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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/5050/2017

ATA/247/2018 du 19.03.2018 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/5050/2017-FPUBL ATA/247/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 19 mars 2018

sur effet suspensif

 

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Nathalie Bornoz, avocate

contre

HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE - HUG
représentés par Me Pierre Martin-Achard, avocat



Attendu, en fait, que :

1) Madame A______ a été engagée par les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) en qualité d’infirmière dès le 1er janvier 2006.

Professionnellement, son activité n’a jamais prêté le flanc à la critique et les rapports d’évaluation ont été positifs.

L’intéressée a été nommée fonctionnaire le 1er janvier 2008 ; elle a diminué son taux d’activité à 80 % dès le 1er janvier 2013, puis a bénéficié d’un congé sans salaire du 1er mai 2013 au 30 avril 2014.

2) Le 4 mai 2016, les HUG ont sanctionné, par le prononcé d’un blâme, Mme A______.

Il avait été constaté que des commandes de médicaments étaient faites en dehors de prescriptions médicales, concernant en particulier du sirop de codéine, que l’intéressée consommait.

Dans des entretiens qui avaient précédé la notification de cette sanction, Mme A______ avait admis les faits qui lui étaient reprochés. Il avait été établi qu’une remarque lui avait déjà été faite à ce sujet au mois d’octobre 2015 par son supérieur hiérarchique. Elle lui avait répondu qu’elle prenait de la codéine pour soigner sa toux et ce supérieur lui avait simplement demandé de se soigner.

3) Le 8 juillet 2016, Mme A______ a signé avec les HUG le contrat « graal », soit un document établi par le groupe de réflexion en matière d’addiction et d’alcoolisme pour soutenir les personnes dépendantes de substances psychoactives. L’intéressée s’engageait à ne plus consommer de telles substances à l’intérieur ou à l’extérieur de l’établissement, de suivre un traitement spécifique auprès d’un médecin spécialiste en addictologie et de partager régulièrement avec l’infirmière de santé publique la progression de ses efforts.

Il était précisé que les HUG n’accepteraient plus de comportement inadéquat découlant d’une problématique de substances psychoactives, de tels comportements exposant l’intéressée à un licenciement.

Ce contrat a ultérieurement été modifié pour ne viser que les opiacés et non pas l’ensemble des substances psychoactives.

4) Le 29 septembre 2017, le pharmacien-chef des HUG a informé l’infirmière responsable de l’unité de Mme A______ d’une suspicion d’abus de substances. L’intéressée avait prélevé à une fréquence très élevée dans les armoires automatisées de pharmacie des comprimés de « Co-Dafalgan » soit un mélange de paracétamol et de codéine. Deux cent quatorze avaient été pris en nonante-trois prélèvements pendant une période de deux mois. Ces prélèvements, effectués dans de nombreuses unités de soins, étaient réalisés pour des patients qui n’étaient pas hospitalisés dans les bâtiments concernés et à qui ce médicament n’avait pas été prescrit.

5) Convoquée à un entretien de service le 17 octobre 2017, l’intéressée a admis les faits, indiquant être consciente du fait qu’elle avait abusé de la confiance de l’hôpital et qu’elle en était désolée. Elle n’était pas quelqu’un de malhonnête et elle pensait avoir utilisé ce moyen pour effectuer un appel à l’aide, montrant ainsi inconsciemment qu’elle n’allait pas bien.

6) Par décision du 21 novembre 2017, les HUG ont résilié le contrat de Mme A______ pour le 28 février 2018, l’intéressée présentant une inaptitude à remplir les exigences de sa fonction d’infirmière qui avait entraîné également la rupture du contrat « graal ».

Dite décision était exécutoire nonobstant recours et Mme A______ était immédiatement libérée de son obligation de travailler.

7) Par acte mis à la poste le 22 décembre 2017 et reçu par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 2 janvier 2018, Mme A______ a formé recours contre la décision précitée concluant préalablement à ce que l’effet suspensif soit lié au recours, à ce que l’ensemble des décisions d’ouverture de procédure de reclassement prises entre 2012 et 2017 soit produit, après anonymisation et à ce que la décision litigieuse soit annulée.

S’agissant de l’effet suspensif, les HUG avaient omis d’ouvrir une procédure de reclassement et cela en violation de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) alors même qu’elle était apte au travail.

Lors de la découverte de la rechute, Mme A______ avait continué de travailler pendant près de deux mois, démontrant ainsi qu’elle était apte au travail et digne de confiance. Son intérêt à conserver une activité professionnelle devait primer sur tout autre intérêt et il y avait un intérêt public prépondérant à maintenir son employabilité.

Quant au fond, les HUG n’avaient pas pris en compte certains faits importants en faveur de l’intéressée provenant en particulier des médecins qui la suivaient.

Le fait qu’une procédure de reclassement n’ait pas été ouverte violait le principe de la proportionnalité et celui de l’égalité de traitement et rendait la décision arbitraire.

De plus, il n’y avait pas de motif fondé justifiant la résiliation des rapports de service et son licenciement violait le principe de la proportionnalité.

8) Le 31 janvier 2018, les HUG se sont déterminés au sujet de l’effet suspensif, concluant au rejet de la requête.

Il y avait un intérêt public à ce que le traitement de l’intéressée ne soit plus versé au moment où la décision de licenciement prenait effet. L’intéressée avait volé pendant plusieurs mois des médicaments aux HUG pour sa propre consommation, médicaments qui contenaient de la codéine. Un tel comportement était de nature à ruiner définitivement le rapport de confiance, surtout lorsque, comme en l’espèce, il s’agissait d’une récidive.

Dans ces circonstances, l’ouverture d’une procédure de reclassement était en tout état vaine. Mme A______ n’avait pas respecté le contrat « graal » qu’elle avait signé et, dans un établissement hospitalier, les infirmières avaient accès aux pharmacies. Au surplus, le recours n’avait pas de chance de succès.

9) Le 12 février 2018, Mme A______ a exercé son droit à la réplique, sur la question de l’effet suspensif, maintenant ses conclusions initiales. Elle avait toujours exercé sa fonction d’infirmière à la satisfaction de son employeur. Si elle avait rechuté, c’était en lien avec l’attitude de ses supérieurs. Malgré la découverte d’une absorption importante de codéine, elle avait toujours été maintenue dans son emploi.

Au surplus, certaines pièces déterminantes ne figuraient pas dans le dossier de l’intéressée au moment où la décision avait été prise.

Depuis le mois d’octobre 2017, elle n’avait plus consommé d’opiacés, ce qu’elle pouvait démontrer en s’étant volontairement astreinte à des tests inopinés.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger sur la question de l’effet suspensif.

Considérant, en droit, que :

1) Aux termes de l’art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

2) L’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA), la décision étant prise par le président ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d’empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 LPA et art. 7 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 septembre 2010).

3) Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/955/2016 du 9 novembre 2016 consid. 4 ; ATA/1244/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2 ; ATA/1110/2015 du 16 octobre 2015 consid. 3).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265).

4) L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

5) Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

6) L'autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé. Elle motive sa décision et doit proposer préalablement à la résiliation des mesures de développement et de réinsertion professionnels et rechercher si un autre poste au sein de l'administration serait disponible, qui correspond aux capacités de l'intéressé (art. 21 al. 3 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 - LPAC - B 5 05) et 46A du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 - RPAC - B 5 05.01).

Aux termes de l’art. 22 LPAC, il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de l'insuffisance des prestations (let. a), l'inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b), la disparition durable d'un motif d'engagement (let. c).

Selon l’art. 31 LPAC, peut recourir à la chambre administrative pour violation de la loi tout membre du personnel dont les rapports de service ont été résiliés (al. 1) ; si la chambre administrative retient que la résiliation des rapports de service ne repose pas sur un motif fondé, elle ordonne à l’autorité compétente la réintégration (al. 2) ; si elle retient que la résiliation des rapports de service est – pour une autre raison – contraire au droit, elle peut proposer à l’autorité compétente la réintégration (al. 3).

7) En l’espèce, les conséquences de l’absence de procédure de reclassement ne sont pas, à première vue, déterminantes dans le cadre d’une décision sur effet suspensif (cf ATA/346/2017 du 28 mars 2017 dans lequel la restitution de l’effet suspensif a été refusée malgré l’absence, relevée par le recourant, d’une procédure de reclassement).

Les motifs fondés retenus par l’autorité intimée se réfèrent à une rupture définitive du rapport de confiance, laquelle apparaît, à première vue, être réalisée. Malgré les mesures mises en place, la recourante a en effet à nouveau subtilisé des comprimés contenant des produits opiacés pour son usage personnel, ce qui, toujours prima facie, n’est pas admissible, en particulier au sein d’un établissement hospitalier.

S’agissant de la pesée des intérêts, il n’est pas contestable que la recourante dispose d’un intérêt privé important à conserver une activité professionnelle ainsi qu’un salaire. Face à cet intérêt privé, celui des HUG à ne pas avoir en leur sein une employée qui prend sans autorisation des opiacés pour elle-même et cela malgré les mesures mises en place, apparaît très prépondérant, dès lors qu’il est établi que l’employeur dispose de la capacité financière lui permettant d’assurer les montants qui seraient mis à charge en cas d’admission du recours, l’inverse n’étant pas établi.

8) Vu ce qui précède, la restitution de l’effet suspensif sera refusée, le sort des frais étant réservé jusqu’à droit jugé au fond.

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Nathalie Bornoz, avocate de la recourante, ainsi qu'à Me Pierre Martin-Achard, avocat des Hôpitaux universitaires de Genève - HUG.

 

La présidente :

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

la greffière :