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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/696/2008

ATA/152/2009 du 24.03.2009 ( FIN ) , REJETE

Recours TF déposé le 19.05.2009, rendu le 26.01.2010, PARTIELMNT ADMIS, 2C_319/2009
Descripteurs : ; DROIT FISCAL ; IMPÔT ; IMPÔT À LA SOURCE ; ÉGALITÉ DE TRAITEMENT ; FRONTALIER ; DOMICILE À L'ÉTRANGER ; DÉDUCTION DU REVENU(DROIT FISCAL) ; REVENU DÉTERMINANT ; INTÉRÊT DIGNE DE PROTECTION ; TORT MORAL ; TRAITÉ INTERNATIONAL
Résumé : Demande d'un frontalier de nationalité suisse demeurant en France et travaillant à Genève de pouvoir bénéficier des mêmes déductions fiscales que les citoyens suisses résidant dans cette cité. N'a pas d'intérêt digne de protection le contribuable qui conteste une décision de la commission de recours lui déniant droit aux déductions fiscales qu'il demande si pour d'autres motifs, cette juridiction arrive à un taux d'imposition zéro. Pour les mêmes raisons, cette personne ne peut demander que l'Etat soit condamné au paiement des frais de procédure. Le Tribunal administratif n'est pas compétent pour statuer sur une demande d'indemnité pour tort moral. Le contribuable qui a adressé un recours à la mauvaise autorité et a expressément demandé à cette dernière de ne pas le transmettre à la bonne autorité, ne peut ensuite se plaindre de la forclusion. Ambigüité de la qualification donnée par l'AFC à ses décisions rendues "sur demande de rectification" et "sur réclamation". Voies de recours contre ces différentes décisions. Principe de non-discrimination entre un frontalier de nationalité suisse résidant en France et les contribuables suisses résidant à Genève. Qualité d'un citoyen suisse pour soulever ce moyen. Portée de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes rendue en matière d'imposition à la source. Compatibilité du droit genevois de l'imposition à la source avec l'ALCP et la convention France-Suisse d'interdiction de double imposition.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/696/2008-FIN ATA/152/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 24 mars 2009

 

dans la cause

 

Monsieur V______

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE ADMINISTRATIVE

et

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE


 


EN FAIT

1. Monsieur V______, de nationalité suisse, était domicilié à Genève jusqu'en 2000. Début 2001, il a pris domicile en France. Il habite actuellement au 53, chemin Y______, à Eteaux en Haute-Savoie (74800).

2. Jusqu'en 2006, M. V______ a travaillé en qualité de comptable auprès de la banque G______.

3. Il a été licencié avec effet au 31 octobre 2006.

4. Parallèlement, il a exercé quelques activités en France, mais son revenu a été constitué pour environ 95 % de ses salaires suisses.

5. Son épouse, avec laquelle il fait ménage commun, n'a pas exercé d'activité lucrative entre 2001 et 2007.

6. Pendant cette période, les époux n'avaient pas d'enfant à charge.

7. Depuis qu'il réside en France, le contribuable a été imposé à la source. Il n'a pu faire valoir, sous ce régime, plusieurs déductions qui sont réservées aux personnes physiques domiciliées à Genève, sous le régime de l'imposition ordinaire.

8. Cette situation lui paraissant créer une discrimination injustifiée entre les personnes imposées sous le régime ordinaire et celles imposées à la source, il a contesté cette différence de traitement devant toutes les administrations concernées depuis 2001 (administrations fiscales cantonale et fédérale, instances internationales). Il a eu des échanges verbaux et épistolaires avec ces administrations pendant plusieurs années. Les procédures judiciaires qu'il a engagées sont résumées ci-après par années de taxation, par souci de clarté.

Impôt à la source 2001 :

9. Selon l'attestation-quittance délivrée par son employeur, le contribuable a perçu un salaire 2001 de CHF 160'000.- sur lequel une retenue de CHF 32'404,05 a été effectuée au titre de l'impôt à la source (IS 2001).

10. Par lettres des 27 mars et 26 juin 2002, M. V______ a élevé réclamation contre cette taxation auprès de l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC).

Il faisait valoir la déduction des intérêts passifs sur un prêt contracté auprès d'une banque française et les effets négatifs du passage du système praenumerando au système postnumerando.

11. Cette réclamation a été rejetée par l'AFC le 16 juillet 2002.

Le barème de l'impôt à la source comprenait l'impôt cantonal, communal, ainsi que l'impôt fédéral direct. Il avait été établi sur la base des taux et des déductions applicables à l'imposition ordinaire. L'imposition de M. V______ était conforme aux dispositions légales applicables. Aucune déduction autre que celles prévues par la loi ne pouvait être admise.

La voie du recours à la commission cantonale en matière d'impôts (ci-après : la commission) remplacée depuis le 1er janvier 2009 par la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA), était indiquée, avec le délai légal de trente jours dès la notification de la décision.

12. Par pli du 18 juillet 2002, M. V______ a prié l'AFC de lui communiquer la structure du barème de l'impôt à la source pour les années 2000, 2001 et 2002.

Il avait besoin de cette information pour se déterminer sur un éventuel recours et assurer sa défense.

Il précisait par ailleurs que sa requête « [était] une simple demande de renseignements et qu'elle ne [devait] en aucun cas être considérée comme un recours ».

13. L'AFC a répondu à son courrier le 3 septembre 2002.

Selon l'article 4 de la loi sur l'imposition à la source des personnes physiques et morales du 23 septembre 1994 (LISP - D 3 20), le barème tenait compte des frais professionnels, des primes et des cotisations d'assurance sous forme de forfait, ainsi que des charges de famille. Il en allait de même pour l'impôt fédéral direct, conformément à l'article 86 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11). Les intérêts des dettes grevant des immeubles sis en France ne pouvaient pas être imputés sur les revenus professionnels réalisés à Genève, la répartition devant être effectuée selon les actifs localisés, à teneur des textes cantonaux et fédéraux, et de la convention entre la Confédération suisse et la République française du 9 septembre 1966 en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ci-après : CDI ou la convention - RS 0.672.934.91).

14. Le 14 novembre 2002, le contribuable a prié l'AFC de réexaminer son imposition 2001, à la lumière de la modification du barème d'imposition 2001 modifié par votation populaire.

15. Par décision du 28 mars 2003, l'AFC a donné une suite favorable à cette demande et remboursé au contribuable un montant de CHF 837,15.

16. Le 3 février 2005, après de nombreux échanges avec l'AFC et l'administration fédérale portant sur toutes ses années échues d'imposition à la source, M. V______ a sollicité une fois encore, par écrit, le réexamen de son imposition 2001 auprès de l'AFC.

Sa réclamation ne devait pas être considérée comme tardive, car l'administration avait mis des mois à répondre à ses différentes demandes. Il n'avait eu connaissance des éléments nécessaires pour assurer sa défense que fin 2004. Le délai pour recourir de 30 jours devait ainsi être calculé à partir de cette date. Si par impossible, l'administration devait considérer sa réclamation comme tardive, il demandait la révision de son imposition 2001 sur la base de l'article 55 et suivants de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17).

17. L'AFC s'est prononcée sur cette demande le 10 février 2005.

La taxation litigieuse était conforme aux textes légaux. Elle était en outre entrée en force.

18. Par acte du 16 avril 2005, complété par des écritures datées du 13 mai suivant, le contribuable a recouru auprès de la commission contre la décision de taxation du 16 juillet 2002 et conclu à son annulation.

L'AFC n'avait jamais répondu à ses requêtes ni motivé ses décisions, le privant de ses moyens de défense. C'était à tort qu'elle avait considéré sa réclamation comme tardive. Cette autorité n'avait pas statué sur sa demande de révision. Des problèmes de santé avaient rendus impossible toute rédaction d'un recours en 2004. Il n'avait repris des forces que début 2005. Enfin, l'AFC ne lui avait jamais indiqué les voies et délais de recours européens.

19. Par décision du 28 janvier 2008, la commission a rejeté ledit recours.

Ce dernier apparaissait tardif, mais cette question était laissée ouverte, vu notamment le fait que le recours soulevait la même question de principe que les recours portant sur les années subséquentes.

20. Le contribuable a déféré cette décision devant le Tribunal administratif par acte du 1er mars 2008. Il conclut à son annulation pour les motifs exposés ci-dessus.

21. L'AFC a répondu le 3 avril 2008 et conclu au rejet du recours.

Impôt à la source 2002 :

22. Selon l’attestation-quittance relative à l’année 2002, M. V______ a perçu un salaire de CHF 159'880.- sur lesquels CHF 29'314,15 ont été prélevés (IS 2002).

23. Le 14 février 2003, le contribuable a formé réclamation contre cette imposition.

Il demandait que soient déduites de son revenu imposable les primes de son 3ème pilier A. Au même titre que les contribuables imposés sous le régime ordinaire, il sollicitait la déduction de ses frais de déplacement effectifs, lesquels étaient supérieurs au forfait fixé dans le barème de l’impôt à la source.

24. Par bordereau rectificatif du 28 juillet 2003, l’AFC a admis uniquement la déduction des primes de prévoyance et a remboursé à M. V______ la somme de CHF 2'140.-.

25. Par décision du 28 janvier 2008, la commission a rejeté le recours formé le 16 avril 2005 par le contribuable contre cette décision, pour les mêmes motifs que ceux exposés pour la taxation 2001.

26. Le 1er mars 2008, le contribuable a recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision de la commission, avec la taxation 2001. Il conclut à son annulation.

27. Dans sa réponse au recours, datée du 3 avril 2008, l'AFC conclut au rejet de ce dernier.

Impôt à la source 2003 :

28. Selon l’attestation-quittance délivrée pour l’année 2003, le contribuable a perçu un salaire annuel de CHF 160'415.- sur lequel ont été prélevés CHF 31'521,55 (IS 2003).

29. Il a sollicité la rectification de cette taxation auprès de l’AFC le 14 mars 2004.

30. Il demandait la déduction de ses frais de déplacement et de repas effectifs, de 3ème pilier A et des primes d’assurance-maladie et accidents de son épouse et de lui-même.

31. L'AFC a procédé à la rectification de la taxation initiale, le 30 août 2004, et a remboursé au contribuable la somme de CHF 2'226,55.

Il ne pouvait être tenu compte que des primes de prévoyance.

La voie de la réclamation, dans les 30 jours, était ouverte.

32. Par acte du 17 septembre 2004, complété par un courrier du 3 février 2005, le contribuable a élevé réclamation contre ce bordereau rectificatif.

Le refus de prendre en compte les frais précités violait l'interdiction de discrimination garantie par la Constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1847 (Cst. Gen. - A 2 00), la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), la convention et le droit européen.

33. Le 9 mars 2005, l'AFC a rejeté cette réclamation au motif que les déductions demandées ne figuraient pas dans la loi.

34. Le contribuable a recouru contre cette décision auprès de la commission de recours le 16 avril 2005, avec les taxations 2001 et 2002.

35. Dans sa décision du 28 janvier 2008, cette autorité a laissé ouverte la question de la tardiveté éventuelle du recours qu'elle a rejeté, pour les mêmes motifs que ceux développés pour les années précédentes.

36. Dans son recours au Tribunal administratif du 1er mars 2008, le contribuable demande également l'annulation de cette décision.

La décision de l'AFC du 9 mars 2003 lui avait été notifiée le jour même. Un rendez-vous obtenu avec l'administration le 14 avril 2005 s'étant terminé par un échec, ce n'était qu'à ce moment-là qu'il avait pris la décision de recourir et que le délai de 30 jours devait en conséquence débuter.

37. L'AFC a demandé, le 3 avril 2008, que la décision attaquée soit confirmée.

Impôt à la source 2004 :

38. Selon l'attestation-quittance du 30 décembre 2004, le contribuable a perçu en 2004 un salaire annuel de CHF 159'896.-, sur lequel un montant de CHF 31'579,45 a été retenu au titre d'impôt à la source (IS 2004).

39. Le 13 janvier 2005, M. V______ a sollicité la rectification de cette imposition.

Il demeurait près de la chapelle R______, dans la commune d'Eteaux, à quelques 40 km de son lieu de travail. Il effectuait pour se rendre à son travail, dans le quartier des Banques, 35 km en automobile et 2,5 km en scooter. Il était handicapé suite à un grave accident de la route et ne pouvait rester debout dans un bus. Ses frais effectifs étaient les suivants :

70 km/jour x 240 jours x 0,65 cts CHF 10'920.-

Location d'une place de parc à St-Jean 12 x 150.- CHF 1'800.-

Abonnement autoroute CHF 471.-

5 km/jour en scooter x 240 jours x 0,40 cts CHF 480.-

Total : CHF 13'671.-
(au lieu des CHF 700.- pris en compte).

Tous ces frais étaient justifiés par des factures.

Ses primes effectives de 2ème pilier s'élevaient à CHF 15'868.- . Celles de son 3ème pilier A étaient de CHF 6'077.-. Son assurance-maladie et accidents pour lui et son épouse se montait à CHF 8'875.- (au lieu de la déduction de CHF 3'880.- accordée uniquement en matière d'impôt cantonal et communal - ci-après : ICC).

Toutes ces déductions, qui étaient prises en compte pour les contribuables ordinaires, devaient l'être pour les frontaliers comme lui, en application des principes d'égalité de traitement et de non-discrimination.

40. Le 16 avril 2005, avant que l'AFC ne se soit prononcée sur sa demande de rectification, le contribuable a « recouru » auprès de la commission contre l'attestation-quittance du 30 décembre 2004 et conclu à son annulation pour les motifs précédemment développés.

41. L'AFC a procédé à la rectification de sa taxation le 2 mai 2005 et a remboursé à M. V______ la somme de CHF 2'222,20.

Seules les primes de prévoyance du 3ème pilier A pouvaient être prises en compte.

La voie de la réclamation était ouverte.

42. Le contribuable a réclamé contre cette décision le 4 mai 2005 en persistant dans son argumentation.

43. Dans des écritures complémentaires au recours interjeté par-devant la commission, datées du 13 mai 2005, le contribuable a conclu une nouvelle fois à l'annulation de la taxation litigieuse.

44. La réclamation a été rejetée par l'AFC le 12 juillet 2005.

45. Dans sa décision du 28 janvier 2008, la commission a déclaré ledit recours irrecevable.

Le 16 avril 2005, comme le 13 mai 2005, dates auxquelles le recours et les écritures complémentaires avaient été déposés, aucune décision sur réclamation n'avait été rendue. Le recours avait donc été introduit prématurément. Plus tard, lorsque la décision sur réclamation était intervenue, le contribuable n'avait pas recouru. La décision attaquée était alors entrée en force.

46. Le contribuable a déféré cette décision auprès du tribunal de céans le 1er mars 2008 et conclu à son annulation, ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité pour tort moral de CHF 5'000.-, d'une indemnité pour ses frais de procédure de CHF 2'700.- et à ce que l'Etat soit condamné au paiement de l'émolument de CHF 1'000.- auquel la commission l'avait astreint, ainsi qu'à tous les frais de procédure.

47. L'AFC a conclu à la confirmation de la décision attaquée, le 3 avril 2008.

Impôt à la source 2005 :

48. Il résulte d'une attestation-quittance datée du 5 février 2006, que le contribuable a perçu en 2005 un salaire annuel de CHF 161'950.- sur lesquels CHF 31'985,10 ont été prélevés à la source (IS 2005).

49. Par lettre du 29 janvier 2006, le contribuable a demandé la rectification de son imposition.

Ses frais de déplacement et de repas s'élevaient à CHF 16'674,15. Les cotisations du 2ème pilier étaient de CHF 16'101.- et celles du 3ème pilier A de CHF 6'192.-. Ses primes d'assurance-maladie et accidents pour lui et son épouse s'élevaient à CHF 8'674.- Il avait en outre racheté en 2005 des années d'assurance pour la somme de CHF 72'450.-, fait des dons pour CHF 264.-, payé des primes d'assurance-vie pour CHF 4'022.- et assumé des frais médicaux pour son épouse à hauteur de CHF 5'210.-.

Ces frais devaient être déduits de son revenu imposable.

50. Par bordereau daté du 28 août 2006, l'AFC a rectifié l'imposition 2005 et fixé l'impôt dû à CHF 8'830,65, au lieu de CHF 31'985,10, conduisant à un remboursement de CHF 23'596,50.

Seules les déductions des primes de prévoyance et le rachat des années d'assurance pouvaient être admises, à l'exclusion de tous les autres frais.

51. Le contribuable a interjeté un recours contre cette décision auprès de la commission le 21 septembre 2006, qui l'a rejeté par décision du 28 janvier 2008.

La recevabilité du recours était admise, malgré le fait qu'il ne résultait pas clairement de la décision attaquée que celle-ci était une décision rendue sur réclamation, au sens de l'article 23 LISP.

Sur le fond, l'AFC avait refusé à bon droit les déductions litigieuses. Les motifs développés à l'appui de cette décision seront discutés ci-après, avec ceux du recourant.

52. Le contribuable a recouru auprès du Tribunal administratif contre cette décision le 1er mars 2008 et conclu à son annulation, en se prévalant d'une violation du principe de non-discrimination.

53. L'AFC a conclu au rejet du recours, le 3 avril 2008.

Impôt à la source 2006 :

54. Selon une attestation-quittance du 30 janvier 2007, le contribuable a perçu en 2006 un revenu brut de CHF 168'561.-, sur lequel une retenue de CHF 37'757,65 a été effectuée (IS 2006).

55. Le 8 mars 2007, M. V______ a élevé réclamation contre cette taxation.

Dans son salaire brut avaient été inclus un montant de CHF 25'848.- correspondant à CHF 8'960.- de vacances 2005 et CHF 16'888.- pour ses vacances 2006.

Il avait eu des frais effectifs de déplacements et de repas en 2006 de CHF 14'386.-. Les primes de son 2ème pilier, de son 3ème pilier A et de son assurance-vie s'étaient élevées respectivement à CHF 11'789.-, CHF 6'192.- et à CHF 2'591,05 et celles de son assurance-maladie et accidents à CHF 9'443,20.

56. Par décision du 25 juin 2007, l'AFC a procédé à la rectification de l'IS 2006.

Elle admettait la déduction des cotisations au 3ème pilier A pour, soit CHF 6'192.-. Le revenu imposable était donc de CHF 162'369.- et de CHF 191'313.- pour le taux. Aucune autre déduction ne pouvait être opérée. L'impôt dû s'élevait à CHF 35'477,65 au lieu des CHF 37'757,65 retenus. Un montant de CHF 2'312,50 était en conséquence restitué.

57. Par acte du 11 juillet 2007, le contribuable a déféré la décision de l'AFC du 25 juin 2007 devant la commission en concluant à son annulation.

L'AFC ne pouvait annualiser le revenu obtenu entre le 1er janvier et le 31 octobre 2006.

Le contribuable demandait sans relâche, depuis des années, à être mis au bénéfice des mêmes déductions fiscales que les personnes résidant à Genève, en application des garanties de non-discrimination et du principe de l'égalité de traitement découlant de la Cst., de la CDI, de l’Accord entre la Confédération suisse d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999 (ALCP - RS 0.142.112.681) et de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes (ci-après : CJCE).

58. La commission a transmis ce recours à l'AFC le 8 octobre 2007.

La contestation du contribuable contre la décision du 25 juin 2007 constituait une réclamation et non un recours. En effet, l'AFC ne s'étant pas prononcée sur l'intégralité des griefs avancés par le contribuable, sa décision constituait une nouvelle taxation et non une décision motivée, rendue sur réclamation.

Elle rayait en conséquence la cause du rôle, sans émolument ni indemnité de procédure.

59. M. V______ s'est opposé à cette démarche dans un courrier adressé à la commission le 18 octobre 2007.

Cette décision faisait suite à une réclamation formée en bonne et due forme. Elle indiquait expressément refuser toutes les déductions autres que celles relatives au 3ème pilier A. Son acte du 11 juillet 2007 constituait donc bien un recours sur lequel la commission devait se prononcer.

60. Suite à ce courrier, l'acte déposé par M. V______ le 11 juillet 2007 a été enregistré par la commission qui, par décision du 24 novembre 2008, a considéré la demande d'indemnité pour tort moral irrecevable pour défaut de compétence, et admis partiellement le recours sur le fond, condamnant le recourant à un émolument réduit de CHF 300.-.

Selon la jurisprudence de la commission, rendue en application de l'article 2 de la loi sur l’imposition dans le temps des personnes physiques du 31 août 2000 (LIPP-II - D 3 12), les indemnités de vacances, comme les participations au bénéfice n'étaient pas des revenus périodiques. Elles n'auraient donc pas dû être annualisées pour le calcul du taux, contrairement au salaire, qui constituait un tel revenu.

L'impôt 2006 devait ainsi être fixé de la manière suivante : le salaire était de CHF 127'833.-, mais de CHF 153'700.- pour le taux (soit CHF 127'833 / 10 x 12). A ce revenu, il convenait d'ajouter, sans conversion, les indemnités pour les vacances 2005 et 2006 (CHF 8'960.- et CHF 16'888.-) et la participation au bénéfice 2005 (CHF 14'880.-). De l'addition de ces montants, il fallait déduire les cotisations de 3ème pilier A, soit CHF 6'192.-. Le revenu 2006 déterminant était donc de CHF 188'236.-. Le taux du barème applicable (B marié, sans enfants) correspondant à la tranche de revenu annuels se situant entre CHF 187'801.- et CHF 188'400.- était de 21,60 % selon l'article 1 alinéa 1er du règlement d’application de la loi sur l’imposition à la source des personnes physiques et morales du 12 décembre 1994 (RISP - D 3 20.01). Le bordereau devait être rectifié dans ce sens.

S'agissant de l'égalité de traitement entre contribuables domiciliés à Genève et ceux résidant à l'étranger, elle renvoyait le recourant à sa décision du 28 janvier 2008 rendue dans le cadre des procédures portant sur les IS 2001 à 2005.

Ayant agi en personne, le recourant n'avait pas droit à une indemnité de procédure. Un émolument de CHF 300.- était mis à sa charge.

61. Le contribuable a recouru contre cette décision auprès du tribunal de céans le 29 décembre 2008, conclu à son annulation, à ce qu'un intérêt de 5% lui soit versé sur le trop-perçu à compter du 8 mars 2007, à l'octroi d'une indemnité pour tort moral de CHF 2'500.- et d'une indemnité de procédure de CHF 3'500.-. Enfin, il demandait à ce que tous les frais de procédure soient mis à la charge de l'Etat de Genève, y compris l'émolument de CHF 300.- auquel la commission l'avait condamné.

62. L'AFC a répondu au recours par lettre du 6 février 2009 et conclu à l'irrecevabilité de la demande d'indemnité pour tort moral et à la confirmation de la décision de la commission ainsi qu’au rejet du recours pour le surplus.

Impôt à la source 2007 :

63. Selon l'attestation-quittance datée du 20 mars 2007, le contribuable a perçu en 2007 de son ex-employeur une participation au bénéfice 2006 s’élevant à CHF 16'908.- et une indemnité pour fin de rapports de services de CHF 15'000.-. Une retenue de CHF 7'817,45 a été effectuée sur ce revenu total de CHF 31'908.-, au titre d’impôt à la source 2007.

64. Le contribuable a contesté cette retenue auprès de l'AFC par réclamation du 8 mai 2007.

La participation au bénéfice 2006 et l'indemnité pour fin de rapports de service avaient constitué son seul revenu 2007, soit CHF 31'908.-. Ce revenu annuel n'était pas taxable. La retenue d'impôt à la source effectuée par son ex-employeur correspondait à une annualisation de ce revenu, soit un salaire de CHF 229'200.-. Or, ce montant était sans rapport avec la réalité et sa capacité contributive.

65. Le 15 janvier 2008, l'AFC a rectifié l'IS 2007 du contribuable et considéré que le revenu imposable était de CHF 31'908.- (CHF 226'036.- pour le taux) et l'impôt dû de CHF 7'769,60, conduisant à un remboursement de CHF 47,95.

66. Par acte du 6 février 2008, le contribuable a recouru auprès de la commission contre cette décision.

Son revenu 2007 était inférieur au seuil du revenu imposable. Il convenait donc de lui rembourser la retenue effectuée avec intérêts à 5 %.

67. Devant la commission, l'AFC a conclu au rejet du recours. Il lui semblait néanmoins que les deux indemnités versées en 2007 auraient dues être intégrées dans la taxation 2006, M. V______ n'ayant pas travaillé en 2007 et disposant en 2006 déjà, d'une prétention ferme sur celles-ci.

68. Par lettre du 9 février 2008, le contribuable s'est opposé à la proposition de l'AFC d'intégrer les revenus 2007 à l'année 2006.

Il résultait de son contrat de travail qu'il n'avait aucun droit aux indemnités perçues en 2007. Celles-ci étaient variables et octroyées par son ex-employeur à bien plaire. En outre, le bénéfice 2006 de l'entreprise n'avait été connu qu’en 2007. Il ne pouvait donc avoir eu de prétention ferme sur cette indemnité avant 2007. Quant à l'indemnité de départ, celle-ci n'avait été connue qu'en mars 2007.

69. Après avoir ordonné sa jonction avec le recours portant sur l'IS 2006, la commission a admis le recours, par décision du 24 novembre 2008.

Seuls les droits inconditionnels à une prestation pouvaient être considérés comme des revenus réalisés d'un point de vue fiscal. La simple expectative n'était pas suffisante. En l'espèce, il n'était pas démontré que le contribuable ait eu, en 2006, un droit ferme sur les prestations reçues en 2007 (indemnités de CHF 31'908.-, soit une participation au bénéfice 2006 de CHF 16'908.- et une indemnité pour fin de rapports de services de CHF 15'000.-). En outre, les principes de périodicité et de capacité contributive s'opposaient à ce que le taux du revenu 2006 soit appliqué à des indemnités versées en 2007 (ATA/147/2008 du 1er avril 2008). Lesdites indemnités composaient donc le revenu 2007.

Comme pour la taxation 2006, la participation aux bénéfices ne constituait pas un revenu périodique et devait être taxée sans conversion pour le taux. Il en allait de même pour la prime de licenciement.

Ces revenus ne devant pas être annualisés, il convenait d'appliquer le taux retenu pour un revenu brut annuel de CHF 31'908.-, ce qui conduisait à une imposition de CHF 0.-.

70. Dans son recours du 29 décembre 2008 interjeté auprès du tribunal de céans contre cette décision, le contribuable ne conclut qu'à l'annulation « partielle » de cette dernière, relativement aux déductions qui lui ont été refusées, aux indemnités qu'il n'a pas obtenues et à l'émolument auquel il a été condamné.

71. L'AFC a répondu au recours le 6 février 2009. Elle conclut à l'irrecevabilité de la demande d'indemnité formée par le contribuable et au rejet du recours pour le surplus.

72. Les arguments développés par le recourant dans ses différentes écritures peuvent se résumer de la manière suivante :

a. Il réalisait ses revenus exclusivement à Genève, il devait donc bénéficier des mêmes réductions que les résidents genevois d'un point de vue fiscal. Il résultait de calculs qu'il avait effectués qu'il s'était acquitté, du seul fait qu'il était domicilié en France, d'un supplément d'impôt de 49% en 2001 (soit CHF 31'604.- au lieu de CHF 21'150), 45 % en 2002 (CHF 27'222.- au lieu de CHF 18'761.-), 47 % en 2003 (CHF 29'324.- au lieu de CHF 19'926.-) et 60 % en 2004 (CHF 31'579.- au lieu de CHF 19'730.-). Il en était allé globalement de même pour 2005 et 2006.

Les contribuables imposés selon le mode ordinaire qui répondaient à certains critères fixés par l'AFC (zones Unireso, durée du trajet avec les transports publics, horaires défavorables, etc) pouvaient déduire leurs frais de déplacement effectifs (0,65 cts/km pour les trajets du matin et du soir), ainsi que leur frais de repas à hauteur de CHF 3'000.- en ICC et en impôt fédéral direct (ci-après : IFD). Les frontaliers qui répondaient aux mêmes critères ne bénéficiaient que d'une déduction forfaitaire de CHF 700.- pour les déplacements et de CHF 1'500.- pour les repas. Les premiers pouvaient déduire l'intégralité de leurs primes d'assurance-maladie et accident, soit deux primes annuelles pour un couple, alors que les autres ne pouvaient déduire que CHF 3'880.-. Même les déductions forfaitaires appliquées aux contribuables ordinaires qui ne remplissaient pas les critères précités étaient supérieures aux forfaits fixés pour les contribuables à la source : ainsi, en IFD, les contribuables résidents étaient imposés forfaitairement, à hauteur du prix de l'abonnement annuel TPG, soit CHF 840.-, alors que les autres ne pouvaient déduire que CHF 700.-. De même, les résidents pouvaient obtenir la déduction illimitée de leurs cotisations LPP, alors que les seconds ne pouvaient déduire que 5% (ICC), respectivement 4,5% (IFD) de leur salaire annuel. Or, les cotisations du 2ème pilier avaient augmenté de 33% depuis le 1er janvier 2003, consécutivement à la chute du taux de couverture des engagements des caisses de pension, tombé en dessous du seuil de 90%. La part de son salaire afférente à ce poste était passée de 7,5% à 10%. La prise en compte de cette déduction était d'autant plus justifiée que ladite augmentation de primes était corrélativement doublée d'un abaissement d'environ 20% de la rente de retraite, comme l'indiquait l'article 13 alinéa 3 du règlement de la caisse de pension de la banque G______. Enfin, les frais de maladie, des primes d'assurance-vie et les dons ne figuraient pas même forfaitairement dans le barème de l'impôt à la source.

b. L'article 2 ALCP prohibait non seulement les discriminations manifestes fondées sur la nationalité (discrimination directe), mais encore toutes les formes dissimulées de discrimination qui, par l'application d'autres critères de distinction, aboutissaient en fait au même résultat (discrimination indirecte). Selon le Tribunal fédéral, une disposition de droit national était indirectement discriminante si elle était susceptible, par sa nature, d'affecter davantage les travailleurs migrants que les travailleurs nationaux et défavorisait plus particulièrement les travailleurs migrants (ATF 131 V 209 ; 131 V 390). L'emploi du critère de la résidence était ainsi susceptible d'engendrer une discrimination dissimulée, fondée sur la nationalité, selon la CJCE (CJCE Biehl du 8 mai 1990 C-175/88, Rec, p. I-1779 et CJCE Commission Luxembourg du 26 octobre 1995 C-151/94 Rec. I-3685 ; ACJCE Wielockx C-80/94, Asscher C-107/94 Gilly C-336/96 Zurstrassen -87/99 de Groot C-385/00 Gerritse C-234/01 et Walentin C-169/03, voir aussi C-339/05 consid. 35-38).

c. L'article 26 CDI indiquait pour sa part que les nationaux d'un Etat contractant imposables sur le territoire de l'autre Etat contractant bénéficiaient, dans les mêmes conditions que les nationaux de ce dernier Etat se trouvant dans la même situation, des exemptions, abattements à la base, déductions et réductions d'impôts ou taxes accordées pour charges de famille. L'exigence d'une « même situation » devait s'interpréter à la lumière de la jurisprudence de la CJCE, qui n'imposait pas des situations identiques mais comparables (Arrêt Schumacker CJCE du 14 février 1995 aff. C-279/93).

d. Selon la jurisprudence de la CJCE, les non-résidents étaient dans une situation comparable avec les résidents s'ils réalisaient plus de 75% de leurs revenus totaux (mondiaux) dans le pays de l'emploi (arrêts Schumacker et Biehl précités). Toutes les entraves fiscales aux grandes libertés de circulation devaient être prohibées (CJCE Imperial Chemical Industries du 16 juillet 1998, C-264/96 et Commerzbank du 13 juillet 1993 C-300/91).

e. En vertu de l'article 7 paragraphe 2 du règlement CE n°1612/68 sur la libre circulation des travailleurs au sein de la Communauté européenne, le frontalier devait bénéficier des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les nationaux.

f. Le fardeau de la preuve de l'inexistence d'une discrimination appartenait à l'Etat mis en cause, lorsqu'il existait une présomption de discrimination (directive du Conseil de l'Union européenne 2000/43/CE du 29 juin 2000).

g. Tous ces principes étaient applicables en Suisse, depuis l'entrée en vigueur des accords bilatéraux (art. 16 al. 2 ALCP).

h. Dans les cantons de Vaud, Valais, Berne, Soleure, Bâle-ville, Bâle-campagne, Neuchâtel et Jura, les frontaliers payaient leurs impôts en France selon un accord de 1983. L'impôt qu'il aurait dû payer lui-même en 2004 selon cet accord aurait été de CHF 16'420.-, soit une différence de CHF 12'959.-. Une telle inégalité de traitement entre frontaliers eux-mêmes n'était pas soutenable.

i. Le canton de Vaud permettait à ses contribuables imposés à la source de déposer une déclaration simplifiée pour faire valoir des déductions supplémentaires à celles du barème, notamment pour les frais de transport du domicile au lieu de travail. Dès lors que l'imposition à la source intégrait également l’IFD, une application différenciée selon les cantons était contraire au principe de l'égalité de traitement entre les contribuables imposés à la source à Genève et ceux imposés dans le canton de Vaud.

j. L'AFC s'était conduite d'une manière contraire à la bonne foi. En effet, une note adressée par le directeur général de l'AFC à la secrétaire générale de cette administration, versée à la procédure, était rédigée de la manière suivante : les frontaliers attaquaient de plus en plus les décisions de taxation en demandant notamment la déduction des frais de déplacement effectifs. Ces demandes, fondées sur le principe de non-discrimination, avaient des chances d'aboutir. En effet, si l'intégration de déductions calculées forfaitairement, comme les frais de déplacement, avaient du sens pour des travailleurs résidents, elle était beaucoup plus délicate pour des travailleurs frontaliers, dont les coûts effectifs étaient en général plus importants et, de loin, pas correspondants aux déductions intégrées au barème. Cependant, devoir calculer des déductions précises pour les frontaliers impliquerait une augmentation de la charge de travail pour l'AFC ; à l'extrême, il s'agirait d'absorber le traitement d'environ 70'000 dossiers dans les services de taxation, soit l'équivalent de 34 postes de travail, avec le coût que cela impliquait. Une telle perspective de traitement de dossiers supplémentaires aurait un impact en terme de recettes fiscales, puisqu'il s'agirait d'accorder davantage de déductions sur le revenu imposable. L'AFC élaborait un rapport spécifique sur ce point qui aborderait spécifiquement et dans le détail ces éléments de risques et inclurait également un risque « calendrier ». Il était impératif que conscience soit prise sur ce sujet hautement chargé en termes de conséquences financières.

73. La commission et l’AFC objectent les arguments suivants :

a. Selon elles, le caractère nécessairement schématique des barèmes d'imposition à la source rendait impossible une égalité absolue entre tous les contribuables. Néanmoins, les mécanismes de déduction forfaitaire, la prise en compte des versements liés au 3ème pilier A, ainsi que de la situation de famille assuraient une inégalité acceptable au regard des garanties de non discrimination figurant dans la Cst. comme dans les accords internationaux conclus par la Suisse. La LISP et son règlement d'application étaient conformes au droit fédéral (LIFD et loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID - RS 642.14). Il n' y avait pas lieu de s'en écarter. Les autres déductions demandées par le contribuable ne pouvaient en conséquence être admises.

b. Outre sa fonction de garantie que l'impôt dû par des personnes résidant à l'étranger soit payé, ce mode de perception était pratique et sûr. Le Tribunal fédéral avait en outre considéré que ce système ne violait pas le principe de l'égalité de traitement (ATF 2P.145/1999 du 31 janvier 2000). Il avait estimé que par rapport à l'imposition ordinaire qui faisait du « sur mesure », l'impôt à la source habillait « en confection » en se fondant sur des moyennes. La charge fiscale pouvait ainsi être plus lourde que celle d'un contribuable ordinaire sans pour autant violer le principe de l'égalité de traitement.

En matière fiscale, ce principe était concrétisé par les principes de la généralité et de l'égalité de l'imposition, ainsi que par le principe de la proportionnalité de la charge fiscale fondée sur la capacité économique. Le premier principe interdisait que certaines personnes ou groupes de personnes soient exonérés sans motif objectif, les charges financières de la collectivité qui résultaient de ses tâches publiques générales devant en principe être supportées par l'ensemble des citoyens. En vertu des principes de l'égalité d'imposition et de l'imposition selon la capacité contributive, les contribuables qui étaient dans la même situation économique devaient supporter une charge fiscale semblable ; lorsqu'ils étaient dans des situations de fait différentes qui avaient des effets sur leur capacité économique, leur charge fiscale devait en tenir compte et y être adaptée (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.215/2000 du 12 mars 2001).

Plusieurs éléments devaient être pris en compte lors de la fixation des barèmes. Il fallait tenir compte de la situation personnelle des contribuables tout en prenant en considération le fait que tous les impôts dus (IFD, IS et ICC) étaient prélevés en une seule fois. Pour être praticable, ce système devait être simple, donc nécessairement schématisé. Il s'ensuivait que les forfaits pouvaient ne pas refléter la réalité des dépenses de tous les contribuables.

Le critère de la résidence comme critère de différenciation des situations était expressément prévu au chiffre VI du protocole additionnel à la CDI. Selon cette disposition, pour l'application du paragraphe 1 de l'article 26 de la convention, il était entendu qu'une personne physique résidente d'un Etat contractant ne se trouvait pas dans la même situation qu'une personne physique non résidente dans cet Etat.

Il en allait de même de l'ALCP, qui réservait expressément le critère de la résidence pour distinguer les deux situations (art. 2 ALCP, 9 § 2 de l'annexe 1 ALCP et 21 § 2 et 3ALCP).

Le droit genevois n'utilisait pas le critère de la nationalité pour distinguer les contribuables. Il n'était donc pas discriminatoire au sens des dispositions précitées.

Parmi les arrêts cités par le contribuable, seuls les arrêts Schumacker et Wielockx étaient déterminants pour la Suisse au sens de l'article 16 § 2 ALCP (ATF 129 II 215 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2A.494/2003 du 24 août 2004). Les arrêts rendus après l'entrée en vigueur de l'ALCP ne pouvaient être appliqués car le comité mixte n'en avait pas déterminé encore les implications (art. 16 § 2 ALCP). Dans cette jurisprudence, la Cour avait sanctionné le fait qu'aucune déduction tenant compte de la situation personnelle n'était prise en compte dans l'Etat prélevant l'impôt à la source. Tel n'était pas le cas du système suisse, qui prévoyait des déductions, qu'elles soient sous forme de forfait ou effectives. Les frais professionnels, les primes et cotisations d'assurance, les charges de familles, ainsi que les déductions en cas d'activité des deux conjoints étaient prises en compte sous forme de forfait. Les versements à une institution de prévoyance professionnelle pour le rachat d'années d'assurance et la finance d'entrée, ainsi que les versements à une institution reconnue de prévoyance individuelle liée pouvaient également être déduites. Il en allait de même pour les pensions alimentaires, les contributions d'entretien et les frais de garde, dans les limites admise par la loi sur l’imposition des personnes physiques - Détermination du revenu net - Calcul de l’impôt et rabais d’impôt - Compensation des effets de la progression à froid du 22 septembre 2000 (LIPP-V - D 3 16) (pour les contribuables ordinaires). Enfin, contrairement au système allemand incriminé dans les arrêts cités, la LISP prévoyait une procédure de régularisation annuelle des retenues prises à la source pouvant entraîner un remboursement partiel de l'impôt payé (art. 23 LISP, 3 et 4 RALISP). La CJCE avait par ailleurs relevé, dans ces arrêts, que la situation des résidents et des non résidents n'était pas comparable.

Ni le Tribunal fédéral ni la CJCE n'avaient jusqu'à aujourd'hui interprété l'article 21 ALCP. Il fallait dès lors admettre que le système suisse de l'impôt à la source était conforme à l'article 21 paragraphe 3 ALCP.

74. Enfin, la direction générale des impôts de Paris, après avoir été saisie par le contribuable d'une demande d'ouverture de procédure amiable au sens de l'article 27 de la convention dans le cadre de ce litige, a déclaré ne pas voir de violation dans l'imposition de M. V______, le critère de la résidence pour fonder une inégalité de traitement étant expressément réservé par la CDI (courrier du 7 juillet 2006 adressé par cette autorité à l'AFC fédérale, versé à la procédure).

EN DROIT

1. En application de l’article 70 LPA, il convient de joindre, sous le numéro A/696/2008, les causes A/696/2008 et A/4804/2008, qui opposent les mêmes parties et se rapportent à une cause juridique commune.

2. Le 18 septembre 2008, le Grand Conseil de la République et canton de Genève a modifié la loi d'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ - E 2 05), notamment en créant une commission de recours en matière administrative compétente (art. 56X LOJ) pour connaître, en première instance, des décisions sur réclamation prises par l'administration fiscale cantonale, en application de l'article 7 LPFisc. Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2009. Toutefois selon la disposition transitoire adoptée par le législateur (art. 162 al. 4 LOJ), le Tribunal administratif reste compétent pour trancher les recours dont il a été saisi contre les décisions rendues par la commission cantonale de recours en matière d'impôts avant le 1er janvier 2009.

3. Les recours interjetés auprès du tribunal de céans les 1er mars et 29 décembre 2008 contre les décisions de la commission du 28 janvier et du 24 novembre 2008, l'ont été dans les délais et devant l'autorité compétente. Il sont donc recevables, sous les réserves suivantes. Le recourant n'a pas d'intérêt digne de protection pour contester son imposition 2007, que la commission a ramené à CHF 0.-. De même, il n'a pas qualité pour demander que les frais de procédure soient mis à la charge de l'Etat. En effet, une telle condamnation ne modifie en rien sa situation personnelle. Sa demande d'indemnité pour tort moral n'est pas non plus recevable, le tribunal de céans n'étant pas compétent pour statuer (art. 7 al. 1er de la loi sur la responsabilité de l'Etat et des communes du 24 février 1989 ; LREC - A 2 40).

Recevabilité des recours déférés devant la commission :

Impôt à la source 2001 :

4. Selon l'article 49 alinéa 1er LPFisc (applicable par renvoi de l'article 24 LISP), le contribuable peut s’opposer à la décision sur réclamation du département en s’adressant, dans les 30 jours à compter de la notification de la décision attaquée, à la commission cantonale de recours en matière d’impôts. Le délai commence à courir le lendemain de la notification (art. 41 al. 1er et 49 al. 4 LPFisc). Passé ce délai, une réclamation tardive n’est recevable que si le contribuable établit que, par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d’absence du pays ou pour d’autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter sa réclamation en temps utile et qu’il l’a déposée dans les 30 jours après la fin de l’empêchement (art. 41 al. 3 LPFisc).

5. a. Concernant l'année 2001, la décision rendue sur réclamation par l'AFC du 16 juillet 2002 indiquait la voie et le délai de recours à la commission. Cette décision a été reçue par le contribuable le 18 juillet 2002. Ce jour-là, le contribuable a adressé un courrier à l'AFC contestant cette décision, mais précisant très clairement qu'il ne souhaitait pas que sa lettre soit considérée comme un recours. On ne saurait, dès lors, faire grief à l'autorité de n'avoir pas transmis cette missive à la commission, comme le lui prescrivait l'article 41 alinéa 2 LPFisc. Entre ce moment et l'échéance du délai de 30 jours, le contribuable n'a pas recouru à la commission. Il allègue, pour justifier cette situation, qu'il ne disposait pas des éléments suffisants pour se déterminer sur l'opportunité d'un recours et pour préparer, le cas échéant, utilement sa défense ; il aurait eu besoin, pour cela, de la structure du barème de l'impôt à la source, qu'il n'avait pu se procurer qu'après de très nombreux échanges avec l'administration, fin 2004. Cette circonstance ne constitue pas un empêchement au sens de l’article 41 alinéa 3 LPFisc. Elle ne privait pas le contribuable d'interjeter un recours pour préserver ses droits, en subordonnant éventuellement son retrait à la production par l'AFC de ce document. Cette mesure relevait de l'instruction du recours et non de son dépôt. La taxation est donc bien entrée en force à l'échéance du délai légal.

b. Quant à la décision de l'AFC du 28 mars 2003, rendue suite à la demande de reconsidération du contribuable du 14 novembre 2002, elle a réformé la taxation entrée en force sous le seul angle du fait nouveau que constituait la votation populaire de 2002 (application du barème voté). Cette décision aurait pu faire l'objet d'un recours uniquement sur le fait nouveau invoqué (art. 48 let. b et 4 let. a LPA). Faute d'un recours, cette décision est également entrée en force.

Le recours interjeté le 16 avril 2005 par le contribuable à la commission contre sa taxation 2001 était donc irrecevable pour cause de tardiveté.

6. Enfin, il y a lieu à révision lorsque, dans une affaire réglée par une décision définitive, il apparaît notamment que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA).

En l'espèce, aucun cas de révision n'étant réalisé, la demande du recourant à cet égard était également irrecevable.

Le recours à la commission était ainsi irrecevable.

Impôt à la source 2002 :

7. S'agissant de la taxation 2002, l'AFC a rendu sa décision sur réclamation le 28 juillet 2003. Le recourant a recouru contre celle-ci auprès de la commission le 16 avril 2005, soit plusieurs mois après son entrée en force. Pour justifier son retard, M. V______ invoque les mêmes arguments que pour 2001. Son recours à la commission était irrecevable pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés.

Impôt à la source 2003 :

8. Le bordereau rectificatif visant la taxation 2003, daté du 30 août 2004, a fait l'objet d'une réclamation, qui a donné lieu à une décision de l'AFC le 9 mars 2005, dont le recourant indique qu'elle lui a été notifiée le jour même.

Dans ces conditions, et pour les raisons avancées ci-dessus, son recours du 16 avril 2005 à la commission était irrecevable pour tardiveté.

Impôt à la source 2004 :

9. Selon l'article 3 RISP, l’AFC rectifie l’imposition, après la fin de l’exercice, lorsque les époux, faisant ménage commun, exercent tous deux une activité lucrative dans le canton et sont, de ce fait, soumis à la retenue calculée selon le barème A, sans charges de famille (let. a) ; lorsque le contribuable a exercé au cours de l’exercice plusieurs activités (let. b) ; lorsque, en plus des revenus de son activité lucrative, le contribuable a acquis des revenus en compensation au sens de l’article 2 (indemnités pour maladie, etc. ; let. c).

A teneur de l'article 4 dudit règlement, sur réclamation du contribuable (art. 23 de la loi), l’AFC admet les déductions supplémentaires suivantes : les versements à une institution de prévoyance professionnelle pour le rachat d’années d’assurance et la finance d’entrée, ainsi qu’à une institution reconnue de prévoyance individuelle liée, au sens et dans les limites admises par le droit fédéral en matière de prévoyance et par la loi LIPP-V (let. a) ; les pensions alimentaires et les contributions d’entretien au sens de l’article 5 de la loi LIPP-V (let. b) ; les frais de garde au sens et dans les limites admises par l’article 7 de la loi LIPP-V (let.c).

L'article 23 alinéa 2 LISP, auquel l'article 4 RISP renvoie, dispose que le contribuable qui conteste le montant de la retenue à la source qui lui est faite peut déposer une réclamation écrite et motivée auprès du département. La décision sur réclamation peut faire l'objet d'un recours auprès de la commission (art. 24 LISP et 49 LPFisc).

10. Le contribuable a contesté sa taxation 2004 auprès de l'AFC le 13 janvier 2005, soit dans les délais légaux. Avant d'avoir obtenu une décision sur réclamation, il a « recouru » auprès de la commission. Prématuré, ce recours était irrecevable.

L'AFC s'est prononcée sur sa contestation le 2 mai 2005, en indiquant que la voie de la réclamation était ouverte contre sa propre décision. La question se pose de savoir s’il s’agit d’une décision de rectification (art 3 RISP) ou de réclamation (art. 4 RIS et 23 LISP). Dans sa lettre du 13 janvier 2005 adressée à cette autorité, le contribuable avait exprimé clairement qu'il demandait, outre la déduction de son 3ème pilier A figurant dans les motifs de « rectification » de l'imposition (art. 3 RISP), que soient défalqués d'autres frais en application du principe de non-discrimination (art. 4 RISP). L'AFC s'est déterminée sur ce point, en indiquant qu’« aucune autre déduction ne pouvait être admise ». La décision de l'AFC précitée, même si elle n'en remplissait pas nécessairement toutes les conditions, pouvait donc être considérée par le contribuable comme une décision sur réclamation au sens de l'article 4 RISP. Ce dernier n'avait en effet pas de raison de contester une nouvelle fois, auprès de la même autorité, un point que celle-ci avait déjà tranché.

La pratique de l'AFC n'est pas homogène quant à la qualification des décisions qu'elle rend sur demande de rectification et sur réclamation. Pour la taxation 2005 du contribuable, l'AFC a admis la voie directe à la commission après sa première décision, alors que la contestation portait rigoureusement sur les mêmes points que pour l'année 2004 (avec en plus le rachat d'assurance en 2005).

Devant une pratique aussi instable, il est difficile pour le contribuable de savoir s'il doit recourir à la commission ou déposer une réclamation. La situation n'est en outre pas exempte de dangers pour lui, car la mention erronée d'une voie de droit ne confère pas un droit de recours. Dans ces conditions, la décision de l'AFC du 2 mai 2005 pouvait être légitimement considérée comme une décision sur réclamation, contre laquelle un recours était ouvert auprès de la commission. Le délai de recours était de 30 jours. Or, dans des écritures complémentaires au recours du 16 avril 2005, datées du 13 mai 2005, le contribuable a demandé pour la deuxième fois à la commission d'annuler la taxation litigieuse. Les conclusions du recourant étaient claires sur ce point ; et elles n'étaient à ce moment-là ni tardives, ni prématurées.

La commission aurait donc dû déclarer recevable le recours du 13 mai 2005 contre la décision du 2 mai 2005. Il est toutefois inutile de lui renvoyer la cause. En effet, les griefs soulevés par le recourant à l’encontre de cette décision sont les mêmes que ceux invoqués dans ses recours subséquents. La commission les ayant tous rejetés, il se justifie d’entrer en matière sur le recours.

Impôt à la source 2005 :

11. Par bordereau daté du 28 août 2006, l'AFC a « rectifié » l'imposition 2005.

12. Le contribuable a interjeté un recours contre cette décision auprès de la commission le 21 septembre 2006, soit moins de 30 jours après la notification de la décision.

13. L'AFC n'a pas contesté la recevabilité de ce recours, comme elle l'avait fait pour 2004. La commission a admis cette recevabilité, tout en émettant des doutes sur la question de savoir si la décision attaquée était une décision de rectification (art. 3 RISP) ou de réclamation (art. 4 RISP).

Pour les mêmes raisons que celles développées dans le cadre de l'IS 2004, le recours à la commission était recevable, ainsi que l'a relevé cette dernière.

Impôt à la source 2006 :

14. Le contribuable a demandé le réexamen de sa taxation 2006 le 8 mars 2007 en faisant valoir des déductions visées tant par l'article 3 que par l'article 4 RISP. L'AFC a modifié l'imposition le 25 juin 2007 en admettant toujours les mêmes déductions et en rejetant les autres. Le contribuable a recouru contre cette décision auprès de la commission, qui a transmis, pour compétence, le recours (considéré comme une réclamation) à l'AFC, au motif que cette autorité n'avait pas statué sur tous les points abordés et qui a ensuite rayé la cause du rôle. Le contribuable s'étant opposé à cette transmission, la commission a finalement enregistré l'acte comme un recours et l'a jugé recevable.

Comme pour les IS 2004 et 2005, on ne sait pas si les décisions rendues sont des décisions de rectification ou de réclamation. Le recours à la commission était donc recevable, pour les mêmes raisons.

La décision sur recevabilité de la commission doit donc être confirmée.

Impôt à la source 2007 :

15. Le contribuable a été taxé en 2007 pour des indemnités reçues cette année-là par la banque qui l'avait licencié avec effet au 31 octobre 2006. Il a recouru auprès de la commission le 6 février 2008 contre la décision de l'AFC du 15 janvier 2008. Son recours à la commission était donc bien recevable, comme l'a jugé cette juridiction.

Toutefois, comme exposé ci-dessus, la commission ayant donné droit aux conclusions du recourant, ce dernier n'est plus recevable à la contester devant le tribunal de céans.

16. Ces points ayant été tranchés, seules demeurent encore ouvertes les questions portant sur la validité matérielle des taxations 2004, 2005 et 2006, la fixation des émoluments de procédure de CHF 1'000.- et de CHF 300.- par la commission, ainsi que les demandes d'indemnité pour les frais de procédure.

Validité matérielle des taxations 2004, 2005 et 2006 :

17. Le recourant considère que le système de l'imposition à la source, tel qu'il est pratiqué à Genève, discrimine les frontaliers par rapport aux résidents genevois, d'une manière qui viole l'interdiction de discrimination garantie par les accords internationaux et la constitution fédérale.

18. Selon l'article 7 LISP, les travailleurs qui, sans être domiciliés ni en séjour en Suisse, exercent une activité lucrative dépendante, sont soumis à l'impôt à la source sur le revenu de leur activité conformément aux articles 2 à 4. L'impôt est calculé sur le revenu brut (art. 2 al. 1er LISP). Sont imposables tous les revenus provenant d'une activité pour le compte d'autrui, y compris les revenus accessoires tels que les indemnités pour prestations spéciales, les commissions, les allocations, les primes pour ancienneté de service, les pourboires et autres avantages appréciables en argent, de même que les revenus acquis en compensation tels que les indemnités journalières des assurances-maladie, d'assurances contre les accidents ou de l'assurance-chômage (art. 2 al. 2 LISP).

19. Le système de l'impôt à la source est ancré aux articles 83 et suivants LIFD pour l'impôt fédéral direct et aux articles 32 et suivants LHID (en relation avec l'art. 36 al. 1er let. a LHID), 1 et suivants LISP et 1 et suivants RISP. Il a pour fonction de se substituer aux impôts fédéral, cantonal et communal perçus selon la procédure ordinaire (art. 32 al. 1er LHID, 17 LISP). Le barème des retenues est établi d'après les taux de l'impôt sur le revenu des personnes physiques (art. 85 LIFD, 33 al. 1er LHID et 3 al. 1er LISP). Selon l'article 86 LIFD, le barème tient compte des frais professionnels (art. 26) et des primes et cotisations d'assurances (art. 33 al. 1er let. d [AVS, AI, prévoyance professionnelle], f [chômage et accident obligatoire] et g [vie, maladie et accident] LIFD) sous forme de forfait, ainsi que des charges de famille du contribuable. La déduction des cotisations périodiques versées en vue de l'acquisition des droits aux prestations dans le cadre de la prévoyance professionnelle sont ainsi comprises dans le forfait (art. 86 al. 1er LIFD, 33 al. 3 LHID et 4 al. 1er LISP). Sur demande du contribuable (art. 23 LISP), l’administration fiscale cantonale admet, comme déduction supplémentaire au forfait, les versements à une institution de prévoyance professionnelle pour le rachat d’années d’assurance et la finance d’entrée, ainsi qu’à une institution reconnue de prévoyance individuelle liée, au sens et dans les limites admises par le droit fédéral en matière de prévoyance et par la loi LIPP-V (3ème pilier A), les pensions alimentaires et les contributions d’entretien au sens de l’article 5 de la loi LIPP-V, ainsi que les frais de garde au sens et dans les limites admises par l’article 7 de la loi LIPP-V (art. 4 RISP et 2 let. b LIPP-V).

20. Selon l'article 2 ALCP, les ressortissants d’une partie contractante qui séjournent légalement sur le territoire d’une autre partie contractante ne sont pas, dans l’application et conformément aux dispositions des annexes I, II et III de cet accord, discriminés en raison de leur nationalité. L'article 26 alinéa 1er de la CDI dispose pour sa part que les nationaux d’un Etat contractant ne sont soumis dans l’autre Etat contractant à aucune imposition ou obligation y relative, qui est autre ou plus lourde que celle à laquelle sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre Etat se trouvant dans la même situation. Enfin, selon l'article 8 Cst., nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine ou de son mode de vie.

21. Les dispositions figurant dans les textes susmentionnés ne prohibent - prima facie - que les discriminations fondées sur la nationalité. On voit mal, dès lors, a priori, comment le contribuable pourrait s'en prévaloir en étant de nationalité suisse.

D'après la CJCE, peut se prévaloir des garanties de non-discrimination contre son Etat d'origine, la personne établie à l'étranger mais travaillant dans l'Etat dont elle est ressortissante, lorsqu'elle se plaint d'être taxée plus lourdement qu'une personne résidant dans ce dernier Etat (ACJCE Asscher du 27 juin 1996 § 32, aff. C-107-94 qui concerne un ressortissant néerlandais établi en Belgique agissant contre les Pays-Bas ; ACJCE Gilly du 12 mai 1998 § 21 et 22, aff. C-336/96 qui vise le cas d'une ressortissante allemande domiciliée en France et agissant contre l'Etat allemand). La jurisprudence précise que ces principes s'appliquent aux travailleurs dépendants (ACJCE Asscher précité, §29).

22. Selon l'article 16 alinéa 2 ALCP, pour atteindre les objectifs visés par l'accord, les parties contractantes prendront toutes les mesures nécessaires pour que les droits et obligations équivalant à ceux contenus dans les actes juridiques de la Communauté européenne auxquels il est fait référence trouvent application dans leurs relations (al. 1er). Dans la mesure où l’application de l’accord implique des notions de droit communautaire, il sera tenu compte de la jurisprudence pertinente de la CJCE antérieure à la date de sa signature (soit avant le 21 juin 1999). La jurisprudence postérieure à la date de la signature du présent accord sera communiquée à la Suisse. En vue d’assurer le bon fonctionnement de l’accord, à la demande d’une partie contractante, le comité mixte déterminera les implications de cette jurisprudence.

Dès lors que les arrêts précités sont antérieurs au 21 juin 1999, qu'ils concernent le cercle général des personnes pouvant invoquer le principe de non-discrimination et que ce principe a été repris dans l'accord, il en sera tenu compte.

Ainsi, bien qu'il soit de nationalité suisse, M. V______ a qualité pour se plaindre d'une discrimination contre son Etat d'origine.

23. Sur la portée matérielle qu'il convient de donner au principe de non-discrimination en droit fiscal interne, le recourant se prévaut de la jurisprudence rendue en la matière par la CJCE, ainsi que des directives et recommandations européennes. Il prétend que ces sources sont directement applicables en droit suisse. C'est méconnaître les engagements pris par la Suisse dans le cadre de ces accords, qui ne sont que sectoriels, sont pourvus de mécanismes de régulation propres et ne consacrent pas une participation pleine et entière au marché intérieur de la Communauté européenne (ATF 130 II 113 consid. 6.1. p. 120 ; Message du Conseil fédéral du 23 juin 1999 relatif à l'approbation des accords sectoriels entre la Suisse et la CE, FF 1999 p. 5440 ss, 5473 ; R. BIEBER, Quelques remarques à l'occasion de l'entrée en vigueur des accords bilatéraux Suisse-CE, in Mélanges en l'honneur de Bernard Dutoit, Genève 2002, p. 13 ss, 14).

Selon le Tribunal fédéral, lorsqu'il est amené à interpréter l'ALCP, le juge suisse doit tenir compte du fait que la plupart des arrêts de la CJCE sont rendus dans le cadre d'une procédure spéciale dite de renvoi préjudiciel (ATF 130 II 113 consid. 6.1. p. 120). Cette procédure comporte en effet des propriétés qui ne sont pas sans conséquences pour apprécier la portée de cette jurisprudence dans l'ordre juridique suisse. En particulier, le renvoi préjudiciel est un instrument de coopération judiciaire qui vise à assurer une application uniforme du droit communautaire sans porter atteinte à l'autonomie dont jouissent les juridictions nationales : la CJCE se limite à répondre aux questions d'interprétation du droit communautaire que lui adressent les juges nationaux, tandis que ces derniers restent seuls à statuer sur le fond en tenant compte des circonstances de faits et de droit des affaires dont ils sont saisis (cf. arrêt de la CJCE du 18 octobre 1990, Dzodzi, aff. jointes C-297/88 et C-197/89, Rec. 1990, p. I-3763, points 31 ss ; J.-P. JACQUÉ, Droit institutionnel de l'Union européenne, Paris 2001, nos 1090/1091 et les références citées). Cette répartition des rôles a notamment pour effet que la CJCE s'abstient généralement d'examiner des questions qui relèvent de l'appréciation du juge national, tels les faits ou leur exactitude ; elle veille également à rester dans le cadre de la demande et évite d'aborder une question que le juge national n'a pas posée ou a refusé de poser (J.-P. JACQUÉ, op. cit., n° 1101). Si ce dernier désire poser une nouvelle question de droit ou soumettre des éléments nouveaux ou s'il se heurte à des difficultés de compréhension ou d'interprétation d'un arrêt, il peut saisir à nouveau la CJCE ; il y est même tenu lorsqu'il statue en dernier ressort (ATF 130 II 113 consid. 6.1. p. 120).

Un tel mécanisme de coopération judiciaire n'existe pas entre la Suisse et la Communauté européenne et ses Etats membres. Confronté à un problème d'interprétation, le juge suisse n'a donc ni l'obligation ni même la possibilité de se référer à la CJCE mais doit le résoudre seul, en se conformant aux règles d'interprétation habituelles déduites de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (CV - RS 0.111 ; ATF 113 II 113 consid. 6.1. p. 120). L'article 31 paragraphe 1 de cette convention prescrit que les traités doivent s'interpréter de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but (cf. F. FILLIEZ, Application des accords sectoriels par les juridictions suisses: quelques repères, in D. FELDER/C. KADDOUS [éd.], Bilaterale Abkommen Schweiz-EU, 2001, p. 183 ss, 201 ss).

Il résulte de ce qui précède que les arrêts de la CJCE fondés sur des notions ou des considérations dépassant le cadre relativement étroit des accords sectoriels ne sauraient donc, sans autre examen, être transposés dans l'ordre juridique suisse et que les engagements pris par la Suisse en matière de non-discrimination doivent être interprétés.

Il convient donc, en l'espèce, d'examiner si le critère de la résidence peut justifier une inégalité de traitement entre les contribuables imposés en Suisse, sans violer ces engagements.

24. Ce critère de différenciation des situations est expressément prévu dans l'ALCP. En effet, si à son article 9 paragraphe 2, l'annexe I ALCP prévoit que les travailleurs salariés et les membres de sa famille bénéficient des mêmes avantages fiscaux et sociaux que les travailleurs salariés nationaux et les membres de leur famille, l'article 21 paragraphe 2 ALCP intitulé « relation avec les accords bilatéraux en matière de double imposition », prévoit qu'aucune disposition de l'accord ne peut être interprétée de manière à empêcher les parties contractantes d'établir une distinction dans l'application des dispositions pertinentes de leur législation fiscale entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans des situations comparables, « en particulier en ce qui concerne leur lieu de résidence ». Cette dernière disposition indique clairement que l'article 9 paragraphe 2 de l'Annexe I ne vise pas les frontaliers, mais les étrangers résidents à Genève, et que ceux-là peuvent être traités différemment.

S'agissant de la portée de l'article 26 CDI, le point VI du protocole additionnel de cette convention indique : « il est entendu qu’une personne physique […] qui est résident[e] d’un Etat contractant ne se trouve pas dans la même situation qu’une personne physique […] qui n’est pas résident[e] de cet Etat […] ».

Saisie d'une demande d'ouverture de procédure amiable au sens de l'article 27 de la convention dans le cadre de ce litige, la direction générale des impôts de Paris a exposé partager ce point de vue, ainsi qu'il résulte d'un courrier du 7 juillet 2006 adressée par cette autorité à l'AFC fédérale, versé à la procédure.

Enfin, le modèle de convention fiscale élaboré par l’organisation de coopération et de développement économiques (ci-après : OCDE), qui a servi de base à la rédaction de la CDI, commente la disposition interdisant expressément toute discrimination de la manière suivante :

« La disposition qui concerne la non-discrimination [art. 24 du modèle ; art. 26 CDI] est généralement insérée dans l'ensemble des accords fiscaux conformément au modèle OCDE. Elle pose le principe selon lequel les discriminations fondées sur la nationalité sont interdites. Les nationaux d'un Etat ne peuvent pas être traités moins favorablement dans l'autre Etat contractant. Pour bénéficier de cette clause, nationaux et non-nationaux doivent se trouver dans une situation égale « notamment au regard de la résidence ». Par conséquent, des avantages fiscaux (déductions personnelles, réduction d'impôts en fonction des charges de famille) que la législation nationale réserve aux résidents ne peuvent pas être revendiqués, sur cette base par le non-résident, même s'il se trouve, pour le reste, dans une situation comparable à celle d'un résident ».

Il résulte de cet examen que le principe d'un traitement différencié des contribuables résidents et non résidents a été expressément envisagé et accepté par les parties à ces accords. Celui-ci n'est ainsi pas contraire aux engagements internationaux pris par la Suisse.

25. Cette situation n'autorise toutefois pas le canton de Genève à appliquer n'importe quels barèmes et taux aux frontaliers pour le seul motif qu'ils ne sont pas résidents. En effet, les distinctions doivent se fonder sur des motifs raisonnables au regard de la situation de fait à réglementer et ne pas être arbitraires (ATF 118 Ia 1 consid. 3 p. 2-3 et arrêts cités ; ATA/214/2008 du 6 mai 2008 ; ATA/530/2007 du 16 octobre 2007).

26. En l'espèce, même en validant les calculs qu'il a effectués (soit en moyenne un impôt dépassant d'un tiers une imposition ordinaire), les taxations litigieuses ne sont pas arbitraires, c'est-à dire qu'elles ne sont pas manifestement insoutenables, qu'elles ne méconnaissent pas gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, et qu’elles ne heurtent pas de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité (ATF 131 I 57 consid. 2 p. 61). A cause de la présence, dans la situation particulière de M. V______ et de son épouse, de nombreux facteurs défavorisants pour eux (couple marié sans enfants à charge, l'épouse qui ne travaille pas et qui ne peut, en conséquence, faire valoir ses déductions de son côté, des frais de déplacements très importants, des frais de maladie élevés, la presque totalité des revenus réalisés à Genève, la souscription d'une assurance-vie, etc), on se trouve dans un cas où la différence de traitement n'est pas insignifiante, mais l''imposition à la source peut, dans d'autres situations, conduire à une imposition favorable, notamment lorsque d'autres facteurs - inverses - sont présents. D'un point de vue global, le système de l'impôt à la source, tel qu'il est pratiqué, ne viole ainsi pas le principe de l'égalité de traitement. Cette solution a été confirmée par le Tribunal fédéral qui a comparé l'imposition ordinaire à du "sur mesure", par rapport à l'impôt à la source, qui habillait "en confection" en se fondant sur des moyennes. La charge fiscale pouvait ainsi être plus lourde que celle d'un contribuable ordinaire sans pour autant violer le principe de l'égalité de traitement dans (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.145/1999 du 31 janvier 2000). Des considérations identiques ont justifié la schématisation des barèmes appliqués dans le calcul de la valeur locative des immeubles qui conduisait également à des inégalités de traitement. Selon notre Haute Cour, un tel résultat était inévitable pour des raisons pratiques touchant également à l'économie de la taxation ; dans une certaine mesure, ce désavantage était acceptable, même si, par là, une égalité de traitement ne pouvait pas être entièrement garantie (ATF 2P.279/1999 du 3 novembre 2000, publié in Revue fiscale 2001 [56] p. 414).

Les griefs du recourant seront donc écartés.

Recours contre les émoluments de CHF 1'000.- et de CHF 300.- fixés par la commission :

27. Le principe de la condamnation à un émolument de procédure se fonde sur l'article 87 alinéa 1er LPA, qui permet à l'autorité de statuer sur les frais exposés par la juridiction. Il est de jurisprudence constante que la partie qui succombe supporte une partie des frais découlant du travail qu'il a généré par sa saisine.

En l'espèce, le recourant a déposé sept recours, dont trois étaient clairement irrecevables. Le travail qu'il a généré pour la commission était important. Il a ensuite succombé. Il est normal, dans ces circonstances, qu'il ait été condamné à participer aux frais de procédure que sa saisine a causé.

28. Le montant des émoluments de CHF 1'000.- (taxations 2001 à 2005) et de CHF 300.- (taxations 2006 et 2007) est conforme à la pratique de la juridiction intimée. Le recourant n'a pas allégué disposer de revenus insuffisants pour assumer le paiement de ces frais. En outre, il ne résulte pas du dossier que la situation financière du contribuable ne pourrait s’accomoder d’un tel montant. Les émoluments fixés par la commission respecte ainsi le principe de la proportionnalité.

Les recours seront donc rejetés sur ce point.

Indemnité de procédure :

29. Selon l'article 87 alinéa 2 LPA, la juridiction administrative peut, sur requête, allouer à la partie ayant entièrement ou partiellement gain de cause, une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours.

Il résulte d'une interprétation a contrario de cette disposition qu'aucune indemnité n'est allouée à la partie qui succombe.

Les demandes d'indemnité formées par le recourant doivent donc être rejetées.

Emolument :

Un émolument de procédure de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

préalablement :

ordonne la jonction des procédures A/696/2008 et A/4804/2008 sous le numéro de cause A/696/2008 ;

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés les 1er mars et 29 décembre 2008 par Monsieur V______ contre les décisions de la commission cantonale de recours en matière d'impôts des 28 janvier et 24 novembre 2008 ;

au fond :

les rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur V______ ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière administrative, à l'administration fiscale cantonale et à l'administration fédérale des contributions, pour information.

Siégeants : M. Thélin président, Mmes Bovy, Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :