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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/505/2005

ATA/311/2006 du 13.06.2006 ( TPE ) , ADMIS

Parties : PEDRAZZINI Jean-Pierre et Susanna, PEDRAZZINI Susanna / COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS, DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION, WILHELM Hans et Susanna, WILHELM Ursula
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/505/2005-TPE ATA/311/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 13 juin 2006

 

dans la cause

 

Madame Susanna et Monsieur Jean-Pierre PEDRAZZINI
représentés par Me Christian Luscher, avocat

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE DE CONSTRUCTIONS

et

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION

et

Madame Ursula et Monsieur Hans WILHELM
représentés par Me Yves Bonard, avocat


1. Madame Susanna et Monsieur Jean-Pierre Pedrazzini (ci-après : les propriétaires ou les époux Pedrazzini) sont propriétaires de la parcelle 258 feuille 22, de la commune de Cologny, sur laquelle est édifiée une villa à l'adresse 17, chemin Byron. D'une surface de 1923m2, située en cinquième zone de construction, la parcelle est située également à l'intérieur du périmètre de protection institué par la loi sur la protection générale des rives du lac du 4 décembre 1992 (LPGRL - L 4 10).

2. Dans le but d'agrandir l'esplanade existante devant leur villa, les époux Pedrazzini ont, dans un premier temps, déposé une requête en autorisation de construire le 19 décembre 2003 auprès du département de l’aménagement, de l’équipement et du logement, devenu depuis lors le département des constructions et des technologies de l’information (ci-après : le département) concernant le rehaussement de 1m d'un mur de soutènement traversant le milieu de leur terrain. Cette demande portait également sur l'édification d'un balcon terrasse au rez supérieur de la villa.

La partie de la requête concernant le rehaussement du mur a toutefois été retirée le 21 janvier 2004 et un second projet a été élaboré pour lequel les propriétaires ont déposé une nouvelle demande le 2 mars 2004. Ce projet prévoyait le comblement de l’espace entre le mur existant et un nouveau mur à construire en contrebas. Selon les plans figurant au dossier, il existait actuellement un mur en forme de S, d'environ vingt mètres de long, qui traversait la parcelle. Le remblai de terre associé à ce mur créait une esplanade en demi cercle devant la façade de la villa se terminant en pente sur les trois derniers mètres. Au pied du mur, haut de 1m70, le terrain avait été aplani sur environ 6m avant de continuer en pente.

Toujours à teneur des plans, la hauteur du mur projeté était de 1m et celle du remblai de terre juste au dessus du premier mur de soutènement, était également de 1m. Sa longueur était comparable à celle du mur existant et il se terminait à plus de 4m des limites nord et sud de la parcelle. Le comblement de l'espace entre les deux murs et l'ajout de terre au dessus de l'ancien mur, permettront de prolonger l'esplanade devant la villa de presque 3m.

3. Le département a requis les préavis nécessaires.

Seule la sous-commission « nature et sites » de la commission des monuments de la nature et des sites (CMNS) a rendu un premier préavis défavorable motivé par la hauteur des remblayages prévus, estimés contraire à la LPGRL. Elle relevait également que le mur existant, construit avant l'entrée en vigueur de la loi, ne pourrait plus être autorisé.

Néanmoins, le 28 avril 2004, suite à des compléments, dont notamment un plan de coupe fourni par les requérants, la CMNS a émis un préavis favorable sous réserve que le projet de stabilisation du terrain soit réalisé sans plantation. Une solution avec une prairie fleurie était toute indiquée dans ce genre d’intervention.

4. Par décision du 14 mai 2004, le département a accordé l’autorisation sollicitée (APA 22'907-3) qui a été publiée dans Feuille d'Avis Officielle (FAO) du 19 mai 2004.

5. Le 17 juin 2004, Madame Ursula et Monsieur Hans Wilhelm, propriétaires de la parcelle 1595 voisine de celle des époux Pedrazzini, à l'adresse 15A chemin Byron, ont recouru contre l’autorisation délivrée auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : la CCRMC) en concluant à son annulation.

La parcelle des époux Pedrazzini surplombait légèrement la leur. Le mur de soutènement n’étant pas arrêté sur les côtés, cela aurait pour conséquences des ruissellements et ravinements en cas de pluie ou d’arrosage qui se déverseraient sur leur parcelle.

L’aplanissement du terrain permettrait aux époux Pedrazzini de disposer d’une vue plongeante dans leur propriété.

Vu l’importance de la construction, qui était d’une surface de plus de 126,5m², le recours à la procédure accélérée ne se justifiait pas. Par conséquent, l’autorisation était entachée d’un vice particulièrement grave et devait être annulée.

Le projet ne prenait pas en compte la topographie des lieux et le remblayage était important par rapport aux terrains existants sur les parcelles voisines. Le projet était contraire à l’article 9 de la LPGRL car le terrain naturel était à 407,10m en amont de la construction et à 406,76m en aval, là où le nouveau mur était projeté. L’altitude finale en amont, une fois la construction réalisée, était prévue à 409,65m, soit à 2,89m du terrain naturel.

Le département n’avait pas pris en compte le premier préavis de la CMNS alors que la parcelle se situait dans la zone protégée des rives du lac. Pour le surplus, la construction ne respectait pas la distance de 6m avec la limite de propriété en violation de l’article 69 alinéa 2 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

Finalement, le département n’avait pas tenu compte de l’aspect inesthétique de la construction qui serait visible depuis leur propriété, mais également de toutes les parcelles voisines et même depuis le lac. La longueur du mur créerait un phénomène phonique engendrant un dommage sonore pour les voisins. Les nuisances sonores résultant du trafic du quai de Cologny situé quelques mètres en contrebas allaient percuter contre le mur engendrant ainsi un phénomène d’écho nuisible pour tout le voisinage.

6. Le 21 juillet 2004, les époux Pedrazzini ont fait part de leurs observations.

Il était faux de prétendre que le comblement du terrain jusqu’au mur de soutènement existant allait à l’encontre de la configuration initiale et naturelle du terrain ; au contraire, il tendait à la rétablir. La discontinuité affectant la pente aujourd’hui en raison du mur de soutènement serait moindre, puisqu’elle était actuellement de 1m70 et qu’elle ne sera plus que de 1m. L’ensemble de l’aspect serait plus harmonieux et se rapprocherait davantage de l’état naturel.

S’agissant de la vue plongeante sur la propriété des époux Wilhelm, elle existait déjà depuis le 2e étage de leur villa. Il n’y aurait pas plus de ruissellement avec le nouveau mur de soutènement qu’avec celui déjà existant.

La procédure accélérée avait été utilisée à juste titre. Le mur avait une surface manifestement de moins de 50m² et le remblai entre les deux murs ne pouvait être qualifié de construction mais de travail tel qu’énuméré à l’article 1 LCI qui ne modifiait pas l’aspect général du bâtiment. Il s’agissait d’une surélévation modeste de moins de 5 % de leur terrain en harmonie avec la configuration générale de celui-ci, soit une pente douce vers le lac. En conséquence, l’article 3 alinéa 7 LCI permettait l’emploi de la procédure accélérée pour le remblaiement également.

Même si la commission devait estimer que la procédure accélérée avait été utilisée à tort, la sanction ne devrait pas être la nullité, car celle-ci serait clairement disproportionnée dans le cas où comme en l’espèce, les recourants n’avaient subi aucun préjudice.

La hauteur de 2m89 par rapport au terrain existant dont se prévalaient les époux Wilhelm était erronée. En effet, à l’examen du plan de coupe, cette mesure était faite au pied du mur actuellement existant qui ne correspondait pas au terrain naturel puisqu'une partie du terrain avait été excavée à cet endroit.

Le mur projeté devant être qualifié de construction de peu d’importance, conformément à l’article 3 alinéa 3 du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RALCI - L 5 05 01), il pouvait être édifié en limite de propriété en application de l’article 68 LCI. Sur le plan esthétique, le projet améliorait la situation. Le nouveau mur en remplaçait un autre d’une hauteur de 1m70 formant un « S » par un mur plus bas de 1m ne comportant qu’un angle au lieu de deux. S’agissant du prétendu phénomène phonique, la surface du mur projeté étant moindre, elle ne pouvait avoir pour effet que de réduire la nuisance alléguée.

7. Par ordonnance préparatoire du 18 octobre 2004, la CCRMC a invité le département à requérir le préavis de la commission d’architecture au sujet de l’ouvrage à construire et des mouvements de terre qu’il impliquait.

8. Le 16 novembre 2004, la commission d’architecture a rendu un préavis positif. Les travaux envisagés induisaient des mouvements de terre relativement restreints qui restaient compatibles avec la nature du coteau et ne portaient pas préjudice au site.

9. Le 8 décembre 2004, les époux Pedrazzini ont fait part de leurs observations suite au dépôt du préavis de la commission d’architecture.

Dès lors que le préavis de la commission d’architecture était favorable et que le préavis sécurité avait également été favorable quant aux mouvements de terre prévus, le projet ne saurait être cause d’inconvénients graves pour le voisinage ou le public au sens de l’article 14 alinéa 1 lettre 1 LCI.

10. Le 22 décembre 2004, les époux Wilhelm ont déposé à leur tour des observations. Le mur projeté et le remblai seraient à l’origine d’inconvénients graves. En raison de la configuration du terrain, l'apport de plus de 250m3 de terre, nécessiterait le passage de nombreux camions ainsi que d’autres machines de chantier.

11. Par décision du 24 janvier 2005, la CCRMC a admis le recours et a annulé la décision d’autorisation de construire.

Le choix de l'autorisation en procédure accélérée était conforme à la loi. Pour le surplus, les droits des recourants avaient été sauvegardés par la publication de l’autorisation.

L’article 9 de la LPGRL limitait à 1m la hauteur des remblayages, terrasses, talus et murs et ceci au-dessus du terrain naturel. En l’espèce, le remblayage du terrain ascendait à 1m de hauteur contre le mur de soutènement à construire. L’intégralité du remblayage était pour le reste d’une hauteur supérieure à 1 m. Pour ces motifs, l’autorisation devait être annulée.

12. Par acte adressé par poste le 3 mars 2005 au Tribunal administratif, les époux Pedrazzini ont recouru contre la décision rendue le 24 janvier 2005 par la CCRMC, reçue le 1er février 2005, en concluant à son annulation avec suite de frais et dépens.

Ils ne contestaient pas que le remblayage excède 1m entre le mur existant et le mur projeté par rapport au terrain actuel. Toutefois, dans le cadre de la LPGRL, le terrain naturel devait se comprendre comme le terrain initial, soit celui qui existait avant toute intervention humaine. En l’espèce, le terrain avait déjà été modulé par l’homme, ce qui avait faussé la décision de la CCRMC. La pente du terrain actuel en aval du muret projeté montrait une forte déclivité. Le terrain naturel se situait dans le prolongement imaginaire vers l’amont de cette pente, dont on voyait ainsi qu’elle se situait en tous points moins d’un mètre en dessous de la surface après le remblayage projeté. Les travaux précédemment réalisés avaient eu pour but un déblayage du terrain en aval du premier mur de façon à créer un deuxième replat artificiel. Le projet avait pour effet de rapprocher la situation de celle qui prévalait avant la construction du premier mur, qui d’ailleurs ne pourrait plus être autorisé aujourd’hui. Leur projet aurait pour effet de rétablir le dessin initial du coteau - certes, un peu en dessus du terrain naturel -, mais dans la mesure permise par la LGPRL.

Si par impossible, le Tribunal administratif devait retenir que le terrain naturel de la parcelle n’était pas celui décrit plus haut, il fallait faire application de l’article 13 LGPRL qui permettait une dérogation aux limites données par l’article 9 LGPRL à condition que cela soit justifié par les circonstances et conforme au but de la loi. Le projet avait précisément pour effet d’améliorer l’aspect d’une partie du coteau.

13. Le 18 avril 2005, les époux Wilhelm ont répondu en concluant au rejet du recours et à la confirmation de la décision de la CCRMC avec suite de frais et de dépens.

En substance, ils reprenaient les arguments développés devant la CCRMC : le mur de soutènement et le talus projetés les priveraient de toute intimité et le mur provoquerait un phénomène phonique; ces constructions allaient entraîner un ruissellement du terrain, voire un ravinement en cas de pluie ou d’arrosage et portaient une atteinte grave à l’harmonie de l’ensemble des rives du lac et des propriétés environnantes; les limites de propriété prévues à l’article 69 alinéa 2 LCI n'étaient pas respectées.

L’annulation de la décision devait être confirmée par le Tribunal administratif, du fait que l’autorisation avait été traitée à tort par la voie de la procédure accélérée, ce qui l’entachait d’un vice particulièrement grave. La construction du mur et l’apport de plus de 250m³ de terre allaient être cause d’inconvénients graves pour le voisinage. Les nuisances dureraient une dizaine de jours ouvrables au minimum et à raison de huit heures par jour. De plus, la terre devait être placée et tassée à l’aide de machines de chantier de taille importante. Il était peu probable que ces machines disposent d’un passage suffisant pour se rendre sur la parcelle des époux Pedrazzini. Ainsi, des mesures disproportionnées devaient être adoptées pour le remblaiement du terrain.

14. Le 21 avril 2005, le département a conclu à l'admission du recours.

Le mur de soutènement projeté mesurait 1m de haut sur 23m de long. Il avait une fonction bien précise qui consistait à soutenir le remblaiement qui lui était associé. De par ses dimensions, cette situation et sa fonction, ce mur devait être considéré comme un objet de peu d’importance. En conséquence, c’était sans arbitraire aucun qu’il avait instruit la requête selon une procédure accélérée. En application de la jurisprudence du Tribunal administratif au sujet de l’article 67 LCI, un talus distant d’au moins 1m de la limite des propriétés et d’une pente n’excédant pas 30° respectait les conditions de la loi, ce qui était le cas en l’espèce.

La hauteur du terrain actuel ne correspondait pas à la configuration naturelle de celui-ci. Le terrain naturel formait une légère pente régulière, en lieu et place du replat créé par la construction du premier mur. Pour ces raisons, le projet était conforme à l’article 9 de la LPGRL ou, à tout le moins, autorisait une dérogation au sens de l’article 13 de la même loi. Dans la mesure où le projet tendait à rapprocher la configuration du terrain de la situation naturelle et que tous les préavis pertinents étaient favorables, il convenait d’autoriser le projet de mur.

15. Le 9 novembre 2005, la juge déléguée à l’instruction de la cause a procédé à un transport sur place en présence des parties.

A cette occasion, il a été constaté que le terrain était en forme d’escaliers avec trois niveaux. Le futur mur se trouverait à 6m50 de l’endroit le plus renfoncé du mur actuel et à 4m de l’endroit le plus avancé de celui-ci. Le mur projeté dépasserait de 1m le niveau du sol, pour faire se rejoindre en pente douce le niveau actuel du mur avec le bas de la parcelle, le terrain des époux Wilhelm étant en contrebas de celui des époux Pedrazzini. La différence de hauteur représentait environ une hauteur d'homme.

Il a été précisé qu’il faudrait environ 27 camions de 10m³ de terre pour réaliser le remblai et qu’idéalement un tapis roulant devait être aménagé pour transporter la terre jusqu’à l’endroit prévu.

Depuis la parcelle des époux Wilhelm, notamment depuis le bord de la piscine et la terrasse du niveau inférieur, on pouvait voir, sur la propriété des époux Pedrazzini, la fin du talus retenu par le mur actuel. Le projet masquerait cette vue ainsi que le toit de la maison qui se trouvait sur la propriété au-delà de la parcelle des époux Pedrazzini. La vue sur le lac était en partie cachée par les arbres existants. Le département a précisé qu’une haie pourrait être aménagée de manière conforme à la loi du côté du terrain des époux Pedrazzini. La clôture métallique séparant les deux parcelles, mesurée au niveau d’un piquet atteignait 1m12. Une haie située à l’intérieur de la propriété des époux Wilhelm était composée d’arbustes à feuilles caduques. Celle-ci dissimulait le rez-de-chaussée et une bonne partie du niveau supérieur de la villa des époux Pedrazzini. Depuis la terrasse du niveau médian de la villa des époux Wilhelm, il y avait une vue sur les arbustes plantés en limite de la partie plane du terrain des époux Pedrazzini devant la villa. Cette partie plane serait avancée de 2m selon les époux Pedrazzini, et davantage selon les époux Wilhelm.

16. Le 3 janvier 2006, les époux Wilhelm ont fait part de leurs observations suite au transport sur place. Avec les nouveaux aménagements prévus, leurs voisins auraient une vue plongeante sur leur piscine, les terrasses du rez-de-chaussée et médiane, ainsi que sur leur salon. Le niveau actuel du terrain était surélevé par rapport au niveau initial; preuves en étaient les arbustes plantés en limite de propriété.

17. Le 18 janvier 2006, les époux Pedrazzini ont déposé à leur tour leurs observations. A l’origine, le terrain montait en pente régulière depuis le lac et par la suite, une succession de replats avait été créée par excavation, juste en dessous du mur actuel.

Du fait que le terrain était également en pente dans la direction est-ouest, le terrain des époux Wihelm était bien plus bas que le leur. Les craintes s’agissant de la vie privée n’étaient pas pertinentes au regard de la LGPRL. Il s’agissait tout au plus d’un problème civil de voisinage. De plus, une haie pouvait être aménagée de manière conforme à la loi.

18. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le litige porte sur la construction d'un mur et l'aménagement d'un remblai sur un terrain en pente, situé en zone de construction 5 et dans la zone de protection des rives du lac; soumis, de ce fait, à des dispositions particulières.

3. Il convient en premier lieu d'examiner la question de la procédure accélérée choisie par le département pour la délivrance de l'autorisation, confirmée par la CCRMC mais contestée par les intimés.

a. Selon l'article 3 alinéa 7 LCI, le département peut traiter par une procédure accélérée les demandes d'autorisation relatives à des travaux portant sur la modification intérieur d'un bâtiment existant ou ne modifiant pas l'aspect général de celui-ci. La procédure accélérée peut également être retenue pour des constructions nouvelles de peu d'importance ou provisoires (...). Dans ces cas, la demande n'est pas publiée dans la FAO et le département peut renoncer à solliciter le préavis communal. L'autorisation est, par contre, publiée.

b. Le Tribunal fédéral, dans sa jurisprudence, assimile les murs et les travaux de remblayage ou de creusement à des installations soumises à autorisation et non à des constructions (Arrêt du Tribunal fédéral 1A.77/2003 du 18 juillet 2003 et les références citées; P. ZEN RUFFINEN, C, GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction, expropriation, 2001 Berne, p. 218-219).

L'appréciation faite par le département de soumettre l'autorisation de réaliser le mur de soutènement et le remblai à une procédure accélérée, par analogie avec les constructions de peu d'importance, n'apparaît pas arbitraire compte tenu notamment de l'impact restreint du projet sur l'aspect général de la parcelle. Pour le surplus, les droits des tiers ont été sauvegardés par la publication de l'autorisation, la CCRMC ayant en outre complété le dossier par le préavis de la commission d'architecture et le tribunal de céans par un transport sur place; mesures que les intimés ont pu commenter. Ces derniers ont pu faire valoir l'ensemble de leurs arguments dans le cadre de la présente procédure. Le projet a ainsi été instruit selon une procédure qui a permis de respecter les garanties offertes par le législateur aux administrés.

4. Les recourants reprochent à la CCRMC une mauvaise application des dispositions limitatives de la LPGRL.

a. Dans le but de protéger les rives du lac et les zones sensibles voisines, la LPGRL instaure un certain nombre de restrictions aux constructions qui peuvent être érigées dans le périmètre à protéger.

b. La hauteur des remblayages, terrasses, talus et murs est limitée à un mètre au-dessus du terrain naturel. Ces aménagements sont admis pour autant qu'ils ne portent pas atteinte à la végétation arborée (art. 9 LPGRL). Toutefois, si les circonstances le justifient et que cette mesure ne porte pas atteinte au but général poursuivi par la loi, le département peut déroger aux articles 6 à 11 après consultation de la commune, de la CMNS, le cas échéant du service des forêts, de la protection de la nature et du paysage et de la commission consultative de la diversité biologique (art. 13 LPGRL).

c. Selon une jurisprudence bien établie, le tribunal de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des instances de préavis pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de celles-ci (ATA/560/2004 du 22 juin 2004 ; ATA/585/1996 du 15 octobre 1996 et les arrêts cités).

Lorsque la consultation de la CMNS est imposée par la loi, son préavis, émis à l'occasion d'un projet concret, revêt un caractère prépondérant (ATA/178/2005 du 5 avril 2005 ; ATA/505/2004 du 8 juin 2004 ; ATA/130/1999 du 2 mars 1999 ; ATA/482/1995 du 26 septembre 1995).

Lorsque la CCRMC s'écarte des préavis, le Tribunal administratif peut revoir librement l'interprétation des notions juridiques indéterminées, mais contrôle sous le seul angle de l'excès et de l'abus de pouvoir l'exercice de la liberté d'appréciation de l'administration, en mettant l'accent sur le principe de la proportionnalité en cas de refus malgré un préavis favorable, et sur le respect de l'intérêt public en cas d'octroi de l'autorisation malgré un préavis défavorable (ATA/69/2003 du 4 février 2003 et les arrêts cités).

En l'espèce, le préavis de la CMNS était favorable au projet mais la CCRMC s'en est écarté. En conséquence, le tribunal de céans peut revoir librement l'interprétation des dispositions légales visées ci-dessus.

Les parties divergent quant à la hauteur du remblayage prévu et cela en raison du point de départ de la mesure, soit le "terrain naturel". Pour les recourants, le terrain naturel doit se comprendre comme celui existant avant la construction du premier mur, c'est-à-dire une pente continue depuis l'avant de leur terrasse jusqu'au bas de la parcelle. Mesurés depuis là, le mur et le remblai qu'il supporte ont une hauteur d'un mètre maximum. Ce n'est que si l'on tient compte du supplément de hauteur lié au replat créé par la construction du premier mur que le remblai atteint une hauteur allant de 1m à 2m70.

En tenant compte du fait que le mur existant doit être considéré, vu sa hauteur, comme contraire aux dispositions légales entrées en vigueur après sa construction, il se justifie, en l'espèce, de prendre en compte la situation préexistante pour mesurer la hauteur maximale du talus autorisable.

D'une part, le premier mur trop élevé disparaîtra sous le nouveau talus et le nouveau mur sera d'une hauteur inférieure. D'autre part, aucun nouveau replat ne sera formé dans la pente qui retrouvera au contraire sa continuité à cet emplacement. Il faut finalement également tenir compte du fait que l'esplanade à l'avant de la villa et son agrandissement prévu, sont relativement restreints, compte tenu de la dimension de la parcelle.

Par conséquent, le projet doit être considéré comme conforme à l'article 9 LPGRL et le recours admis sur ce point.

5. Reste à examiner le mérite des différents griefs soulevés à l'encontre de l'autorisation.

Les voisins invoquent une violation de la LCI en raison de la proximité du mur projeté avec les limites de la parcelle.

Les constructions ne peuvent être édifiées en dessus du sol, à la limite de deux propriétés (art. 67 al. 1 LCI). La distance entre une construction et une limite de propriété ne peut en aucun cas être inférieure à 6m (art. 69 al. 2 LCI).

En revanche, des constructions de peu d'importance peuvent être édifiées à la limite de propriété ou à une distance inférieure à celles prévues à l'article 69 LCI dans les conditions fixées par le règlement (art. 68 LCI).

En limite de propriété, le niveau du terrain naturel doit être maintenu sur une largeur de 1m. Au delà de 1m, les aménagements extérieurs doivent s'inscrire à l'intérieur d'une ligne oblique formant un angle de 30° avec l'horizontale (art. 46C RALCI).

Par conséquent, tant le mur que le talus de terre prévus à plus de 4m de la limite de la parcelle, au vu des plans déposés, respectent les exigences légales et réglementaires.

6. Les voisins reprochent également à l'aménagement projeté de menacer leur parcelle en raison des risques de ruissellement et de ravinement provoqués par le rehaussement du terrain.

Rien dans le dossier ne vient appuyer cette thèse. Au contraire, le projet a été soumis pour préavis à la commission d'architecture et au service de sécurité et salubrité qui ont rendu des préavis favorables.

De plus, dans le système instauré par la LCI, les propriétaires sont responsables, sous réserve des droits civils, de la sécurité et de la salubrité des constructions et installations (art. 122 LCI).

7. Les intimés ont développés des reproches d'ordre esthétique et phonique à l'encontre de l'autorisation.

Le département peut interdire ou n'autoriser que sous réserve de modification toute construction qui, par ses dimensions, sa situation ou son aspect extérieur nuirait au caractère ou à l'intérêt d'un quartier, d'une rue ou d'un chemin, d'un site naturel ou de points de vue accessibles au public (art. 15 al. 1 LCI). La décision du département se fonde notamment sur le préavis de la commission d'architecture ou, pour les objets qui sont de son ressort, sur celui de la CMNS. Elle tient compte également, le cas échéant, de ceux émis par la commune ou les services compétents du département (art. 15 al. 2 LCI).

En l'espèce, le projet n'a donné lieu qu'à des préavis positifs ou sans observations et aucun argument n'a été avancé contre ceux-ci. En conséquence, les griefs soulevés à l'encontre de l'autorisation sont mal fondés.

8. Les griefs soulevés par les voisins concernant la violation de leur intimité, qui serait créée par l'avancement de la terrasse devant la villa, ne peuvent qu'être écartés également. En effet, il s'agit pour cette question de rapports de voisinage relevant du seul droit privé, pour l'examen duquel le tribunal de céans n'est pas compétent.

9. Finalement, les époux Wilhelm invoquent une violation de l'article 14 LCI en raison des inconvénients graves pour le voisinage provoqués par le transport de terre. L'exécution du chantier serait susceptible de leur causer des nuisances importantes.

a. Le département peut refuser les autorisations prévues à l’article 1 LCI lorsqu’une construction ou une installation peut être la cause d’inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public (art. 14 litt. a LCI), ne remplit pas les conditions de sécurité et de salubrité qu’exige son exploitation ou son utilisation (let. b), ne remplit pas les conditions de sécurité ou de salubrité suffisantes à l’égard des voisins ou du public (let. c) ou encore, offre des dangers particuliers (let. d).

b. Les dispositions cantonales concernant la limitation quantitative des nuisances n’ont plus de portée propre dans les domaines réglés par le droit fédéral (ATF 117 Ib 157 ; 113 Ib 220). Elles conservent toutefois une telle portée dans la mesure où elles tendent à lutter contre un type de nuisances secondaires (ATA/629/2003 du 26 août 2003 et les références citées).

c. Selon la jurisprudence constante du Tribunal administratif, l’article 14 LCI fait partie des normes de protection destinées à sauvegarder les particularités de chaque zone, en prohibant les inconvénients incompatibles avec le caractère d’une zone déterminée. Il ne vise pas au premier chef à protéger l’intérêt des voisins (ATA/113/2004 du 3 février 2004).

L’article 14 LCI vise les nuisances issues ou induites par la construction ou l’installation projetée elle-même et non celles provoquées par les modalités de sa réalisation. Ainsi, le Tribunal fédéral a jugé qu’il n'était pas arbitraire de considérer que les inconvénients liés à l’exécution d’un chantier, notamment la circulation accrue qui en résultait, n’étaient ni graves, ni durables même si, suivant les circonstances, ils pouvaient être plus ou moins sensibles pour les voisins, en particulier pendant la phase de chantier, laquelle était toutefois temporaire (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.530/2002 du 3 février 2003 confirmant l’ATA/447/2002 du 27 août 2002).

En conséquence, ce grief aussi est infondé.

10. Au vu des éléments précités, il y a lieu de confirmer l'autorisation de construire délivrée par la département, le projet de construction étant conforme aux dispositions légales applicables.

Il résulte de ce qui précède que le recours sera admis et la décision de la commission de recours annulée.

11. Vu l'issue du litige, un émolument de procédure, en CHF 2’000.-, sera mis à la charge des intimés, pris conjointement et solidairement, à l’exception de la commission cantonale de recours en matière de constructions et du département, ce dernier ayant conclu à l’admission du recours. Une indemnité de procédure de 2'000.- sera allouée aux recourants, à la charge des mêmes intimés, pris conjointement et solidairement (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 mars 2005 par Madame Susanna et Monsieur Jean-Pierre Pedrazzini contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 24 janvier 2005 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision de la commission cantonale de recours en matières de constructions;

rétablit l'autorisation de construire délivrée le 14 mai 2004;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge de Madame Ursula et Monsieur Hans Wilhelm, pris conjointement et solidairement;

alloue aux recourants une indemnité de CHF 2'000.- à la charge des mêmes intimés pris conjointement et solidairement ;

 

communique le présent arrêt à Me Christian Luscher, avocat des époux Pedrazzini, à Me Yves Bonard, avocat des époux Wilhelm, ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière de constructions et au département des constructions et des technologies de l'information.

Siégeants : M. Paychère, président, Mme Bovy, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :