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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4316/2007

ATA/30/2009 du 20.01.2009 ( FIN ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4316/2007-FIN ATA/30/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 20 janvier 2009

 

dans la cause

 

Monsieur P______

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE ADMINISTRATIVE

et

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS



EN FAIT

1. Monsieur P______ (ci-après : le contribuable), domicilié en France, est associé avec Monsieur A______ (ci-après : l'associé), dans la société en nom collectif gypserie P______ et A______ (ci-après : la société), ayant son siège à Onex et inscrite au registre du commerce genevois depuis le 1er avril 2003. En cette qualité, il est contribuable dans le canton de Genève.

2. Par courrier du 24 février 2006, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a informé le contribuable de l'ouverture de deux procédures de rappel d'impôt pour la période fiscale 2003, l'une pour l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD), l'autre pour les impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC). L'AFC-GE avait en effet constaté que la part de l'intéressé aux résultats comptables de la société n'avait pas été déclarée. Un délai lui était imparti pour remplir et retourner sa déclaration fiscale 2003 (ci-après : la déclaration).

3. Le 8 mai 2006, M. P______ a retourné sa déclaration, en y joignant les documents comptables de l'exercice 2003 de la société, qui faisaient apparaître une participation au résultat de CHF 70'550.-.

4. Le 19 mai 2006, l'AFC-GE a informé M. P______ que les procédures de rappel étaient terminées. Elle lui a remis un bordereau rectificatif pour l'ICC 2003 d'un montant de CHF 8'609,50, accompagné d'un bordereau d'amende de CHF 8'600.-, ainsi qu'un bordereau rectificatif pour l'IFD 2003 de CHF 1'371,80, auquel était joint un bordereau d'amende de CHF 1'300.-. Seul ce dernier fait l'objet de la présente procédure. Lors d'une analyse des comptes commerciaux de la société auprès de l'associé, l'AFC avait constaté que le contribuable n'avait pas déclaré sa part aux bénéfices provenant de son activité indépendante dans le canton de Genève. Cela constituait une soustraction d'impôt.

5. Le 24 mai 2006, M. P______ a élevé une réclamation. La société avait commencé son activité en avril 2003 et il avait pris en charge les aspects administratifs. Inexpérimenté en la matière et débordé par le volume de travail, il s'était montré négligent et n'avait pas immédiatement fait appel à une fiduciaire. Il avait remédié à cette situation dès l'année suivante, mais n'avait plus pensé que la déclaration de 2003 n'avait pas été remplie. Il sollicitait, en substance, une reconsidération de l'amende.

6. Le 12 juin 2006, l'AFC-GE a rejeté la réclamation. En raison des manquements du contribuable, une taxation insuffisante avait été effectuée pour l'année 2003. Ce comportement fautif était sanctionné par une amende.

7. M. P______ a recouru contre la décision susmentionnée auprès de la commission cantonale de recours de l'IFD remplacée, depuis le 1er janvier 2009, par la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission), concluant à une réduction de l'amende. Par manque d'attention, il n'avait pas rempli sa déclaration. Lorsqu'il avait fait établir la déclaration fiscale 2004 par la fiduciaire, il ne s'était pas rendu compte qu'elle n'incluait pas le premier exercice de la société. Lorsqu'il l'avait réalisé, il avait contacté l'autorité fiscale afin de connaître les démarches à suivre pour s'acquitter de l'impôt 2003. Il avait alors reçu le courrier de l'AFC-GE du 19 mai 2006, accompagné du bordereau litigieux.

8. Le 12 janvier 2007, l'AFC-GE s'est opposée au recours. Le contribuable avait agi non plus par négligence, mais intentionnellement, sous forme du dol éventuel.

9. Le 26 septembre 2007, la commission a rejeté le recours et confirmé l'amende de CHF 1'300.- en admettant la négligence. Retenir, comme le soutenait désormais l'AFC-GE, une soustraction intentionnelle revenait à pratiquer une reformatio in pejus quant à la nature de l'infraction, ce que la commission ne souhaitait pas. L'administré avait admis avoir été inattentif et négligent. Cela ne pouvait constituer une excuse valable et l'amende était fondée dans son principe. En l'absence d'antécédents, le montant de celle-ci apparaissait justifié.

10. Le 8 novembre 2007, le contribuable a recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision susmentionnée, concluant implicitement à son annulation et à une réduction de l'amende. La négligence avait été retenue. Dès lors sa faute devait être qualifiée de légère. Il n'avait jamais voulu se soustraire à ses obligations fiscales.

11. L'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) a conclu au rejet du recours le 23 novembre 2007, se ralliant aux considérants et dispositif de la décision querellée.

12. Le 6 décembre 2007, l'AFC-GE s'est opposée au recours en se référant à son argumentation devant la commission. Même en retenant que la faute du contribuable relevait de la négligence, elle était importante et ne justifiait pas de réduction du montant de l'amende.

13. Une audience de comparution personnelle des parties a été fixée au 17 janvier 2008. Le contribuable ne s'y est pas présenté, invoquant ultérieurement une erreur d'enregistrement de date dans son agenda.

14. M. P______ s'est présenté à la nouvelle audience de comparution personnelle appointée le 24 avril 2008. Il a confirmé son recours, reprenant son argumentation antérieure. Il contestait tant le principe que le montant de l'amende. Il était plâtrier de formation.

L'AFC-GE a persisté dans sa décision.

L'AFC-CH était excusée.

15. Le 26 septembre 2008, le juge délégué a interpellé M. P______ afin de savoir s'il entendait requérir des actes d'instruction complémentaires ou apporter des précisions à son recours.

16. Le 13 octobre 2008, M. P______ a simplement réitéré qu'il n'avait à aucun moment cherché à tromper les autorités fiscales. Sa première préoccupation était le bon fonctionnement de son entreprise et non la fraude fiscale.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56 de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. Selon l’article 68 LPA, le recourant peut invoquer des motifs, des faits et des moyens de preuves nouveaux qui ne l'ont pas été dans les précédentes procédures, sauf exception prévue par la loi. A contrario, cette disposition ne permet pas au recourant de prendre des conclusions qui n’auraient pas été formées devant l’autorité de première instance.

b. Si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre dans son mémoire de recours des conclusions qui sortent du cadre des questions qui ont été l'objet de la procédure antérieure. Quant à l'autorité de recours, elle n'examine pas les prétentions et les griefs qui n'ont pas fait l'objet du prononcé de l'instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d'enfreindre le principe de l'épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d'un degré de juridiction. Par conséquent, le recourant qui demande la réforme de la décision attaquée devant l'autorité de recours ne peut en principe pas présenter de conclusions nouvelles ou plus amples devant l'instance de recours, c'est-à-dire des conclusions qu'il n'a pas formulées dans les phases antérieures de la procédure (ATA/387/2008 du 29 juillet 2008 ; ATA/168/2008 du 8 avril 2008 ; B. BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 390/391).

In casu, le recourant a contesté le principe de l'amende pour la première fois lors de l'audience de comparution personnelle du 14 avril 2008. Ni ses écritures devant la commission, ni son recours devant le tribunal de céans, qui tendent uniquement à la réduction de l'amende, ne contiennent une telle conclusion. Celle-ci doit ainsi être écartée.

3. Selon l'article 151 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), lorsque des moyens de preuve ou des faits jusque là inconnus de l’autorité fiscale lui permettent d’établir qu’une taxation n’a pas été effectuée, alors qu’elle aurait dû l’être, ou qu’une taxation entrée en force est incomplète ou qu’une taxation non effectuée ou incomplète est due à un crime ou à un délit commis contre l’autorité fiscale, cette dernière procède au rappel de l’impôt qui n’a pas été perçu, y compris les intérêts.

L'article 175 alinéa 1er, 1ère phrase LIFD, prévoit que le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète, est puni de l'amende.

La procédure de rappel d'impôt prévue à l'article 151 LIFD est indépendante de la procédure de soustraction prévue à l'article 175 LIFD, qui est fondée sur la culpabilité de l'auteur. Ainsi, lorsque la cause du rappel d'impôt n'est pas imputable à une faute intentionnelle ou par négligence, du contribuable, aucune amende ne peut être infligée (art. 175 a contrario, en relation avec les art. 151 et 153 LIFD).

En revanche, lorsque les conditions de la soustraction sont établies, l'administration doit infliger une amende (art. 175 LIFD). En règle générale, l'amende est égale au montant de l'impôt soustrait. Si la faute est légère, l'amende peut être réduite jusqu'au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD). Enfin, lorsque le contribuable dénonce spontanément la soustraction, avant que l’autorité fiscale en ait connaissance, l’amende est réduite au cinquième de l’impôt soustrait.

4. Les notions d'intention et de négligence de l'article 175 LIFD sont identiques à celle de l'article 12 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

a. Agit ainsi intentionnellement quiconque commet un crime avec conscience et volonté. L'auteur agit déjà intentionnellement lorsqu'il tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où celle-ci se produirait. La preuve d'un comportement intentionnel doit être considérée comme rapportée, lorsqu'il est établi avec une sécurité suffisante que le contribuable était conscient que les informations qu'il a données étaient incorrectes ou incomplètes. Si cette conscience est établie, il faut présumer qu'il a volontairement voulu tromper les autorités fiscales, ou du moins qu'il a agi par dol éventuel afin d'obtenir une taxation moins élevée ; cette présomption ne se laisse pas facilement renverser, car l'on a peine à imaginer quel autre motif pourrait conduire un contribuable à fournir au fisc des informations qu'il sait incorrectes ou incomplètes (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.351/2002 du 5 novembre 2002 ; ATA/614/2008 du 9 décembre 2008 ; ATA/496/2003 du 17 juin 2003).

b. Commet un crime ou un délit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, agit sans se rendre compte (négligence inconsciente) ou sans tenir compte des conséquences de son acte (négligence consciente). L'imprévoyance est coupable lorsque, objectivement, l'auteur n'a pas usé des précautions qui étaient commandées par les circonstances. Il faut enfin que, subjectivement, il ait omis d'user des précautions commandées par sa situation personnelle (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.554/2006 du 7 mars 2007 consid. 8.1). Pour apprécier celle-ci, l'administration, le cas échéant, le juge devront donc tenir compte non seulement des circonstances objectives du cas d'espèce, mais aussi de tout ce qui, in concreto, constitue la situation personnelle du contribuable : par exemple l'intelligence et les connaissances de celui-ci, sa formation personnelle, sa situation économique et sociale et naturellement sa profession (art. 47 CP ; ATA/828/2003 du 11 novembre 2003 consid. 5 b ; D. YERSIN/ Y. NOËL, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, Bâle 2008, p. 1501, n. 41 et ss).

En l'espèce, l'instruction du dossier permet de retenir que le recourant, qui ne disposait pas d'une formation en matière de gestion d'entreprise lorsqu'il a créé la société, n'a pas prêté une attention suffisante aux différents aspects administratifs et notamment fiscaux, impliqués par sa nouvelle activité professionnelle et n'a pas immédiatement pris toutes les mesures qui lui auraient permis de les maîtriser, bien qu'il ait eu la possibilité. Il a ainsi agi par négligence.

5. S'agissant de la quotité de l'amende, selon des principes qui n'ont pas été remis en cause, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès (ATA/410/2007 du 28 août 2007 consid. 20 ; ATA/317/2007 du 12 juin 2007 consid. 7).

En l'espèce, l'AFC-GE a fixé l'amende litigieuse à l'équivalent de l'impôt soustrait. Elle correspond à la situation ordinaire et tient compte de la faute du contribuable, qui ne peut être qualifiée de légère, comme de son absence d'antécédents en la matière. On ne peut retenir que celui-ci a dénoncé spontanément la soustraction, comme il l'allègue sans apporter d'éléments probants, puisque l'AFC-GE indique, sans être contredite, qu'elle a constaté l'existence du problème à l'occasion de l'analyse des comptes de la société auprès de l'autre associé.

Enfin, la sanction n'apparaît pas disproportionnée eu égard à la situation du contribuable, telle qu'elle ressort du bordereau IFD 2003 (art. 47 CP ; ATA/736/2003 du 7 octobre 2003 consid. 24).

6. Mal fondé le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 LPA).

 

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 novembre 2007 par Monsieur P______ contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 26 septembre 2007 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'000.- ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur P______, à l’administration fiscale cantonale, à l’administration fédérale des contributions, ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière administrative.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy, Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :