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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3729/2013

ATA/503/2014 du 01.07.2014 ( MARPU ) , REJETE

Parties : ANSWER SA / VILLE DE GENÈVE, DIRECTION DES SYSTEMES D'INFORMATION ET DE COMMUNICATION, VILLE DE GENEVE
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3729/2013-MARPU ATA/503/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er juillet 2014

 

dans la cause

 

ANSWER SA

contre

VILLE DE GENÈVE

 



EN FAIT

1) Le 1er octobre 2013, la Ville de Genève (ci-après : la ville) a lancé un appel d’offres en procédure ouverte portant sur la maintenance de logiciels antivirus. Cet appel a été publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 1er octobre 2013 ainsi que sur le site www.simap.ch. Le marché n'était soumis ni à l’accord GATT/OMC ni aux accords internationaux ; en revanche, conformément au cahier de soumission, il était soumis à l'Accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05), au règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01) ainsi qu'à la loi fédérale sur le marché intérieur du 6 octobre 1995 (LMI - RS 943.02).

Le point 1.4 de l'appel d'offres avait la teneur suivante : « Délai de clôture pour le dépôt des offres : 12.11.2013 – 10h. Délais spécifiques et exigences formelles : Seules les offres arrivées à l'adresse du chapitre 1.2 ci-dessus, dans le délai fixé, signées, datées et complètes seront prises en considération. Les offres arrivées après le délai fixé seront exclues de l'adjudication ».

2) Answer SA (ci-après : la société) est une société anonyme ayant son siège à Plan-les-Ouates. Elle est inscrite au registre du commerce de Genève depuis le 31 mars 2011. Ses buts statutaires sont le développement, la distribution, la maintenance, l'exploitation et la commercialisation de produits technologiques et informatiques dans les domaines du traitement d'informations notamment financières, patrimoniales et industrielles, ainsi que tous services et location de services et de personnel s'y rapportant.

3) Un représentant de la société a déposé en mains propres une offre à la réception de la direction des systèmes d'information et de communication (ci-après : DSIC) de la ville, le 12 novembre 2013 à 11h46. La réceptionniste de la DSIC a ainsi inscrit la date et l'heure de réception de l'offre et a remis un accusé de réception au représentant de la société.

4) Par décision du 13 novembre 2013, la ville a exclu la société de la procédure d'appel d'offres. Son offre avait été déposée le 12 novembre à 11h46, alors que le dernier délai avait été fixé à 10h00.

5) Le 20 novembre 2013, la société a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision d'exclusion, concluant à ce que son offre soit tout de même prise en considération.

Elle était consciente du non-respect du délai. Le corps de son offre était en réalité prêt depuis la semaine 45 (soit celle du 3 au 9 novembre 2013), mais elle avait attendu le dernier jour du délai pour la remettre car elle pensait pouvoir recevoir la dernière pièce manquante, à savoir l'attestation fiscale, et voulait remettre un dossier complet. Malheureusement, le matin du 12 octobre 2013, la pièce ne lui était toujours pas parvenue. En outre, comme pour des raisons internes d'absence et de remplacement son secrétariat n'avait pas été en mesure d'aller chercher le courrier avant 10h00 ce jour-là, il avait fallu attendre 10h30 pour s'apercevoir que l'attestation n'était toujours pas arrivée, d'où le dépôt de l'offre à 11h46 au lieu de 10h00.

6) Le 16 décembre 2014 (recte : 2013), la ville a conclu au rejet du recours.

La législation et la jurisprudence imposaient d'exclure les offres parvenues tardivement. La société reconnaissait elle-même avoir déposé son offre hors délai mais tentait de justifier ce retard en invoquant des « raisons internes d'absence et de remplacement ». Il allait de soi que les défauts de gouvernance et d'organisation internes de la société n'étaient pas de nature à remettre en cause la décision d'exclusion attaquée.

7) Le 17 décembre 2013, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 24 janvier 2014 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

8) Le 23 décembre 2013, la ville a informé la chambre administrative qu'elle avait conclu un contrat suite à l'adjudication avec la société E-Secure Sàrl.

9) Les parties ne s'étant pas manifestées, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Le marché public litigieux est soumis à l’AIMP, au RMP, à la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 (L-AIMP - L 6 05.0), ainsi qu’à la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

2) Il convient d’abord d’examiner la recevabilité du présent recours.

a. En vertu des art. 15 al. 1 let. d et 2 AIMP, 3 al. 1 L-AIMP et 56 RMP, le recours est adressé à la chambre administrative dans les dix jours dès la notification de la décision. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue.

b. Le soumissionnaire évincé a qualité pour recourir contre une décision d’exclusion (art. 15 al. 1bis let. d AIMP et 55 let. c RMP).

En l’espèce, le contrat ayant été conclu avec un autre adjudicataire (art. 46 RMP), il convient de se demander si la recourante conserve un intérêt digne de protection au maintien du recours. Selon l’art. 18 al. 2 AIMP, lorsque le contrat est déjà conclu, l’autorité qui admet le recours ne peut que constater le caractère illicite de la décision. Si cette illicéité est prononcée, le recourant peut demander la réparation de son dommage, limitée aux dépenses qu’il a subies en relation avec les procédures de soumissions et de recours (art. 3 al. 3 L-AIMP).

En tant que soumissionnaire exclue, bien que le contrat ait été déjà conclu, la recourante conserve un intérêt actuel à recourir contre la décision d’adjudication au sens de l’art. 60 let. b LPA, son recours étant à même d’ouvrir ses droits à une indemnisation (ATF 125 II 86 consid. 5b). Elle dispose donc de la qualité pour recourir.

3) a. Selon l’art. 65 al. 1 LPA, l’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant. En outre, il doit contenir l’exposé des motifs ainsi que l’indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. À défaut, un bref délai pour satisfaire à ces exigences est fixé au recourant, sous peine d’irrecevabilité (art. 65 al. 2 LPA).

b. Même dans le contexte des marchés publics et de leurs règles matérielles formalistes, il convient de ne pas se montrer trop strict. Cette disposition autorise une certaine souplesse dans la formulation des conclusions, notamment si le recourant agit en personne. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est pas en soi un motif d’irrecevabilité, pourvu que la chambre administrative et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/511/2013 du 27 août 2013 ; ATA/401/2013 du 25 juin 2013 ; ATA/102/2012 du 21 février 2012 ; ATA/1/2007 du 9 janvier 2007 ; ATA/775/2005 du 15 novembre 2005 et la jurisprudence citée).

c. L’exigence de motivation de l’art. 65 al. 2 LPA a pour but de permettre à la juridiction administrative de déterminer l’objet du litige qui lui est soumis et de donner l’occasion à la partie intimée de répondre aux griefs formulés à son encontre (ATA/102/2012 ; ATA/1/2007 ; ATA775/2005 précités ; ATA/179/2001 du 13 mars 2001). Elle signifie que le recourant doit expliquer en quoi et pourquoi il s’en prend à la décision litigieuse (ATA/401/2013 précité ; ATA/23/2006 du 17 janvier 2006).

d. En l’espèce, l’acte de recours permet de comprendre que la recourante demande l’annulation de la décision d'exclusion. L’acte de recours comporte une motivation succincte mais suffisante, d’autant plus que la recourante agit en personne. Le recours est par conséquent recevable sur ce point.

e. Par conséquent, toutes les conditions énumérées ci-dessus étant remplies, le recours est recevable.

4) a. L'AIMP ne contient pas de disposition sur le respect du délai de dépôt des offres.

b. À teneur de l'art. 42 al. 1 let. a RMP, l'offre est écartée d'office lorsque le soumissionnaire a rendu une offre tardive, incomplète ou non-conforme aux exigences ou au cahier des charges.

c. La juridiction de céans a déjà jugé qu'un fonctionnaire chargé de l'ouverture des offres lors d'un marché public n'avait pas respecté le principe d'égalité de traitement et favorisé certains concurrents en retardant délibérément l'heure de dépôt des offres, fixée à 9h15 ; il aurait ainsi dû écarter les offres parvenues en mains de l'autorité adjudicatrice après 9h15, selon les règles que celle-ci avait elle-même posées, et en tous les cas après 9h30 (ATA/10/2009 du 13 janvier 2009 consid. 6).

5) En l'espèce, il n'est pas contesté que la recourante a remis son offre avec une heure trois quarts de retard par rapport au dernier délai fixé dans l'appel d'offres. La sanction attachée à un tel retard, à savoir l'exclusion du soumissionnaire, était du reste dûment énoncée dans l'appel d'offres.

Ni la réglementation ni la jurisprudence ne prévoient enfin de faits justificatifs ; il appartient ainsi aux entreprises soumissionnaires de s'organiser de manière à pouvoir rendre leur offre dans le délai. Vu en outre l'importance dudit retard, ni le principe de la proportionnalité ni celui de l'interdiction du formalisme excessif ne commandaient d'accepter l'offre, si bien que la décision d'exclusion apparaît parfaitement conforme au droit.

6) Le recours sera en conséquence rejeté.

7) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 novembre 2013 par Answer SA contre la décision de la Ville de Genève du 13 novembre 2013 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge d'Answer SA un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ; et

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Answer SA, à la Ville de Genève, ainsi qu’à la commission de la concurrence COMCO, pour information.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Dumartheray et Verniory,
Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :