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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/69/2013

ATA/418/2014 du 12.06.2014 ( AMENAG ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT FONCIER RURAL ; CHAMP D'APPLICATION(EN GÉNÉRAL) ; ACTION EN CONSTATATION ; IMMEUBLE AGRICOLE
Normes : LDFR.6.al1 LDFR.84
Résumé : N'est pas appropriée à un usage agricole et peut donc être désassujettie la parcelle qui, objectivement apte à un tel usage, n'a plus été affectée à l'agriculture depuis de nombreuses années et ne le sera vraisemblablement plus à l'avenir, et dont les installations ont été érigées de manière légale. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/69/2013-AMENAG ATA/418/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 juin 2014

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Bruno Mégevand, avocat

contre

COMMISSION FONCIÈRE AGRICOLE



EN FAIT

1) Monsieur A______, administrateur de sociétés, est propriétaire de la parcelle n1______ de la commune de J______, d'une superficie de 13'852 m2. Selon le registre foncier, les parcelles adjacentes au nord et au sud, soit les parcelles nos 2______, 3______, 4______ et 5______, appartiennent toutes à des membres de la famille de M. A______.

2) La parcelle no 1______, de même que les parcelles nos 2______, 3______, 4______ et 5______, sont sises en zone agricole. Ces parcelles, à l’exception pour partie de la parcelle no 5______, ne se situent pas en surface d'assolement.

3) Il ressort de plans et vues aériennes produites par les parties que le chemin B______ longe la partie est de la parcelle no 1______. Entre le chemin B______ et la route C______, les terrains, site de l'entreprise D______, sont affectés à une zone de développement 4B. De l'autre côté de la route C______ se situe la zone de développement industriel et artisanal de K______. A l'ouest de la parcelle no 1______ se trouvent des terres agricoles cultivées en grandes cultures.

4) La parcelle n1______ est délimitée à l’est par une haie et un rideau d’arbres, qui la séparent du chemin B______. D’après les photographies aériennes, cette haie se poursuit sur les parcelles voisines nos 2______ et 4______. Au sud de la parcelle no 1______, une autre haie marque sa limite avec la parcelle voisine no 4______.

5) Tout comme la parcelle no 3______, la parcelle no 1______ ne comporte aucune construction. Les vues aériennes permettent de constater que deux bâtiments se situent sur la parcelle no 2______ et un bâtiment sur la parcelle no 4______. Selon le plan annexé à un acte de constitution de servitude et de droit de préemption datant de 1933, ces bâtiments existaient déjà dans les années 1930.

6) Au centre de la parcelle no 3______ se trouvent des arbres séculaires, tandis qu’au nord se situent des arbres fruitiers.

7) Les parcelles de M. A______ et des membres de sa famille sont recensées comme « habitations et prolongements : pelouses et jardins » dans le système d'information du territoire genevois.

8) Les parcelles nos 2______ et 4______ ont été désassujetties de la loi sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR – RS 211.412.11) par décisions de la commission foncière agricole (ci-après : CFA), respectivement du 27 juillet 2004 et du 28 juillet 2005.

9) La parcelle no 3______ a également été désassujettie suite à l’arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) rendu le 21 juin 2011 (ATA/388/2011).

La chambre administrative a en substance considéré que les bâtiments se trouvant sur la parcelle no 2______ dataient des années 1930-1940 et étaient entourés d’un jardin planté de gazon, d’arbres et de massifs. La végétation qui recouvrait la parcelle no 3______ se situait dans le prolongement de la parcelle no 2______ et était entretenue de la même manière par un jardinier paysagiste. Elle se démarquait ainsi nettement des cultures avoisinantes. Au vu de la taille des arbres et de la disposition des bosquets, l’aspect de la parcelle no 3______ paraissait inchangé depuis des décennies, vraisemblablement depuis la construction des bâtiments. Compte tenu de son état, il paraissait peu probable que la parcelle no 3______ soit à nouveau dévolue à l’agriculture. Il convenait donc de désassujettir la parcelle no 3______.

10) Le 20 septembre 2011, la CFA a prononcé le désassujettissement de la parcelle no 3______.

11) Par acte du 20 juin 2012, M. A______ a saisi la CFA d'une requête en désassujettissement de la parcelle no 1______. Il a produit divers documents, parmi lesquels des plans avec indication de la zone et de la surface d’assolement, des vues aériennes de différentes époques ainsi qu’un acte de constitution de servitude et de droit de préemption datant de 1933.

12) La CFA a effectué un transport sur place le 26 septembre 2012, lors duquel M. A______ était représenté par son conseil.

Selon le procès-verbal de ce transport sur place, une prairie d'une hauteur d'environ 30 centimètres recouvrait l'ensemble de la surface. Les arbres séculaires au centre de la parcelle ainsi que les arbres fruitiers à hautes tiges au nord du terrain n'étaient ni élagués ni taillés. Aucune allée ni chemin ne parcourait la parcelle. Il n'y avait pas de plante d'ornement, ni de massif floral ou d’arbuste.

13) Par décision du 20 novembre 2012, expédiée le 28 novembre 2012, la CFA a rejeté la requête en désassujettissement de la parcelle no 1______ et a mis à la charge de M. A______ un émolument de CHF 800.-.

Ladite parcelle était objectivement appropriée à l'agriculture et se prêtait à un usage agricole. Il s'agissait d'un pré-champ et non d'un jardin d'agrément. La parcelle était recouverte de prairie et non de gazon régulièrement tondu et était exempte de tout aménagement paysager. L'usage de cette parcelle était ainsi tant dans les faits que subjectivement celui d'un pré-champ. La parcelle ne pouvait dès lors être désassujettie.

14) Par acte du 10 janvier 2013, M. A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative, concluant à son annulation, à la constatation du désassujettissement de la parcelle no 1______ et à l’allocation d’une indemnité de procédure.

Si la parcelle no 1______ était objectivement appropriée à un usage agricole, elle n'était pas comprise dans les surfaces d'assolement. L'usage effectif fait de la parcelle depuis plus d'un demi-siècle devait l'emporter sur les considérations d'ordre objectif. Depuis les années 1930 au moins, la parcelle no 1______, avec les parcelles voisines nos 2______, 3______, 4______ et 5______, appartenait à un seul domaine comprenant des maisons de maître. Ce domaine appartenait à Monsieur E______, qui l’avait vendu en 1964 au père de M. A______. Ce dernier l’avait divisé à la mort de son épouse pour le transmettre en partie à ses fils. M. A______ avait de cette manière acquis la parcelle no 1______. Le domaine n'avait pas été cultivé depuis au moins 35 ans. Si ce périmètre avait subi des divisions parcellaires, son affectation n'avait aucunement changé. La parcelle était entretenue : un jardinier-paysagiste assurait la coupe de l'herbe, le ramassage des feuilles et la taille des haies. L'usage effectif devait ainsi être qualifié de non agricole et était par ailleurs licite, au vu de l'ancienneté des maisons de maître. En outre, l'urbanisation progressait aux alentours immédiats de la parcelle et un retour de ce terrain à l'agriculture semblait exclu. M. A______ n’avait pas de formation agricole et n’avait jamais été exploitant à titre personnel. Ainsi, la parcelle no 1______ n'était plus dévolue à l'agriculture depuis plus d'un demi-siècle et cette situation était appelée à perdurer. Il y avait en conséquence lieu de désassujettir la parcelle, à l'image de ce qui avait prévalu pour les parcelles avoisinantes.

M. A______ a versé à la procédure une facture de la société F______ Sàrl du 11 juillet 2012 concernant le « 6______ chemin B______» et adressée à l’hoirie A______. Les travaux qui y étaient listés comprenaient la coupe de l’herbe, le ramassage et l’évacuation des feuilles ainsi que la taille des haies situées le long du chemin B______, à l’intérieur, à l’extérieur et sur le dessus.

15) Le 18 février 2013, la CFA s’est déterminée, persistant dans sa décision du 20 novembre 2013.

Contrairement à ce que soutenait le recourant, la parcelle no 1______ n’était pas un parc attenant à une villa en zone agricole. Elle ne comportait pas de construction et ne faisait l’objet d’aucune mise en valeur horticole particulière. Cette parcelle, dont l’affectation n’avait pas changé depuis vraisemblablement les années 1930, était ainsi un pré-champ approprié à l’agriculture. La situation de la parcelle no 1______ aux abords de la zone industrielle et artisanale de K______ ne changeait pas son affectation. La parcelle no 1______ se situait dans le prolongement de grandes parcelles cultivées en grandes cultures et était bordée par la parcelle no 5______ qui restait assujettie. L’utilisation de ce terrain était dès lors agricole et la CFA avait à bon droit refusé le désassujettissement de la parcelle en cause.

16) Le 22 février 2013, le juge délégué a imparti un délai au 15 mars 2013 aux parties pour formuler toute requête supplémentaire.

17) Le 13 mars 2013, M. A______ a répliqué, contestant la qualification de pré-champ faite par la CFA. Il a en substance repris les termes de sa précédente écriture, précisant que la parcelle était entretenue.

M. A______ a produit le contrat annuel d’entretien du 11 novembre 2003 entre la régie G______ et l’entreprise H______ pour intervention sur la « Propriété de 25’000 m2 sise chemin B______ ». Le contrat portait sur la taille des buissons et arbres fruitiers, la taille et le traitement des rosiers, le labourage des plates-bandes de rosiers, le nettoyage des différents abris autour de la maison, la tonte du gazon, le désherbage, le ramassage des feuilles mortes ainsi que l’arrosage de la zone autour de la maison, le reste de la propriété n’étant pas alimenté en eau. M. A______ a également versé à la procédure les factures de l’entreprise H______ de 2004 à 2011 pour les travaux effectués en exécution du contrat. Ces factures sont adressées à l’hoirie A______, sous réserve de deux factures adressées respectivement à M. A______ et à la régie G______.

18) Le juge délégué a ordonné l’audition de M. I______, paysagiste de l’entreprise H______, ainsi que la comparution personnelle des parties, qui ont eu lieu le 4 septembre 2013.

a. M. I______, a confirmé s’être occupé pendant sept ou huit ans de l’entretien de l’ensemble des parcelles de la famille A______, son activité ayant pris fin deux ans plus tôt. Il s’agissait d’un entretien classique incluant la taille des rosiers, le ramassage de feuilles mortes et la tonte de l’entier des parcelles. Lorsqu’il avait commencé à travailler sur ces parcelles, elles étaient déjà entretenues.

b. M. A______ a expliqué que son père avait acheté le domaine en 1963 ou 1964 à la famille E______, qui y habitait auparavant. Il y avait habité à partir de ce moment-là et le parc existait alors déjà. Avant l’intervention de l’entreprise H______, l’entretien du domaine était assuré par le concierge. Ses parents vivaient sur le domaine.

Il n’était pas présent personnellement lors du transport sur place du 26 septembre 2012. A cette période, il y avait une vacance de location de la propriété, qui était louée depuis 2001. Sur conseil de son jardinier, il avait alors laissé pousser l’herbe jusqu’à environ 30 cm.

L’entretien était uniforme sur toute la propriété sans distinction des parcelles ; aucune différence n’était ainsi faite concernant l’entretien entre les différentes parcelles des membres de la famille A______ en fonction des propriétaires.

La famille A______ n’avait l’intention d’affecter aucune des parcelles à l’agriculture. La parcelle n1______ était bien un jardin d’agrément, se rapprochant du type « anglo-saxon ». Son père y jouait d’ailleurs au golf. Il n’y avait pas de piscine ou de court de tennis sur le terrain car M. A______ n’aimait pas ce type d’installations.

c. La CFA a persisté dans ses conclusions et souligné que l’une des factures produites était adressée à l’hoirie A______ et par conséquent ne concernait pas la parcelle n1______. Cette dernière ne faisait l’objet d’aucun aménagement particulier permettant de considérer qu’il s’agissait d’une parcelle d’agrément. Le type d’entretien constaté lors du transport sur place se retrouvait relativement fréquemment sur des parcelles agricoles affectées à l’agriculture dans le canton de Genève et ne correspondait pas à celui des jardins de type « français » ou « anglo-saxon ». S’il n’y avait effectivement pas d’usage agricole, l’usage d’agrément paraissait douteux. Contrairement à la parcelle no 3______, dont l’usage d’agrément dans le prolongement du corps d’habitation était beaucoup plus évident, la parcelle no 1______ se situait sur le côté et n’apparaissait pas avoir le même usage.

19) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 – LOJ - E 2 05 ; art. 13 de la loi d'application de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 16 décembre 1993 – LaLDFR – M 1 10 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La question litigieuse consiste à déterminer si la parcelle no  1______ est encore appropriée à un usage agricole au sens de l'art. 6 al. 1 LDFR. Si tel ne devait plus être le cas, elle pourrait être soustraite du champ d'application de la LDFR.

a. Lorsqu'un immeuble sis hors d'une zone à bâtir – et donc présumé agricole – n'est pas approprié à un usage agricole ou horticole, l'art. 84 LDFR permet au propriétaire de faire constater, par l'autorité compétente, que l'immeuble considéré n'est pas soumis au champ d'application de ladite loi (ATF 139 III 327 consid. 2 p. 329 ; ATF 132 III 515 consid. 3.3.2 p. 519 ; ATF 129 III 186 consid. 2 p. 189). Le cas échéant, une mention sera inscrite au registre foncier (art. 86 al. 1 let. b LDFR).

b. Est agricole l'immeuble approprié à un usage agricole ou horticole (art. 6 al. 1 LDFR), à savoir celui qui, par sa situation et sa composition, peut être exploité sous cette forme (ATF 139 III 327 consid 2.1 p. 329 ; Eduard HOFER, Le droit foncier rural, Commentaire de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991, 1998, n. 7 ss ad art. 6 LDFR). Concrètement, toutes les surfaces qui ne sont pas boisées et qui disposent d’une couche de terre suffisante pour la végétation se prêtent à un usage agricole (ATF 139 III 327 consid 2.1 p. 329 ; Yves DONZALLAZ, Pratique et jurisprudence de droit foncier rural [1994-1998], 1999, p. 49). La caractéristique de l'aptitude est donc d'abord d'ordre objectif (ATF 139 III 327 consid. 2.1 p. 329).

c. Conformément à la jurisprudence et la doctrine, la caractéristique de l’aptitude à une activité agricole est de nature mixte à prédominance objective. Il convient en priorité d’analyser si, indépendamment de l’usage qui en est fait, un terrain est apte à être utilisé de manière agricole ou horticole. Toutefois, ce concept objectif doit être tempéré par des considérations d’ordre subjectif. L’usage qui en a été fait, depuis de longues années, doit jouer un rôle dans l’appréciation des autorités (ATF 139 III 327 consid. 2.2 p. 330 s et les références jurisprudentielles et doctrinales citées). Cette prise en compte de l’affectation subjective de l’immeuble peut ainsi aboutir à soustraire au régime de la LDFR, entre autres éléments, un parc attenant à une villa et qui, situé en zone agricole, se prêterait aussi, sur la base de critères purement objectifs, à un usage agricole ou horticole (ATF 139 III 327 consid. 2.2 p. 331 ; Arrêt du Tribunal fédéral 5A.14/2006 du 16 janvier 2007 et les références citées ; Yves DONZALLAZ, Traité de droit agraire suisse: droit public et droit privé, vol. II, 2006, p. 177 n. 2035 et les références à la jurisprudence cantonale citées). Dans la mesure où le but de la loi n’est nullement de faire de tels bien-fonds des immeubles agricoles, il est jugé raisonnable de les soustraire à ce régime (ATF 139 III 327 consid. 2.2 p. 331). La composante subjective, qui doit dès lors être prise en compte, ne doit toutefois pas conduire à contourner la LDFR et ne peut ainsi revêtir qu’une portée subsidiaire (ATF 139 III 327 consid. 3 p. 331 s ; Arrêts du Tribunal fédéral; 5A.14/2006 du 16 janvier 2007 consid. 2.2.3 et 5A.2/2007 du 15 juin 2007 consid. 3.4).

d. Selon la jurisprudence, trois conditions cumulatives doivent être remplies pour que la composante subjective soit déterminante (ATF 139 III 327 consid. 3 p. 332).

Dans un premier temps, l’usage non agricole doit durer depuis plusieurs années (ATF 139 III 327 consid. 3.1 p. 332 ; Arrêt du Tribunal fédéral 5A.4/2000 du 1er septembre 2000 consid. 2b ; ATA/388/2011 du 21 juin 2011 ; ATA/433/2008 du 27 août 2008 ; ATA/145/2005 du 15 mars 2005 ; ATA/564/2003 du 23 juillet 2003 et les références citées ; Message à l’appui des projets de loi fédérale sur le droit foncier rural [LDFR] et de la loi sur la révision partielle du code civil [droits réels immobiliers] et du code des obligations [vente d’immeuble], FF 1998 III 917 n. 221.3). Ce critère doit être appliqué de façon stricte afin d’éviter tout comportement abusif. Le Tribunal fédéral a renoncé à fixer cette durée de manière abstraite. Il a toutefois établi qu’elle ne saurait être inférieure à quelques dizaines d’années (ATF 139 III 327 consid. 3.1 p. 332). En particulier, un usage non agricole d’une dizaine d’années n’est pas suffisant (Arrêt du Tribunal fédéral 5A.4/2000 du 1er septembre 2000).

Il faut ensuite que l’usage agricole ne soit pas non plus envisageable pour l’avenir. Dans ce cas, une approche concrète est privilégiée. Il faut en particulier que l’évaluation repose sur des éléments objectifs autres que la nature du sol. Selon la jurisprudence, le long usage non agricole passé permet souvent de présumer, à défaut d’éléments nouveaux, qu’il en sera de même pour l’avenir. Il suffit donc qu’un tel usage non agricole futur soit seulement vraisemblable (ATF 139 III 327 consid. 3.2 p. 332 ; Arrêt du Tribunal fédéral 5A.4/2000 du 1er septembre 2000).

Finalement, les installations qui ont été érigées sur le terrain doivent l’avoir été de manière légale, que ce soit par le biais d'une autorisation au sens des art. 22 et 24 ss de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT – RS 700), ou encore qu'elles aient été implantées avant l'entrée en force de cette loi, respectivement lorsque l'immeuble se trouvait dans une zone alors constructible au sens de l’art. art. 24c LAT (ATF 139 III 327 consid. 3.3 p. 332).

e. Le fait que l’environnement général soit agricole n’est pas propre, à lui seul, à empêcher la soustraction de l’immeuble au champ d’application de la loi. Il est ainsi insuffisant de retenir l’existence d’immeubles agricoles plus ou moins proches pour faire obstacle à la soustraction du champ d’application de la LDFR en partant de la présomption qu’un usage agricole futur demeure possible (ATF 139 III 327 consid. 4 p. 333).

3) En l’espèce, la parcelle no 1______ se compose d’une vaste pelouse plantée d’arbres fruitiers au nord et comporte des arbres séculaires en son centre. Une haie la délimite à l’est et au sud. Il ressort des photographies aériennes figurant au dossier que la haie se trouvant sur la partie est du terrain constitue une continuation de la haie délimitant l’est de la parcelle no 2______, et que la végétation de la parcelle no 1______ se situe dans le prolongement des parcelles nos 2______ et 3______. Ce qui précède corrobore les déclarations du recourant, selon lesquelles la parcelle no 1______ fait partie d’un unique domaine constitué notamment des parcelles nos 2______, 3______ et 4______ et comprenant des maisons de maître anciennes, datant au moins des années 1930.

La végétation présente sur la parcelle no 1______ contraste avec les champs la bordant à l’ouest. Au vu de la taille des arbres et des photographies aériennes datant de 1983 et 1996 versées à la procédure, l'aspect de la parcelle no 1______ paraît inchangé depuis des décennies. Ainsi que l’attestent les factures versées à la procédure et les déclarations de M. I______, l’ensemble des parcelles de la famille A______ à J______ sont entretenues de manière commune et semblable depuis de nombreuses années par des jardiniers-paysagistes professionnels. Les propos du recourant, que les déclarations de M. I______ confirment, indiquent qu’elles étaient auparavant déjà entretenues. D’ailleurs et bien que ce fait ne soit pas déterminant à lui seul, les parcelles du recourant et des membres de sa famille sont recensées comme « habitations et prolongements : pelouses et jardins » dans le système d'information du territoire genevois.

La parcelle no 1______ fait ainsi partie d’un domaine sur lequel se situent des bâtiments anciens entourés de parcs arborisés. Ce domaine est entretenu depuis de nombreuses années et de manière globale sans distinction des parcelles, parmi lesquelles les parcelles nos 2______, 3______ et 4______ ont déjà fait l’objet d’un désassujettissement.

Au vu de ce qui précède, la parcelle no 1______ doit être qualifiée de parc d’agrément et son affectation de non agricole. Il doit en outre être constaté que l’usage non agricole de la parcelle no 1______ remonte tout au moins à plusieurs décennies. En l’absence de tout élément nouveau et M. A______ n’ayant, selon ses écritures, aucune formation agricole et n’ayant jamais été exploitant à titre personnel, un changement de la situation qui perdure depuis des décennies et ainsi un retour à une affectation agricole apparaissent peu probables, de sorte à exclure un usage agricole pour l’avenir.

4) Dans ces circonstances, le recours de M. A______ sera admis et la décision litigieuse annulée. Le dossier sera renvoyé à la CFA afin qu’elle prononce une décision constatant le non-assujettissement de la parcelle no 1______ du cadastre de la commune de J______.

5) Vu l’issue du litige une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée au recourant, à charge de l’Etat de Genève, et aucun émolument ne sera perçu (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 janvier 2013 par Monsieur A______ contre la décision de la commission foncière agricole du 20 novembre 2012 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision de la commission foncière agricole du 20 novembre 2012 ;

renvoie la cause à la commission foncière agricole pour nouvelle décision dans le sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à Monsieur A______ à la charge de l’Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Bruno Mégevand, avocat du recourant, à la commission foncière agricole ainsi qu'à l'office fédéral de la justice.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mme Junod, MM. Dumartheray et Pagan, juges.

 

 

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :