de proximité par excellence". En conséquence, elle était peu susceptible d'intéresser les touristes.

6. Par deux décisions du 10 avril 2008, l’AFC a rejeté les deux réclamations susmentionnées. La clause de délégation législative de l’art. 25 de la loi sur le tourisme du 24 juin 1993 (LTour - I 1 60) constituait une base légale suffisante pour définir l’assujettissement des entreprises énumérées à l’art. 26 RTour. La clause prévue à l’art. 26 al. 4 RTour se justifiait dans la mesure où les centres commerciaux étaient réputés drainer des personnes résidant hors du canton de Genève quelle que soit la localisation desdits centres. Par ailleurs, les succursales concernées n’avaient en l’occurrence pas apporté la preuve libératoire prévue à l’art. 29 al. 4 RTour selon laquelle elles n’entretiendraient aucune relation commerciale directe ou indirecte avec des personnes résidant hors du canton de Genève.

7. Le 13 mai 2008, tant X______ qu’I______ ont recouru contre ces décisions auprès du Tribunal administratif. Elles ont conclu à l’annulation de la décision entreprise en invoquant la violation du principe de la légalité en rapport avec l’art. 25 LTour ainsi que la violation du principe de l’égalité de traitement entre concurrents.

L'art. 25 LTour était violé puisque le règlement d'application qui y était relatif étendait le cercle des contribuables en assujettissant à la taxe sur le tourisme tous les points de vente X______ se trouvant dans un centre commercial, quelle que soit leur localisation dans le canton de Genève. En procédant de la sorte, le règlement ne respectait pas les critères d'assujettissement définis par la loi, soit l'importance des retombées du tourisme et la rentabilité des affaires ainsi que l'importance touristique du secteur géographique où s'exerçait l'activité en question.

La délégation de compétence faite par la loi au Conseil d'Etat ne lui permettait d'assujettir que les bénéficiaires directs ou indirects du tourisme. Par le biais de l'art. 26 al. 4 RTour, le Conseil d'Etat a fondé l'assujettissement sur le seul fait d'exercer une activité économique dans un centre commercial quelle que soit sa localisation géographique. Ce faisant, il avait tenu compte d'un critère d'assujettissement non prévu par la loi, outrepassant la délégation législative qui lui avait été accordée.

Le fait d'assujettir à la taxe les succursales se trouvant à l'intérieur de centres commerciaux sis en zone B était de surcroît contraire au principe d'égalité de traitement entre concurrents. En effet, les commerçants sis en zone B étant exonérés du paiement de la taxe, les recourantes étaient moins bien traitées que leurs concurrents du fait de leur localisation dans un centre commercial.

8. Par décision du 16 mai 2008, le Tribunal administratif a joint les deux recours en une seule procédure (A/1679/2008).

9. Dans sa réponse du 10 juillet 2008, l’AFC a conclu au rejet des recours.

La disposition de l’art. 26 al. 4 RTour prévoyant que ces entreprises étaient également soumises aux taxes prévues à l’art. 26 al. 2 et 3 RTour lorsque les activités économiques étaient exercées à l’intérieur de centres commerciaux, quelle que soit leur localisation, était justifiée. En effet, on pouvait présumer que les centres commerciaux sis à Genève étaient susceptibles d’être fréquentés par des clients provenant de l’extérieur du canton, même s’ils n'étaient pas localisés dans le secteur A au vu de leur taille, leur accessibilité et la variété de choix qu’ils proposaient. Cet alinéa ne s’écartait ainsi en rien de la délégation législative de l’art. 25 al. 2 LTour précisant que le règlement d’application devait prendre en compte le critère de l’importance des retombées du tourisme et de la rentabilité des affaires pour l’activité économique considérée.

La taxe d’encouragement au tourisme devait être qualifiée de charge de préférence. L’avantage particulier dont l’administré bénéficiait en contrepartie pouvait être uniquement potentiel. Si la charge de préférence devait correspondre aux avantages économiques et juridiques objectifs dont le contribuable bénéficiait et à son intérêt à l’acte étatique, une estimation forfaitaire de cet intérêt était néanmoins admissible à condition de ne pas être arbitraire. La fondation pour le tourisme et l’office du tourisme utilisant effectivement le produit de ces taxes afin de promouvoir le tourisme dans le canton de Genève, les commerces retiraient un avantage économique direct de la promotion touristique dans le canton de Genève.

La taxe pour la promotion du tourisme avait été également qualifiée d’impôt d’affectation. Pour ce type d’impôt, le calcul ne s’effectuait pas sur la base d’avantages concrètement prouvés mais de manière abstraite sur la base de critères définis schématiquement. Les coûts pour la promotion touristique pouvaient de manière admissible être répercutés sur le cercle de personnes qui tiraient un profit économique des visiteurs extérieurs. Les différentes succursales des recourantes entraient à l’évidence toutes dans la catégorie des commerces qui pouvaient être fréquentés aussi bien par la clientèle locale que par les visiteurs étrangers, touristes en général. Il était d’ailleurs impossible aux recourantes de fournir une liste exhaustive de leurs clients. Elles n’étaient donc pas en mesure de fournir la preuve libératoire de l’art. 29 al. 4 RTour.

Même si les touristes n'étaient pas la clientèle principalement visée par les recourantes, il était indéniable que celles-ci pouvaient aussi profiter du passage de visiteurs étrangers au canton de Genève dans leurs établissements et pouvaient de ce fait profiter directement ou indirectement des retombées du tourisme. Les recourantes ne pouvant établir qu’elles n’entretenaient aucune relation commerciale avec des personnes résidant hors du canton de Genève, on ne pouvait que conclure qu’elles bénéficiaient potentiellement, ne serait-ce qu’indirectement des retombées du tourisme à Genève. Leur assujettissement était de ce fait pleinement conforme à l’art. 25 al. 1 et 2 LTour.

Il n’était pas arbitraire de considérer que les entreprises situées à l'intérieur des centres commerciaux étaient plus susceptibles que les autres d’attirer une clientèle étrangère au canton quelle que soit la localisation de ces derniers. L’art. 26 al. 4 RTour respectait donc parfaitement les critères généraux d’assujettissement fixés par l’art. 25 al. 2 LTour.

Enfin, la situation de fait des commerces situés à l’intérieur de centres commerciaux n’était pas identique et comparable à celle d’entreprises avec le même type d’activité mais situées en dehors de centres commerciaux, ceux-ci étant beaucoup plus susceptibles d’attirer une clientèle résidant hors du canton que les entreprises exerçant le même type d’activité dans le même secteur, mais situées en dehors d’un centre commercial. Les situations de faits n’étant pas semblables, il était parfaitement justifié de prendre en compte ce critère et de traiter ces activités différemment, selon qu’elles étaient exercées à l’intérieur ou en dehors d’un centre commercial.

10. Par pli du 30 septembre 2008, le juge délégué a accordé aux recourantes un délai au 24 octobre 2008 pour déposer des observations complémentaires ou pour solliciter une mesure d’instruction. Sans réponse dans le délai imparti, la cause était gardée à juger.

11. Dans un courrier du 24 octobre 2008 adressé au Tribunal administratif, les recourantes ont sollicité un transport sur place dans leur succursale du Lignon, ainsi que dans toutes autres succursales pour lesquelles le tribunal estimerait cette mesure utile afin d’apporter la preuve libératoire de l’art. 29 al. 4 RTour selon laquelle les recourantes n’entretenaient aucune relation commerciale avec des personnes résidant hors du canton de Genève.

Les allégués des recourantes devaient être considérés comme admis pour le cas où par impossible le tribunal de céans ne devait pas donner une suite favorable à la requête précitée.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon les recourantes, le règlement d'application est contraire à la délégation législative de l'art. 25 LTour parce qu'il a indûment élargi le cercle des contribuables, en s'écartant des critères retenus par l'art. 25 al. 2 LTour.

3. La LTour a été modifiée par une novelle entrée en vigueur le 1er janvier 2007.

En vertu de l'art. 17 let. d LTour, il est perçu une taxe de promotion du tourisme.

L'art. 19 LTour prévoit que sont assujettis au paiement des taxes de tourisme les bénéficiaires économiques directs ou indirects du tourisme, exerçant les activités ou fournissant les prestations énumérées aux art. 25 à 27.

Aux termes de l'art. 11 al. 1 RTour, retirent un avantage direct du tourisme ceux qui sont en relations d'affaires directes avec des visiteurs extérieurs, soit en leur fournissant des services, soit en leur vendant des marchandises. Selon l'al. 2, retirent un avantage indirect du tourisme, ceux qui travaillent en relation avec des entreprises qui satisfont des besoins des visiteurs extérieurs.

4. L'art. 25 al. 1 LTour stipule qu'il est perçu une taxe de promotion du tourisme auprès des entreprises qui exercent une activité économique ou commerciale bénéficiant des retombées directes ou indirectes du tourisme. Par entreprise, on entend tant le siège ou établissement principal que la succursale ou tout autre établissement secondaire.

L'al. 2 prévoit que l'assujettissement à la taxe ainsi que le montant de la taxe de base applicable à chaque activité économique sont déterminés par le règlement d'application en fonction des critères suivants :

a) importance des retombées du tourisme et rentabilité des affaires pour l'activité économique considérée ;

b) importance touristique du secteur géographique où s'exerce l'activité en question.

  Selon l'art. 24 al. 1 RTour sont assujettis à la taxe de promotion du tourisme en fonction de leur localisation géographique ceux qui exercent une activité économique inclue dans la liste de l'art. 26 al. 2 et 3.

  Le second alinéa de cette disposition précise que les établissements principaux et les succursales sont assujettis et taxés séparément, chaque établissement ou succursale faisant l'objet d'une taxation selon les caractéristiques qui lui sont propres.

Le Conseil d'Etat a défini deux secteurs géographiques, A et B. Le secteur A, dont le périmètre figure sur les plans annexés au RTour et qui en fait partie intégrante, regroupe les zones proches du centre-ville, du lac et de l'aéroport (art. 12 al.1 RTour). Le secteur B le reste du canton. Certaines activités ne sont taxées que si elles sont localisées dans le secteur A et d'autres indépendamment de leur localisation (art. 26 al. 3 RTour).

L'art. 26 al. 2 ch. 23 RTour assujettit les supermarchés et hypermarchés à une taxe de base de CHF 750.- lorsque ceux-ci sont localisés dans le secteur A. Selon l'art. 26 al. 2 ch. 27 RTour, il en va de même pour les magasins d'appareils audiovisuels et de photographie.

De plus, l'art. 26 al. 4 RTour dispose que les activités économiques exercées à l'intérieur des centres commerciaux sont soumises aux taxes prévues aux al. 2 et 3, quelle que soit leur localisation.

5. L'art. 29 al. 4 RTour offre au débiteur de la taxe qui conteste son assujettissement de prouver, avec indication des motifs et production des pièces justificatives utiles, que lui ou son entreprise n'entretiennent aucune relation commerciale, directe ou indirecte, avec des personnes résidant hors du canton de Genève.

Les recourantes n'ont apporté aucun élément permettant d'établir qu'elles n'entretenaient aucune relation commerciale de nature directe ou indirecte avec des personnes résidant hors du canton de Genève pour les succursales visées par les bordereaux de taxation contestés. Par courrier du 24 octobre 2008 elles ont invité, à cette fin, le tribunal de céans à procéder à un transport sur place dans leur succursale du Lignon ainsi que dans toutes autres pour lesquelles le tribunal estimerait cette mesure utile.

a. Selon l’art. 20 al. 1 LPA, l’autorité réunit les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision ; elle apprécie les moyens de preuve des parties.

b. L’autorité ne doit et ne peut rechercher que les informations nécessaires à sa décision. En outre, les parties ont le devoir de collaborer à la recherche des preuves (B. KNAPP, Précis de droit administratif, 4ème éd. Bâle, 1991, n. 2018-2021 p. 419). En matière fiscale, l’autorité doit, en principe apporter la preuve des éléments imposables alors que le contribuable doit établir les faits permettant de diminuer ou de supprimer sa dette fiscale. Si des indices précis rendent vraisemblable l’existence des conditions fondant l’obligation fiscale, l'autorité peut sans arbitraire exiger du contribuable qu’il apporte la preuve du contraire (ATF 121 II 257 consid. 4c p. 266 ; Arrêt du Tribunal fédéral du 14 mars 1995, publié in Revue fiscale 1995, p. 348 consid. 2d p. 351 ; Archives 62 p. 720 consid. 5b p. 729 ; 55 p. 624 consid. 3a p. 627 ; 39 p. 284 consid. 3c p. 288 ; W. RYSER/B. ROLLI, Précis de droit fiscal suisse, 3ème éd. Berne 1994 pp. 58-59 ; E. KÄNZIG/U. R. BEHNISCH, Die direkte Bundessteuer, IIIème partie, 2ème éd. n. 20 ad. art. 88).

c. Selon un principe généralement admis en matière fiscale, si l'administration supporte le fardeau de la preuve de l'existence d'éléments imposables, il incombe à celui qui prétend à l’existence d’un fait de nature à éteindre ou à diminuer sa dette fiscale d’en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l’échec de celle-ci (RDAF 1998 II p. 25 et les références citées ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_288/2008 du 1er octobre 2008 ; ATA/237/2009 du 12 mai 2009).

Un transport sur place du tribunal de céans n'est pas en mesure d'établir de manière pertinente et déterminante quel type de clientèle fréquente les succursales des recourantes. En effet, un tel déplacement aurait lieu un jour précis pour un laps de temps restreint. Pour qu'une telle mesure soit efficace, il faudrait qu'un comptage de la clientèle et de sa provenance ait lieu par voie de sondage et soit effectué de manière répétée en différentes périodes de l'année aussi bien en semaine que le week-end, ce que les recourantes pouvaient faire entreprendre par des sociétés spécialisées dès la notification des bordereaux litigieux. En conséquence, l'offre de preuve des recourantes n'est pas apte à apporter la preuve libératoire de l'art. 29 al. 4 RTour. Partant elle doit être écartée car elle n'est pas pertinente.

6. Les recourantes invoquent tant une violation de l'art. 25 LTour qu'une violation du principe de la légalité. En effet, le règlement d'application étend le cercle des contribuables de manière indue en assujettissant les succursales de la X______ et d'I______ se trouvant dans des centres commerciaux et quelle que soit la localisation géographique de ces derniers. De même, l'assujettissement des succursales situées dans le secteur A n'est pas exempt de toute critique puisque d'après les recourantes, le touriste, dont la vocation principale est la fréquentation des restaurants (sic), n'aurait aucune raison de fréquenter leurs succursales.

7. a. D'après la jurisprudence relative au principe de la légalité qui est garanti par l'art. 4 aCst.- actuellement art. 127 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) - et qui comprend celui de la séparation des pouvoirs, la perception de contributions publiques - à l'exception des émoluments de chancellerie - doit être prévue, quant à son principe, dans une loi au sens formel ; si cette dernière délègue à l'organe exécutif la compétence d'établir une contribution, la norme de délégation ne peut constituer un blanc-seing en faveur de cette autorité ; elle doit indiquer, au moins dans les grandes lignes, le cercle des contribuables, l'objet et la base de calcul de cette contribution (ATF 122 I 61, p. 63).

b. Dans une jurisprudence bien établie, le tribunal de céans a admis la constitutionnalité de principe des taxes perçues en vertu de la LTour et en particulier de la taxe d'encouragement au tourisme, dont la dénomination a été changée en taxe de promotion du tourisme suite à la modification législative entrée en vigueur en 2007. Le tribunal de céans a qualifié ces taxes de charges de préférence. Il a rappelé que l'avantage particulier dont l'administré bénéficie, en contrepartie de la charge de préférence, peut être simplement potentiel. Si la charge de préférence doit correspondre aux avantages économiques et juridiques objectifs dont le contribuable bénéficie et à son intérêt à l'acte étatique, une estimation forfaitaire de cet intérêt est néanmoins admissible, à condition de ne pas être arbitraire. Il suffit donc, pour examiner si la LTour repose sur des motifs raisonnables, de considérer que la fondation pour le tourisme et l'office du tourisme utilisent effectivement les produits des taxes visées à l'art. 17 LTour afin de promouvoir le tourisme dans le canton de Genève. Il n'apparaît pas possible, au vu des exigences de la pratique, de prouver précisément, d'une part, que la promotion touristique a entraîné au cours d'une année déterminée un afflux plus important de touristes et, d'autre part, que chaque commerce a effectivement bénéficié, au cours de cette même année de référence, de la visite de touristes-acheteurs. Il est ainsi admissible de considérer que, d'une manière générale, la promotion touristique entraîne une fréquentation plus grande de touristes dans le canton de Genève et que les commerces retirent un avantage économique direct de cette fréquentation (ATA/524/2007 du 16 octobre 2007 et les références citées).

c. Le législateur a eu clairement l'intention d'assujettir à la taxe litigieuse un cercle étendu de contribuables, les travaux préparatoires précisant qu'il appartiendra au règlement d'application de désigner dans le détail les activités retenues qui, selon les diverses études consultées et l'expérience générale, sont celles qui réalisent une partie de leur chiffre d'affaires grâce aux visiteurs extérieurs (MGC 1993 I, p. 639-640). Il résulte des travaux préparatoires ayant présidé aux modifications entrées en vigueur le 1er janvier 2007 que le législateur avait l'intention d'élargir encore le cercle des assujettis (MGC 2004-2005/IV A 2049).

d. Si la charge de préférence doit correspondre aux avantages économiques et juridiques objectifs dont le contribuable bénéficie et à son intérêt à l'acte étatique (ATF 111 Ia 326), une estimation forfaitaire de cet intérêt est néanmoins admissible, à condition de ne pas être arbitraire (B. KNAPP, Précis de droit administratif, 4e édition, Bâle 1991 p. 583). Des différences de fait peu importantes ne doivent pas nécessairement se traduire par des règles de droit différentes. Le législateur n'est pas tenu de se soucier de particularités négligeables. Ainsi, l'art. 4 aCst (actuel art. 127 Cst) ne s'oppose pas à un certain schématisme dans les solutions légales ; un recours à des critères abstraits, fondés sur des moyennes et aisément applicables, se concilie avec la constitution, s'il ne heurte pas le sens de l'équité (ATF 122 I 61, p. 67 ; ATF 111 Ia 324; 109 Ia 325 ; M.-O. BUFFAT, Les taxes liées à la propriété foncière, en particulier dans le canton de Vaud, 1989, p. 71). La doctrine admet même que les exigences pratiques puissent contraindre l'Etat à des inégalités de traitement, si le respect de l'égalité dépasse les possibilités de l'administration (X. OBERSON, Les taxes d'orientation, 1991, p. 200, cité in ATA/530/1995 du 10 octobre 1995).

e. Dans le domaine du droit fiscal, auquel se rattachent les dispositions légales concernées, le Tribunal fédéral n'exige pas que pour être compatible avec l'interdiction de l'arbitraire découlant de l'art. 4 aCst, actuellement art. 9 Cst, une disposition légale soit parfaitement équitable dans tous les cas imaginables. Il peut en effet être nécessaire d'établir des distinctions selon des critères clairs et facilement compréhensibles. Il est possible que de telles distinctions soient équitables dans la majorité des cas et ne le soient pas dans certains cas limites. Lorsqu'il en est ainsi, la solution adoptée pour des raisons de simplification ne peut pas être considérée comme une inégalité inadmissible, en tant du moins qu'elle n'entraîne pas dans son application concrète des conséquences absolument inéquitables (JdT 1978, 172 ; ATF 100 Ia 328 ; 99 Ia 580 ; ATA du 30 mai 1995 en la cause B.).

Ainsi, sous réserve d'inégalité flagrante, la norme constitutionnelle ne peut que garantir globalement l'égalité de traitement entre les justiciables (ATF 118 Ia 4 ; ATA/333/2009 du 30 juin 2009 ; ATA/530/1995 du 10 octobre 1995 et les références citées).

 8. En l'espèce, l'argumentation des recourantes selon lesquelles leurs succursales sises dans le secteur A ne devraient pas être assujetties à la taxe litigieuse ne résiste pas à l'examen.

Tout d'abord, le secteur A est extrêmement limité. Hormis le périmètre de Cointrin Palexpo, il comporte le pourtour de la Rade, le quartier des Pâquis jusqu'à la gare, la Vieille-Ville avec les rues basses et le quartier des Banques ainsi que les parcs le long du quai Gustave Ador. Le quartier des Eaux-Vives en est exclu.

Il a été admis lors des travaux préparatoires que les commerces situés dans le centre-ville réalisaient une partie de leur chiffre d'affaires grâce aux touristes (MGC 1993/I p. 640). Vouloir en exclure les supermarchés et hypermarchés ainsi que les magasins d'audiovisuels et de photographie au seul motif que les touristes ne fréquentent que les restaurants relève de l'argumentation spécieuse. On peine à comprendre pourquoi il faudrait écarter de l'assujettissement à la taxe les magasins d'objets d'utilisation courante ou de première nécessité d'un secteur notoirement touristique. Quel que soit l'article de première nécessité oublié ou perdu, le réflexe de se rendre dans une grande surface à proximité de l'hôtel dans lequel on loge ou près du restaurant qu'on vient de quitter ne paraît nullement aberrant. De même, il n'y a aucune raison d'exclure de l'assujettissement les commerces d'appareils audiovisuels et de photographie. S'il y a une occupation caractéristique du touriste, c'est bien celle de prendre des photographies. Quoiqu'en pensent les recourantes, il n'est pas illogique d'imaginer que les touristes ne se cantonnent pas aux seuls achats de produits de luxe. L'argument selon lequel les produits d'I______ sont trop bon marché pour intéresser le touriste n'est donc ici d'aucun secours aux recourantes.

9. Reste à examiner si en soumettant à la taxe les activités économiques exercées à l'intérieur des centres commerciaux quelle que soit la localisation de ces derniers, le Conseil d'Etat a outrepassé la délégation législative qui lui était conférée par l'art. 25 LTour.

Au vu des jurisprudences rappelées ci-dessus, le principe de la légalité ne s'oppose pas à un certain schématisme dans la solution légale adoptée. L'interdiction de l'arbitraire est respectée si les distinctions établies selon des critères clairs et aisément compréhensibles sont équitables dans la majorité des cas.

a. Selon l'intimée, par leur nature, leur taille, leur accessibilité, la variété des choix qu'ils proposent, on peut présumer que les centres commerciaux sis à Genève sont susceptibles d'être fréquentés par des clients provenant de l'extérieur du canton même s'ils ne sont pas localisés dans le secteur A.

La prémisse n'est pas erronée en soi : il est notoire que les centres commerciaux ont un coefficient d'attractivité plus important sur le client que les magasins isolés, de par la concentration de boutiques variées qu'ils proposent dans un espace restreint. Il y a d'ailleurs bien des destinations qui doivent en grande partie leur attrait touristique aux centres commerciaux qu'elles abritent. L'argument de la recourante consistant à dire que le règlement introduit un nouveau critère d'assujettissement en soumettant à la taxe toutes les activités économiques qui se déroulent dans un centre commercial méconnaît le coefficient d'attractivité représenté par les centres commerciaux. C'est en tant qu'ils sont plus alléchants qu’un magasin isolé que ceux-ci sont ciblés par le règlement.

b. Reste à déterminer si le règlement pouvait soumettre à la taxe les activités commerciales regroupées dans les centres commerciaux quelle que soit leur localisation géographique, la zone B étant moins touristique que la zone A.

Depuis l'adoption de la loi en 1993, la configuration de la Ville de Genève a profondément changé et on a assisté au développement de nouveaux quartiers à vocation commerciale plus éloignés du centre-ville qui regroupent notamment des entreprises aussi bien horlogères que bancaires tels que la Praille ou le Grand-Lancy. Il est admis que Genève attire un tourisme d'affaires lié en particulier à l'organisation de congrès ou aux multiples réunions découlant d'une économie diversifiée (MGC 1993/I p. 625). Il est donc désormais possible aux visiteurs qui viennent à Genève de se rendre directement de l'aéroport à leur lieu de rendez-vous sans passer par le centre-ville. Il s'en suit que les centres commerciaux sis dans ces quartiers n'ont plus vocation à satisfaire uniquement la clientèle locale mais également cette catégorie appartenant au tourisme d'affaires qui pour une raison ou une autre peut avoir besoin de faire appel aux activités qu'ils regroupent.

Les recourantes perdent également de vue que le canton de Genève est très proche de la frontière française. Depuis toujours cette configuration est à l'origine d'un tourisme qu'on pourrait qualifier de "régional" avec échanges transfrontaliers en fonction de l'évolution des prix de part et d'autre de la frontière A cet égard, la situation des centres commerciaux sis sur les grands axes routiers, et permettant à ce type de consommateurs d'éviter d'entrer dans la ville, est particulièrement attractive.

A la lumière de ces considérations, l'introduction par la novelle du 1er janvier 2007 de l'assujettissement à la taxe pour toutes les activités qui se déroulent dans les centres commerciaux et quelle que soit leur localisation géographique, est justifiée.

En conséquence, même si dans quelques cas limites le niveau de la fréquentation touristique de certains centres commerciaux pourrait être mis en doute, la solution adoptée par le règlement est conforme aux principes jurisprudentiels rappelés ci-dessus, une prise en compte complète de tous les facteurs de chaque cas rendant l'application de la loi trop compliquée. Il s'ensuit que l'art. 26 al. 4 RTour est conforme à la délégation législative de l'art. 25 LTour.

10. Enfin, les recourantes ont invoqué une violation du principe de l'égalité de traitement entre concurrents.

a. Selon le principe de l'égalité de traitement entre personnes appartenant à la même branche économique découlant de l'art. 27 Cst., sont interdites les mesures qui causent une distorsion de la compétition entre concurrents directs, c'est-à-dire celles qui ne sont pas neutres sur le plan de la concurrence (ATF 130 I 26 consid. 6.3.3.1 p. 53). On entend par concurrents directs les membres de la même branche qui s'adressent avec les mêmes offres au même public pour satisfaire les mêmes besoins (J.-F. AUBERT, P. MAHON, Petit commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, éd. 2003, art. 27, p. 234 ss, n° 17). L'égalité de traitement entre concurrents n'est cependant pas absolue et autorise des différences, à condition que celles-ci reposent sur une base légale, qu'elles répondent à des critères objectifs et résultent du système lui-même ; il est seulement exigé que les inégalités ainsi instaurées soient réduites au minimum nécessaire pour atteindre le but d'intérêt public poursuivi (ATF 125 I 431 consid. 4b/aa p. 435-436 et la jurisprudence citée ; ATA/222/2009 du 5 mai 2009).

b. Le principe de l'égalité dans la loi s'adresse au législateur, tant formel que matériel. Il signifie que le législateur - fédéral, cantonal, communal - doit respecter le principe d'égalité lorsqu'il adopte des lois. Selon la jurisprudence, le principe d'égalité interdit, dans ce contexte, de faire, entre divers cas, des distinctions qu'aucun fait important ne justifie, ou de soumettre à un régime juridique identique des situations de fait qui présentent entre elles des différences importantes et de nature à rendre nécessaire un traitement différent (A. AUER, G. MALINVERNI, M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, Berne 2000, n° 987, p. 483).

  Le principe d'égalité interdit à la fois les distinctions et les assimilations injustifiées. Mais pour que le principe d'égalité puisse trouver à s'appliquer, une condition préalable doit être réalisée : les situations doivent être comparables, ou analogues (ATA/3/2004 du 6 janvier 2004 ; ibid., n° 991, p. 484).

Au vu de ce qui précède, la situation de fait des commerces situés à l'intérieur de centres commerciaux n'est pas identique ni comparable à celle d'entreprises ayant le même type d'activité mais situées en dehors de tels centres. En effet, l'attractivité des premiers est largement supérieure aux autres tant pour la facilité d'accès que la multiplicité de l'offre qui est proposée.

Les situations de fait n'étant pas semblables, il se justifie de prendre en compte ce critère et de traiter ces activités de manière différente selon qu'elles sont exercées à l'intérieur ou en dehors d'un centre commercial. Le RTour traitant de manière différente deux situations de fait qui ne sont pas identiques, il n'y a pas de violation du principe de l'égalité de traitement. Cet argument doit également être rejeté.

11. Entièrement mal fondés, les recours sont rejetés. Un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge des recourantes conjointement et solidairement (art. 87 LPA). Il ne sera pas alloué d'indemnité.

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable les recours interjetés le 13 mai 2008 par X______ région Suisse romande et par I______ division X______ Bâle contre les décisions de l'administration fiscale cantonale du 10 avril 2008 ;

au fond :

les rejette ;

met à la charge de X______ région suisse romande et d'I______ division X______ Bâle, prises conjointement et solidairement, un émolument de CHF 2'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d'indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal Pétroz, avocat des recourantes ainsi qu'à l'administration fiscale cantonale.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy et Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :