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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2747/2014

ATA/181/2015 du 17.02.2015 ( PROF ) , REJETE

Descripteurs : AVOCAT ; INSCRIPTION ; INDÉPENDANCE DE L'AVOCAT ; AVOCAT; SECRET PROFESSIONNEL ; CONFLIT D'INTÉRÊTS ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; ÉGALITÉ DE TRAITEMENT ; LIBERTÉ ÉCONOMIQUE
Normes : Cst.8 ; Cst.27 ; Cst.29 ; LLCA.6 ; LLCA.8 ; LLCA.12 ; LPAv.10
Résumé : La recourante est titulaire du brevet d'avocat suisse et employée à plein temps par un cabinet d'avocats international, dont aucun associé n'est inscrit au registre cantonal des avocats. Bien qu'elle et son employeur aient pris diverses mesures en vue de lui permettre de pratiquer, outre son activité salariée, la profession d'avocate au barreau de Genève en qualité d'indépendante, les conditions de son inscription au registre cantonal des avocats ne sont pas réalisées. En effet, certains obstacles organisationnels subsistent, ne permettant ainsi pas de garantir son indépendance telle qu'exigée par la LLCA.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2747/2014-PROF ATA/181/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 février 2015

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Michel Valticos, avocat

contre

COMMISSION DU BARREAU

 



EN FAIT

1) Madame A______, née le ______ 1976, de nationalité allemande, est titulaire du brevet d'avocat obtenu en 2007 dans le canton de Zurich.

Elle a effectué son stage d'avocat au sein d'une étude de la place, à Zurich et à Genève, puis est devenue collaboratrice de cette étude, régulièrement inscrite aux registres cantonaux des avocats de ces deux cantons.

2) En juillet 2011, Mme A______ a été engagée en qualité de collaboratrice au sein du groupe d'arbitrage international du cabinet B______, à Genève.

3) B______ est une société organisée selon le droit de l'État du Delaware (États-Unis d'Amérique), sous forme d'une « limited liability partnership » (ci-après : LLP) prévue et régie par le droit de cet État.

Elle est actuellement gérée par C______, une autre société organisée de la même manière, selon le même droit.

B______ fait partie d'un groupe de plusieurs sociétés ayant adopté des structures juridiques différentes (LLP, limited partnership, general partnership), en vertu des lois de plusieurs États différents des États-Unis d'Amérique (Delaware, New York, etc.) et, pour l'une d'entre elles, selon le droit d'Australie.

Ce groupe de sociétés, qui se considère et se présente comme un cabinet juridique mondial (« global law firm »), exerce ses activités non seulement dans plusieurs villes des États-Unis d'Amérique (dont aucune n'est sise au Delaware), mais également dans plusieurs villes en Asie, en Australie et en Europe.

Les associés (« partners ») de B______ et de C______ sont tous avocats admis à exercer leur activité juridique professionnelle dans les États dans lesquels ils l'exercent personnellement ; la Suisse n'en fait pas partie.

Les statuts de C______, qui dirige B______, n'excluent pas formellement des non-avocats comme associés.

À l'exception de Me D______, avocat aux barreaux de New York et de l'Illinois, les identités et les barreaux respectifs des autres associés de C______ et de B______ sont inconnus, le contrat d'engagement des employés de B______ leur imposant d'ailleurs un devoir de discrétion par rapport à n'importe quelle information concernant B______ et les sociétés liées à celle-ci (art. 14.1 : «l'employé doit garder confidentielles toutes les informations en rapport avec B______, ses entités juridiques affiliées et ses clients »).

B______ compte depuis mai 2002 un bureau à Genève, y exerçant une activité d'avocat, sans avoir créé une société suisse et sans participer à une société suisse ou collaborer - hors tout rapport hiérarchique, de façon égalitaire - avec des avocats autorisés à exercer leur activité en Suisse.

4) Le 18 juillet 2011, Mme A______ a requis son inscription au registre cantonal des avocats auprès de la commission du barreau de Genève (ci-après : la commission) ; celle-ci a rejeté cette demande par décision du 7 août 2012.

En substance, B______ était une société étrangère de capitaux et l'inscription de Mme A______ au registre genevois des avocats ne satisfaisait pas à l'exigence d'indépendance. La situation d'autres avocats inscrits audit registre alors que leur situation était similaire à celle de l'intéressée était réexaminée ; l'inscription initiale de ces autres avocats avait eu lieu alors que la situation juridique, telle qu'elle ressortait de la jurisprudence plus récente, n’était pas encore établie.

5) Par arrêt du 19 mars 2013 (ATA/178/2013), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours déposé par Mme A______ contre cette décision.

Elle était employée par une société revêtant une forme prévue par un droit étranger dont aucun associé n'était inscrit comme avocat dans un registre suisse ; aucun n'était soumis aux règles professionnelles helvétiques, ni à la surveillance des autorités suisses. La condition d'indépendance structurelle de la requérante faisait ainsi défaut. Son engagement comme simple employée pouvait en outre permettre à ses employeurs d'exercer par son intermédiaire une activité pour laquelle ils n'étaient pas autorisés en Suisse, contournant les dispositions légales applicables en matière de profession d'avocat. Elle ne pouvait pas se prévaloir du principe de l'égalité de traitement.

6) Le Tribunal fédéral a confirmé cet arrêt le 6 décembre 2013 (arrêt 2C_433/2013).

Dès lors qu'aucun des associés de B______ n'était admis à pratiquer le barreau en Suisse, ceux-ci n'étant ainsi pas soumis aux règles professionnelles y relatives, l'engagement de Mme A______ par cette société ne présentait pas les mêmes garanties en termes d'indépendance que si elle était employée par un ou plusieurs avocats inscrits dans un registre cantonal.

7) Le 25 novembre 2013, le contrat de travail de Mme A______ a été modifié, un art. 15 concernant sa pratique indépendante ayant été ajouté.

À teneur de ce document, elle était autorisée à représenter, sous sa propre responsabilité et pour son propre compte en qualité d'avocate indépendante, des parties tierces devant les tribunaux et autorités suisses. Elle était pour ce faire autorisée à solliciter son inscription au barreau de Genève (art. 15.1).

Avant d'accepter un mandat en tant qu'indépendante, elle devait s'assurer auprès de B______ que le moment, l'étendue et la nature de ce mandat n'entraient pas en conflit avec ses responsabilités professionnelles d'employée, ni avec les pratiques, règles et règlements de son employeur (art. 15.2).

B______ reconnaissait que, dans le cadre de sa pratique en qualité d'avocate indépendante, l'employée devait agir dans le seul respect des intérêts de ses clients et se conformer à toutes les règles du secret professionnel applicables en Suisse vis-à-vis de l'employeur. Ce dernier allait ainsi mettre à disposition de Mme A______ un meuble sécurisé. Il respecterait en outre la représentation indépendante par son employée de ses clients, s'abstenant d'adopter un comportement pouvant compromettre cette indépendance. Il s'assurerait enfin que l'employée soit en mesure de consacrer le temps nécessaire à ses mandats d'indépendante, y compris, si nécessaire, par l'octroi de congés non-payés (art. 15.3).

B______ allait assumer le paiement des primes de l'assurance responsabilité civile professionnelle de Mme A______ pour l'exercice de son activité d'indépendante (art. 15.4). Cette dernière allait pour sa part prendre toutes mesures visant à éviter la confusion sur la question de savoir si elle représentait des tiers en tant qu'indépendante ou d'employée de B______ (art. 15.5).

8) Le 20 décembre 2013, Mme A______ a déposé une nouvelle demande d'inscription au registre des avocats en qualité d'avocate indépendante. Cette requête se distinguait de la précédente, visant à son inscription en qualité de salariée de B______.

Les avocats de ce cabinet étaient tous des avocats brevetés, soumis à des règles professionnelles au moins équivalentes à celles imposées par le droit suisse. D'ailleurs, leur contrat de travail rappelait aux employés de ce cabinet international les règles essentielles en matière de protection du secret professionnel, de conflits d'intérêts et de responsabilité.

Mme A______ était désormais autorisée par son employeur à exercer une activité indépendante en parallèle de son activité de salariée, les nouvelles dispositions de son contrat prévoyant en particulier qu'elle était autorisée à représenter ses clients devant les autorités et tribunaux suisses pour son propre compte et sous sa propre responsabilité, pouvant solliciter à cet effet son inscription au registre cantonal. Ce contrat prévoyait également une procédure de vérification des conflits d'intérêts, une protection du secret professionnel dû à ses clients, la garantie de son indépendance dans la conduite de ses mandats personnels, ainsi que la prise de mesures pour éviter toute confusion entre son activité salariée et son activité indépendante.

Les conditions d'inscription au registre cantonal étaient réalisées. Le fait que Mme A______ exerce une activité salariée à plein temps n'excluait en rien l'exercice d'une activité parallèle indépendante.

La jurisprudence l'autorisait à partager les locaux de B______ pour exercer son activité d'avocate indépendante, à plus forte raison dans la mesure où les personnes présentes exerçaient la même profession et étaient soumises à des règles professionnelles équivalentes à celles des avocats genevois en matière de respect du secret professionnel et d'interdiction des conflits d'intérêts. Son indépendance était en outre garantie par les mesures structurelles prises par les parties au contrat de travail, à savoir le respect de cette indépendance dans le traitement des dossiers personnels, clairement exprimé par l'employeur, une distinction claire entre ses affaires personnelles et celles traitées pour le compte de B______, la mise à disposition d'une armoire sécurisée pour entreposer ses dossiers personnels en vue de protéger son secret professionnel. Mme A______ avait de plus elle-même adopté des mesures pour assumer ses propres mandats de manière indépendante, soit l'utilisation d'un papier à entête et d'un numéro de téléphone distinct, un compte bancaire séparé, une affiliation distincte à la TVA, ainsi qu'une couverture d'assurance personnelle.

L'absence de lien de subordination avec son employeur dans l'exercice de son activité d'avocate indépendante, de même que la garantie d'indépendance assurée contractuellement par celui-ci, permettait à Mme A______ d'être à l'abri de toute influence externe dans la conduite de ses mandats personnels.

Dès lors que son indépendance, tant structurelle que matérielle, apparaissait ainsi assurée au-delà des exigences nécessaires, son inscription au registre genevois des avocats ne pouvait lui être refusée.

9) Le 25 mars 2014, la commission a organisé un transport sur place, au cours duquel le conseil de Mme A______ a souligné que les personnes travaillant pour B______ n'avaient pas accès à ses dossiers personnels, afin que son indépendance soit garantie.

Il a ensuite été procédé à une visite des locaux et constaté que l'accueil de la clientèle personnelle de Mme A______ aurait lieu à la réception de B______, tout comme la clientèle de cette société. Par ailleurs, la potentielle clientèle de la requérante serait conduite et reçue dans la salle de conférence commune du cabinet, ou dans une salle annexe plus petite, équipée d'une grande table et d'un poste de travail, non affecté à une personne en particulier. L'intéressée travaillait seule dans son bureau, lequel n'était pas destiné à recevoir des tiers. Ses dossiers personnels allaient être déposés dans son armoire, dont elle était la seule à posséder la clé.

S'agissant des supports informatiques, Mme A______ allait utiliser, lorsqu'elle traiterait ses propres dossiers, son ordinateur portable personnel qui n'était pas relié au réseau de B______ et auquel elle était la seule à avoir accès par un système de codage.

L'un des associés de B______ a indiqué que, par principe, une ségrégation stricte était pratiquée au sein du cabinet entre les bureaux dans lesquels travaillaient les avocats et les salles de conférence dans lesquelles les clients étaient reçus.

Mme A______ a précisé que son activité principale allait rester celle de collaboratrice dans le domaine de l'arbitrage pour le cabinet. S'agissant de sa potentielle clientèle privée, elle disposait de nombreux contacts dans la communauté internationale de Genève, notamment les expatriés, dont la demande de services juridiques suisses pouvant aller jusqu'à la représentation devant les tribunaux était importante. Elle n'envisageait en revanche pas de traiter à titre personnel des dossiers pour des clients de B______.

Il n'était pas non plus prévu, dans un premier temps, que Mme A______ paie un loyer à son employeur, dès lors qu'elle n'avait pour l'instant qu'un potentiel de clientèle. Cette question allait toutefois être rediscutée en fonction du développement de ses affaires personnelles et de l'importance que celles-ci allaient représenter pour sa pratique.

Le conseil de la requérante a encore rappelé que la raison d'être de la modification de son contrat de travail était de lui permettre de déployer sa propre activité telle que présentée, sensiblement différente de celle déployée par B______. Lorsque la commission aurait donné suite à la requête de Mme A______, une plaque à son nom, mentionnant son appartenance au barreau de Genève, serait fixée à l'extérieur des locaux. Enfin, les indications déjà fournies concernant le papier à entête et la ligne téléphonique étaient provisoires à ce stade, les mesures y relatives pouvant être adaptées aux exigences que pouvait poser la commission en la matière. Il était notamment possible d'installer une ligne téléphonique fixe à l'usage de Mme A______ pour sa clientèle personnelle.

10) Le 30 avril 2014, Mme A______ a transmis ses observations complémentaires, persistant dans sa requête et dans son argumentation.

Le transport sur place avait permis à la commission de constater les mesures organisationnelles prises pour éviter que la représentation de ses propres clients en sa qualité d'avocate indépendante ne soit confondue avec la représentation des clients de B______ en sa qualité d'employée. Elle pouvait dès lors exercer son activité d'avocate indépendante dans le respect du secret professionnel et avec la garantie de son indépendance tant structurelle que matérielle.

Dans l'hypothèse où la commission venait à considérer que l'une des conditions de l'inscription de Mme A______ au registre cantonal des avocats faisait défaut, elle était invitée à permettre à l'intéressée de se déterminer, cas échéant d'y remédier avant la prise d'une décision formelle.

11) Par décision du 4 août 2014, la commission a rejeté la demande d’inscription de Mme A______ au registre cantonal des avocats.

Dans son arrêt relatif à la précédente demande de l'intéressée, le Tribunal fédéral avait retenu que les associés de B______ n'étaient pas soumis à la législation applicable en matière de profession d'avocat et échappaient ainsi à la surveillance disciplinaire d'une autorité suisse. Partant, si les associés de B______ exerçaient la même profession et étaient soumis à des règles professionnelles équivalentes à celles des avocats genevois, il n'en demeurait pas moins que les principes jurisprudentiels concernant l'exercice de la profession parallèlement à une activité salariée devaient trouver application également dans le cas présent.

L'intéressée entendait exercer son activité d'avocate indépendante à côté de son travail salarié à plein temps, dans les mêmes locaux que ceux dans lesquels elle exerçait ce dernier, traitant ses clients personnels strictement de la même manière que les clients de B______. Ainsi, les deux types de clients arriveraient à la même réception, seraient conduits dans la même salle de conférence et leurs dossiers seraient traités depuis le même poste de travail, sous réserve de l'ordinateur utilisé. Par ailleurs, Mme A______ serait couverte en responsabilité civile par une assurance prise en charge par son employeur.

Les exigences posées par la jurisprudence, selon lesquelles l'avocat exerçant la profession à titre indépendant parallèlement à son activité salariée doit veiller à ce qu'aucun lien avec son employeur ne puisse être reconnu (« independence in appearance »), n'étaient pas réalisées.

Enfin, l'engagement de Mme A______ au sein de B______ ne pouvait pas être considéré comme n'interférant pas avec l'exercice de la profession d'avocat, comme l'exigeait la jurisprudence, dès lors qu'avant d'accepter un quelconque mandat, elle devait en référer à son employeur conformément aux obligations découlant de son contrat de travail. Ainsi, ni son indépendance, ni son secret professionnel n'étaient garantis, ce d'autant moins qu'elle n'était pas libre d'accepter un mandat, dans la mesure où son employeur, outre la question des conflits d'intérêts, devait lui donner son accord quant à l'opportunité temporelle, l'étendue et la nature du mandat qu'elle pourrait s'apprêter à accepter.

12) Par acte du 15 septembre 2014, Mme A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative, concluant à son annulation et à ce qu'il soit ordonné à la commission de procéder à son inscription au registre cantonal des avocats. Elle sollicitait subsidiairement un transport sur place dans les nouveaux locaux de B______.

Depuis le mois d'août 2014, les bureaux de B______ étaient situés aux dixième et onzième étages du bâtiment E______ sis ______ à Genève. Ces bureaux n'étaient pas accessibles aux autres entreprises installées dans le même immeuble. Les nouveaux locaux de la société ne présentaient pas de différences majeures par rapport aux observations faites lors du transport sur place. Néanmoins, ses clients privés ne seraient désormais plus accueillis à la réception de B______, mais à celle du E______. Cette dernière se trouvait au rez-de-chaussée et servait de réception pour toutes les entreprises installées dans le bâtiment. Elle allait ainsi être directement informée de l'arrivée de ses clients, lesquels seraient reçus dans une salle de conférence sans devoir passer par la réception du cabinet.

La commission permettait depuis plusieurs années à des avocats suisses employés par des cabinets internationaux de s'inscrire au registre, soit en qualité d'avocats indépendants alors qu'ils exerçaient dans les locaux de leur employeur, soit en tant qu'employés. Trois exemples étaient mentionnés.

La commission avait déduit à tort des arrêts précédents de la chambre administrative et du Tribunal fédéral que le partage des locaux avec des avocats non-inscrits au registre était formellement exclu, ce que les juges n'avaient pas affirmé et qui ne correspondait pas à sa pratique de longue date. Il était en outre contesté qu’elle manquât d'indépendance à l'égard de B______. Dès lors qu'elle demandait son inscription en qualité d'avocate indépendante et non salariée, et qu'elle n'entendait pas représenter à titre personnel les clients de son employeur, la condition de l'inscription au registre des avocats des associés de la société n'était pas requise. Ceux-ci exerçaient au demeurant la même profession qu'elle et étaient ainsi soumis au même secret professionnel et à des standards aussi élevés en matière de règles professionnelles.

Elle avait pris toutes les mesures adéquates pour assurer son indépendance institutionnelle, structurelle et « in appearance » et maintenir le secret de ses mandats personnels. Ces mesures correspondaient aux exigences requises depuis plusieurs années par la commission pour inscrire au registre des avocats dont la situation était en tous points comparable à la sienne. Dans la mesure où la clientèle de B______ était principalement composée de grandes sociétés auxquelles le cabinet fournissait des conseils juridiques dans les domaines du droit commercial international et de l'arbitrage international, il s'avérait que la recourante souhaitait exercer en qualité d'indépendante dans un secteur totalement distinct.

La commission avait déduit à tort qu’elle manquerait d'indépendance dès lors qu'elle devait en référer à B______ avant d'accepter un mandat personnel, conformément à ses obligations contractuelles, et que cela constituait une forme d'influence de son employeur. Cet argument venait à leur reprocher de veiller à éviter tout conflit d'intérêts, alors qu'ils avaient précisément convenu d'une procédure de vérification de l'absence d'un tel conflit pour permettre de garantir son indépendance. Un tel processus était appliqué dans toutes les études d'avocats qui devaient gérer les conflits d'intérêts en leur sein, quitte à devoir renoncer à des mandats, sans que cela n'altère leur indépendance. Le Tribunal fédéral avait en outre considéré que ce qui était important pour la garantie de l'indépendance de l'avocat était que son employeur ne puisse pas intervenir sur les mandats déjà acceptés, en donnant des instructions ou en poussant à la résiliation de certains mandats. Cette indépendance n'était en revanche pas compromise si la convention entre l'avocat indépendant et son employeur prévoyait la possibilité pour ce dernier de refuser son autorisation pour l'acceptation de nouveaux mandats. Ce processus de vérification ne compromettait pas non plus son secret professionnel, ce d'autant plus qu'elle avait l'intention d'informer ses clients du fait qu'elle devait procéder à une telle vérification, s'assurant de leur accord à cet égard.

C'était également à tort que la commission considérait le fait que B______ prenait en charge le paiement de sa prime d'assurance en responsabilité civile comme un indice de dépendance, la loi n'exigeant pas qu’elle dût la payer personnellement. Cette obligation de s'assurer avait pour but premier de protéger les clients en cas de dommage pouvant résulter de l'activité professionnelle de l'avocat. La commission ne l'avait au demeurant pas interpellée, ni son employeur, sur les modalités liées à la répartition de la prise en charge de cette prime. La remarque de la commission constituait en outre une ingérence dans l'organisation et la politique d'assurance de B______ pour l'ensemble de ses mille huit cents avocats au sein de dix-huit bureaux à travers le monde ; à suivre le raisonnement de la commission, elle aurait également pu s'émouvoir dans sa quête d'indices des modalités de répartition du loyer, des photocopies ou des frais d'entretien, voire de nettoyage des locaux.

La commission avait refusé de l'inscrire au registre cantonal des avocats, alors que d'autres avocats se trouvant dans une situation semblable avaient été inscrits sans que cela ne pose de problèmes. Or, rien ne permettait à ce jour de justifier un tel changement de pratique. Au contraire, ces avocats n'avaient pas manqué à leur devoir d'indépendance et de respect des règles professionnelles, notamment de leur secret, et avaient démontré qu'il était possible d'exercer le métier d'avocat de manière indépendante et de respecter les règles professionnelles tout en étant employé d'une étude d'avocats internationale, même si cette activité était pratiquée à la même adresse que ladite étude.

La décision de refus de l'inscrire au registre cantonal des avocats constituait une atteinte à sa liberté économique étant donné qu'au vu de son parcours académique et professionnel, cette restriction ne répondait à aucun intérêt public et était disproportionnée. Or, la commission du barreau, composée principalement d'avocats inscrits, se devait d'exercer ses fonctions de manière objectives et non arbitraire. En lui interdisant d'exercer sa profession alors que toutes les conditions apparaissaient réunies, la décision litigieuse procédait d'un protectionnisme injustifié, destiné à restreindre l'accès au barreau genevois de manière aussi excessive qu'illégitime.

Enfin, la décision de la commission contrevenait au principe de l'égalité de traitement, dès lors qu'elle traitait de manière différente des cas comparables, en particulier s'agissant des trois exemples mentionnés par la recourante. Par ailleurs, son droit d'être entendu avait été violé, dans la mesure où elle avait demandé à plusieurs reprises à la commission d'engager une discussion en vue de chercher des solutions conformes aux exigences légales pour régler sa situation particulière et qu'il n'y avait jamais été donné suite, la décision ayant été rendue sans qu'elle ne soit invitée à modifier certains aspects en conséquence.

13) Le 14 octobre 2014, la commission a persisté dans les termes de sa décision, concluant au rejet du recours.

S'agissant du prétendu changement de pratique de la commission allégué par la recourante, il convenait de préciser que l'inscription des avocats cités dans son recours, peu nombreux, était antérieure à l'arrêt du Tribunal fédéral du 6 décembre 2013 (2C_433/2013). Il était en effet incertain quant à savoir si les structures de droit anglo-saxon telles que les LLP, inconnues du droit suisse, pouvaient être admises comme sociétés de capitaux au même titre que les sociétés anonymes de droit suisse conformément à la jurisprudence. Depuis l'arrêt précité, rendu sur recours de Mme A______ qui souhaitait se faire inscrire au registre en tant qu'employée de B______, la commission avait ouvert plusieurs procédures à l'égard des employés de telles structures déjà inscrits. Selon les informations à sa disposition, six avocats étaient concernés et des procédures étaient en cours d'instruction pour chacun d'entre eux. Ces cas de figure étaient ainsi limités et le rejet de la requête de l'intéressée se justifiait par les dispositions réglementant la profession d'avocat. La décision litigieuse ne constituait dès lors pas une violation du droit applicable, ni une inégalité de traitement.

La recourante ne pouvait pas reprocher à la commission de n'avoir pas « négocié » avec elle les conditions de son inscription et de ne pas lui avoir indiqué au préalable les aspects de sa demande à adapter. La commission n'était pas une autorité consultative. Dans la mesure où un transport sur place avait été organisé et où Mme A______ avait pu déposer des observations complémentaires, il n'incombait pas à la commission d'annoncer, avant de rendre sa décision, dans quel sens elle entendait statuer.

La recourante estimait que le partage des locaux avec son employeur ne s'opposait pas à sa pratique d'avocate indépendante, dès lors qu'il avait lieu avec d'autres avocats exclusivement. Cependant, le Tribunal fédéral avait considéré dans son arrêt du 6 décembre 2013 que les associés de B______ ne pouvaient pas être considérés comme l'équivalent d'avocats suisses puisqu'ils n'étaient pas soumis aux mêmes règles professionnelles.

Enfin, il était douteux, s'agissant de l'indépendance institutionnelle, que le fait de recevoir les clients personnels de Mme A______ à la réception de l'immeuble présentait une différence quant à l'absence d'indépendance « in appearance », le reste des locaux étant organisé de la même manière que ce que la commission avait pu observer lors de son transport sur place.

14) Le 13 novembre 2014, Mme A______ a répliqué, persistant dans les termes de son recours.

La commission fondait de manière injustifiée son refus et sa nouvelle pratique sur l'arrêt du Tribunal fédéral du 6 décembre 2013 (2C_433/2013) qui concernait une situation radicalement différente, elle-même ayant précédemment sollicité son inscription en qualité d'employée d'une LLP, alors que sa présente demande portait sur son exercice de la profession en qualité d'avocate indépendante partageant des locaux avec une LLP. De plus, les avocats dont la situation était similaire à la sienne étaient à ce jour toujours inscrits au registre. Le fait qu'une LLP ne soit pas considérée comme une société de capitaux de droit suisse ne revêtait aucune pertinence dans l'analyse de l'indépendance d'un avocat partageant des locaux avec d'autres avocats.

L'arrêt précité n'excluait pas qu'un avocat indépendant partage ses locaux avec des avocats non-inscrits au registre, ce d'autant que la loi prévoyait qu'il pouvait avoir des locaux communs avec des personnes exerçant la même activité professionnelle, sans que son indépendance ne soit menacée. La loi ne précisait pas si les termes « même activité professionnelle » supposaient que les avocats qui partageaient les locaux devaient être titulaires du brevet d'avocat suisse ou inscrits au registre.

15) Le 7 janvier 2015, le juge délégué a invité Mme A______ à lui faire parvenir une traduction libre en français de certaines pièces de son bordereau, produites en langue anglaise ; la recourante s'est exécutée le 27 janvier 2015.

16) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile, devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 6 al. 1 et 2 et 14 de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 - LLCA - RS 935.61 ; art. 14 et 49 de la loi sur la profession d'avocat du 26 avril 2002 - LPAv - E 6 10 ; art. 132 al. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 al. 1 et 2, 60 al. 1 let. a, 62 al. 1 let. a et 64 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. La recourante invoque une violation de son droit d'être entendue, dans la mesure où, bien qu'elle ait demandé à plusieurs reprises à la commission d'engager une discussion en vue de chercher des solutions conformes aux exigences légales pour régler sa situation particulière, il n'y a jamais été donné suite, la décision ayant été rendue sans qu'elle ne soit invitée à adapter certains aspects en conséquence.

Elle conclut par ailleurs à l'organisation d'un transport sur place dans les nouveaux locaux de son employeur.

b. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, ainsi que notamment le droit d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à leurs offres de preuves pertinentes (arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 p. 157 ; 138 V 125 consid. 2.1 p. 127 ; 137 II 266 consid. 3.2 p. 270 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 p. 197 ; 136 I 265 consid. 3.2 ; 135 II 286 consid. 5.1 p. 293 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_12/2013 du 8 mars 2013 consid. 4.1 ; 2C_552/2011 du 15 mars 2012 consid. 3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_799/2011 du 20 juin 2012 consid. 6.1 ; 4A_108/2012 du 11 juin 2012 consid. 3.2 ; 2D_2/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 ; 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.2 et les arrêts cités ; ATA/404/2012 du 26 juin 2012 ; ATA/275/2012 du 8 mai 2012). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 138 I 232 consid. 5.1 p. 237 ; 138 IV 81 consid. 2.2 p. 84 ; 134 I 83 consid. 4.1 p. 88 et les arrêts cités ; 133 II 235 consid 5.2 p. 248 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2 ; 2C_514/2009 du 25 mars 2010 consid. 3.1).

c. En l'espèce, le fait que la recourante ait le droit de faire valoir son point de vue avant qu'une décision qui la concerne ne soit prise ne lui donne pas pour autant le droit de discuter, voire d'adapter au fur et à mesure chacun des points de sa situation particulière en vue de se conformer aux exigences légales lui permettant de s'inscrire au registre cantonal des avocats, la commission n'étant au demeurant pas une autorité consultative. Cette dernière n'était par conséquent pas tenue de communiquer à la recourante sa position avant de rendre la décision litigieuse, ce d'autant moins que celle-ci avait amplement pu se déterminer à chacune des étapes de la procédure y ayant conduit.

D'autre part, dans la mesure où, aux dires de la recourante elle-même, la configuration des nouveaux locaux de son employeur n'a quasiment pas varié par rapport à celle des anciens, à l'exception de la réception qui est désormais commune à toutes les entreprises de l'immeuble, il ressort du dossier que la chambre de céans se trouve en possession de tous les éléments lui permettant de trancher le litige. Elle renoncera par conséquent au transport sur place sollicité, lequel ne s'avère pas de nature à influer sur l'issue de la présente procédure.

Mal fondés, les griefs de la recourante relatifs à son droit d'être entendue seront rejetés.

3) La recourante soutient remplir les conditions d'inscription au registre cantonal des avocats, en particulier bénéficier de l'indépendance exigée et respecter les règles professionnelles en découlant en matière de secret professionnel et d'absence de conflit d'intérêts.

4) L’avocat titulaire d’un brevet d’avocat cantonal qui entend pratiquer la représentation en justice doit demander son inscription au registre du canton dans lequel il a son adresse professionnelle (art. 6 al. 1 LLCA). Selon l'art. 6 al. 2 LLCA, l’autorité de surveillance l’inscrit s’il remplit, notamment, les conditions prévues à l'art. 8 LLCA.

À Genève, la commission exerce cette compétence dévolue à l’autorité de surveillance des avocats par l'art. 6 al. 2 LLCA (art. 14 de la loi sur la profession d’avocat du 26 avril 2002 - LPAv - E 6 10).

5) a. Pour être inscrit au registre, l’avocat doit notamment être en mesure de pratiquer en toute indépendance ; il ne peut être employé que par des personnes elles-mêmes inscrites dans un registre cantonal (art. 8 al. 1 let. d LLCA).

L'art. 12 LLCA énonce les règles professionnelles auxquelles l'avocat est soumis. Celui-ci doit notamment exercer son activité professionnelle en toute indépendance, en son nom personnel et sous sa propre responsabilité (let. b) et éviter tout conflit entre les intérêts de son client et ceux des personnes avec lesquelles il est en relation sur le plan professionnel ou privé (let. c).

L'avocat est en outre soumis au secret professionnel pour toutes les affaires qui lui sont confiées par ses clients dans l'exercice de sa profession ; cette obligation n'est pas limitée dans le temps et est applicable à l'égard des tiers (art. 13 al. 1 1ère phrase LLCA).

L’avocat inscrit au registre ne peut s’associer ou avoir des locaux communs qu’avec des personnes exerçant la même activité professionnelle (art. 10 al. 1 1ère phrase LPAv).

b. L'indépendance est un principe essentiel de la profession d'avocat (arrêt du Tribunal fédéral 2C_889/2008 du 21 juillet 2009 consid. 3.1.2) ; elle est la clé de voûte de la pratique du barreau sur laquelle s'appuient les piliers de la profession que sont le secret professionnel, l'interdiction des conflits d'intérêts, la probité de l'avocat et la fidélité dans l'exécution du mandat (Philippe MEIER/Christian REISER, Commentaire romand, 2010, n. 28 ad art. 8 LLCA).

L'indépendance comme condition de l'inscription (art. 8 al. 1 let. d LLCA) est dite institutionnelle : l'avocat doit s'organiser de manière à pouvoir exercer son activité de façon indépendante. L'art. 12 let. b LLCA énonce la règle de l'indépendance matérielle, selon laquelle l'avocat doit veiller, dans chaque affaire qui lui est confiée, à exercer son activité de manière indépendante, en évitant notamment tout conflit d'intérêts (ATF 138 II 440 consid. 3 p. 443).

L'indépendance institutionnelle au sens de l'art. 8 al. 1 let. d LLCA doit garantir que l'avocat puisse se consacrer entièrement à la défense des intérêts de ses clients, sans être influencé par des circonstances étrangères à la cause. Il en va de la confiance du public dans la profession (ATF 138 II 440 consid. 5 p. 445).

Le fait que la condition de l'indépendance institutionnelle, qui doit exister préalablement à l'inscription, est doublée de la règle professionnelle de l'indépendance, qui s'impose à l'avocat inscrit, a pour conséquence de réduire quelque peu les exigences relatives à la première : il n'est pas nécessaire pour être inscrit que toute atteinte à l'indépendance soit d'entrée de cause exclue ; l'inscription doit être refusée seulement lorsque, sans investigations approfondies, il apparaît avec une certaine vraisemblance que l'intéressé, du fait de sa situation particulière, ne remplit pas la condition de l'indépendance (ATF 130 II 87 consid. 5.2 p. 103 s. ; 138 II 440 consid. 3 p. 444).

c. Le Tribunal fédéral considère que, sous l'angle de l'indépendance institutionnelle, dans le cas d'un avocat pratiquant cette profession parallèlement à une activité salariée, l'art. 8 al. 1 let. d 2ème phrase LLCA, aux termes duquel l'avocat ne peut être employé que par des personnes elles-mêmes inscrites dans un registre cantonal, ne signifie pas nécessairement que l'intéressé ne soit pas en mesure de pratiquer en toute indépendance et ne puisse dès lors se faire inscrire au registre. En effet, le texte de l'art. 8 al. 1 let. d LLCA n'est clair qu'au premier abord. À une interprétation littérale, il faut préférer celle qui se fonde sur le sens de la norme et la volonté du législateur. Or, l'intention du législateur n'était pas d'exclure l'inscription au registre - faute d'indépendance institutionnelle - dans tous les cas où l'avocat requérant est employé par une personne qui n'est elle-même pas inscrite, mais de le faire seulement dans la mesure où un tel engagement comporte le risque que l'intéressé subisse des influences extérieures dans l'exercice de sa profession (arrêt du Tribunal fédéral 2C_433/2013 du 6 décembre 2013 ; ATF 130 II 87 consid. 4.3.3 p. 97, consid. 5.2 p. 102 s. ; ATF 138 II 440 consid. 6 p. 446, consid. 14 p. 453, consid. 15 p. 455, consid. 17 p. 456).

Ainsi, l'art. 8 al. 2 2ème phrase LLCA crée une présomption que l'indépendance fait défaut s'agissant de mandats présentant un lien quelconque avec l'engagement, comme lorsque l'avocat défend les intérêts de son employeur ou de clients de ce dernier (arrêt du Tribunal fédéral 2C_433/2013 du 6 décembre 2013 ; ATF 130 II 87 consid. 5.1.1 p. 100, consid. 5.2 p. 103 ; ATF 138 II 440 consid. 14 p. 453 s.). L'intéressé peut renverser la présomption en donnant toutes les informations utiles sur son engagement, de nature à établir clairement que son employeur ne peut exercer aucune influence sur la gestion des mandats (arrêt du Tribunal fédéral 2C_433/2013 du 6 décembre 2013 ; ATF 130 II 87 consid. 6.1 et 6.2 p. 104 s. ; arrêt 2A.124/2005 du 25 octobre 2005 consid. 2.2 et les références citées). Tel est le cas lorsque son activité d'avocat est à tous points de vue séparée de celle qu'il exerce comme employé, de sorte que l'engagement n'interfère pas avec l'exercice de la profession d'avocat (arrêt du Tribunal fédéral 2C_433/2013 du 6 décembre 2013 ; ATF 130 II 87 consid. 5.2 p. 103, consid. 6.3.2 p. 107 ; 138 II 440 consid. 6 p. 446).

d. L'art. 8 al. 1 let. d LLCA doit néanmoins être interprété de façon à ne pas empiéter de manière trop excessive sur la liberté du commerce dont bénéficie l'avocat. Lorsqu'un avocat est employé d'une personne non-inscrite au registre à côté de son activité indépendante, il n'y a qu'une présomption réfragable de dépendance que l'avocat peut renverser pour demander son inscription. Pour ce faire, il doit démontrer que ses clients n'ont aucun lien avec son employeur et que ce dernier ne dispose d'aucun pouvoir d'instruction ou de droit de regard sur les mandats d'avocat de son employé. À cela s'ajoute que l'avocat ne peut pas accepter de mandats contre ou en faveur de son employeur dans un litige impliquant des clients de ce dernier. Enfin, il faut que les locaux dans lesquels l'avocat exerce sa profession soient séparés de ceux de l'employeur (ATF 130 II 270 consid. 6 in RDAF 2005 I 526 ; Benoît CHAPPUIS, La profession d'avocat, Tome I, Le cadre légal et les principes essentiels, 2013, p. 64 ss. ).

6) En l'espèce, la recourante, titulaire d'un brevet d'avocat suisse, est employée à plein temps au sein d'un cabinet d'avocats international (« global law firm ») en qualité de collaboratrice. L'essentiel de son activité est déployé dans le domaine de l'arbitrage international, dans lequel elle justifie de compétences particulières. Il n'est toutefois pas contesté que son employeur a accepté de modifier son contrat de travail le 25 novembre 2013, dans le but de lui permettre d'exercer, parallèlement à son activité salariée à plein temps, une activité d'avocate indépendante, consistant en la représentation, en son nom, sous sa propre responsabilité et pour son propre compte, de tierces parties devant les autorités et tribunaux suisses. La recourante n'a pas l'intention de compter parmi ses clients ceux de son employeur et plusieurs mesures organisationnelles ont été prises en vue de sa requête d'inscription au registre cantonal des avocats.

Néanmoins, il ressort du dossier, notamment du procès-verbal de transport sur place effectué par la commission et des explications détaillées de la recourante quant à sa future organisation que, malgré les mesures prises pour garantir son indépendance vis-à-vis de tiers et en particulier de son employeur, certains obstacles subsistent.

Tout d'abord, il appert que ni les associés du cabinet, ni les autres collaborateurs ne sont inscrits au registre cantonal des avocats ; ils ne sont par conséquent pas soumis aux exigences de la LLCA, ni à la surveillance de la commission. Le fait qu'ils soient néanmoins soumis à des standards professionnels élevés n'y change rien.

Ainsi, la procédure de vérification d'absence de conflits d'intérêts mise en place implique que, pour donner son accord à la recourante pour l'acceptation d'un mandat, son employeur doit avoir connaissance à tout le moins du nom des potentiels clients de la recourante, voire du nom des éventuelles autres parties, ce sans l’accord exprès de ces dernières, cas échéant de données quant à la nature des litiges traités par la recourante dans le cadre de ses mandats privés. Si cette mesure a certes pour vocation de prévenir l'existence d'éventuels conflits d'intérêts, elle ne s'avère pas pour autant conforme à l'exigence du respect du secret professionnel de l'avocat en tant que devoir découlant de l'obligation d'indépendance. De plus, une telle intervention de l'employeur dans la sélection des mandats de la recourante ne permet pas d'établir avec certitude que celui-là ne peut exercer aucune influence sur la gestion desdits mandats. Ce doute est encore renforcé par le fait qu'il ressort clairement du contrat de travail que la recourante doit s'assurer auprès de son employeur que le moment, l'étendue et la nature du mandat n'interfèrent pas avec ses responsabilités professionnelles d'employée, ni avec les pratiques, règles et règlements du cabinet.

Par ailleurs, le fait que la recourante soit amenée à exercer son activité d'avocate indépendante dans les locaux de son employeur, en utilisant les mêmes espaces, le même bureau, les mêmes salles de conférences pour recevoir les clients, cas échéant le même matériel informatique, sous réserve de l'utilisation de son ordinateur portable privé, indifféremment qu'elle traite les dossiers des clients de son employeur ou ceux de ses propres clients, ne permet pas non plus de garantir son indépendance structurelle. De même, le fait que la réception de ses propres clients soit effectuée non pas à la réception de son employeur, mais à la réception agissant pour toutes les entreprises présentes dans l'immeuble ne permet pas d'assurer davantage cette indépendance, ni le respect du secret professionnel. Quant aux nombreuses mesures prises par la recourante pour tenter de distinguer formellement son activité salariée de son activité indépendante, si elles sont effectivement indispensables, elles ne suffisent pas à satisfaire l'exigence d'indépendance requise pour son inscription au registre.

Ainsi, la commission était fondée à refuser l'inscription de la recourante au registre genevois des avocats, dans la mesure où la condition de la pratique de la profession en toute indépendance au sens de l'art. 8 al. 1 let. d LLCA n'est en l'occurrence pas réalisée.

Compte tenu de ce qui précède, la question de savoir dans quelle mesure le fait que l'employeur de la recourante prenne à sa charge le paiement des primes d'assurance en responsabilité civile professionnelle dans le cadre de l'activité indépendante de celle-ci pourrait interférer dans son indépendance peut souffrir de rester ouverte.

7) La recourante se plaint encore d'une atteinte à sa liberté économique et d'une violation du principe de l'égalité de traitement.

8) a. Selon l'art. 27 Cst., la liberté économique est garantie (al. 1) ; elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (al. 2). Cette liberté protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 131 I 333 et les références citées). Toute activité lucrative privée exercée à titre professionnel, qui vise à l’obtention d’un gain ou d’un revenu, bénéficie de la garantie de la liberté économique (ATF 117 Ia 440 ; 116 Ia 118, ATA/500/2001 du 7 août 2001). La protection de l’art. 27 Cst. s’étend non seulement aux indépendants, mais encore aux employés salariés lorsqu’ils sont atteints dans leurs droits juridiquement protégés (ATF 112 Ia 318, 319).

À l’instar de toutes les libertés publiques, la liberté économique n’a pas valeur absolue et peut être restreinte aux conditions de l’art. 36 Cst. Aux termes de cette disposition, une restriction d’un droit fondamental est admissible si elle repose sur une base légale, qui doit être de rang législatif en cas d’atteinte grave (al. 1), est justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (al. 2) et respecte le principe de la proportionnalité (al. 3).

Selon la jurisprudence, faire dépendre l'inscription au registre cantonal des avocats de l'indépendance institutionnelle constitue une limitation de la liberté économique au sens de l'art. 27 Cst., laquelle est également valable pour l'activité d'avocat soumise au monopole (arrêt du Tribunal fédéral 2C_433/2013 du 6 décembre 2013 et les références citées).

b. En l'espèce, en considérant que la décision litigieuse serait constitutive d'une atteinte excessive à la liberté économique de la recourante, étant précisé qu'elle ne lui interdit pas toute activité économique en lien avec sa formation, mais uniquement de pratiquer la représentation devant les autorités et tribunaux suisses en qualité d'avocate indépendante, une telle atteinte se justifie par le fait qu'elle repose sur l'art. 8 al. 1 let. d LLCA ne permettant pas l'inscription au registre cantonal des avocats lorsque l'une des conditions personnelles mentionnées, en particulier celle de l'indépendance de l'avocat, fait défaut, ce qui est le cas en l'occurrence. L'indépendance de l'avocat représente en outre un intérêt public. Enfin, cette limitation de la liberté économique de la recourante ne s'avère pas disproportionnée.

Ce grief sera par conséquent rejeté.

9) a. Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst. lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire les distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 138 V 176 consid. 8.2 ; 131 I 1 consid. 4.2 ; 129 I 346 consid. 6 ; Vincent MARTENET, Géométrie de l’égalité, 2003, p. 260 ss).

b. Selon la jurisprudence, un justiciable ne saurait en principe se prétendre victime d’une inégalité de traitement au sens de l’art. 8 Cst. lorsque la loi est correctement appliquée à son cas, alors même que dans d’autres cas, elle aurait reçu une fausse application ou n’aurait pas été appliquée du tout (ATF 136 I 65 consid. 5.6 p. 78 ; 127 II 113 consid. 9a p. 121 ; 122 II 446 consid. 4 p. 451 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_304/2011 du 9 janvier 2012 consid. 5.3 ; 2C_72/2008 du 21 mai 2008 consid. 6.2 ; ATA/352/2012 du 5 juin 2012 consid. 7 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, 2006, vol. 2, p. 502/503 n. 1025-1027 ; Vincent MARTENET, op. cit., p. 260 ss ; Pierre MOOR, Droit administratif, 1994, vol. 1, p. 314 ss n. 4.1.1.4).

Cependant, cela présuppose de la part de l’autorité dont la décision est attaquée la volonté d’appliquer correctement, à l’avenir, les dispositions légales en question et de les faire appliquer par les services qui lui sont subordonnés. En revanche, si l’autorité persiste à maintenir une pratique reconnue illégale ou s’il y a de sérieuses raisons de penser qu’elle va persister dans celle-ci, le citoyen peut demander que la faveur accordée illégalement à des tiers le soit aussi à lui-même, cette faveur prenant fin lorsque l’autorité modifie sa pratique illégale (ATF 136 I 65 précité consid. 5.6 p. 78 ; 127 II 113 précité consid. 9a p. 121 ; 125 II 152 consid. 5 p. 166 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_304/2011 du 9 janvier 2012 ; 1C_426/2007 du 8 mai 2008 consid. 3 et 4 ; ATA/270/2012 du 8 mai 2012 consid. 14).

Encore faut-il qu’il n’existe pas un intérêt public prépondérant au respect de la légalité qui conduise à donner la préférence à celle-ci au détriment de l’égalité de traitement (ATF 115 Ia 81 consid. 2 p. 82/83 ; 99 Ib 377 consid. 5 p. 383), ni d’ailleurs qu’aucun intérêt privé de tiers prépondérant ne s’y oppose (ATF 108 Ia 212 consid. 4 p. 213).

Toutefois, si l’illégalité d’une pratique est constatée à l’occasion d’un recours contre le refus d’un traitement illégal, le juge n’admettra le recours que s’il peut être exclu que l’administration changera sa politique (ATF 115 Ia 81 consid. 2 p. 82/83 ; 112 Ib 381 consid. 6 p. 387 ; ATA/432/2008 du 27 août 2008 consid. 5). Il présumera, dans le silence de l’autorité, que celle-ci se conformera au jugement qu’il aura rendu quant à l’interprétation correcte de la règle en cause (arrêt du Tribunal fédéral 1C_304/2011 du 9 janvier 2012 consid. 5.3).

c. En l'espèce, comme l'avait déjà retenu la chambre de céans dans son précédent arrêt concernant la recourante (ATA/178/2013 du 19 mars 2013), la commission a certes accordé l'inscription au registre genevois à quelques rares avocats travaillant dans des conditions similaires à la sienne. Il s'agit néanmoins de très peu de cas, isolés et actuellement même soumis à réexamen, la commission indiquant clairement qu'elle traitera à l'avenir tous les cas similaires comme celui de la recourante, la situation juridique peu claire qui prévalait après l'entrée en vigueur de la LLCA s'étant clarifiée dans le sens de la décision querellée concernant la recourante. Cette position a été confirmée par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 2C_433/2013 du 6 décembre 2013).

Partant, la recourante ne peut se prévaloir d'un traitement égal aux quelques cas isolés traités, dans le passé, de manière illégale, de sorte que ce grief sera également rejeté.

10) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe, et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 septembre 2014 par Madame A______ contre la décision de la commission du barreau du 4 août 2014 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1’000.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel Valticos, avocat de la recourante, ainsi qu'à la commission du barreau.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :