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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3288/2012

ATA/476/2013 du 30.07.2013 ( TAXIS ) , REJETE

En fait
En droit

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3288/2012-TAXIS ATA/476/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 juillet 2013

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur R______
représenté par Me Yves Nidegger, avocat

contre

SERVICE DU COMMERCE



EN FAIT

Monsieur R______, domicilié à Genève, exerce la profession de chauffeur de taxi.

Le 24 août 2009, l'intéressé a obtenu du service du commerce (ci-après : Scom) l'autorisation d’exploiter un taxi de service public en qualité d’indépendant et a réglé un montant de CHF 60'000.- au titre de la taxe unique prévue par l'art. 58 al. 5 de la loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles) du 21 janvier 2005 (LTaxis ; RS H 1 30).

Par arrêté du 19 mai 2010, le Conseil d'Etat a fixé la taxe unique à CHF 82'500.-.

Statuant sur recours de l’association de défense des intérêts des chauffeurs de taxi et de plusieurs chauffeurs de taxi agissant individuellement, le Tribunal fédéral a, par arrêt du 18 juin 2011, annulé l’arrêté précité du Conseil d’Etat pour défaut de base légale (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_609/2010). L'art. 21 al. 6 LTaxis sur lequel il se fondait ne fixait pas l'assiette de la taxe, ni la fourchette de son montant, ni les modalités de sa perception. Seul le montant minimum prévu par cette disposition, soit CHF 40'000.- pouvait être réclamé au titre de cette taxe.

Se fondant sur l'arrêt susmentionné, M. R______ a demandé au Scom, le 22 mars 2012, le remboursement de la somme de CHF 20'000.-, seul un montant de CHF 40'000.- pouvant être perçu au titre de la taxe unique.

Considérant la démarche de M. R______ comme une demande de reconsidération, le Scom a, par décision du 28 septembre 2012, refusé d'entrer en matière, car il n'existait ni changement notable de circonstances ni aucun motif de révision. Cette décision ne mentionnait ni voie non délai de recours, indiquant simplement qu'elle était définitive.

Le 31 octobre 2012, M. R______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision susmentionnée, concluant à l'annulation de la « taxation CHF 60'000.- imposée sans base légale », à ce qu'il soit dit que seul le montant de CHF 40'000.- était applicable et à ce que l’Etat de Genève soit condamné à lui rembourser la somme de CHF 20'000.- avec intérêts à 5% dès le 17 juillet 2009. Il découlait de l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_609/2010 que le montant de la taxe unique ne pouvait être supérieur à CHF 40'000.-. Le Scom avait déjà remboursé le trop versé à certains requérants confrontés à une situation « matériellement sinon temporellement » identique à la sienne. Le principe d'égalité de traitement commandait qu'il soit fait droit à sa revendication.

Le 19 novembre 2012, M. R______ a informé la chambre administrative qu'il venait de découvrir l'existence d'un arrêté rendu le 10 janvier 2007 par le Conseil d'Etat en application de l'art. 21 LTaxis. Cet arrêté était peu connu car il avait été annulé par son auteur le 30 octobre 2007. Le Tribunal administratif, prédécesseur de la chambre de céans, avait rendu un arrêt le 30 juin 2009 (ATA/325/2009) concernant cet arrêté. Il était incompréhensible que le Scom ait voulu biaiser le cours des débats en passant sous silence l'existence d'un arrêté antérieur à celui du 19 juin 2010, alors que son argumentation reposait sur le fait que le montant prévu par l'art. 58 al. 5 LTaxis était applicable car le Conseil d'Etat n'avait pas encore usé de sa prérogative d'intervenir sur le montant de la taxe unique le 14 janvier 2009. Au moment où le permis de service public lui avait été offert, le nombre adéquat de permis en circulation, fixé à 900 en 2006, était nécessairement atteint et stabilisé. Le droit transitoire prévu par l'art. 58 al. 5 LTaxis était caduc et en l'absence d'un arrêté du Conseil d'Etat valable fixant le montant de la taxe unique, seul celui prévu par l'art. 21 al. 6 LTaxis pouvait lui être réclamé.

Le 14 mars 2013, le Scom s'en est rapporté à justice en ce qui concernait la recevabilité du recours et a conclu au rejet de ce dernier au fond.

Par arrêté du 10 janvier 2007, se fondant sur les art. 21 al.6 et 22 al. 4 LTaxis, le Conseil d'Etat avait fixé la taxe unique à CHF 45'000.- pour 2006, CHF 55'000.- pour 2007, CHF 66'000.- pour 2008 et CHF 77'000.- pour 2009. Cet arrêté n'avait pas été publié dans la Feuille d'avis officielle (ci-après : FAO), de sorte qu'il n'était jamais entré en vigueur. En effet, le Scom s'était rendu compte à fin janvier 2007 que ledit arrêté violait l'art. 58 al. 5 LTaxis dès lors que le nombre adéquat de taxis en service, fixé à 900 en 2006, n'ayant pas été atteint et n'étant pas resté stable, le Conseil d'Etat ne pouvait l'édicter. Par souci de clarté, le Conseil d'Etat avait, par arrêté du 3 octobre 2007, annulé avec effet ex tunc l'arrêté du 10 janvier 2007. Ce second arrêté n'avait pas été publié dans la FAO puisque le premier ne l'avait pas été. Ces deux arrêtés n'avaient jamais déployé d'effet sur les administrés.

L'autorisation d'exploiter un taxi de service public avait été délivrée le 24 août 2009 à M. R______ sur la base de l'art. 58 al. 5 LTaxis car à cette date, moins de 900 permis de service public étaient émis.

L'intéressé ne pouvait se prévaloir d'aucune modification notable des circonstances ou de faits nouveaux susceptibles d'entraîner une reconsidération de la fixation à CHF 60'000.- du montant de la taxe unique dont il a dû s'acquitter. Les pièces sur lesquelles il se fondait soit ne concernaient pas la taxe unique soit n'étaient pas des actes juridiques ayant une quelconque force probante.

Quant à l'arrêté du Conseil d'Etat du 19 mai 2010, il était entré en vigueur après la délivrance de l'autorisation à M. R______, soit le 19 juin 2010. Il avait été annulé le 18 juin 2011 par le Tribunal fédéral, puis la chambre administrative avait jugé, dans un arrêt du 12 juin 2012 (ATA/379/2012), qu'il était dépourvu de base légale ab initio.

Le 15 mai 2013, M. R______ a persisté dans son recours.

La décision attaquée était matériellement une décision de refus de restitution du trop-perçu sujette à recours. En tout état, l'Arrêt du Tribunal fédéral 2C_609/2010 précité était un fait suffisant à fonder une demande de révision.

En l'absence de clause de délégation valable permettant au Conseil d''Etat de fixer le montant de la taxe unique au-dessus de CHF 40'000.-, la somme de CHF 60'000.- dont il avait dû s'acquitter était illégale, étant précisé que le régime de l'art. 58 al. 5 LTaxis était caduc le 2 juin 2010 dès lors qu'il avait pu obtenir un permis, puisque cela signifiait que le nombre de permis en circulation adéquat était atteint.

Le 15 mai 2013, le juge délégué a transmis la détermination susmentionnée au Scom et les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Le Scom a traité comme demande de reconsidération la demande de remboursement de CHF 20'000.- présentée pas le recourant le 22 mars 2012 et a refusé d’entrer en matière alors que dans des causes précédentes semblables, portées devant la chambre de céans et jugées (ATA/730/2012, ATA/731/2012, ATA/732/2012, ATA/733/2012, ATA/734/2012, ATA/735/2012, ATA/736/2012, ATA/737/2012 et ATA/738/2012 du 30 octobre 2012), il avait rendu des décisions de refus de rembourser.

Si le Scom a essayé de cette manière de rendre une décision non sujette à recours, force est de constater qu'il a erré puisqu'en statuant sur reconsidération, l'autorité rend une décision au sens de l'art. 4 al. 1 LPA.

Il est difficile de comprendre pour quel autre motif il a ainsi choisi de traiter les requêtes qui lui ont été adressées début mars 2012 d'une manière différente de celles reçues auparavant. Cela d'autant moins que l'argumentation exposée pour aboutir à l'irrecevabilité de la prétendue demande de reconsidération ne s'éloigne pas de celle soutenue dans les causes susmentionnées pour rejeter les demandes de remboursement.

Dans ces circonstances, la chambre administrative retiendra que la décision querellée est, à l'instar des cas précédents, un refus de remboursement.

Les décisions doivent être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délai de recours (art. 46 al. 1 LPA). Elles sont notifiées aux parties, le cas échéant à leur domicile élu auprès de leur mandataire, par écrit (art. 46 al. 2 LPA). Une notification irrégulière ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties (art. 47 LPA).

En l’espèce, la décision du 28 septembre 2012 ne remplit pas les conditions de l’art. 46 LPA, dès lors qu’elle n’indique pas les voie et délai de recours. Elle a toutefois été communiquée au mandataire du recourant, avocat breveté. Celui-ci a été en mesure de se rendre compte de l’erreur et de saisir l’autorité compétente dans le délai imparti. Il n’en est donc résulté aucun préjudice (art. 47 LPA) .

Aux termes de l'art. 11 LTaxis, l’autorisation d’exploiter un taxi de service public est strictement personnelle et intransmissible ; elle est délivrée par le département à une personne physique lorsqu’elle satisfait à un certain nombre de conditions, dont celle de se voir délivrer un permis de service public (art. 11 let. b LTaxis).

Le nombre de permis de service public est limité en vue d’assurer une utilisation optimale du domaine public, notamment des stations de taxis et des voies réservées aux transports en commun et un bon fonctionnement des services de taxis. Ce nombre maximal est déterminé et adapté par le département, sur préavis des milieux professionnels concernés, sur la base de critères objectifs, liés, notamment, aux conditions d’utilisation du domaine public et aux besoins des usagers (art. 20 LTaxis).

L'art. 21 al. 3 LTaxis dispose que si le nombre de requérants est supérieur au nombre de permis disponibles, l’octroi des permis est effectué sur la base d’une liste d’attente établie selon la date à laquelle l’inscription sur la liste est validée. Chaque requérant n’est habilité à se voir délivrer qu’un seul permis. Il ne peut se réinscrire qu’après l’obtention d’un permis.

Selon l'art. 21 al. 4 LTaxis, l'autorisation d'exploiter un taxi de service public en qualité d'indépendant au sens de l'art. 11 LTaxis est délivrée contre le paiement d'une taxe unique affectée à un fonds constitué aux fins d'améliorer les conditions sociales de la profession de chauffeur de taxi et de réguler le nombre de permis. Ce fonds est géré par le département ou par les milieux professionnels dans le cadre d'un contrat de prestations. Le requérant qui ne paie pas la taxe dans le délai imparti par le département est biffé de la liste d’attente, mais peut se réinscrire (art. 21 al. 5 LTaxis).

Le Conseil d’Etat détermine les modalités de gestion du fonds et fixe le montant de la taxe de manière à ce que, en fonction de la rotation des permis, les détenteurs qui cessent leur activité perçoivent un montant compensatoire au moins égal à CHF 40'000.-. La taxe est égale ou supérieure au montant compensatoire et son montant maximum fixé par le Conseil d’Etat (art. 21 al. 6 LTaxis).

Selon l'art. 58 al. 5 LTaxis, le montant de la taxe unique est fixé à CHF 60'000.- tant que le nombre de permis de service public déterminé dès la deuxième année après l'entrée en vigueur de la loi n'est pas atteint (art. 58 al. 5 LTaxis). Dès que le Scom considère que le nombre de permis de service public adéquat est atteint et reste stable, le Conseil d’Etat fixe le montant de la taxe et du montant compensatoire selon les principes de l’art. 21 al. 6 LTaxis (art. 58 al. 6 LTaxis).

Le 19 mai 2010, se fondant notamment sur l'art. 21 al. 6 LTaxis, le Conseil d'Etat a adopté l'arrêté fixant la taxe unique à CHF 82'500.-.

Cet arrêté a été annulé par le Tribunal fédéral le 18 juin 2011. Il ressort de son arrêt (2C_609/2010 précité) que la taxe unique ne vise pas à compenser l'avantage octroyé par l'Etat en termes d'usage commun accru du domaine public, comme cela était le cas avant l'entrée en vigueur de la LTaxis. Elle n'est pas une taxe causale, mais pourrait être une taxe d'orientation, voire un impôt - question laissée ouverte par la Haute Cour, dès lors que dans ces deux hypothèses, le principe de la légalité s'appliquerait strictement. Or, la LTaxis et en particulier l'art. 21 al. 6 LTaxis ne fixent pas une assiette précise de la taxe. Les critères de fixation - notamment la fourchette du montant de la taxe - et les modalités de perception ne figurent pas dans la loi. Il s'ensuit que l'arrêté ne reposait pas sur une base légale formelle. La perception de la taxe unique ne pouvait dès lors se fonder que sur l'art. 21 al. 6 LTaxis, qui fixe son montant à CHF 40'000.-.

Le recourant prétend au remboursement d'un montant de CHF 20'000.- sur les CHF 60'000.- versés au titre de la taxe unique, suite à l'Arrêt du Tribunal fédéral 2C_609/2010 susmentionné.

Tel n'est pas le cas. Sa situation est en effet différente de celle d'un chauffeur qui aurait obtenu l'autorisation d'exploiter un taxi de service public en qualité d'indépendant sous l'empire de l'arrêté, soit à une période où le nombre de permis de service public adéquat était considéré comme atteint et restant stable. Cette condition légale préalable et nécessaire à l'édiction de l'arrêté annulé n'a pas été remise en cause. Elle a eu comme conséquence de mettre fin le 18 mai 2010 à minuit au régime transitoire instauré par l'art. 58 al. 5 LTaxis, fixant à CHF 60'000.- la taxe unique tant que le nombre de permis de service public déterminé selon la loi n'était pas atteint.

Le recourant soutient en vain que ledit régime transitoire aurait pris fin antérieurement, à l'occasion de l'adoption par le Conseil d'Etat d'un premier arrêté du 10 janvier 2007. C'est en effet notamment parce que le nombre de permis de service public adéquat et stable n'avait pas été considéré comme atteint par le Scom, donc que la condition permettant l'édiction de l'arrêté n'était pas remplie, que le Conseil d'Etat l'a annulé le 3 octobre 2007, ainsi que cela ressort de l'ATA/329/2009 déjà cité. C'est le lieu de relever que le recourant ne peut tirer aucun argument du fait qu'il aurait découvert récemment « par hasard » l'existence de ces arrêtés. Ceux-ci ne sont pas pertinents pour la solution du litige. En outre, il est conseillé par un avocat genevois qui ne peut ignorer la jurisprudence de la chambre de céans et de son prédécesseur. Celle-ci est systématiquement mise en ligne dès son adoption et, par conséquent, aisément accessible. Il est ainsi mal venu de reprocher au Scom d'avoir tu l'existence de ces arrêtés.

Ainsi, le recourant a obtenu son autorisation d'exploiter un taxi de service public en qualité d'indépendant le 24 août 2009, alors que prévalait le régime transitoire précité. Le montant de la taxe unique de CHF60'000.- qu'il a dû alors acquitter figurant directement dans la LTaxis, sa perception repose sur une base légale formelle et échappe ainsi à toute critique (ATA/734/2012 et ATA/735/2012 déjà cités).

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 octobre 2012 par Monsieur R______ contre la décision du service du commerce du 28 septembre 2012 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur R______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure à Monsieur R______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yves Nidegger, avocat du recourant ainsi qu’au service du commerce.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :