Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1712/2018

ATA/31/2019 du 15.01.2019 ( LOGMT ) , REJETE

Descripteurs : LOGEMENT SOCIAL ; AVIS DE MAJORATION DE LOYER ; NULLITÉ ; ETAT LOCATIF ; LOYER ABUSIF ; INTERPRÉTATION(SENS GÉNÉRAL) ; RÉSERVE(SENS GÉNÉRAL)
Normes : LGL.1; LGL.16.al1.letd; LGL.27; LGL.5.al2; LGL.42.al7; RGL.78.al4; CO.253b.al3; CO.269d.al3; CO.269
Résumé : Vu la formulation de l'art. 42 al. 7 LGL, l'annexe d'une copie conforme de la décision relative au nouveau loyer d'un logement dans un immeuble subventionné est une obligation qui ne relève pas d'une condition de nullité, contrairement à l'utilisation d'une formule officielle. Cette approche se justifie d'autant plus que la modification de l'état locatif d'un immeuble subventionné est soumise à un contrôle étatique, au cours duquel le propriétaire doit justifier ses intentions. Au surplus, aucun élément ne permet de remettre en cause l'ampleur de la modification de l'état locatif, tandis que celle-ci a été justifiée par pièces. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1712/2018-LOGMT ATA/31/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 janvier 2019

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______
représentés par Me Philippe Eigenheer, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DU LOGEMENT ET DE LA PLANIFICATION FONCIÈRE

et

FONDATION C______

appelée en cause

représentée par Me Serge Patek, avocat



EN FAIT

1. Depuis le 1er décembre 2015, Madame A______ et Monsieur B______ sont locataires d'un appartement de cinq pièces situé au premier étage de l'immeuble sis chemin D______ 1______ à Bellevue.

D'après le contrat de bail du 24 novembre 2015, le loyer mensuel était fixé à CHF 1'602.-, auquel s'ajoutait CHF 180.- de provisions pour chauffage et eau chaude par mois. La bailleresse était la Fondation C______ (ci-après : la fondation), représentée par E______ (ci-après : E______). L'immeuble en question, comportant 288,5 pièces théoriques, était classé dans la catégorie 4 (immeuble d'habitation mixte, ci-après : HM) et soumis au contrôle étatique, soit à la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05) et son règlement d'exécution du 24  août 1992 (RGL - I 4 05.01), jusqu'au 31 janvier 2028, selon arrêté du Conseil d'État du 6 avril 2005.

2. Mme A______ et M. B______ sont également locataires des deux places de parking intérieures n° 2______ et n° 3______ situées au premier sous-sol, pour un loyer mensuel de CHF 140.- (réduit ultérieurement à CHF 128.- puis augmenté à CHF 130.-), respectivement CHF 130.-, selon contrats de bail des 2 août 2007 et 20 décembre 2016.

3. Par décision du 16 décembre 2011, l'office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) a autorisé la modification de l'état locatif des immeubles sis chemin D______ 4______ à 1______ à Bellevue.

Compte tenu d'un budget des charges d'exploitation de CHF 330'000.- dès le 1er février 2012, l'état locatif maximum autorisé était porté à CHF 1'215'144.- dès cette date. L'état locatif nominatif, approuvé le 15 décembre 2011, devait être respecté et la notification au locataire du loyer autorisé devait être effectuée en conformité de l'art. 42 al. 7 LGL.

4. Par courrier du 16 avril 2017, E______ a adressé à l'OCLPF une proposition de modification de loyer, comprenant une demande de modification de l'état locatif pour l'immeuble sis chemin D______ 4______ à 1______ à Bellevue, le calcul des réserves pour entretien et les relevés détaillés du décompte de gérance de 2011 à 2016.

Il ressort de ces documents qu'entre 2011 et 2016, le rendement brut était passé de CHF 1'194'703.80 à CHF 1'217'413.-, tandis que le poste conciergerie avait augmenté de CHF 71'190.60 à CHF 80'684.40, soit de CHF 272.- à CHF 308.- par pièce, et le poste eau, électricité et gaz, de CHF 46'221.10 à CHF 67'424.85, soit de CHF 176.- à CHF 257.- par pièce. Le montant total des charges était passé de CHF 348'983.40 à CHF 401'198.05. Pour 2016, la réserve annuelle s'élevait à CHF 71'198.05 et la réserve cumulée à CHF 177'983.28.

5. Par courrier du 6 juillet 2017, l'OCLPF a indiqué à E______ que le budget des charges d'exploitation était porté à CHF 369'000.- dès le 1er octobre 2017. À partir de cette date, l'état locatif était augmenté de 3,22 % pour les logements subventionnés et de 3,18 % pour les objets non-subventionnés. L'état locatif de CHF 1'215'11______.- était porté à CHF 1'254'11______.- dès le 1er octobre 2017.

La demande d'augmentation du budget de charges pour entretien à CHF 390'000.- n'était qu'en partie justifiée. Selon le calcul des réserves pour entretien effectué le 5 mai 2017, la moyenne des charges courantes sur les trois derniers exercices (2014 à 2016) était de CHF 316'514.- et le déficit d'exploitation s'élevait à CHF 207'399.- au 31 décembre 2016. En particulier, en 2016, le poste conciergerie était réduit à CHF 79'047.25. Compte tenu d'une absorption de ce déficit sur une période raisonnable de 10 ans et d'une alimentation de la réserve pour entretien à hauteur de 10 % par année, un nouveau budget fixé à CHF 369'000.- dès le 1er octobre 2017 devait dorénavant permettre de faire face aux charges.

6. Le 18 juillet 2017, E______ a proposé à l'OCLPF un nouvel état locatif dès le 1er octobre 2017, conforme au résultat de l'examen du 5 mai 2017, qui a été approuvé le 19 juillet 2017.

7. Par décision du 13 décembre 2017, déclarée exécutoire nonobstant réclamation, l'OCLPF a autorisé la modification de l'état locatif des immeubles sis chemin D______ 4______ à 1______ à Bellevue, dès le 1er février 2018, selon l'état locatif nominatif précité.

Étant donné que le budget des charges d'exploitation avait été porté à CHF 369'000.-, l'état locatif maximum autorisé était de CHF 1'254'11______.-. La notification au locataire du loyer autorisé devait être effectuée en conformité de l'art. 42 al. 7 LGL.

8. Par courrier recommandé du 18 décembre 2017, E______ a adressé trois avis de modification de loyer à Mme A______ et M. B______, à teneur desquels le loyer mensuel de l'appartement était porté à CHF 1'654.- (sans les charges) et ceux des deux garages à CHF 134.- chacun. Ces modifications étaient applicables dès le 1er février 2018 en raison d'« une augmentation des charges d'exploitation ». En annexe était indiquée une copie de l'autorisation du 13 décembre 2017, laquelle n'était cependant pas jointe.

9. Par courrier recommandé du 19 janvier 2018, Mme A______ et M.  B______ ont élevé réclamation. Ils ont conclu, principalement, à l'annulation de trois avis de majoration du loyer et subsidiairement, également à celle de la décision du 13 décembre 2017. Préalablement, ils ont demandé la restitution de l'effet suspensif.

La décision du 13 décembre 2017 n'ayant pas été jointe aux avis, ceux-ci étaient nuls. La consultation du dossier par leur conseil le 12 janvier 2018 ne pouvait réparer ce vice, compte tenu du formalisme du droit du bail à loyers libres et de logements subventionnés, qui devait également prévaloir dans l'application de l'art. 42 LGL. Subsidiairement, l'adaptation à la hausse de l'état locatif n'aurait pas dû être autorisée dans la mesure où les charges, en particulier les postes conciergerie et eau, électricité et gaz, n'apparaissaient pas maîtrisées. Les charges effectives des immeubles sis chemin D______ 4______ à 1______ étaient passées de CHF 232'042.- en 2003 à CHF 398'248.- en 2016, soit une hausse de 70 %. Les frais de conciergerie avaient progressé de CHF 10'000.- sur les cinq dernières années, passant de CHF 70'000.- à CHF 80'000.-, alors que les prestations n'avaient pas évolué. La hausse du poste eau, électricité et gaz sur les trois derniers exercices (2014, 2015 et 2016), passant de CHF 47'955.- à CHF 69’330.-, ne pouvait uniquement s'expliquer par l'augmentation des prix unitaires facturés par les SIG. Compte tenu de la prochaine échéance des emprunts hypothécaires, du taux actuel supérieur à 3 % et des taux actuellement pratiqués, les charges financières connaîtraient une baisse importante dès 2019. Ce poste de dépense influençait le calcul de l'état locatif autorisé.

10. E______ a admis que la copie de la décision du 13 décembre 2017 n'avait pas été annexée aux trois avis du 18 décembre 2017. La hausse des charges de conciergerie s'expliquait par l'augmentation de CHF 177.50 par mois du salaire de chacun des concierges, ainsi que des charges sociales, en raison de l'âge de ceux-ci. Depuis 2015, une nette augmentation des dépenses du poste eau était également constatée en raison de la facturation de nouvelles taxes, comme la taxe d'utilisation du réseau secondaire et la taxe fédérale sur les eaux usées, laquelle était fondée sur une tarification forfaitaire, ainsi que sur la production et la distribution d'eau potable. L'augmentation était en moyenne de 2,56 % entre 2012 et 2016 pour l'eau et l'électricité dont une augmentation moyenne de 31,66 % sur la période 2015/2016 en comparaison avec l'année 2012.

11. Mme A______ et M. B______ ont maintenu leur position, en relevant que les explications données par la fondation au sujet de l'augmentation du poste de conciergerie et celle du poste eau ne convainquaient pas. Ils persistaient à considérer que les charges d'exploitation n'étaient pas sainement maîtrisées par la propriétaire, de sorte que les locataires de l'immeuble concerné n'avaient pas à en pâtir par des augmentations de loyer.

12. Par courriers recommandés du 6 avril 2018, E______ a transmis à Mme A______ et M. B______ une copie de la décision du 13 décembre 2017. Le fait que celle-ci n'ait pas été annexée « ne modifi[ait] en rien l'avis de modification du 18 décembre 2017 ».

13. Par décision du 13 avril 2018, l'OCLPF a rejeté la réclamation de Mme A______ et M. B______.

Il était établi que la décision du 13 décembre 2017 n'avait pas été jointe aux trois avis de majoration de loyer litigieux. Ni l'art. 42 al. 7 LGL, ni les dispositions du droit du bail ne prévoyaient la nullité d'un avis de modification de loyer en cas d'absence de la décision jointe. Dès lors que la bailleresse avait dûment employé la formule agréée garantissant ainsi l'absence de dissimulation d'informations aux locataires, que le motif de la hausse y avait été indiqué, qu'il était fait référence à la décision du 13 décembre 2017 et que les locataires avaient eu la faculté de consulter le dossier auprès de l'autorité compétente, le vice constaté ne pouvait rendre nulles les hausses de loyer querellées.

L'augmentation moyenne de 3,22 % du loyer du logement concerné procédait uniquement de l'augmentation du budget de charges pour entretien, lequel avait été fixé en tenant compte de la moyenne des charges courantes des trois dernières années d'exploitation, de l'alimentation de la réserve pour travaux à hauteur de 10 % de la moyenne de ces charges, ainsi que de l'absorption du déficit de la réserve cumulée constaté au 31 décembre 2016. L'analyse des comptes d'exploitation de l'immeuble en question justifiait de faire partiellement droit à la demande de la bailleresse visant la modification du budget de charges pour entretien, dont l'augmentation de CHF 330'000.- à CHF 369'000.- était admise. Les hausses de charges relatives aux postes conciergerie et SIG pour les exercices 2012 à 2016 avaient été dûment justifiées par la bailleresse dans le courrier du 26 février 2018. Il n'y avait aucun motif objectif de ne pas retenir ces charges dans leur totalité. Compte tenu de la pondération afférente à l'objet en question selon l'arrêté de mise en location du 18 septembre 2002, le loyer annuel maximum autorisé correspondait bien à CHF 19'848.-/an et à CHF 1'608.-/an pour chaque emplacement de parking.

14. Par acte du 18 mai 2018, Mme A______ et M. B______ ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, en concluant à son annulation et principalement, à la constatation que les trois avis de modification de loyer du 18 décembre 2017 étaient nuls et subsidiairement, à l'annulation de la décision de l'OCLPF du 13 décembre 2017. Ils demandaient également que l'effet suspensif soit accordé à leur recours afin que les hausses de loyer ne soient pas applicables jusqu'à l'entrée en force de la décision finale.

À cette fin, ils reprenaient leurs précédents développements concernant la nullité des avis du 18 décembre 2017 et l'augmentation non maîtrisée des charges, en particulier des postes conciergerie et eau, électricité et gaz.

15. Dans ses écritures responsives, l'OCLPF a conclu au rejet du recours. Préalablement, il a sollicité que la fondation soit appelée en cause, en tant que propriétaire de l'immeuble concerné.

Il maintenait sa position en relevant que les locataires ne remettaient pas en doute la véracité des montants communiqués par la bailleresse au service compétent. Ils se contentaient de s'interroger sur la proportion de l'augmentation des coûts constatés, sans pour autant démontrer le bien-fondé de leurs griefs. En revanche, interpellée sur cette question, la bailleresse avait exposé de manière convaincante les raisons d'une telle hausse.

16. Mme A______ et M. B______ s'en sont rapportés à justice s'agissant de l'appel en cause de la fondation, étant précisé que celle-ci était intervenue dans la procédure de réclamation, qu'eux-mêmes l'avaient désignée dans leurs écritures et que la décision sur recours lui serait opposable.

17. Appelée en cause, la fondation a conclu au rejet du recours.

Elle partageait la position de l'OCLPF et était en mesure de justifier la hausse des charges d'exploitation, notamment par la production des comptes de gérance pour les exercices 2011 à 2016. Elle avait pu justifier la hausse des charges d'exploitation notamment par la production des comptes de gérance pour les exercices 2011 à 2016. La modification de l'état locatif avait été autorisée à juste titre.

18. Mme A______ et M. B______ ont répliqué en persistant dans leurs conclusions et procédant à une analyse historique de l'art. 42 al. 7 LGL.

19. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. En procédure administrative genevoise, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

3. À titre principal, les recourants contestent le contenu des trois avis de modification de loyer, notifiés le 18 décembre 2017, dans la mesure où l'indication des motifs était insuffisante et une copie de la décision du 13 décembre 2017 autorisant la modification de l'état locatif de l'immeuble concerné n'y était pas annexée.

4. a. L'État encourage la construction de logements d'utilité publique et s'efforce d'améliorer la qualité de l'habitat dans les limites et selon les critères fixés par la loi (art. 1 al. 1 LGL).

L’encouragement de l’État se concrétise par voie d’octroi de subventions, d’allégement fiscaux ainsi que par la surveillance de la qualité d’immeubles subventionnés et de leur environnement, ainsi qu’à l’économie des coûts de production et d’exploitation (art. 1 al. 2 let. b et d, 15 al. 2 LGL). Sont notamment admis au bénéfice de la LGL les immeubles de catégorie 4 HM (art. 16 al. 1 let. d LGL).

b. À ce titre, et en contrepartie de l’intervention de l’État, la LGL instaure un contrôle des loyers sur tous les logements ou locaux construits par ou avec l'aide de l'État de Genève (art. 1 al. 3 LGL), pour la durée de celle-là. Selon la volonté du législateur la mise en place d’un tel contrôle vise à atténuer les conséquences pécuniaires très importantes pour les locataires qui accompagnent le retour des immeubles aux conditions du marché libre (Mémorial du Grand Conseil 1973, p. 632 ; 1969, p. 1768), tout en ménageant le plus possible les intérêts du propriétaire (ATA/879/2010 du 14 décembre 2010 ; ATA R. du 11 avril 1984, consid. 6, p. 22).

c. Dans l’arrêté de base fixant le montant de l’aide étatique, le Conseil d’État détermine l’état locatif initial autorisé en fonction des plans financiers qui lui sont soumis (art. 27 LGL). Le contrôle du loyer comporte l’examen de l’ensemble des éléments financiers qui s’y rapportent, à savoir le contrôle du prix du terrain, de la construction et du rendement des fonds. Dans le cadre de son activité de contrôle, l’OCLPF a adopté des directives visant à codifier sa pratique pour la détermination des éléments précités à prendre en compte dans l’établissement de l’état locatif autorisé des immeubles sous contrôle étatique (ex : pratique administrative de l’office du logement, prix admis dans les plans financiers pour les terrains sis en zone de développement, PA/SI/001.05, coûts de construction admis dans les plans financiers des immeubles soumis à la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35) ou à la LGL, PA/SI/036.01, taux de rendement nets initiaux admis en fonction du type de financement, PA/SI/004.03, loyers maximums par pièce pour accord de principe, PA/SI/005.03).

L’ensemble des éléments applicables à l’état locatif est fixé par le plan financier accepté en début de la période de contrôle et dont les effets durent toute la période de contrôle (art. 27 LGL et 5 al. 2 LGZD). Toute modification des conditions fixées dans la décision de bénéfice de la LGL à titre définitif, notamment le changement de propriétaire, de ses statuts s’il s’agit d’une personne morale, ou du financement, doit être préalablement agréée par l’autorité compétente. Reste réservée la modification de l’état locatif visée à l’art. 42 LGL (art. 78 al. 4 RGL).

Au terme de cette disposition, l’état locatif ne peut être modifié qu’en fonction de l’évolution de certains critères précis, soit la diminution légale des prestations de l’État, l’évolution des conditions d’exploitation des immeubles, notamment des variations du taux d’intérêts des dettes hypothécaires et du coût des travaux d’entretien et de réparation, sans préjudice des besoins d’alimentation des réserves pour l’entretien (art. 42 al. 1 LGL).

d. Le propriétaire notifie au locataire le loyer autorisé par le service compétent en utilisant, à cette fin et sous peine de nullité, une formule officielle mentionnant notamment les motifs de la modification du loyer, le droit à obtenir une allocation de logement aux conditions fixées par la loi en s’adressant à l’autorité compétente, ainsi que la voie et le délai de réclamation prévus par la loi. Une copie conforme de la décision relative au nouveau loyer doit y être jointe (art. 42 al. 7 LGL). La formule avise en outre le locataire qu’il est autorisé à consulter, auprès du service compétent, les pièces du dossier sur la base desquelles le loyer a été fixé (art. 42 al. 8 LGL).

Les travaux législatifs du Grand Conseil lors de l'adoption de la LGL ne contiennent aucune précision quant à la nécessité de joindre à l'avis de modification de loyer une copie de la décision relative au nouveau loyer.

e. À teneur de l'art. 253b al. 3 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), les dispositions relatives à la contestation des loyers abusifs ne s'appliquent pas aux locaux d'habitation en faveur desquels des mesures d'encouragement ont été prises par les pouvoirs publics et dont le loyer est soumis au contrôle d'une autorité. L'art. 2 al. 2 de l'ordonnance sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux du 9 mai 1990 (OBLF - RS 221.213.11) précise que seuls les art. 253 à 268b, 269, 269d al. 3, 270e et 271 à 273c CO, ainsi que les art. 3 à 10 et 20 à 23 OBLF sont applicables aux appartements en faveur desquels des mesures d'encouragement ont été prises par les pouvoirs publics et dont le loyer est soumis au contrôle d'une autorité (arrêt du Tribunal fédéral 1C_500/2013 du 25 septembre 2014 consid. 2.2 ; ATA/847/2016 du 11 octobre 2016 consid. 8).

La fixation et l'examen des loyers des logements subventionnés obéissent à des règles particulières découlant de la législation fédérale ou cantonale. En contrepartie d'aides prodiguées par la collectivité, ces lois instaurent un contrôle des loyers des immeubles concernés. Dès lors, pour éviter un double contrôle, l'art. 253b al. 3 CO, norme de compétence, exclut la cognition des autorités de conciliation tous les litiges relatifs aux loyers de logements subventionnés (David LACHAT in Luc THÉVENOZ/Franz WERRO, Code des obligations I, Commentaire romand, 2012, p. 1714 n. 6 ad art. 253b CO).

f. D'après l'art. 269d al. 3 CO, l'art. 269d al. 2 CO est aussi applicable lorsque le bailleur envisage d'apporter unilatéralement au contrat d'autres modifications au détriment du locataire, par exemple en diminuant ses prestations ou en introduisant de nouveaux frais accessoires.

À teneur de l'art. 269d al. 2 CO, les majorations de loyer sont nulles lorsqu'elles ne sont pas notifiées au moyen de la formule officielle (let. a), les motifs ne sont pas indiqués (let. b), elles sont assorties d'une résiliation ou d'une menace de résiliation (let. c).

g. Conformément à la jurisprudence constante, la loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre. Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher la véritable portée de la norme. Le Tribunal fédéral ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 139 II 78 consid. 2.4 ; 138 II 105 consid. 5.2 ; 135 II 243 consid. 4.1). Il ne s’écarte, sous peine de violer le principe de la séparation des pouvoirs, d'une interprétation qui correspond à l'évidence à la volonté du législateur, en se fondant, le cas échéant, sur des considérations relevant du droit désirable (de lege ferenda) ; autrement dit, le juge ne saurait se substituer au législateur par le biais d'une interprétation extensive (ou restrictive) des dispositions légales en cause (ATF 133 III 257 consid. 2.4 ; 130 II 65 consid. 4.2 ; 127 V 75 consid. 3).

h. En l'espèce, les parties s'accordent sur le fait que la décision du 13 décembre 2017 autorisant la modification de l'état locatif de l'immeuble concerné n'a pas été jointe aux avis de modification de loyer du 18 décembre 2017.

L'approche des parties diverge quant aux conséquences de cet oubli, compte tenu de la formulation de l'art. 42 al. 7 LGL.

D'emblée, il convient de relever que les termes « sous peine de nullité » de la disposition précitée visent directement l'utilisation d'une formule officielle mentionnant notamment les motifs de la modification du loyer, le droit à obtenir une allocation de logement aux conditions fixées par la loi en s’adressant à l’autorité compétente, ainsi que la voie et le délai de réclamation prévus par la loi. L'exigence de fournir une copie conforme de la décision relative au nouveau loyer figure dans la phrase suivante sans cette précision. Cette distinction opérée par le législateur entre ces deux phrases indique clairement que, bien que l'annexe d'une copie conforme de la décision relative au nouveau loyer soit une obligation, elle ne relève pas d'une condition de nullité. Le droit privé prévoit d'ailleurs que les majorations de loyer sont nulles, notamment, lorsqu'elles ne sont pas notifiées au moyen de la formule officielle, sans qu'aucune annexe de document quelconque ne soit requise.

En outre, la formule officielle de l'avis de modification de loyer contient déjà à elle seule toutes les informations nécessaires aux locataires pour faire valoir leurs droits, comme en droit privé. En effet, ce document mentionne l'ancien et le nouveau loyer, les motifs de la modification, soit « l'augmentation des charges d'exploitation », les voies de consultation du dossier, de réclamation du locataire et d'allocation de logement. In casu, il était également précisé qu'une « copie de l'autorisation de modification de l'état locatif » était annexée. Bien que l'annexe sous forme papier manquât, les locataires disposaient concrètement de toutes les informations pour agir, tel qu'en atteste la présente procédure. Ainsi l'objectif du législateur visant à assurer que le locataire dispose de toutes les informations nécessaires par rapport à la modification de loyer qui lui est signifiée, a été rempli en l'occurrence. Les recourants ont pu consulter le dossier en temps voulu afin de prendre connaissance de la décision du 13 décembre 2017, laquelle leur a encore été adressée par courrier du 6 avril 2018.

À cela s'ajoute, vu la jurisprudence susrappelée, que contrairement à la méthode de fixation du loyer en droit privé, la modification de l'état locatif d'un logement subventionné est soumise à un contrôle étatique, au cours duquel le propriétaire doit justifier ses intentions. Il n'est pas contesté que ce processus a été respecté in casu, soit que l'intimé a effectivement examiné la modification envisagée.

Au vu de ce qui précède, il faut retenir que l'absence de copie conforme de la décision relative au nouveau loyer n'est pas sanctionnée à peine de nullité, qu'elle n'a pas prétérité les recourants dans leurs droits et a pu être réparée ultérieurement.

Ce grief doit donc être écarté.

5. À titre subsidiaire, les recourants considèrent que l'autorisation précitée n'aurait pas dû être accordée, dans la mesure où l'augmentation des charges ne leur paraît pas maîtrisée par la propriétaire.

6. a. Le propriétaire doit prendre les mesures nécessaires pour garantir le bon état général des immeubles et de leurs équipements, ainsi que pour éviter, en particulier, toute dégradation anormale des constructions et assurer la sécurité du public (art. 28 LGL ; art. 3 al. 1 RGL). De ce fait, les frais d'entretien et de travaux courants doivent être pris en considération pour la fixation de l'état locatif autorisé. En revanche, les dépenses liées à des travaux importants, y compris celles concernant des appartements, doivent être préalablement soumises pour approbation à l’OCLPF (art. 3 al. 3 RGL). C’est cependant à cette autorité qu’il incombe de déterminer en définitive tant dans leur genre que dans leur quotité, en fonction des conditions d’exploitation des immeubles et des frais qui en découlent, quelles sont les charges à prendre en compte dans la fixation de l’état locatif autorisé (art. 5 al. 4 RGL).

b. Lors de l’examen des demandes de modification de l’état locatif autorisé selon l’art. 42 LGL, l’administration peut, mais n’a pas l’obligation, d’adapter ce dernier. Elle bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation dans l’usage de cette prérogative afin que le but d’intérêt public au maintien de logements sociaux soit préservé (art. 42 al. 5 LGL ; ATA/845/2016 du 11 octobre 2016 consid. 15 ; ATA/331/2011 du 24 mai 2011 consid. 5 ; ATA/879/2010 du 14 décembre 2010 consid. 2d).

c. L’art. 42 al. 1 LGL impose à l’autorité administrative de prendre en compte le besoin de reconstituer la réserve lorsqu’elle fixe le nouvel état locatif. La loi ne définit toutefois pas la notion de réserve. Selon l'art. 3 al. 4 LGL, le propriétaire doit constituer des réserves pour travaux d'entretien et les déposer en banque sur un compte spécial. Les dépenses effectives étant inférieures aux dépenses budgétisées durant les premières années, il s’agit de constituer une réserve nécessaire destinée à financer des travaux liés à l’usure et au vieillissement dans les années qui précèdent la sortie du régime de contrôle (ATA M. du 24 juin 1981 consid. 4 ; ATA O. et C. du 19 décembre 1985 consid. 4). La constitution d’une provision pour travaux d’entretien et de réparation ne doit toutefois pas permettre au propriétaire d’obtenir par des voies détournées, à la fin du contrôle officiel, un rendement des fonds propres excédant celui autorisé (ATA/331/2011 du 24 mai 2011 consid. 7 ; ATA/879/2010 précité consid. 4 ; Richard BARBEY, Le contrôle officiel des loyers à Genève, in RDAF 1981 p. 208 ss, p. 217).

d. La chambre de céans a confirmé la conformité à la LGL des directives de l’OCLPF susmentionnées, qui constituent une base de gestion indispensable au traitement d’un grand volume de travail, l’examen au cas par cas de toutes les particularités de chaque dossier n’étant matériellement pas possible et de surcroît source d’insécurité juridique et d’inégalité de traitement (ATA/585/2017 du 23 mai 2017 consid. 4 ; ATA/845/2016 du 11 octobre 2016 consid. 4d ; ATA/331/2011 du 24 mai 2011 consid. 9 et les arrêts cités).

e. Par ailleurs, la chambre de céans fait preuve de retenue lorsqu'il s'agit d'examiner la façon dont sont traités par une administration spécialisée, en fonction de la loi voire des directives existantes, certains frais d'exploitation courants ou extraordinaires ou dont elle établit le budget, voire l'état locatif autorisé d'un immeuble. L'OCLPF est un service spécialisé chargé d’examiner les dossiers relatifs à tous les immeubles subventionnés par l'État et, en particulier, d'en mesurer tous les aspects financiers et techniques. Cette mission lui offre un champ de comparaison étendu et doit en principe l'amener à établir une pratique uniforme. La chambre de céans ne saurait de ce fait substituer son appréciation à celle d'un service spécialisé en ce qui concerne les questions techniques. Son contrôle se limite à l'abus ou à l'excès du pouvoir d'appréciation (ATA/585/2017 précité ; ATA/879/2010 précité consid. 7 et les références citées).

f. S'agissant en l'occurrence de l'ampleur de la modification de l'état locatif, tant l'appelée en cause que l'intimé ont justifié, pièces à l'appui, le montant de l'augmentation des charges, en particulier des postes conciergerie, et eau, électricité et gaz. L'appelée en cause a remis à l'intimé la totalité des documents requis pour justifier de sa demande de modification de l'état locatif, ce qui a d'ailleurs permis à l'intimé de refuser dans un premier temps la demande d'augmentation du budget des charges pour entretien, avant de l'accepter après que celui-ci a été rectifié dans le sens de ses observations.

Ainsi, il n'est pas contesté que le budget de charges pour entretien a dûment été fixé, conformément aux bases légales et directives applicables, en tenant compte de la moyenne des trois dernières années des charges courantes d'exploitation, de l'alimentation de la réserve pour travaux à hauteur de 10 % de la moyenne de ces charges, ainsi que de l'absorption du déficit de la réserve cumulée constaté au 31 décembre 2016.

À cet égard, les chiffres retenus ne sont pas contestés en tant que tels, les recourants n'apportant aucun élément concret permettant de les remettre en cause. Ils se contentent d'opposer leur propre perception à l'examen minutieux effectué par l'intimé. Alors qu'ils ont eu l'occasion de consulter le dossier contenant toutes les pièces fournies par l'appelée en cause, ils ne relèvent aucune inexactitude dans les montants communiqués. En outre, il est notoire que depuis 2015, la tarification de l'eau a changé à Genève, entraînant une augmentation du coût de sa consommation. Les augmentations des salaires des concierges et des charges les concernant du fait de leur âge respectif apparaissent également fondées, quand bien même les prestations fournies n'auraient pas changé.

Il s'ensuit que ce grief doit également être écarté.

En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

7. Le prononcé du présent arrêt rend sans objet la requête de restitution de l’effet suspensif formée par les recourants.

8. Un émolument de CHF 450.- sera mis à la charge des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à la fondation, appelée en cause ayant recouru aux services d’un avocat et y prétendant, à la charge des recourants (art. 87 al. 2 et 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), étant précisé que, conformément à la jurisprudence constante de la chambre de céans, l’indemnité de procédure ne constitue qu’une participation aux honoraires d’avocat (ATA/151/2018 du 20 février 2018 ; ATA/681/2009 du 22 décembre 2009 ; ATA/554/2009 du 3 novembre 2009).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 mai 2018 par Madame A______ et Monsieur B______ contre la décision de l'office cantonal du logement et de la planification foncière du 13 avril 2018 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 450.- à la charge de Madame A______ et Monsieur B______, solidairement entre eux ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la Fondation C______, à la charge solidaire de Madame A______ et Monsieur B______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Philippe Eigenheer, avocat des recourants, à l'office cantonal du logement et de la planification foncière, ainsi qu’à Me Serge Patek, avocat de l’appelée en cause.

 

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Thélin, Pagan et Verniory,
Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :