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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3428/2012

ATA/146/2013 du 05.03.2013 ( PATIEN ) , REJETE

Descripteurs : ; MÉDECIN ; SECRET PROFESSIONNEL ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : LS.87 ; LS.88
Résumé : Rappel des principes permettant d'autoriser la levée du secret profesionnel du médecin. En l'espèce, recours du patient rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3428/2012-PATIEN ATA/146/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 mars 2013

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

COMMISSION DU SECRET PROFESSIONNEL

et

Docteur X______

_________



EN FAIT

1. Madame A______, née le ______ 1980, souffrant de schizophrénie paranoïde, avec anosognosie, est hospitalisée depuis le 9 mai 2012 au département de santé mentale et psychiatrie des hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), en entrée non volontaire sur mandat de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients.

2. Le 8 novembre 2012, le Dr X______, chef de clinique aux HUG, a sollicité de la commission du secret professionnel (ci-après : la commission) la levée de son secret professionnel afin de pouvoir présenter au Tribunal tutélaire, devenu le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : TPAE) le 1er janvier 2013, une demande motivée de mise sous curatelle de soins en urgence de l'intéressée. Cette dernière, qui n'avait pas sa capacité de discernement par rapport au secret médical et refusait de l'en délier, faisait l'objet d'une mesure de tutelle en France et une procédure de déplacement du for tutélaire était en cours. En raison de son affection médicale, l'intéressée était incapable de prendre une décision ou de désigner un représentant. Elle n'était pas à même de s'engager dans une démarche de soins. En l'absence de soins, son état de santé s'aggraverait avec le temps.

3. Le 9 novembre 2012, la présidente de la commission, statuant à titre provisionnel, a autorisé le Dr X______ à transmettre au TPAE la demande de mise sous curatelle de soins de Mme A______, vu l'urgence qu'il y avait à statuer sur la prise en charge médicale de l'intéressée, dans l'intérêt de celle-ci. Cette décision était exécutoire nonobstant recours.

4. Le 13 novembre 2012, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision susmentionnée, s'opposant à la levée du secret professionnel du Dr X______. Sa formation universitaire scientifique lui permettait de prendre ses décisions par elle-même. Aucune mesure de tutelle n'était nécessaire. Elle était actuellement privée de sa liberté et soumise à un traitement médical contraint, sans justification.

5. Le 14 décembre 2012, la commission a conclu au rejet du recours. Au vu des éléments en sa possession, la demande de mesure de protection devait être instituée dans l'intérêt de Mme A______, de sorte que le Dr X______ devait être autorisé à la transmettre au TPAE.

6. Le 4 février 2013, le Dr X______ a conclu implicitement au rejet du recours, en relevant que l’état de la patiente avait peu évolué.

7. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, par une personne dont la qualité pour agir doit être en l’état admise (art. 16 et ss. du Code civil suisse du 10 décembre l907 - CCS - RS 210) le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 12 al. 5 de loi sur la santé du 7 avril 2006 LS - K  1 03).

2. Le litige porte sur la levée du secret professionnel du Dr X______, permettant à celui-ci de transmettre au TPAE une demande motivée de mesure de protection en faveur de la recourante.

3. a. En droit cantonal genevois, la loi dispose que « le secret professionnel a pour but de protéger la sphère privée du patient » (art. 87 al. 2 LS).

Le respect de la sphère privée du patient est imposé par le droit fédéral ainsi que par l’ensemble des droits fondamentaux ancrés dans la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). De manière générale, le respect du caractère confidentiel des informations sur la santé constitue un principe essentiel du système juridique de toutes les parties contractantes à la CEDH, au nombre desquelles figure la Suisse. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, il est capital non seulement pour protéger la vie privée des malades, mais également pour préserver leur confiance dans le corps médical et les services de santé en général. La législation interne doit ménager des garanties appropriées pour empêcher toute communication ou divulgation des données à caractère personnel relatives à la santé qui ne serait pas conforme à l’art. 8 CEDH, garantissant le droit au respect de la vie privée et familiale. Ainsi, le devoir de discrétion est unanimement reconnu et farouchement défendu (Arrêt du Tribunal fédéral 4C.111/2006 du 7 novembre 2006, consid. 2.3.1).

b. Selon l’art. 88 LS, le médecin tenu au secret professionnel peut en être délié par le patient ou, s’il existe de justes motifs, par la commission du secret professionnel, respectivement son président en cas d'extrême urgence (art. 88 al. 1er LS en relation avec l’art. 12 al. 1er et 4 LS). A teneur de cette même disposition, sont réservées les dispositions légales concernant l’obligation de renseigner une autorité ou de témoigner en justice (art. 88 al. 2 LS).

c. La finalité du secret médical n’est pas de protéger la vie privée du patient, mais de sauvegarder la santé de celui-ci. Quant à l’obligation de respecter le secret médical, elle ne protège pas uniquement la santé de l’individu mais elle tient également compte de la santé de la collectivité. Ainsi, ce dernier élément reste un paramètre essentiel et traduit la pesée des intérêts qui intervient entre secret médical et intérêt collectif dans certains domaines où la santé publique peut être mise en danger (cf. J. STROUN, D. BERTRAND, Médecin, Secret médical et Justice, p. 115 ss.).

Cela étant, le respect du secret médical trouve ses limites dans les principes généraux du droit administratif, notamment celui de la proportionnalité.

4. En l'espèce, il ressort du dossier que la demande de mesure de protection est motivée par l'urgence d'entreprendre une démarche de soins nécessaire au vu de l’état de santé psychique de la recourante. Selon le Dr X______, celle-ci n’est pas à même de s'engager dans une telle démarche en raison de l'affection dont elle est atteinte. La recourante ne fournit par ailleurs pas de justification pertinente pour contester la levée du secret professionnel, son opposition à toute mesure de protection ne pouvant être examinée par la chambre de céans mais uniquement par le TPAE.

5. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Nonobstant l'issue du recours, aucun émolument ne sera mis à la charge de la recourante, compte tenu de la situation personnelle de celle-ci.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 novembre 2012 par Madame A______ contre la décision de la commission du secret professionnel du 9 novembre 2012 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'aucun émolument ne sera perçu ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______, à la commission du secret professionnel, ainsi qu'au Dr X______ et, pour information, au Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

 

E. Hurni

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :