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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4165/2020

ATA/233/2022 du 01.03.2022 sur JTAPI/947/2021 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;CONSTRUCTION ET INSTALLATION;5E ZONE;CONFORMITÉ À LA ZONE;AUTORISATION DÉROGATOIRE(PERMIS DE CONSTRUIRE);ZONE À PROTÉGER;PROTECTION DE LA FORÊT;PROTECTION DES EAUX;CATALOGUE DES COURS D'EAU;CONSTATATION DES FAITS;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;PROPORTIONNALITÉ;EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION
Normes : LPA.61.al1; Cst.29.al2; LAT.15; LAT.17.al1.leta; LAT.17.al1.letd; LAT.24c; OAT.42; LEaux-GE.15.al7; LForêts.11.al2.letB; LForêts.11.al3; LaLAT.27c.al1
Résumé : Confirmation du refus d'autoriser la construction d’un habitat groupé de six appartements sur une SBP habitable de 593 m2 (un rez-de-chaussée, un étage et un attique). Malgré l'inadvertance du TAPI s'agissant du nombre de logements, de la SBP projetée et du gabarit, la conclusion à laquelle il est arrivé, s'agissant d'une absence d'identité de la nouvelle construction par rapport à l'ancienne sise totalement en zone inconstructible, est conforme au droit. Le projet ne peut pas faire l'objet d'une autorisation dérogatoire délivrée en vertu de la LAT et de l'OAT. Les préavis ne disent en outre rien s'agissant des dérogations relatives à la zone naturelle protégée et inconstructible (LEaux-GE et LForêts) sur laquelle une partie importante de la construction serait érigée (117 m2). Recours rejetés.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4165/2020-LCI ATA/233/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er mars 2022

3ème section

 

dans la cause

A______
représentée par Me Malek Adjadj, avocat

et

Monsieur B______

contre

Monsieur C______
Monsieur D______
Monsieur E______
Monsieur F______
Monsieur G______
Monsieur H______
Monsieur I______
Monsieur J______
Monsieur K______
représentés par Monsieur K______

et

COMMUNE DE L______
représentée par Me Jean-Pierre Carera, avocat

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

et

A______
représentée par Me Malek Adjadj, avocat

et

Monsieur B______

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er septembre 2021 (JTAPI/947/2021)


EN FAIT

1) Monsieur B______ est propriétaire de la parcelle n°4'248, feuille 1______, du cadastre de la commune de L______ (ci-après : la commune), à l'adresse chemin M______, située en 5ème zone, à proximité immédiate du N______ et pour partie en zone forestière, selon la décision en constatation de la nature forestière du 15 mai 2019.

Une habitation (rez-de-chaussée + combles) de 81 m² ainsi qu’un autre bâtiment de 37 m² sont érigés sur cette parcelle d'une surface de 1'352 m². Ces bâtiments se trouvent entièrement sur la partie de la parcelle devenue inconstructible à la suite de l'arrêté du Conseil d'État du 2 avril 2008 approuvant le plan n° 5______ de la commune, relatif aux surfaces inconstructibles au bord des cours d'eau.

2) A______ (ci-après : A______ ou la société) est une société anonyme inscrite au registre du commerce du canton de Genève (ci-après : RC) depuis le 9 juin 2015, ayant son siège à O______. Elle a pour but la prestation de services dans les domaines commerciaux et financiers, le commerce de toutes matières et produits, ainsi que toutes opérations immobilières, en Suisse (à l'exclusion des opérations soumises à la loi fédérale sur l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger 16 décembre 1983 - LFAIE - RS 211.412.41) et à l'étranger, telles que la vente, l'achat, le courtage, la mise en valeur et la gérance ainsi que l'exécution et le suivi de tous travaux liés à l'immobilier ; la société peut prendre et détenir des participations et tout autre actif, pour son compte ainsi qu'à titre fiduciaire (à l'exclusion des opérations soumises à la LFAIE).

3) Messieurs C______, D______, E______, F______, G______, I______ et J______ sont domiciliés respectivement au 15 , 11, 11c, 19a, 10, 11a et 11b chemin M______.

Messieurs H______ et K______ sont domiciliés respectivement au 18 et 22, chemin P______.

4) Le 18 avril 2019, A______ a déposé auprès du département du territoire (ci-après : DT ou le département) une demande d’autorisation de construire sur la parcelle n°4'248 un habitat groupé de sept logements d’une surface brute de plancher (ci-après : SBP) totale de 649 m2 selon le formulaire complété. Le projet était devisé à CHF 3’200'000.-.

Cette demande a été enregistrée sous DD 2______.

Le projet a été modifié en cours d'instruction et il ressort du plan des surfaces du 2 septembre 2020 que finalement six appartements étaient prévus sur une SBP habitable de 593 m2 (un rez-de-chaussée, un étage et un attique), outre un sous-sol d'une SBP de 168 m2 composé de neuf places de stationnement, la buanderie, le local poubelles, le local technique, l'abri atomique, ainsi que les caves et l'ascenseur pour voitures.

5) Le 6 mai 2019, une demande d’autorisation de construire portant sur un habitat groupé – garage souterrain – abattage d’arbres – mur antibruit sur les parcelles nos 4'249, 4'038 et 4'247 de la commune, a été déposée auprès du département, la parcelle n° 4'249 jouxtant la parcelle n°4'248. Le département a délivré cette autorisation de construire DD 3______ le 24 janvier 2022, selon la plateforme SAD-Consult.

6) Le 25 mai 2019, dans un courrier commun, MM. C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______ et K______, ainsi qu'un autre voisin, lequel ne fait toutefois pas partie de la procédure, ont transmis au département leurs observations relatives au projet, demandant notamment que les propriétaires des parcelles nos 4'248 et 4'249 réalisent simultanément les travaux prévus en souterrain et que des mesures soient imposées pour limiter les nuisances au strict minimum et éviter les dégâts.

Par ailleurs, les conditions d'une dérogation n'étaient pas réunies dans la mesure où une partie substantielle de la parcelle n° 4'248 se trouvait en zone non constructible. La volumétrie du bâtiment projeté ne correspondait pas au caractère du quartier.

7) Dans le cadre de l’instruction du dossier DD 2______, les préavis suivants ont notamment été recueillis :

- les 4 juin et 5 novembre 2019, la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) a rendu un préavis défavorable. Vu la qualité paysagère et naturelle exceptionnelle du cordon boisé le long du N______ et compte tenu de l’alignement déjà existant parfaitement visible sur les parcelles voisines au nord-est, elle était défavorable à des dérogations selon les art. 15 de la loi sur les eaux du 5 juillet 1961 (LEaux-GE - L 2 05) et 11 de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10) ;

- le 25 octobre 2019, après avoir demandé que le projet comprenne un ourlet boissonnant et une prairie extensive afin d'améliorer la lisère forestière, la commission consultative de la diversité biologique (ci-après : CCDB) a émis un préavis favorable avec dérogation au sens de l’art. 11 LForêt ;

- les 6 novembre et 4 décembre 2019, l'office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) a préavisé favorablement le projet avec dérogation au sens de l'art. 11 LForêt et sous conditions relatives à des compensations en forêt (pour l'ourlet buissonnant et la pairie extensive) et pour les arbres hors forêt (préavis liant sous condition, imposant notamment de replanter des arbres pour un montant d’au moins CHF 1'000.-) ;

- le 22 novembre 2019, l'office cantonal de l’eau (ci-après : OCEau) s'est déclaré favorable avec dérogation et conditions. Le projet de situait intégralement dans la surface inconstructible selon l’art. 15 al. 1 LEaux-GE et dans l’espace réservé aux eaux selon l’art. 36a de la loi fédérale sur la protection des eaux du 24 janvier 1991 (LEaux - RS 814.20). Une dérogation fondée sur l’art. 15 al. 7 LEaux-GE était accordée ;

- le 27 novembre 2019, la commune a demandé que le projet soit modifié pour être conforme aux art. 15 al. 7 LEaux-GE et 11 LForêt, ainsi que la création d'une servitude de passage à pied et à vélo ;

- le 2 décembre 2019, l'office cantonal des transports (ci-après : OCT) a délivré un préavis favorable avec souhaits par rapport à l'ascenseur du parking souterrain qui devrait être déplacé de 20 à 30 cm afin que les manœuvres n'engendrent pas des dégradations aux véhicules de grande dimension, ainsi qu'aux ouvrages ;

- le 16 décembre 2019, la direction de la planification directrice cantonale et régionale (ci-après : SPI) a remis un préavis favorable sous conditions. La parcelle était sise dans un secteur identifié par le plan directeur cantonal 2030 (ci-après : PDCn 2030) prévue pour une utilisation diversifiée de la 5ème zone. Une stratégie de densification de la 5ème zone était en cours d'élaboration dans le cadre de la mise à jour du plan directeur communal. Le requérant devait se coordonner avec la commune à ce sujet, de même que sur la question du plan directeur de chemins pour piétons. Elle se remettait à l'appréciation de la CA pour l'analyse du projet à l'échelle du quartier ;

- le 23 septembre 2020, la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) a demandé la poursuite de l'instruction du dossier par rapport à des pièces complémentaires à fournir. Le rapport des surfaces en zone inconstructible devait être mis à jour (selon l'art. 15 al. 7 LEaux-GE). Des dérogations au sens des art. 59 al. 4 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), 15 al. 7 LEaux-GE et 11 LForêt étaient indiquées dans la rubrique « Zones associées à la valeur FAVORABLE » ;

- le 6 octobre 2020, la commission d’architecture (ci-après : CA) a émis un préavis favorable avec dérogation à l'art. 59 al. 4 LCI et sous la condition de soumettre les teintes et les matériaux pour approbation avant la commande. Dans la rubrique « Remarque », il était précisé que l'échelle du territoire communal, définie dans le guide pour une densification de qualité de la 5ème zone, n'avait pas été analysée par la CA. Dans le précédent préavis favorable avec dérogations et sous conditions du 21 mai 2019, la CA avait relevé que l'implantation du projet était cohérente, la surface végétale préservée en suffisance et le parking générait peu de desserte.

8) Le 13 novembre 2020, le département a délivré l’autorisation de démolir M 4______ et l’autorisation de construire DD 2______, lesquelles ont été publiées dans la Feuille d'avis officielle de la Réplique et canton de Genève (ci-après : FAO) du même jour.

Les conditions figurant dans les préavis de l'OCEau du 22 novembre 2019, de l'OCAN du 6 novembre 2019, de la police du feu du 12 novembre 2019, de la SPI du 16 décembre 2019, du service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) du 5 juin 2019, de la CA du 6 octobre 2020, de l'office cantonal de l'énergie (ci-après : OCEN) du 17 mai 2019 et de la direction de l'information du territoire (ci-après : DIT) du 3 mai 2019, ainsi que les préavis liants devaient être strictement respectés et faisaient partie de l'autorisation DD 2______.

9) Le même jour, le département a informé la commune de la délivrance de cette autorisation de construire.

La construction de remplacement des bâtiments existants empiétait certes sur la surface inconstructible de la parcelle, mais pour une part inférieure à la surface de la villa existante, destinée à être démolie (117 m2 < 136 m2).

L'OCEau s'était déclaré favorable au projet et à la dérogation à la LEaux-GE, puisque l'implantation de la nouvelle construction en retrait du N______ améliorait sensiblement la protection recherchée par la LEaux, ainsi que par ses lois d'application. Les remarques de la commune formulées dans son préavis du 27 novembre 2019 correspondaient aux conditions figurant dans le préavis de l'OCEau du 22 novembre 2019, lesquelles s'avéraient suffisantes.

Il en était de même de l'OCAN qui s'était déclaré favorable au projet et à la dérogation à la LForêts, puisque l'implantation de la nouvelle construction en retrait de la lisière forestière améliorait sensiblement la protection recherchée par la loi fédérale sur les forêts du 4 octobre 1991 (LFo - RS 921.0), ainsi que par ses lois d'applications. L'OCAN avait en outre subordonné l'octroi de la dérogation aux intérêts de la conservation de la forêt et de sa gestion. Un ourlet buissonnant, ainsi qu'une prairie extensive avaient ainsi été exigés au titre de compensation, conformément aux préoccupations de la CCDB qui avait demandé précédemment cette compensation afin d'améliorer la lisière forestière et s'était déclarée favorable à la dérogation de l'art. 11 al. 2 LForêts.

Pour le surplus, la construction projetée pouvait être autorisée tant sur la base de l'art. 11 al. 2 let. b LForêts que de l'art. 11 al. 2 let. c LForêts, s'agissant d'une reconstruction se situant à plus de 10 m de la lisière de la forêt, en 5ème zone, et s'inscrivant dans un alignement de constructions existantes sans porter atteinte à la valeur biologique de la lisière.

A______ serait uniquement informée de la problématique de la servitude de passage public, dans la mesure où les plans directeurs ne liaient pas les particuliers.

10) Par acte du 7 décembre 2020, à l'en-tête « Groupement d'habitants du chemin M______ / chemin P______ », MM. C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______ et K______ ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre l’autorisation de construire DD 2______, concluant à son annulation.

Outre le fait qu'une partie substantielle du terrain se trouvait en zone non constructible, la typologie prévue d’un immeuble compact de deux niveaux plus attique n’était pas compatible avec le caractère et l’harmonie du quartier qui ne comportait que des villas individuelles ou contiguës d’un ou deux niveaux. La CA s'était limitée à constater que « l’implantation [était] cohérente ». Elle s'était très vraisemblablement basée sur l’extrait du plan cadastral d’ensemble du préavis de l’office de l’urbanisme, lequel prêtait toutefois à confusion dans la mesure où il ne reflétait pas la construction existante récemment réalisée au 11, chemin M______ et que deux autres projets de constructions étaient en cours d'instruction. La commune ne s'était en outre pas prononcée sur la dérogation selon l’art. 59 al. 4 LCI. Enfin, la dérogation accordée permettant la création d’un garage souterrain sur la quasi-totalité de la surface constructible induirait des nuisances graves pour les voisins. Cet aménagement aurait dû être coordonné avec l’accès du projet en cours sur la parcelle n° 4'249.

Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/4165/2020.

11) Par acte du 11 décembre 2020, la commune a également recouru auprès du TAPI contre cette autorisation de construire, concluant à son annulation.

Le projet empiétait largement tant sur la zone inconstructible de la parcelle en lien avec le N______ que sur la zone de protection en lisière de forêt ; les conditions dérogatoires permettant la construction hors de la zone à bâtir n’étaient pas réalisées.

Le nouveau projet ne pouvait être assimilé à une rénovation, transformation ou agrandissement des constructions existantes. Il ne s’agissait par ailleurs manifestement pas d’une reconstruction, le nouveau bâtiment étant d’une taille et d’une densité incomparables avec l’existant, passant d’une villa individuelle d'une SBP de 136 m2 à un immeuble de plusieurs logements d'une SBP de 649 m2, soit un indice d'utilisation du sol (ci-après : IUS) de 0,48. La valeur économique de la nouvelle construction était infiniment supérieure à l’ancienne. Ainsi, le nouveau projet ne pouvait être considéré comme une reconstruction de la villa existante et ne pouvait dès lors bénéficier de la garantie de la situation acquise, respectivement empiéter d’une quelconque manière sur les périmètres de protection de la forêt et du cours d’eau.

Le projet n’était aucunement compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier et nuisait largement à son environnement. La CA ne l'avait pas analysé sous l'angle de l'échelle du territoire communal. Le sous-sol était disproportionné puisqu'il occupait la totalité de la partie constructible de la parcelle. Le département avait donc excédé son pouvoir d’appréciation en accordant une dérogation fondée sur l’art. 59 al. 4 LCI.

Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/4236/2020.

12) Le 21 décembre 2020, MM. C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______ ont précisé au TAPI que M. K______ était chargé de les représenter dans le cadre de leur recours.

Ceux-ci seront donc nommés M. K______ et consorts.

13) Le 15 février 2021, dans deux écritures distinctes, le département a conclu au rejet des recours.

Seule une portion de la parcelle n° 4'248 se situait en zone inconstructible. Il n'y était prévu que 117 m2 de SBP. La villa appelée à disparaître, de 136 m2, se situait entièrement en zone inconstructible et avait un impact bien plus important sur les zones protégées que le projet querellé. Ainsi, l’art. 42 al. 4 de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1) était respecté puisque la reconstruction entrait dans le volume fixé par la loi.

La loi lui laissait en outre une marge d’appréciation. Il avait jugé opportune et justifiée l’implantation envisagée qui s’éloignait considérablement de la lisière forestière et du N______. Le projet présentait donc une amélioration considérable de la situation au regard de la préservation de la nature, ce que reflétaient les divers préavis favorables.

Un refus du projet pousserait certainement le propriétaire à agrandir sa villa par l'adjonction de constructions à proximité directe de la forêt et du cours d'eau. L’utilisation projetée de la parcelle ne serait pas plus intensive qu’actuellement dans la zone inconstructible, puisque seule une famille aurait son jardin du côté concerné et que l’accès au projet se ferait par l’autre côté de la parcelle. Le sous-sol ne déborderait pas du bâtiment du côté de la zone inconstructible et sa hauteur n’aurait pas d’impact sur la forêt et le cours d’eau.

L’OCEau avait préavisé favorablement la dérogation prévue à l’art. 15 al. 7 LEaux-GE et un préavis favorable n’avait pas besoin d’être motivé, même pour accorder une dérogation.

Le projet était intégralement prévu en dehors de la limite des 10 m à la forêt et dans une moindre mesure à l’intérieur de la limite des 20 m. Par conséquent, eu égard à la construction existante, l’impact de la construction litigieuse sur la forêt serait minime. Les instances de préavis spécialisées avaient par ailleurs demandé la création d’un ourlet buissonnant et d’une prairie extensive au titre de compensation pour améliorer la protection de la forêt.

La CA, qui s’était fondée sur les plans produits par la requérante, le système d'information du territoire genevois (ci-après : SITG) et la connaissance du périmètre par ses membres, avait consciencieusement examiné à plusieurs reprises le projet, ce au regard du quartier. L’examen à l’échelle de la commune avait été effectué par la SPI, laquelle avait relevé que la stratégie communale n’était pas encore élaborée et donc applicable. Les éléments exposés étaient néanmoins conformes à l’objectif de densification qualitative. La SPI suggérait à la requérante de se coordonner avec la commune. La commune était muette sur l’octroi de la dérogation fondée sur l’art. 59 al 4 LCI et ne prétendait aucunement que le projet ne s’harmoniserait pas avec le quartier. Enfin, la jurisprudence avait de manière constante mis en exergue le caractère prééminent du préavis technique de la CA et le fait que ce n'était pas parce qu'une construction se différenciait de celles avoisinantes par sa volumétrie et sa dimension qu'il fallait en conclure qu'elle ne s'intégrerait pas dans son environnement.

Dans la mesure où les voisins n’indiquaient pas en quoi le projet, notamment la création d’un ascenseur à voitures, serait source de nuisances graves, ce grief devait être écarté, étant relevé que l’OCT avait préavisé favorablement le projet.

14) Le 15 février 2021, A______ a conclu à ce qu’il soit dit et constaté que l’autorisation de construire était valable et qu’elle « ir[ait] sa voie ».

À la suite des premiers préavis, elle avait, selon nouveaux plans du 2 septembre 2020, ramené la SBP de 649 m2 à 593 m2. Le département avait à juste titre suivi les préavis favorables concernant la dérogation au rapport des surfaces, notamment celui de la CA, étant rappelé que la commune n’avait jamais mentionné de problème de densification dans ses préavis.

La construction d’un sous-sol avec un ascenseur à voitures permettait de renoncer à la construction d’une rampe d’accès et notamment de réduire la circulation sur la parcelle.

Le département, se fondant sur divers préavis favorables, n'avait pas abusé son pouvoir d’appréciation en octroyant des dérogations à la LForêt et à la LEaux-GE. Tout avait été mis en œuvre afin de respecter la protection des cours d’eau et des espaces forestiers.

Le projet devait être considéré comme une construction de remplacement. Sa surface dans la zone inconstructible était inférieure à celle de la villa destinée à être démolie (de 136 m2 à 117 m2).

15) Par décision du 18 février 2021, le TAPI a ordonné la jonction des procédures A/4165/2020 et A/4236/2020 sous le numéro de cause A/4165/2020.

16) Le 28 juin 2021, M. B______ a informé le TAPI qu'il souhaitait participer à la procédure au vu de sa qualité de propriétaire de la parcelle, étant par ailleurs au bénéfice d'une prorogation de promesse de vente et d'achat conclue avec A______ le 14 juin 2021.

17) Par jugement du 1er septembre 2021 et après un nouveau double échange d'écritures, le TAPI a admis les recours.

La villa existante, dont il n'était pas contesté qu'elle avait été érigée légalement à l'époque, était située entièrement sur la partie de la parcelle devenue inconstructible, alors que la construction projetée serait édifiée en partie sur cette même portion de la parcelle. La LAT était donc applicable.

Tandis que la SBP de la villa actuelle était de 136 m2, le futur projet en prévoyait une de 649 m2, de sorte que celui-ci ne pouvait pas être considéré comme une rénovation, une transformation ou un agrandissement de la construction existante. Restait à déterminer s’il s’agissait d’une reconstruction.

La construction projetée, servant certes également d'habitation, était totalement différente de la villa actuelle, en SBP, nombre d'étages et de logements, en hauteur et s'agissant d'un parking en sous-sol, de 516 m2. La valeur économique de la nouvelle construction, estimée à CHF 3'200'000.-, était sans commune mesure avec l’ancienne.

Il apparaissait que la nouvelle construction occuperait encore une surface de 117 m2 en zone inconstructible, et ce sur trois étages.

Au vu de ces éléments et même si le préavis de la CA, qui avait un poids certain, était favorable, le département avait abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que les conditions de l’art. 24c LAT étaient remplies et que l’autorisation de construire pouvait être délivrée.

18) Par actes séparés du 20 octobre 2021, A______ et M. B______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif. Principalement, le jugement attaqué devait être annulé et il devait être dit et constaté que l'autorisation de construire DD 2______ était valable et qu'elle « ir[ait] sa voie ». Subsidiairement, le dossier devait être renvoyé au TAPI pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

En annulant l'autorisation de construire, le TAPI avait abusé de son pouvoir d'appréciation. Il s'était manifestement mépris quant aux caractéristiques et dimensions du projet final en cause, de 593 m2 (et non pas 649 m2), composé de six logements (et non pas sept), d'un rez-de-chaussée, un seul étage et un attique, projet qui respectait les conditions émises par les instances spécialisées. Il améliorait de manière sensible la situation environnante en comparaison avec l'actuelle construction. Ces éléments n'avaient pas été pris en considération par le TAPI dans la pesée des intérêts en présence. Le TAPI avait à tort occulté les préavis autres, favorables, que celui de la CA, de sorte que sa réflexion était lacunaire. Aucun élément du dossier ne permettait de privilégier les déterminations des parties intimées et ne justifiait que leurs arguments soient très majoritairement passés sous silence.

Le TAPI avait violé le principe de la proportionnalité en ne considérant pas les garanties présentées par le projet et validées par les différentes instances spécialisées, à savoir l'OCAN, l'OCEau, la SPI et la CCDB, ce tant en matière de protection des cours d'eaux que des forêts. En outre, l'agrandissement du bâtiment à construire réduirait son emprise sur la zone inconstructible. L'annulation de l'autorisation de construire n'était donc commandée par aucun intérêt public.

Ils avaient conscience que l'autorité restait libre de s'écarter d'un préavis, mais ne comprenaient pas quels motifs pertinents et relevant d'un intérêt public supérieur auraient imposé au département de s'écarter de celui de la CA. Le TAPI semblait réticent à la modernité qu'apportait le projet, en comparaison à la construction historique, raison pour laquelle il listait et comparait les caractéristiques des bâtisses qu'il considérait comme étant trop différentes, s'étant pour cela comme déjà relevé à tort fondé sur le projet abandonné. Le projet présentait une amélioration importante de son environnement favorisant davantage son implantation dans le paysage.

Le contenu et les griefs formulés par A______ et M. B______ sont identiques.

19) Le 20 novembre 2021, M. K______ et consorts ont conclu au rejet des recours.

Ils faisaient leurs les arguments avancés par la commune dans son écriture du 11 décembre 2020 à propos des art. 24c LAT, 15 al. 7 LEaux-GE et 11 al. 2 LForêts dont les conditions dérogatoires n'étaient pas réalisées.

Même si la chambre administrative devait suivre les arguments des recourants, l'autorisation de construire violait l'art. 59 al. 4 LCI. Outre le fait que l'inconstructibilité s'opposait à toute augmentation de densité, l'application de cette disposition aboutirait à une surdensification de la partie constructible de la parcelle, avec une volumétrie excessive et un gabarit démesuré, incompatibles avec le caractère et l'harmonie du quartier. Le préavis de la CA du 6 octobre 2020 indiquait d'ailleurs que l'échelle du territoire communal n'avait pas été analysée par cette instance, de sorte que la dérogation à l'art. 59 al. 4 LCI avait été accordée en dépit des conditions prévues par la loi.

20) Le 25 novembre 2021, la commune a conclu au rejet du recours.

L'erreur du TAPI, que la chambre administrative pouvait corriger, quant à la SBP et au nombre de logements du projet abouti, n'avait aucune conséquence, puisque le projet empiétait, pour 117 m2 de SBP, sur la surface inconstructible de la parcelle. La suppression d'un logement de 56 m2 de SBP n'était pas susceptible de modifier le raisonnement juridique du TAPI. Outre le fait que le nombre d'étages de le construction projetée était correct (trois niveaux hors-sol), les recourants se plaignaient plutôt d'une violation du droit, et non d'une constatation inexacte des faits pertinents. Le fait que le TAPI ait écarté les arguments de la société et de M. B______ ne constituait pas une violation de leur droit d'être entendu.

Le TAPI s'était limité à appliquer la loi, en particulier les art. 24c LAT et 42 OAT, desquels il ressortait que les conditions permettant d'octroyer des dérogations afin d'ériger des constructions hors de la zone à bâtir n'étaient pas remplies.

Dans la mesure où la construction prévue empièterait pour 117 m2 sur une zone inconstructible, les travaux ne pouvaient être autorisés que pour autant qu'il s'agisse d'une transformation partielle, d'un agrandissement mesuré ou de la reconstruction de la villa préexistante. Or, l'identité de la construction n'était en l'espèce pas respectée. Il était évident que le projet ne pouvait pas être considéré comme une simple reconstruction de la ville unifamiliale existante. Ce n'était dès lors que si les conditions préalables à une dérogation avaient été remplies que les préavis des différentes instances spécialisées auraient eu une portée afin de guider le département dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation.

Le TAPI n'avait pas examiné le grief relatif à une violation de l'art. 59 al. 4 LCI dans la mesure où il avait fondé son argumentation sur la violation avérée de l'art. 24c LAT. Si la chambre administrative devait admettre les recours, le dossier devrait être renvoyé au TAPI afin qu'il examine la question de la compatibilité avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier afin de garantir le double degré de juridiction.

21) Le 26 novembre 2021, M. B______ s'est rallié aux conclusions formulées par A______.

22) Le 10 décembre 2021, le département a conclu à l'admission des recours.

Dans la mesure où le TAPI s'était fondé principalement sur l'ampleur du projet, en se fondant sur des SBP et un nombre de logements erronés, pour justifier l'annulation de l'autorisation de construire, son jugement devait être annulé.

Le projet autorisé prévoyant une construction plus éloignée de la lisière forestière et du N______, sur une surface moindre, de 117 m2 en zone inconstructible, la situation projetée s'avérait nettement améliorée et poursuivait bel et bien les buts de protection de la zone en question, ce qu'avaient retenu à juste titre les instances spécialisées dans leurs préavis favorables. Le jugement violait donc le principe de la proportionnalité.

La reconstruction entrait dans le volume fixé par la loi. L'implantation projetée s'avérant opportune, puisque présentant une amélioration considérable de la situation au regard de la préservation de la nature. L'autorisation du projet avait également l'avantage de permettre la démolition de la construction existante qui avait un impact plus important sur les zones protégées en question que le projet.

23) Dans sa réplique du 24 janvier 2022, A______ a relevé que le TAPI avait ignoré à tort que l'intégralité de la SBP de la villa sujette à démolition était en zone inconstructible. Il avait en outre été passé sous silence que la démolition de la villa existante aurait un impact positif sur la forêt environnante et le N______. Il n'était pas uniquement question d'une suppression de 56 m2 de SBP en zone inconstructible, mais d'une construction future présentant des améliorations environnementales notables.

La reconstruction concernée entrait dans les normes de volume fixées par la loi, laquelle octroyait au département une certaine marge d'appréciation. Les conditions préalables relatives aux art. 24c LAT et 42 OAT étaient donc remplies, si bien que le département avait valablement octroyé les dérogations relatives à la LEaux et à la LForêts.

Les modifications sollicitées par la commune au terme de ses préavis n'avaient jamais été motivées par la question de la densification. Les instances spécialisées avaient confirmé l'intégration du projet dans le bâti existant.

24) M. B______ n'a pas répliqué.

25) Les parties ont été informées, le 31 janvier 2022, que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1) Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 149 LCI).

2) L'objet du litige consiste à déterminer si le TAPI était fondé à annuler l'autorisation de construire DD 2______ délivrée le 13 novembre 2020 par le département. Les recourants soutiennent que le TAPI aurait fait une mauvaise constatation des faits pertinents en se méprenant sur les caractéristiques du projet autorisé et aurait violé leur droit d'être entendus en ne prenant pas en considération certains éléments allégués, dans le cadre de la pesée des intérêts en présence.

a. En vertu de l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b) ; les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), non réalisée en l'espèce.

Il ressort ainsi de cette disposition que le recours à la chambre administrative a un effet dévolutif complet, si bien que celle-ci dispose d'un libre pouvoir d'examen en fait et en droit. Celui-ci implique la possibilité de guérir une violation du droit d'être entendu, même si l'autorité de recours n'a pas la compétence d'apprécier l'opportunité de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 137 I 195 consid. 2.3.2), sous réserve que ledit vice ne revête pas un caractère de gravité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_541/2017 du 14 mai 2018 consid. 2.5 ; ATA/791/2020 du 25 août 2020 consid. 6c et les références citées).

b. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) ne contient pas d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_24/2017 du 13 décembre 2017 consid. 2.2).

c. En l'espèce, le TAPI s'est manifestement mépris en se basant sur les plans de la version du projet initialement déposée en date du 18 avril 2019 et non pas sur celle finalement autorisée par le département à la suite des modifications opérées en septembre 2020. Ainsi, selon le plan des surfaces du 2 septembre 2020, le projet finalement autorisé comprend 593 m2 de SBP et six logements. Par ailleurs, il est plus adéquat, en matière du droit des constructions, d'utiliser le terme de « niveaux » plutôt qu'« étage ». Au vu des pièces du dossier, la chambre de céans considère que le projet finalement autorisé concerne un bâtiment de gabarit « R+1+attique », soit deux niveaux et un attique.

Cela dit, dans la mesure où comme vu ci-dessus, la chambre de céans dispose d'un libre pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 61 LPA), elle peut elle-même retenir les faits tels qu'ils ressortent des plans visés ne varietur le 13 novembre 2020 dans le cadre de l'examen de la problématique soulevée par les recourants. Il n'est donc pas nécessaire d'annuler le jugement attaqué au motif que le TAPI a effectué une mauvaise constatation des faits pertinents.

Sur le deuxième point soulevé par les recourants, outre le fait que la garantie du droit d'être entendu ne contient pas d’obligation de discuter tous les arguments soulevés par les parties, il apparaît qu'ils se plaignent plutôt d'une mauvaise appréciation juridique du TAPI à propos de la pesée des intérêts en présence, laquelle relève du fond du litige et sera examinée ci-dessous.

Ces griefs sont mal fondés.

3) a. La LAT contraint les cantons, en vertu de ses art. 14 et ss LAT, à définir des zones à bâtir (art. 15 LAT), des zones agricoles (art. 16 LAT) et des zones à protéger (art. 17 LAT).

L'art. 17 al. 1 LAT prévoit que les zones à protéger comprennent notamment les cours d’eau, les lacs et leurs rives (let. a) et les biotopes des animaux et des plantes dignes d’être protégés (let. d).

b. En l'espèce, la parcelle n° 4'248 de la commune est située en 5ème zone, soit une zone à bâtir au sens de l'art. 15 LAT. Toutefois, il n'est pas contesté que plus de la moitié de sa surface (57,7 %) se trouve en zone inconstructible puisqu'elle se situe dans le périmètre de protection du N______ (art. 15 LEaux-GE) et dans le plan n° 5______ de la commune, relatif aux surfaces inconstructibles au bord des cours d'eau, adopté par le Conseil d'État par arrêté du 2 avril 2008. En outre, la parcelle est également partiellement inconstructible (40,2 %) du fait de sa situation en zone forestière et dans le périmètre de protection de la forêt (art. 11 al. 1 LForêts), comme cela ressort de la décision en constatation de la nature forestière du 15 mai 2019 figurant au dossier. Les bâtiments sis sur la parcelle, construits légalement à l'époque, se situent entièrement sur sa partie inconstructible.

Il est constant que la construction projetée sera édifiée en partie en zone inconstructible (117 m2), de sorte que, conformément à la loi, toute construction n'y est autorisable qu'aux conditions du régime dérogatoire des art. 24 et ss LAT et des dispositions de l'OAT (ATA/601/2013 du 10 septembre 2013 consid. 4).

4) a. Selon l'art. 24c LAT, hors de la zone à bâtir, les constructions et installations qui peuvent être utilisées conformément à leur destination mais qui ne sont plus conformes à l'affectation de la zone bénéficient en principe de la garantie de la situation acquise (al. 1). L'autorité compétente peut autoriser la rénovation de telles constructions et installations, leur transformation partielle, leur agrandissement mesuré ou leur reconstruction, pour autant que les bâtiments aient été érigés ou transformés légalement (al. 2). Il en va de même des bâtiments d'habitation agricoles et des bâtiments d'exploitation agricole qui leur sont contigus et ont été érigés ou transformés légalement avant l'attribution du bien-fonds à un territoire non constructible au sens du droit fédéral. Le Conseil fédéral édicte des dispositions pour éviter les conséquences négatives pour l'agriculture (al. 3). Les modifications apportées à l'aspect extérieur du bâtiment doivent être nécessaires à un usage d'habitation répondant aux normes usuelles ou à un assainissement énergétique ou encore viser à une meilleure intégration dans le paysage (al. 4). Dans tous les cas, les exigences majeures de l'aménagement du territoire doivent être remplies (al. 5).

b. Selon l'art. 42 OAT, une transformation est considérée comme partielle et un agrandissement est considéré comme mesuré, au sens de l'art. 24c al. 2 LAT, lorsque l'identité de la construction ou de l'installation et de ses abords est respectée pour l'essentiel. Sont admises les améliorations de nature esthétique (al. 1). Le moment déterminant pour l'appréciation du respect de l'identité est l'état de la construction ou de l'installation au moment de l'attribution du bien-fonds à un territoire non constructible (al. 2).

Aux termes de l'art. 42 al. 3 OAT, la question de savoir si l'identité de la construction ou de l'installation est respectée pour l'essentiel est à examiner en fonction de l'ensemble des circonstances. Les règles suivantes doivent en tout cas être respectées :

- à l'intérieur du volume bâti existant, la SBP imputable ne peut pas être agrandie de plus de 60 %, la pose d'une isolation extérieure étant considérée comme un agrandissement à l'intérieur du volume bâti existant (let. a) ;

- un agrandissement peut être réalisé à l'extérieur du volume bâti existant si les conditions de l'art. 24c al. 4 LAT sont remplies ; l'agrandissement total ne peut alors excéder ni 30 % ni 100 m2, qu'il s'agisse de la SBP ou de la surface totale (somme de la SBP et des surfaces brutes annexes) ; les agrandissements effectués à l'intérieur du volume bâti existant ne comptent que pour moitié (let. b) ;

- les travaux de transformation ne doivent pas permettre une modification importante de l'utilisation de bâtiments habités initialement de manière temporaire (let. c).

Selon l'art. 42 al. 4 OAT, ne peut être reconstruite que la construction ou l’installation qui pouvait être utilisée conformément à sa destination au moment de sa destruction ou de sa démolition et dont l’utilisation répond toujours à un besoin. Le volume bâti ne peut être reconstruit que dans la mesure correspondant à la surface admissible au sens de l'al. 3. L’al. 3 let. a n’est pas applicable. Si des raisons objectives l’exigent, l’implantation de la construction ou de l’installation de remplacement peut légèrement différer de celle de la construction ou de l’installation antérieure.

c. Ces règles se recoupent avec l'art. 15 al. 7 LEaux-GE, qui prévoit que les constructions et installations existantes dûment autorisées, qui peuvent être utilisées conformément à leur destination mais qui ne sont pas conformes à l'affectation de la zone, bénéficient en principe de la garantie de la situation acquise. Le département peut autoriser la rénovation de telles constructions et installations, leur transformation partielle, leur agrandissement mesuré ou leur reconstruction.

On trouve encore l'expression de ces principes à l'art. 11 al. 2 let. b cum al. 3 LForêts, selon lequel le département peut, après consultation du département, de la commune, de la CCDB et de la CMNS, accorder des dérogations, notamment, des constructions de peu d'importance contiguës au bâtiment principal ou des rénovations, reconstructions, transformations, ainsi que pour un léger agrandissement de constructions existantes.

d. Selon l'art. 27C al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30), traitant des « constructions et installations existantes sises hors de la zone à bâtir et devenues non conformes à l'affectation de la zone », le département peut autoriser la rénovation, la transformation partielle, l'agrandissement mesuré ou la reconstruction de constructions ou installations qui ont été érigées ou transformées conformément au droit matériel en vigueur à l'époque, mais qui sont devenues contraires à l'affectation de la zone à la suite d'une modification de la législation ou des plans d'affectation du sol, dans les limites des art. 24c et 37a LAT et 41 à 43 OAT et aux conditions fixées par ces dispositions.

e. En tant que dérogation aux principes fixés à l'art. 24 LAT, l'art. 24c LAT ne saurait être interprété extensivement, voire même avec souplesse. L'art. 42 OAT pose au contraire des limites claires aux modifications qui peuvent être apportées aux constructions bénéficiant de la garantie de la situation acquise (arrêts du Tribunal fédéral 1C_321/2012 du 25 février 2013 consid. 4.1 ; 1C_333/2010 du 2 février 2011 consid. 5.1).

f. Selon la doctrine, la volonté du législateur était, par l'adoption de ces dispositions, que les constructions existantes contraires à l'affectation de la zone puissent faire l'objet de certaines modifications allant au-delà de la garantie de la situation acquise conférée par le droit constitutionnel, pour empêcher que ces constructions, en principe soumises à l'interdiction de bâtir, ne tombent petit à petit en ruine. Le principe constitutionnel de séparation entre les parties constructibles et non constructibles du territoire impose de n'admettre que les transformations nécessaires à la conservation des constructions à long terme et à leur adaptation à l'évolution des besoins. Les constructions bénéficiant de la garantie de la situation acquise doivent pour l'essentiel, rester identiques, les modifications apportées à leur aspect extérieur étant soumises à des limites strictes (Rudolf MUGGLI, Commentaire pratique LAT : Construire hors zone à bâtir, 2017, ad. art. 24c LAT n. 7 et 10).

g. Pour que l'identité de la construction soit respectée, il faut que son volume, son aspect extérieur et sa destination restent largement identiques et que ne soit générée aucune incidence nouvelle accrue sur l'affectation de la zone, l'équipement et l'environnement ; les transformations doivent être d'importance réduite par rapport à l'état existant de la construction (ATF 132 II 21 consid. 7.1.1). Il n'est pas exigé que l'ancien et le nouveau soient tout à fait semblables ; l'identité se réfère aux traits essentiels de la construction, c'est-à-dire dans toutes ses caractéristiques importantes du point de vue de l'aménagement du territoire (arrêt 1C_312/2016 du 3 avril 2017 consid. 3.1 in ZBl 119/2018 p. 314).

Si la condition de l'identité du bâtiment n'est pas respectée, on est en présence d'une transformation totale et l'octroi d'une autorisation dérogatoire fondée sur l'art. 24c LAT n'entre pas en considération (arrêt du Tribunal fédéral 1C_617/2019 du 27 mai 2020 consid. 5.2). La doctrine va dans le même sens en exigeant le respect de l'identité de la construction de remplacement pour que l'art. 24c LAT s'applique (Rudolf MUGGLI, op. cit., ad. art. 24c LAT n. 39).

La jurisprudence a également retenu qu'une nouvelle construction distante de 260 m de la précédente n'était pas identique à l'ancienne. Une telle différence excède en principe le cadre délimité par l'art. 24c al. 2 LAT en relation avec l'art. 42 al. 4 OAT. La construction projetée ne peut donc pas être autorisée par l'octroi d'une dérogation exceptionnelle (ATF 127 II 2019 consid. 3 in RDAF 2002 I 340).

h. Selon une jurisprudence bien établie, la chambre de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/1098/2019 du 25 juin 2019 consid. 2e).

5) En l'espèce, il ressort des plans visés ne varietur le 13 novembre 2020 et du plan des surfaces du 2 septembre 2020 que le projet prévoit la démolition de la villa à un seul logement de 136 m2 SBP, alors que l'habitat groupé de six logements « R+1+attique » projeté présente une SBP de 593 m2. Le volume dépasse ainsi largement l'état existant de la construction à démolir (plus de quatre fois plus grand), sans compter que le gabarit du bâtiment projeté (R+1+attique) est différent de celui actuel (rez-de-chaussée + combles) et que le projet prévoit également un imposant sous-sol. Il en est de même de la forme du futur bâtiment, en M, alors que les bâtiments actuels forment un L.

Au vu de ces éléments et malgré l'inadvertance du TAPI quant au nombre de logements, à la SBP et au gabarit de la construction projetée, la conclusion à laquelle il est arrivé, s'agissant d'une absence d'identité entre l'ancienne et la nouvelle construction, est conforme au droit.

Comme le retiennent la jurisprudence du Tribunal fédéral et la doctrine, si la condition de l'identité du bâtiment n'est pas respectée, on est en présence d'une transformation totale et l'octroi d'une autorisation dérogatoire fondée sur l'art. 24c LAT et 42 OAT n'entre pas en considération.

Dans la mesure où, comme analysé ci-dessus, le présent dossier ne concerne ni une rénovation, une transformation partielle, un agrandissement mesuré ou encore une reconstruction, et que les règles des art. 24c LAT et 42 OAT se recoupent avec les art. 15 al. 7 LEaux-GE et 11 al. 2 let. b cum al. 3 LForêts, le département ne pouvait pas délivrer l'autorisation de construire en vertu de ces articles.

Les préavis favorables dont se prévalent les recourants à l'appui de leurs griefs de la violation du principe de la proportionnalité et de l'abus du pouvoir d'appréciation ne modifient en rien cette conclusion.

En effet, les recourants occultent le préavis défavorable de la CMNS du 5 novembre 2019 qui met en exergue la qualité paysagère et naturelle exceptionnelle du cordon boisé le long du N______. Par ailleurs et comme l'indique ce préavis, il ressort du SITG que les constructions sises sur les parcelles voisines au nord-est se trouvent toutes entièrement en dehors des surfaces inconstructibles. À titre d'exemple, sur les parcelles voisines nos 7'258 et 7'259 ont été érigées, postérieurement à l'adoption par le Conseil d'État le 2 avril 2008 du plan n° 5______ de la commune relatif aux surfaces inconstructibles au bord des cours d'eau, quatre villas contigües avec des places de parking extérieures, le tout dans le respect des zones de constructions.

Les recourants ne disent rien non plus à propos du préavis de la DAC du 23 septembre 2020 qui a demandé la mise à jour du rapport de surfaces en zone inconstructible (art. 15 al. 7 LEaux-GE) afin qu'elle puisse se déterminer, ce qui ne semble pas avoir été fait. Le préavis de la SPI du 16 décembre 2019 est lacunaire, puisqu'il est muet sur la problématique des dérogations à octroyer vu la zone inconstructible dans laquelle une partie de la construction serait érigée. Enfin, les préavis de l'OCEau du 22 novembre 2019 et de l'OCAN du 6 novembre 2019 ne sont aucunement motivés s'agissant des dérogations, points pourtant déterminants au vu de la problématique posée par le cas d'espèce.

Certes, le projet prévoit une construction plus éloignée de la lisière forestière et du N______ par rapport à la villa existante, ce qui constitue effectivement une amélioration. Néanmoins, le bâtiment projeté s'inscrit, pour partie, toujours en surface inconstructible, de sorte que, malgré ce déplacement, l'incidence sur la zone protégée demeure importante (117 m2). En outre, les bâtiments construits sur les parcelles voisines démontrent qu'une densification de la parcelle n°4'248, dans le respect des zones de constructions, est malgré tout possible (la parcelle en cause reste constructible sur une surface de 572 m2). La commune ne semble d'ailleurs pas opposée à un projet redimensionné, respectant les zones naturelles protégées, selon la réplique du 26 mars 2021 déposée par-devant le TAPI (p. 4 dernier paragraphe).

Enfin, le projet des recourants n’étant que partiellement sis en zone constructible (5ème zone), l’examen de sa conformité au regard de l'art. 59 al. 4 aLCI cum art. 156 al. 5 LCI (préavis de la CA du 6 octobre 2020) n'est pas nécessaire, dans la mesure où même s’il s’avérait qu’une partie du projet était conforme à la zone dans laquelle il se situe, le projet dans son entier ne l’est pas, comme vu ci-dessus.

Au vu de ces éléments, le TAPI était en droit de retenir que le département a abusé de son pouvoir d'appréciation en délivrant l'autorisation de construire sollicitée par les recourants.

En tous points mal fondé, les recours seront rejetés.

6) La demande d'effet suspensif est sans objet vu le prononcé du présent arrêt.

7) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge solidaire des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la commune dès lors qu'elle compte plus de dix mille habitants (10'628 à fin 2020 selon les données disponibles sur le site de l'office cantonal de la statistique consulté le 15 février 2022). Celle-ci est en effet réputée disposer de son propre service juridique et ne pas avoir à recourir pour le présent type de procédure, au service d'un mandataire extérieur (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/1104/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5 et les arrêts cités). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure aux voisins qui comparaissent en personne et n'ont pas exposé avoir engagé de frais pour leur défense.

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable les recours interjetés le 20 octobre 2021 par A______ et Monsieur B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er septembre 2021 ;

au fond :

les rejette ;

met un émolument de CHF 1’500.- à la charge solidaire de A______ et de Monsieur B______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Malek Adjadj, avocat de A______, à Monsieur B______, à Monsieur K______, représentant des voisins, à Me Jean-Pierre Carera, avocat de la commune, au département du territoire - OAC, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu’à l’office fédéral du développement territorial (ARE).

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Husler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :