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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4385/2007

ATA/387/2008 du 29.07.2008 ( DCTI ) , REJETE

Recours TF déposé le 17.09.2008, rendu le 30.01.2009, REJETE, 1C_410/2008
Parties : COMMUNE DE PRESINGE / COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS, DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION, LAESER Denis
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4385/2007-DCTI ATA/387/2008

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 29 juillet 2008

 

dans la cause

 

COMMUNE DE PRESINGE
représentée par Me Christian Grobet, avocat

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE DE CONSTRUCTIONS

et

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION

et

Monsieur Denis LAESER

représenté par Me Bruno Mégevand, avocat


EN FAIT

1. Par décision du 10 avril 2007, la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : CCRC) a admis le recours de Monsieur Denis Laeser, agriculteur, contre le refus du département des constructions et des technologies de l’information (ci-après : DCTI) de lui délivrer une autorisation de construire un hangar agricole sur la parcelle n° 2120 de la commune de Presinge (ci-après : la commune), sise en zone agricole et dont il est propriétaire.

La CCRC n’a pas fait mention de la commune en qualité de partie dans la décision précitée - qui ne lui a pas été notifiée -, nonobstant le fait que celle-ci avait demandé à intervenir dans la procédure le 6 novembre 2006. Elle était opposée à la délivrance de l’autorisation en cause.

2. Le 13 août 2007, le DCTI a informé la commune que l’autorisation sollicitée par M. Laeser serait délivrée le jour-même, malgré le préavis communal négatif, les autres instances de préavis consultées s’étant montrées favorables à la requête.

3. L’autorisation de construire a été publiée dans la Feuille d’avis officielle du 17 août 2007, avec la mention qu’il s’agissait d’une décision d’exécution de la décision de la CCRC du 10 avril 2007 et qu’elle n’était donc pas susceptible de recours.

4. Par courrier du 3 septembre 2007, la commune a réagi à la lettre du DCTI du 13 août 2007. Elle regrettait cette décision et s’étonnait du déroulement de la procédure devant la CCRC. Elle demandait à être informée des possibilités de recours dont elle disposait à ce stade de la procédure.

5. Le DCTI a répondu à la commune le 27 septembre 2007, sans toutefois se déterminer sur les éventuelles possibilités de recours.

6. Par acte du 8 novembre 2007, la commune a saisi la CCRC d’un "recours subsidiairement demande de révision" contre la décision du DCTI du 10 avril 2007, concluant préalablement à ce que l’effet suspensif soit ordonné et à ce que l’ouverture du chantier découlant de l’autorisation de construire du 13 août 2007 soit interdite.

Principalement, elle a conclu à l’annulation de la décision du 10 avril 2007 et à la réouverture de la procédure ayant abouti à son prononcé.

Son droit d'être entendue avait été violé car la CCRC avait ignoré son intervention et statué sans lui donner l'occasion de participer à la procédure. La "plainte procédurale" que comportait sur ce point sa lettre du 3 septembre 2007 au DCTI constituait de fait un recours que cette autorité aurait dû transmettre soit au Tribunal administratif comme recours, soit à la CCRC comme demande de révision. Cette intervention auprès du DCTI résultait du fait que la publication de l'autorisation de construire du 13 août 2007 dans la FAO indiquait que cette dernière décision n'était pas susceptible de recours.

7. Le 9 novembre 2007, la CCRC a transmis, pour raison de compétence, au Tribunal administratif, l'acte susmentionné, en tant qu'il valait recours (cause n° A/4385/2007)

8. Le 13 novembre 2007, la commune a adressé au Tribunal administratif un "recours à titre subsidiaire", dont les conclusions sont identiques à celles du recours du 8 novembre 2007. Elle demandait en outre à ce qu'il soit sursis à statuer jusqu'à droit jugé par la CCRC sur la demande de révision (cause n° A/4806/2007).

9. Le même jour, la commune a saisi la CCRC d'une demande de révision remplaçant celle du 8 novembre 2007 et valant également recours contre l'autorisation de construire du 13 août 2007. En substance, cette nouvelle requête reprenait l'argumentation développée dans ses écritures du 8 novembre 2007 et concluait de la même manière.

10. Le 15 novembre 2007, la commune a demandé au DCTI d'ordonner l'interdiction de l'ouverture du chantier découlant de l'autorisation de construire du 13 août 2007. Étaient annexés la demande de révision et recours à titre subsidiaire, adressée le 13 novembre 2007 à la CCRC, et le recours à titre subsidiaire, du 13 novembre 2007 également, déposé par devant le tribunal de céans.

11. Le 20 novembre 2007, la CCRC a rejeté la demande de révision du 8 novembre 2007. Aucun des motifs de révision allégués par la commune n'était réalisé. La CCRC avait rendu sa décision du 10 avril 2007 en toute connaissance de la position de la commune, exprimée dans plusieurs préavis figurant au dossier du DCTI. En outre, dans son courrier du 13 novembre 2006 adressé à la CCRC, la commune avait fait part une nouvelle fois de son point de vue. Enfin, le DCTI avait défendu une position identique à celle de la commune puisque l'objet de la décision du 10 avril 2007 était le refus de l'autorisation de construire sollicitée par M. Laeser. Si, formellement, la CCRC avait omis d'enregistrer la commune en qualité d'intervenante, la position de cette dernière n'avait ainsi pas été ignorée.

12. Le même jour, le DCTI a transmis au Tribunal administratif, pour raison de compétence, le courrier de la commune (cause A/4807/2007).

13. Le 21 novembre 2007, M. Laeser s’est déterminé sur la demande d’effet suspensif, concluant à son rejet. Il appartenait à la CCRC de statuer sur la demande de révision portant sur la décision du 10 avril 2007, seule en cause, le recours ne concernant pas l’autorisation de construire délivrée le 17 août 2007.

14. Par courrier du même jour, M. Laeser a relevé que la CCRC avait transmis à tort le recours du 8 novembre 2007 au tribunal de céans. Le dossier devait ainsi être retourné à l’autorité intimée.

15. Le 23 novembre 2007, la CCRC a transmis au Tribunal administratif, à titre de détermination sur effet suspensif, la décision qu’elle avait rendue le 20 novembre 2007 sur la demande de révision.

16. Par courriers des 26 novembre et 4 décembre 2007, le DCTI s’en est rapporté à justice tant sur l'effet suspensif que sur le fond.

17. Par décision du 11 décembre 2007, le Tribunal administratif a joint les deux recours sous une même cause n° A/4385/2007.

18. Le 12 décembre 2007, M. Laeser a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. Il était tardif, la commune ayant appris l’existence de la décision querellée au plus tard par la lettre du DCTI du 13 août 2007 et ayant mis du temps à réagir. Elle se plaignait d’une violation de son droit d’être entendu par la CCRC mais n’avait pas contesté le bien fondé de la décision alors que le Tribunal administratif disposait du même pouvoir d’examen que l’autorité intimée.

19. Par acte du 19 décembre 2007, la commune a recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision de la CCRC du 20 novembre 2007, rejetant sa demande de révision. Elle conclut à l'annulation de la décision querellée et à la révision de la décision de la CCRC du 10 avril 2007 ainsi qu'à l'annulation de celle-ci et de l'autorisation de construire du 13 août 2007. A titre de mesures provisionnelles, elle conclut à la suspension de la décision du 10 avril 2007 et de l'autorisation de construire du 13 août 2007 ainsi qu'à l'interdiction d'ouverture du chantier découlant de cette dernière.

La CCRC avait admis que la commune n'avait pas été enregistrée en qualité d'intervenante dans la procédure de recours contre le refus d'autorisation de construire. C'était à tort qu'elle avait retenu que son point de vue avait néanmoins été exprimé devant elle. En particulier, la commune n'avait pu répondre au recours de M. Laeser, ni exprimer ses doutes quant à la pérennité de l'exploitation de ce dernier. Son droit d'être entendue avait été ainsi gravement violé.

Par ailleurs, la recourante invoquait des faits et moyens de preuve nouveaux et importants qu'elle ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente, puisqu'elle n'avait pas été entendue. En outre le DCTI n'avait pas procédé à l'instruction complémentaire portant sur la réalisation de la stabulation et le réexamen des besoins réels de M. Laeser avant de délivrer l'autorisation de construire du 13 août 2007 (cause A/3036/2007).

20. Dans un courrier du même jour, concernant un point relatif aux différentes procédures en cours devant le Tribunal administratif, la commune a indiqué audit tribunal que la demande de révision du 8 novembre 2007 déposée auprès de la CCRC avait été remplacée par une demande de révision du 13 novembre 2007, valant également recours contre l'autorisation de construire du 13 août 2007.

21. Le 22 décembre 2007, la commune a complété son recours, précisant, s'agissant du délai dans lequel elle avait recouru auprès de la CCRC, qu'une notification irrégulière ne pouvait entrainer aucun préjudice pour les parties.

22. Par pli du 8 janvier 2008, la CCRC a transmis au tribunal de céans, pour raison de compétence, deux courriers que lui avait adressés la commune en date du 22 décembre 2007.

Le premier était une lettre de couverture avisant la CCRC du dépôt du recours contre sa décision sur révision et lui rappelant que le recours contre l’autorisation de construire du 13 août 2007 n’avait pas été tranché.

Le second document, intitulé « demande d’effet suspensif et mesures provisionnelles », concluait à ce que la CCRMC confirme l’effet suspensif au recours du 13 novembre 2007 contre l’autorisation de construire en cause et ordonne l’interdiction d’ouvrir le chantier. Sur le fond, l’acte tend à l’annulation de l’autorisation litigieuse précitée.

23. Le 10 janvier 2008, le DCTI s'en est rapporté à l'appréciation du Tribunal administratif quant à la demande de mesures provisionnelles du 19 décembre 2007.

24. Le même jour, M. Laeser a conclu au rejet de la demande précitée. La commune ne faisait valoir aucun intérêt public ou privé prépondérant alors qu'il avait un intérêt privé à disposer de locaux permettant d'entreposer son matériel, abrité pour le moment dans un bâtiment destiné à accueillir son bétail. Au surplus, la procédure n'était pas dirigée contre l'autorisation de construire.

25. Le 14 janvier 2008, le Président du Tribunal administratif a rejeté la demande de mesures provisionnelles du 19 décembre 2007, les conclusions de la commune se confondant avec l'objet du litige.

26. Dans une seconde décision du même jour, il a déclaré irrecevable les demandes d'effet suspensif et de mesures provisionnelles du 8 novembre 2007.

27. Le 29 janvier 2008, M. Laeser a conclu à ce que le recours du 19 décembre 2007 soit déclaré irrecevable, dans la mesure où il tendait à l'annulation de l'autorisation de construire du 13 août 2007, et à son rejet pour le surplus.

Les conclusions tendant à l'annulation de l'autorisation de construire du 13 août 2007 n'avaient pas été formulées devant la CCRC et devaient être écartées. Pour le surplus, aucun motif de révision n'était réalisé et même si la commune n'avait pas été enregistrée comme intervenante, ses griefs contre le projet de construction étaient connus, à travers ses préavis et son courrier à la CCRC du 13 novembre 2006.

28. Le 1er février 2008, le DCTI a conclu au rejet du recours de la commune contre la décision de la CCRC du 20 novembre 2007. Aucun motif de révision n'était réalisé. Quant à la violation du droit d'être entendu, elle aurait dû être invoquée dans le cadre d'un recours déposé en temps utile contre la décision du 10 avril 2007 dont la commune avait eu connaissance à réception du courrier du DCTI du 13 août 2007.

29. Par deux arrêts du 5 février 2008, le Tribunal administratif a :

- déclaré irrecevable la demande d'effet suspensif et de mesures provisionnelles du 22 décembre 2007 transmises par la CCRC le 28 décembre 2007 et a retourné la cause à cette autorité afin qu'elle purge sa saisine (ATA/48/2008) ;

- déclaré irrecevable la demande d'interdiction d'ouverture de chantier adressée le 15 novembre 2007 par la commune au DCTI et transmise par ce dernier le 20 novembre 2007, le tribunal de céans a renvoyé la cause à la CCRC comme objet de sa compétence (ATA/47/2008).

30. Le 3 mars 2008, la CCRC a déclaré irrecevable le recours déposé le 13 novembre 2007 par la commune contre l'autorisation de construire du 13 août 2007. Celle-ci n'étant qu'une mesure d'exécution de la décision de la CCRC du 10 avril 2007, elle n'était pas susceptible de recours.

31. Par acte du 19 mars 2008, la commune a recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision susmentionnée, concluant à ce que ce dernier constate que l'autorisation de construire du 13 août 2007 était entachée de nullité et l'annule. Préalablement, une comparution personnelle des parties ainsi qu'un transport sur place devaient être ordonnés. A titre de mesures provisionnelles, l'ouverture du chantier devait être interdite. Enfin, l'effet suspensif du recours devait être confirmé (cause A/962/2008).

La publication de l'autorisation de construire du 13 août 2007 mentionnait de manière erronée que cette décision n'était pas susceptible de recours. En effet, elle était intervenue dans la procédure et disposait donc d'un droit de recours. Elle avait été trompée par le mention fallacieuse précitée et il fallait considérer son courrier du 3 septembre 2007 au DCTI comme valant recours. Ce courrier aurait dû être transmis d'office à la CCRC, sans qu'elle ait à souffrir des conséquences de la notification irrégulière de la décision du 13 août 2007. Son droit d'être entendue avait ainsi été violé.

Sur le fond, la commune invoquait les nuisances provoquées par le hangar litigieux, et tout particulièrement une stabulation de 200 bovins. Cela n'avait pas été instruit, pas plus que l'impact de la construction projetée sur le site. Le projet en cause était surdimensionné par rapport à l'exploitation de M. Laeser dont la pérennité n'était pas assurée.

Enfin, des faits nouveaux étaient parvenus à la connaissance de la commune depuis la décision de la CCRC du 10 avril 2007, à savoir qu'aucune suite n'avait été donnée par le DCTI à l'injonction qui lui avait été faite de procéder à une instruction complémentaire portant sur la réalisation de la stabulation.

32. Le 4 avril 2008, M. Laeser s'est déterminé sur la requête d'effet suspensif et de mesures provisionnelles présentée dans le recours susmentionné, se référant aux décisions rendues antérieurement par le président du tribunal de céans dans les causes A/4385/2007 et A/5036/2007.

33. Le 11 avril 2008, le DCTI s'en est rapporté à justice sur ce point.

34. Par décision du 21 avril 2008, le Tribunal administratif a prononcé la jonction des causes A/5036/2007 et A/962/2008 avec la cause A/4385/2007, sous ce dernier numéro.

35. Par décision du 30 avril 2008, le Président du Tribunal administratif a rejeté la demande de mesures provisionnelles et retiré en tant que de besoin l'effet suspensif au recours du 19 mars 2008 (ATA/208/2008).

EN DROIT

A. Recours des 8 et 13 novembre 2007

1. L’objet du litige est la décision rendue le 10 avril 2007 par la CCRC (art. 69 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 LPA - E 5 10).

2. Selon l’article 63 alinéa 1 lettre a LPA, le délai pour recourir contre une décision finale est de trente jours. La notification irrégulière d'une décision ne doit entraîner aucun préjudice pour les parties (art. 47 LPA). La jurisprudence n'attache pas nécessairement la nullité à l'existence de vices dans la notification ; la protection des parties étant suffisamment garantie lorsque la notification irrégulière atteint son but malgré cette irrégularité. Il y a donc lieu d'examiner, d'après les circonstances du cas concret, si la partie intéressée a réellement été induite en erreur par l'irrégularité de la notification et a subi un préjudice de ce fait. Il convient à cet égard de s'en tenir aux règles de la bonne foi qui imposent une limite à l'invocation du vice de forme (ATF 122 I 97 consid. 3a/aa p. 99 ; 111 V 149 consid. 4c p. 150 et réf. cit. ; RAMA 1997 no U 288 p. 444 consid. 2b/bb ; ZBl. 95/1994 p. 530 consid. 2 ; J.-F. EGLI, La protection de la bonne foi dans le procès, in Juridiction constitutionnelle et juridiction administrative, Zurich 1992, p. 231 s. ; U. HÄFELIN et G. MÜLLER, Allgemeines Verwaltungsrecht, 2002, 4ème édition, p. 347 s. n° 1645 ss). Cela signifie notamment qu'une décision, fût-elle notifiée de manière irrégulière, peut entrer en force si elle n'est pas déférée au juge dans un délai raisonnable (SJ 2000 I 118 consid. 4). A cet égard, la règle générale veut que le destinataire d'une décision, reconnaissable comme telle, mais sans indication de voie ni de délai de recours, entreprenne dans un délai raisonnable les démarches voulues pour sauvegarder ses droits, notamment qu'il se renseigne auprès d'un avocat ou de l'autorité qui a statué et, une fois renseigné, qu'il agisse en temps utile (ATF 119 IV 330 consid. 1c p. 332 ; 112 Ib 417 consid. 2d p. 422 ; 111 Ia 280 consid. 2b p. 282 ; 102 Ib 91 consid. 3 p. 93 ; J.-F. Egli, op. cit. p. 232 ; P. MOOR, Droit administratif, vol. II, Berne 2002, p. 304).

En l’espèce, il n’est pas contesté que la commune a eu connaissance de l'existence de la décision querellée par le courrier du DCTI du 13 août 2007 l’informant de la délivrance de l’autorisation de construire à laquelle elle s’était opposée. Toutefois, elle n'a alors pas demandé à la CCRC communication de sa décision litigieuse et n'a pas davantage consulté d'avocat. La commune s’est bornée à faire part au DCTI, près de trois semaines plus tard, de son sentiment sur le déroulement de la procédure et s'est contentée de lui demander de l’informer sur les possibilités de recours qui lui restaient à ce stade, sans autre précision. Le courrier du DCTI du 27 septembre 2007 ne donnant pas d'indication sur ce point, la commune, une fois encore, n’a eu aucune réaction immédiate et ce n’est que le 8 novembre 2007 qu’elle a saisi la CCRC puis, le 13 novembre 2007, le tribunal de céans. La recourante n’est pas une administrée ignorante des règles régissant l’activité étatique, mais une corporation de droit public disposant d'un territoire sur lequel elle exerce les droits et obligations dans les domaines de compétence qui lui sont reconnus par la loi et pour s'opposer à ladite décision (art. 1 et ss de la loi sur l'administration des communes du 13 avril 1984 - LAC - B 6 05). Elle ne peut en particulier méconnaître la législation en matière de construction. Elle est d'ailleurs intervenue dans le cadre de la procédure devant la CCRC conformément à l'article 145 alinéa 2 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). En se limitant à un échange de correspondance avec le DCTI lorsqu'elle a appris l'existence de la décision du 10 avril 2007, et en ne déposant son premier acte de recours que près de trois mois plus tard, elle n'a pas entrepris les démarches utiles que l'on pouvait raisonnablement attendre d'elle pour sauvegarder ses droits. Son recours est ainsi tardif. Il sera déclaré irrecevable.

B. Recours du 19 décembre 2007 contre la décision de la CCRC du 20 novembre 2007 ;

3. Interjeté devant la juridiction compétente, le recours est à cet égard recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a LPA).

4. a. Selon l’article 68 LPA, le recourant peut invoquer des motifs, des faits et des moyens de preuves nouveaux qui ne l'ont pas été dans les précédentes procédures, sauf exception prévue par la loi. A contrario, cette disposition ne permet pas au recourant de prendre des conclusions qui n’auraient pas été formées devant l’autorité de première instance.

b. Si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre dans son mémoire de recours des conclusions qui sortent du cadre des questions qui ont été l'objet de la procédure antérieure. Quant à l'autorité de recours, elle n'examine pas les prétentions et les griefs qui n'ont pas fait l'objet du prononcé de l'instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d'enfreindre le principe de l'épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d'un degré de juridiction. Par conséquent, le recourant qui demande la réforme de la décision attaquée devant l'autorité de recours ne peut en principe pas présenter de conclusions nouvelles ou plus amples devant l'instance de recours, c'est-à-dire des conclusions qu'il n'a pas formulées dans les phases antérieures de la procédure (B. BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 390/391) (ATA/168/2008 du 8 avril 2008).

In casu, la recourante a conclu à l'annulation de l'autorisation de construire du 13 août 2007 pour la première fois devant le tribunal de céans. Ses demandes de révision des 8 et 13 novembre 2007 présentées devant la CCRC ne contiennent pas une telle conclusion. Celle-ci doit ainsi être écartée.

5. A teneur de l'article 80 LPA, seule une décision définitive peut faire l'objet d'une demande de révision.

En l'espèce, la décision de la CCRC du 10 avril 2007 n'a fait l'objet d'aucun recours ordinaire. Elle est donc entrée en force.

6. a. Il y a matière à révision lorsque des faits ou des moyens de preuves nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. B LPA).

b. Par faits nouveaux, il convient d'entendre des faits qui se sont produits antérieurement à la procédure précédente, mais dont l'auteur de la demande de révision (ou de reconsidération) a été empêché, sans sa faute, de faire état dans la procédure précédente. Quant aux preuves nouvelles, celles-ci doivent, pour justifier une reconsidération, se rapporter à des faits antérieurs à la décision attaquée. Encore faut-il qu'elles n'aient pas pu être administrées lors du premier procès ou que les faits à prouver soient nouveaux, au sens où ils ont été définis (ATF 108 V 171 ss ; 99 V 191 ; 98 II 255 ; 86 II 386).

c. Faits nouveaux et preuves nouvelles ont un point commun : ils ne peuvent entraîner la révision que s'ils sont importants, c'est-à-dire de nature à influer sur l'issue de la contestation, à savoir s'ils ont pour effet qu'à la lumière de l'état de fait modifié, l'appréciation juridique doit être différente que dans le cas de la précédente décision. Un motif de révision n'est ainsi pas réalisé du seul fait qu'un tribunal ou une autorité ait pu apprécier faussement des faits connus. Encore faut-il que cette appréciation erronée repose sur l'ignorance de faits essentiels pour la décision ou sur l'absence de preuves de tels faits. Quant à ces moyens de preuve nouveaux, ils doivent être de nature à modifier l'état de fait et, partant, le jugement ou la décision de manière significative (ATF 110 V 141 ; 108 V 171; 101 Ib 222; 99 V 191; 88 II 63 ; P. MOOR, op. cit., p. 342, n° 2.4.4.1.a).

In casu, dans sa demande de révision, la commune ne fait état d'aucun élément nouveau au sens de la disposition précitée, ni n'invoque des moyens de preuve nouveaux. Ce n'est que dans ses écritures de recours devant le tribunal de céans qu'elle mentionne que l'instruction complémentaire demandée par la CCRC dans la décision du 10 avril 2007 n'aurait pas été diligentée. Postérieur à cette dernière décision, cet élément, quand bien même il serait avéré, ne peut constituer un fait nouveau au sens de l'article 80 lettre b LPA.

7. Il y a encore lieu à révision lorsque, dans une affaire réglée par une décision définitive, la juridiction n'a pas statué sur certaines conclusions des parties, de manière à commettre un déni de justice formel (art. 80 lettre d LPA).

La recourante invoque à tort cette disposition. En effet, sa qualité de partie n'ayant pas été enregistrée lors de la procédure devant l'autorité inférieure, cette dernière n'a pas eu à statuer sur les conclusions de la commune.

En réalité, ce dont se plaint cette dernière, c'est d'une violation de son droit d'être entendue devant la CCRC, grief soulevé dans ses recours tardifs des 8 et 13 novembre 2007. N'ayant pas agi en temps utile par la voie ordinaire, la recourante ne peut tenter d'en pallier les conséquences en usant d'une voie extraordinaire. Ses conclusions en révision ne peuvent donc qu'être écartées sur ce point, les motifs ci-dessus se substituant à ceux de l'autorité intimée.

8. Le recours doit ainsi être rejeté.

C. Recours du 19 mars 2008 contre la décision de la CCRC du 3 mars 2008

9. Interjeté devant la juridiction compétente, le recours est à cet égard recevable (art. 56A LOJ ; art. 63 al. 1 litt. a LPA).

10. L'objet du litige et l'autorisation de construire du 13 août 2007.

11. Aux termes de l'article 59 lettre b LPA, le recours n'est pas recevable contre les mesures d'exécution des décisions.

L’interdiction d’attaquer les mesures d’exécution vise à soustraire au contrôle juridictionnel les actes qui, sans les modifier ni contenir d’éléments nouveaux, ne servent qu’à assurer la mise en œuvre de décisions exécutoires au sens de l’article 53 alinéa 1 lettre a LPA. Le contrôle incident de ces dernières s’avère par conséquent exclu (ATA/841/2004 du 26 octobre 2004 ; ATA/240/2004 du 16 mars 2004). La notion de « mesures » à laquelle se réfère le texte légal s’interprète largement et ne comprend pas seulement les actes matériels destinés à assurer l’application de décisions, mais également toutes les décisions mettant ces dernières en œuvre (B. BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 265). Tel est en particulier le cas lorsque l’acte attaqué se fonde sur une décision qui est régulièrement entrée en force, sans contenir lui-même d’éléments nouveaux susceptibles de modifier la situation juridique de son destinataire (ATF 119 Ib 498 et les autres références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 1A.125/2002 et 1P.339/2002 du 23 septembre 2002, consid. 1 ; ATA/761/2005 du 8 novembre 2005.

Il n'est pas contesté que l'autorisation de construire en cause et une décision d'exécution de la décision de la CCRC du 10 avril 2007. C'est donc à juste titre que cette dernière autorité a déclaré irrecevable le recours de la commune du 13 novembre 2007.

12. Le recours sera ainsi rejeté, sans autre acte d'instruction (art. 72 LPA).

13. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 3'000.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe. Une indemnité de CHF 4'000.- sera allouée à M. Laeser, à la charge de la recourante également (art. 87 LPA).


 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare irrecevable le recours interjeté les 8 et 13 novembre 2007 par la commune de Presinge contre la décision du 10 avril 2007 de la commission cantonale de recours en matière de constructions ;

déclare irrecevable le recours du 19 décembre 2007 de la commune de Presinge contre la décision du 20 novembre 2007 de la commission cantonale de recours en matière de constructions en tant que la recourante conclut à l'annulation de l'autorisation de construire du 13 août 2007 et recevable pour le surplus ;

déclare recevable le recours du 19 mars 2008 de la commune de Presinge contre la décision du 3 mars 2008 de la commission cantonale de recours en matière de constructions.

au fond :

rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours du 19 décembre 2007 ;

rejette le recours du 19 mars 2008 ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 3000.- ;

alloue une indemnité de CHF 4'000.- à Monsieur Denis Laeser, à la charge de la recourante ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian Grobet, avocat de la recourante ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière de constructions, au département des constructions et des technologies de l'information et à Me Bruno Mégevand, avocat de Monsieur Denis Laeser.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Thélin, Mmes Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :