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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2820/2009

ATA/155/2010 du 09.03.2010 ( MARPU ) , REJETE

Descripteurs : ; MARCHÉS PUBLICS ; ADJUDICATION(MARCHÉS PUBLICS) ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; ILLICÉITÉ ; ÉGALITÉ DE TRAITEMENT ; CONCLUSION DU CONTRAT ; INTÉRÊT ACTUEL ; QUALITÉ POUR RECOURIR ; APPEL D'OFFRES(MARCHÉS PUBLICS) ; APTITUDE ; CONCLUSIONS ; APPEL EN CAUSE
Normes : LPA.60 ; RMP.46 ; AIMP.18.al2 ; Cst.29
Parties : SGS ITALIA SPA / VILLE DE GENEVE, LABORATOIRES WESSLING, DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATI, SERVICE INDUSTRIELS DE GENEVE
Résumé : Recours d'un soumissionnaire évincé contre la décision d'adjudication attribuant le marché à un concurrent. Contrat conclu pendant la procédure de recours. Qualité pour recourir du soumissionnaire évincé, sous l'angle de l'intérêt actuel. Recevabilité des conclusions du recourant en annulation de la décision, lorsque celui-ci ne modifie pas celles-là après la conclusion du contrat pour demander le constat de l'illicéité de la décision attaquée. Différence entre les critères d'aptitude et d'adjudication et effets de la distinction.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2820/2009-MARPU ATA/155/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 9 mars 2010

 

dans la cause

 

SGS ITALIA SPA
représentée par Mes Stéphanie Buchheim et Benoît Merkt, avocats

 

contre

 

VILLE DE GENÈVE

et

 

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES

DE L'INFORMATION
appelé en cause

 

et

 

SERVICES INDUSTRIELS DE GENÈVE

appelés en cause

 

et

 

LABORATOIRES WESSLING SàRL, appelée en cause

représentée par Me Nicolas Wisard, avocat



EN FAIT

1. Le 26 mai 2008, le service de géologie, sols et déchets du département du territoire, rattaché actuellement au département de la sécurité, de la police et de l’environnement a imparti à la Ville de Genève (ci-après : la Ville), aux services industriels de Genève (ci-après : SIG) ainsi qu’à la République et canton de Genève, soit pour lui le département des constructions et des technologies de l’information (ci-après : DCTI) un délai pour assainir le site contaminé de l’ancienne usine à gaz de la Coulouvrenière.

2. Le 6 octobre 2008, la Ville a publié dans la feuille d’avis officielle un appel d’offres en procédure ouverte portant sur les analyses en laboratoire devant être effectuées dans le cadre de cet assainissement.

Cette publication a été faite pour le compte des trois entités précitées, constituant l’autorité adjudicatrice.

3. Le dossier d’appel d’offres a été rédigé par le groupement pour l’assainissement du site contaminé de la Coulouvrenière (ci-après : GASICO), constitué des entreprises CSD Ingénieurs Conseils S.A. et Arcadis ESG.

Le marché portait sur l’analyse d’environ mille cinq cents échantillons solides ou boueux (lot 1) et cinq cents échantillons aqueux ou organiques en phase libre (lot 2) qui étaient répartis par groupes de un à quarante échantillons à analyser sur une période globale de l’ordre de trois ans (point 3.6 appel d’offres). Au ch. 2 « aptitudes/compétences requises - types de soumissionnaires », il était précisé que le soumissionnaire devait satisfaire les « exigences du système qualité du laboratoire analytique selon la norme SN EN ISO/IEC 17025 » (ci-après : norme ISO 17025).

Les critères d’adjudication étaient les suivants :

prix (critère 1 ; pondération : 40%) ;

organisation générale et particulière liée à l’exécution du marché (critère 2 ; pondération : 30%) ;

qualité technique de l’offre et références (critère 3 ; pondération : 30%).

L’ensemble des analyses en laboratoire devait être effectué conformément à la directive sur les méthodes d’analyses des sites pollués et des matériaux d’excavation (office fédéral de l’environnement (ci-après : OFEV), édition 2008 ; point 1.2 du document intitulé « conditions de l’ouvrage », ch. 1 « présentation du projet »).

Selon le ch. 3 de ce document, sous le titre « conditions particulières », le laboratoire était tenu d’effectuer l’intégralité des analyses selon les prescriptions de l’OFEV. Si le candidat souhaitait utiliser une autre méthode, il devait fournir tous les éléments techniques et pratiques justifiant l’application de cette dernière qui devrait, en tous les cas, être validée par l’OFEV (point 3.6.1).

Conformément au ch. 3.9, intitulé « caractéristiques du laboratoire », celui-ci devait être impérativement accrédité auprès d’un organe de certification basé sur le référentiel ISO 17025. Copie de la preuve de cette certification devait être jointe à l’appel d’offres (annexe R6).

Les analyses à effectuer porteraient sur un important groupe de substances (échantillons terreux : COV y.c. naphtalène, hydrocarbures, hydrocarbures et cyanures, [cyanures totaux et cyanures facilement libérables], métaux lourds [As, Ba, Be, Cd, Cr, Co, Cu, Hg, Ni, Pb, Sb, Se, Sn, TI, V, Zn], PCB ; bétons souillés : hydrocarbures, métaux lourds [As, Ba, Be, Cd, Cr, Co, Cu, Hg, Ni, Pb, Sb, Se, Sn, TI, V, Zn] ; échantillons aqueux : COV y. c. naphtalène, hydrocarbures, hydrocarbures et cyanures [cyanures totaux et cyanures libres], métaux lourds [As, Ba, Be, Cd, Cr, Co, Cu, Hg, Ni, Pb, Sb, Se, Sn, TI, V, Zn] ; échantillons boueux : COV y.c. naphtalène, hydrocarbures, hydrocarbures et cyanures [cyanures totaux et cyanures facilement libérables], métaux lourds [As, Ba, Be, Cd, Cr, Co, Cu, Hg, Ni, Pb, Sb, Se, Sn, TI, V, Zn], etc.).

4. La société SGS Italia SPA (ci-après : SGS) a déposé une offre le 17 novembre 2008 aux côtés de trois autres soumissionnaires constitués des laboratoires Wessling Sàrl (ci-après : Wessling), RWB Analub S.A. (ci-après : RWB) et Scitec S.A. (ci-après : Scitec).

5. Les prix proposés par Wessling pour ce marché ont été de CHF 809'347,83 (lot 1) et de CHF 232'192,19 (lot 2), soit un total de CHF 1'020'709,20.

SGS a offert d’exécuter le marché pour CHF 1'232'823,56 (lot 1) et CHF 313'477,54 (lot 2) soit CHF 1'499'912.- pour les deux lots.

6. Le 19 mars 2009, la Ville a auditionné Wessling en raison du prix particulièrement bas qu’elle avait proposé en comparaison des autres soumissionnaires.

7. Gasico a rendu un rapport d’évaluation des offres le 15 mai 2009, duquel il résulte les éléments suivants :

 

 

 

Notation du critère « prix »

 

Lot 1

Lot 2

Lots 1&2

 

Montant de l’offre
(CHF TTC)

Note

Montant de l’offre (CHF TTC)

Note

Montant de l’offre
(CHF TTC)

Note

Scitec

1'310'119.-

1,18

429'120.-

0,79

1'478'353.-

1,65

Wessling

809'347,83

5,00

232'192,19

5,00

1'020'709,20

5,00

SGS

1'232'823,56

1,41

313’477,54

2,03

1'499'912.-

1,58

RWB

1'603'583.-

0,64

440'281.-

0,73

1'675'969.-

1,13

Analyse multicritères - Lot 1

Entreprise

Critère 1

Prix

Critère 2

Organisation

Critère 3

Qualité technique

Note finale

Rang

Pondération

40%

30%

30%

Wessling

5,00

3

3

3,80

1

RWB

0,64

3

3

2,06

4

Scitec

1,18

4

4

2,87

2

SGS

1,41

3

3

2,36

3

Analyse multicritères - Lot 2

Entreprise

Critère 1

Prix

Critère 2

Organisation

Critère 3

Qualité technique

Note finale

Rang

Pondération

40%

30%

30%

Wessling

5,00

3

3

3,78

1

RWB

0,73

3

3

2,03

4

Scitec

0,79

4

4

2,75

2

SGS

2,03

3

3

2,53

3

 

Analyse multicritères - Lots 1 & 2

Entreprise

Critère 1

Prix

Critère 2

Organisation

Critère 3

Qualité technique

Note finale

Rang

Pondération

40%

30%

30%

Wessling

5,00

3

3

3,80

1

RWB

1,13

3

3

2,25

4

Scitec

1,65

4

4

3,06

2

SGS

1,58

3

3

2,43

3

 

L’offre la plus avantageuse était celle de Wessling dans l’évaluation du marché global comme dans l’évaluation par lot.

8. Le 23 juillet 2009, la Ville a informé SGS qu’elle avait attribué le marché (lots 1 et 2) à Wessling pour un montant de CHF 1'020'709.-.

Cette entreprise remplissait les conditions pour être admise à soumissionner. Son offre satisfaisait pleinement les conditions de l’appel d’offres. Elle avait été jugée économiquement la plus avantageuse. La grille d’évaluation relative aux différentes offres était annexée et faisait partie intégrante de la décision.

9. Le 3 août 2009, SGS a demandé à la Ville de lui faire parvenir la motivation de l’adjudication, les raisons principales du rejet de son offre, les caractéristiques et les avantages décisifs de l’offre retenue, l’échelle des notes attribuées aux différents éléments d’appréciation des trois critères d’adjudication, le procès-verbal d’ouverture des offres des différents concurrents et, cas échéant, le procès-verbal d’audition des soumissionnaires entendus.

10. La Ville a répondu à cette requête par courrier du 4 août 2009.

Elle transmettait à SGS la copie du rapport d’évaluation dressé par Gasico (caviardé pour ce qui avait trait aux éléments non pertinents ou aux secrets d’affaires). Il résultait de l’examen des tableaux de synthèse figurant à la p. 9 de ce rapport et produits dans leur intégralité, que la différence de prix entre l’offre de l’adjudicataire et les autres offres avait été déterminante dans le choix opéré. Cette différence était telle qu'elle avait conduit la Ville à procéder à des vérifications permettant de s'assurer que l’offre de Wessling ne constituait pas une offre anormalement basse. En dehors du prix, l’adjudicataire avait reçu la note de 3, à l’instar de SGS. La méthode de notation choisie (la méthode T3) était celle préconisée par le guide romand pour les marchés de service.

11. Le 6 août 2009, SGS a recouru auprès du Tribunal administratif contre cette décision, concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif, à ce qu’il soit interdit à la Ville de conclure le contrat avec Wessling, à ce qu’elle soit autorisée à consulter les offres des autres soumissionnaires, en particulier celle de Wessling, ainsi que le rapport d’évaluation des offres munis de ses annexes, tous documents expurgés des secrets d’affaires et enfin, à l’audition des personnes ayant établi le rapport d’évaluation des offres. Principalement, elle conclut à l’annulation de la décision d’adjudication et à ce que le marché lui soit attribué.

SGS était une société anonyme de droit italien faisant partie du groupe international SGS, dont la société mère avait son siège à Genève. Le groupe était le plus important au monde dans le cadre d’enquêtes, de vérifications, de tests et de certifications. Il employait plus de cinquante-six mille personnes dans le monde par le biais d'un réseau de plus de mille entités et laboratoires.

Au rang des conditions d'aptitude de l'appel d'offres (et non des critères d'adjudication), figurait l'exigence selon laquelle le soumissionnaire devait être accrédité pour toutes les méthodes d'analyses requises par le marché. Les conditions de l'ouvrage annexées à l'appel d'offres précisaient que le laboratoire serait tenu d'effectuer l'intégralité des analyses selon les prescriptions de l'OFEV ou selon une méthode validée par ce dernier.

La norme ISO 17025 garantissait le respect de deux types de règles. Les premières touchaient à la direction du laboratoire (qualité de sa gestion, des audits internes, du service-clients, etc). Les deuxièmes se référaient aux qualités techniques des analyses effectuées (qualité du personnel, de la méthode et de l'équipement utilisés pour chaque analyse donnée, etc). Ces deux corps de règles étaient indissociables, car aucune accréditation n'était faite in abstracto, sans référence à une ou plusieurs méthodes d'analyses portant sur des substances déterminées.

Il découlait du rapport d'évaluation que tous les soumissionnaires remplissaient les critères d'aptitude. Or, Wessling n'était pas accréditée pour toutes les méthodes d'analyses requises par l'appel d'offres. Elle aurait dû être éliminée au stade de cet examen. SGS était la seule, parmi les quatre soumissionnaires, à respecter ces critères. Le marché aurait ainsi dû lui être attribué pour ce motif déjà.

En outre, le rapport précité précisait que la distance à laquelle se trouvait le laboratoire d'analyses de la recourante avait été considéré comme source d'imprévus et de retards potentiels. SGS n'avait pas été auditionnée pour donner son avis sur ce point, contrairement à Wessling, entreprise française, qui avait dû se prononcer sur son expérience de la Suisse, cet élément étant apparu pour l'adjudicateur comme un point faible de son dossier. Wessling avait également été auditionnée en raison de son offre particulièrement basse. SGS avait déposé une offre très basse s'agissant de ses prix unitaires. Malgré cela, elle n'avait pas été invitée à s'expliquer sur les raisons pour lesquelles, malgré ces prix bas, son offre était globalement plus onéreuse. Wessling avait ainsi été injustement favorisée.

Enfin, même s'il fallait prendre en compte l'offre de Wessling, celle de SGS était la plus avantageuse de toutes les offres proposées. En effet, la notion d'offre la plus avantageuse ne correspondait pas nécessairement au prix le plus bas. Il convenait de mettre le prix en balance avec les qualités de l'offre. Or, en attribuant la note de 4 à Scitec et celle de 3 à SGS, Wessling et RWB, l'autorité adjudicatrice avait abusé de son pouvoir d'appréciation. Elle n'avait pas pris en compte dans la mesure nécessaire le fait que seule SGS disposait d'une accréditation pour toutes les méthodes d'analyses requises. Une note supérieure aurait ainsi dû lui être attribuée, conduisant à lui attribuer le marché.

12. Par décision du 19 août 2009, le juge délégué a ordonné l'appel en cause de Wessling.

13. Par décision du 25 août 2009, il a ordonné celui des SIG et du DCTI.

14. Le 17 septembre 2009, la Présidente du Tribunal administratif a refusé de restituer l'effet suspensif au recours.

15. Le 21 septembre 2009, la Ville, les SIG et le DCTI d'une part, et Wessling d'autre part, ont conclu le contrat relatif au marché litigieux.

16. Le 26 octobre 2009, le Ville a répondu au recours. Elle conclut, principalement, à son irrecevabilité et, subsidiairement, à son rejet.

Le contrat ayant été signé, les conclusions de la recourante tendant à l'annulation de la décision d'adjudication et à l'octroi du marché étaient irrecevables.

L'autorité adjudicatrice n'avait pas exigé, au stade des critères d'aptitudes, la production par les soumissionnaires d'une accréditation ISO 17025 portant sur toutes les analyses à effectuer, mais une certification attestant que le laboratoire remplissait, quant à sa structure et à son management, les critères de qualité imposés par cette norme. Tous les soumissionnaires avaient produit la certification demandée. S'agissant des paramètres à analyser, Wessling était accréditée pour leur quasi-totalité. Pour ceux qui n'étaient pas formellement accrédités, elle utilisait des méthodes pouvant être validées par l'OFEV. SGS ne disposait pas non plus d'une accréditation pour chacune des analyses à effectuer.

17. Par écritures séparées du même jour, les SIG et le DCTI ont déclaré adhérer entièrement aux observations de la Ville.

18. Wessling s'est référée aux écritures qu'elle avait produites dans le cadre de la requête d'effet suspensif, qui concluaient au rejet du recours, avec suite de frais et dépens.

19. Les parties ont été entendues en audience de comparution personnelle le 30 novembre 2009.

a. Pour la Ville, l'exigence relative au système qualité du laboratoire analytique selon la norme ISO 17025 figurant à la page 4 de l'appel d'offres ne visait que la partie générale de cette norme, soit le système de management et les exigences techniques générales (qualité de l'aire du laboratoire, traçabilité des analyses, etc.), et non chaque analyse, prise individuellement. Tous les soumissionnaires, à l'exception de SGS, avaient compris l'appel d'offres dans ce sens. Si telle n'avait pas été son intention, elle aurait inscrit cette condition au point 2 de l'appel d'offres et non au point 3.6. des conditions de l'ouvrage. Les analyses devaient être effectuées conformément aux normes OFEV, qu'il y ait accréditation ISO ou pas, mais la preuve y relative devait être apportée au stade de l'exécution de la prestation et non lors de la soumission.

b. Selon SGS, il n'était pas possible de scinder la norme ISO 17025 en deux parties (accréditation du laboratoire d'une part, et des méthodes d'analyses, d'autre part). La lecture des conditions de l'appel d'offres n'était en tout cas pas éloquente à cet égard, même si, après coup, il apparaissait que cette exigence pouvait se lire de différentes manières. Pour SGS, il était clair que l'accréditation demandée visait chacune des analyses à effectuer. C'était la raison pour laquelle SGS Italie, et non SGS Genève, avait déposé une offre.

c. Wessling a indiqué avoir compris cette condition dans le sens exposé par la Ville. A défaut, elle n'aurait pas rempli les conditions d'aptitude et n'aurait pas déposé une offre qu'elle avait mis quinze jours à rédiger.

d. Elle a également contesté que SGS soit accréditée pour toutes les analyses à effectuer pour le marché litigieux.

e. A l'issue de l'audience, Wessling et SGS ont été invitées à éclaircir ce point, respectivement en produisant un tableau des accréditations obtenues par les deux soumissionnaires concernés pour toutes les méthodes d'analyses en cause et en se déterminant sur celui-ci.

20. Le 15 décembre 2009, la Ville a versé à la procédure, pour Wessling, les tableaux demandés à cette dernière.

Des incertitudes demeuraient sur la possession par SGS d'une accréditation ISO 17025 pour certains des paramètres concernés par l'offre.

21. La recourante s'est déterminée à leur sujet le 15 janvier 2010.

Il résultait de ces tableaux et de la liste des substances mentionnées dans l'accréditation fournie que SGS disposait de la certification litigieuse pour toutes les méthodes d'analyses requises par l'appel d'offres, contrairement à Wessling. Une expertise devait être ordonnée pour confirmer ce fait et expliciter le fonctionnement de la norme ISO 17025.

22. Ensuite de quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Le marché offert est soumis notamment à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1997 (AIMP - L 6 05 ; entré en vigueur pour Genève le 9 décembre 1997), au règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01) et à la loi autorisant le Conseil d’Etat à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 (L-AIMP-L 6 05.0).

2. Selon les art. 15 al. 1 et 2 AIMP, 3 al. 1 L-AIMP et 56 RMP, le recours est adressé au Tribunal administratif dans les 10 jours dès la notification de la décision.

Interjeté dans les délais devant l'autorité compétente, le recours est recevable de ce point de vue.

3. a. La qualité pour recourir appartient à toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (art. 60 let. b LPA). Tel est le cas de celle à laquelle la décision attaquée apporte des inconvénients qui pourraient être évités grâce au succès du recours, qu'il s'agisse d'intérêts juridiques ou de simples intérêts de fait (ATA/517/2009 du 13 octobre 2009).

En l'espèce, le contrat ayant été conclu avec l’adjudicataire (art. 46 RMP), il convient de se demander si la recourante conserve un intérêt digne de protection au maintien du recours.

b. Selon l'art. 18 al. 2 AIMP lorsque le contrat est déjà conclu, l'autorité qui admet le recours ne peut que constater le caractère illicite de la décision. Si cette illicéité est prononcée, le recourant peut demander la réparation de son dommage, limité aux dépenses qu'il a subies en relation avec les procédures de soumissions et de recours (art. 3 al. 3 LAIMP).

En tant que soumissionnaire évincée, et bien que le contrat ait été déjà conclu, la recourante conserve un intérêt actuel à recourir contre la décision d’adjudication au sens de l’art. 60 let. b LPA, son recours étant à même d’ouvrir ses droits à une indemnisation (ATF 125 II 86, consid. 5 b p. 96).

Elle dispose donc de la qualité pour recourir.

4. Par ailleurs, selon l'arrêt du Tribunal fédéral 2P.307/2005 du 24 mai 2006, le recourant qui conteste une décision d'adjudication et qui déclare vouloir maintenir son recours après la conclusion du contrat conclut, au moins implicitement, à la constatation de l’illicéité de l’adjudication, que des dommages intérêts soient réclamés ou non.

Le recours est ainsi recevable à tous points de vue.

5. La recourante demande au Tribunal de consulter le rapport d'évaluation et les offres des autres soumissionnaires expurgés des secrets d'affaires. Elle sollicite également qu'une expertise soit ordonnée afin d'expliciter la norme ISO 17025 et démontrer qu'elle est la seule soumissionnaire à disposer d'une certification pour toutes les méthodes d'analyses requises par l'appel d'offre.

Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; 127 III 576 consid. 2c p. 578 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C.573/2007 du 23 janvier 2008 consid. 2.3). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; 130 I 425 consid. 2.1 p. 428 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C.402/2008 du 27 juin 2008 consid. 3.2 ; 2P.205/2006 du 19 décembre 2006 consid. 2.1 et les arrêts cités ; ATA/432/2008 du 27 août 2008 consid. 2b). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 133 II 235 consid 5.2 p. 248 ; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236 ; 126 I 97 consid. 2b p. 103).

En l’espèce, la recourante a déjà eu accès au rapport d'évaluation expurgé des secrets d'affaires. L'ensemble des pièces du dossier (appel d'offres, conditions de l'ouvrage, rapport d'évaluation, etc.) et les mesures d'instruction ordonnées ont par ailleurs permis d’établir les faits d’une manière suffisante pour permettre au tribunal de céans de statuer, sans qu'il soit nécessaire de recourir à l'expertise demandée ou d'attraire à la procédure les offres des autres soumissionnaires.

Il ne sera donc pas donné suite aux mesures probatoires requises par la recourante dans ses conclusions.

6. SGS soutient que l'exigence d'accréditation selon la norme ISO 17025 figurant dans l'appel d'offres constituait un critère d'aptitude et non d'adjudication et concernait chacune des analyses à effectuer et non une accréditation liée à l'organisation et à la structure du laboratoire. Elle estime qu'une saine application de la réglementation et des principes figurant dans l'AIMP aurait dû conduire la Ville à exclure l'adjudicataire de la procédure, faute pour celle-ci d'avoir rempli cette condition.

  Aux termes de son art. 1er al. 3, l'AIMP a notamment pour but d'assurer une concurrence efficace entre soumissionnaires (let. a), de garantir l'égalité de traitement à tous les soumissionnaires, d'assurer l'impartialité de l'adjudication (let. b), d'assurer la transparence des procédures de passation des marchés (let. c) et de permettre une utilisation parcimonieuse des deniers publics (let. d). L'AIMP n'énonce pas de motifs d'exclusion. Il pose certains principes généraux de procédure (art. 11 AIMP) et des règles spéciales pour certains types de procédures (art. 12 ss AIMP). Il rappelle notamment que, conformément aux objectifs de la loi, la passation des marchés doit se faire dans le respect des principes de non-discrimination, d'égalité de traitement de chaque soumissionnaire et de concurrence efficace (art. 11 let. a et b AIMP) et prévoit, en outre, que les règles d'exécution cantonales doivent garantir, d'une part, une procédure d'examen de l'aptitude des soumissionnaires selon des critères objectifs et vérifiables (art. 13 let. d AIMP) et, d'autre part, des critères d'attribution propres à adjuger le marché à l'offre économiquement la plus avantageuse (art. 13 let. f AIMP).

  L'art. 4 L-AIMP donne au Conseil d'Etat la compétence d'édicter par voie d'ordonnance les prescriptions utiles en vue de l'exécution de l'Accord intercantonal. C'est sur la base de cette délégation de compétence que le Conseil d'Etat a arrêté l'art. 42 RMP qui mentionne, comme motifs d'exclusion de la procédure d'adjudication, notamment, les trois situations suivantes : le soumissionnaire a rendu une offre tardive, incomplète ou non-conforme aux exigences ou au cahier des charges (let. a) ; il ne répond pas (…) aux conditions pour être admis à soumissionner (let. b) ; il n'a pas justifié les prix d'une offre anormalement basse, conformément à l'art. 41 (let e). 

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.322/2006 du 14 août 2007 et références citées), les critères d'adjudication (ou d'attribution) se rapportent directement à la prestation elle-même et indiquent au soumissionnaire comment l'offre économiquement la plus avantageuse sera évaluée et choisie. Ils doivent être distingués des critères d'aptitude (ou de qualification) qui visent à évaluer les capacités financières, économiques, techniques et organisationnelles des candidats (cf. art. 33 RMP) ; bien qu'ils concernent la personne même du soumissionnaire, les critères d'aptitude doivent toutefois, en principe, également se trouver directement et concrètement en rapport avec la prestation à accomplir, en ce sens qu'ils doivent porter sur des qualifications nécessaires pour fournir cette prestation (ATF 129 I 313 consid. 8.1 p. 323/324 et les références citées). Leur non respect peut être éliminatoire dans certains cas.

Dans la pratique, la distinction entre critères d'aptitude et d'adjudication est parfois difficile à opérer, surtout lorsque, comme en l'espèce, l'adjudication se déroule en procédure ouverte. Dans le cas particulier toutefois, le cahier des charges remis aux participants établit clairement la distinction entre, d'une part, les « aptitudes/compétences requises - type de soumissionnaire » (chapitre 2 du dossier d'appel d'offre) et, d'autre part, les « critères d'adjudication » (point 5.7 du chapitre 5 de ce dernier document). Au titre des critères d'aptitudes, l'appel d'offres exige que le soumissionnaire satisfasse les exigences du système qualité du laboratoire analytique selon la norme ISO 17025. Dans les conditions de l'ouvrage (annexées à l'appel d'offre, au point 3.9 intitulé « caractéristiques du laboratoire »), il est précisé que « le laboratoire » devra être impérativement accrédité auprès d'un organe de certification basé sur la référence ISO 17025. Au vu du nombre des analyses requises par l'ouvrage, ces indications ne pouvaient que viser les règles de la norme ISO 17025 énoncées au chapitre 4 de celle-ci (« exigence relatives au management » du laboratoire) et non les règles figurant à son chapitre 5 (« exigences techniques »). En effet, ainsi que l'a démontré cette procédure, la preuve de la certification ISO 17025 pour toutes les méthodes d'analyse concernées par l'appel d'offre est d'une extrême complexité. SGS ne peut valablement soutenir, alors que les parties n'ont pu encore se mettre d'accord à ce jour sur les certifications dont elles disposent l'une et l'autre malgré toutes les mesures d'instruction ordonnées, qu'une telle exigence était requise au stade des critères d'aptitude. A tout le moins, SGS aurait dû s'interroger sur la vraisemblance d'une telle condition et saisir l'autorité adjudicatrice pour lui demander de se prononcer sur la question, comme le lui commandait le point 2.6 des conditions générales de l'ouvrage, qui prescrit que si le texte de la soumission peut s'interpréter de plusieurs manières, le soumissionnaire a l'obligation d'en aviser le mandant.

Cette interprétation de l'appel d'offres est encore confortée par le fait que dans les rubriques qui traitent des analyses à effectuer (« présentation du projet » [point 1.2 des conditions particulières de l'ouvrage] et « méthodes d'analyse » [point 3.6.1 dudit document]), il n'est pas fait référence directement à l'accréditation litigieuse. Il est précisé que l'intégralité des analyses devrait être effectuée selon les prescriptions de l'OFEV ou selon une autre méthode validée par lui, ce qui démontre clairement que l'accréditation à la norme ISO 17025 pour les analyses à effectuer constituait un plus, qui serait évalué au stade des critères d'adjudication. Enfin, il est indiqué dans l'annexe R6 de l'offre (« ressources et moyens engagés pour le marché »), qui se rattache au deuxième critère d'adjudication de l'offre selon le point 5.7 de l'appel d'offres, appelé « organisation générale et pour l'exécution du marché », que dans l'exposé de ses moyens, le soumissionnaire doit indiquer, « pour chaque paramètre à analyser, et pour chaque matrice, les méthodes d'analyse, les incertitudes selon la méthode d'analyse utilisée [et] les seuils quantitatifs selon la méthode utilisée ». Il devra soumettre, en plus, une copie du certificat d'accréditation selon la norme ISO 17025. Ceci démontre clairement que l'accréditation relative à chaque méthode utilisée, entrait dans l'analyse des critères d'adjudication et non d'aptitude, ne constituant ainsi qu'un avantage et non une condition d'accès au marché.

Ce grief doit donc être rejeté.

7. C'est par ailleurs à bon droit que l'autorité intimée a procédé à l'audition de Wessling. Cette mesure était commandée par l'art. 41 RMP en raison de l'offre particulièrement basse fournie par cette entreprise. L'offre de SGS ne revêtait pas cette caractéristique.

8. La recourante soutient encore que son offre devait être considérée comme la plus avantageuse malgré ces circonstances, car en disposant de la certification ISO 17025 pour toutes les analyses à effectuer, elle aurait dû avoir l'avantage au stade de l'examen des critères d'adjudication. En outre, les imprévus et retards potentiels liés à la distance de son laboratoire, sur lesquels elle n'avait pu se prononcer, retenus par l'adjudicateur, l'avaient été à tort et n'étaient pas à craindre. L'autorité avait ainsi mésusé de son pouvoir d'appréciation et minimisé les qualités de son offre.

Cette argumentation n'est pas soutenable. En effet, même à supposer que SGS ait obtenu la note maximum de 5 dans l'appréciation du critère d'adjudication concerné (critère 2 selon le point 5.7 de l'appel d'offres et son annexe R6), sa note finale n'aurait pas atteint celle obtenue par Wessling, en raison de la très importante différence des prix offerts par les deux soumissionnaires et la forte pondération du critère du prix dans l'appréciation de la qualité de l'offre (40 %). L'attribution de cette note aurait, en l'espèce, donné les résultats suivants.

Lot 1 : (1,41 [note du prix obtenue, critère 1] x 40 [%]) + (5 [note supposée, critère 2] x 30 [%]) + (3 [note obtenue, critère 3] x 30 [%]) = 296,4 : 100 = 2, 96 contre 3,80 attribué à Wessling ;

Lot 2 : (2,03 [note du prix obtenue, critère 1] x 40 [%]) + (5 [note supposée, critère 2] x 30 [%]) + (3 [note obtenue, critère 3] x 30 [%]) = 321,2 : 100 = 3,2 contre 3,78 attribué à Wessling ;

Lots 1 et 2 : (1,58 [note du prix obtenue, critère 1] x 40 [%]) + (5 [note supposée, critère 2] x 30 [%]) + (3 [note obtenue, critère 3] x 30 [%]) = 283,2 : 100 = 2,82 contre 3,80 attribué à Wessling.

Ce grief ne peut ainsi qu'être écarté.

9. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe. Une indemnité de CHF 2'000.- sera allouée à Wessling, à la charge de la recourante.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 août 2009 par SGS Italia SPA contre la décision de la Ville de Genève du 23 juillet 2009 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1’500.- :

alloue aux Laboratoires Wessling une indemnité de CHF 2'000.- à la charge de la recourante ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF-RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

 s'il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 et suivants LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Mes Stéphanie Buchheim et Benoît Merkt, avocats de la recourante, à Me Nicolas Wisard, avocat des laboratoires Wessling SàRL, à la Ville de Genève, aux Services Industriels de Genève ainsi qu'au département des constructions et des technologies de l'information.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Thélin, Mmes Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :