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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3929/2007

ATA/214/2008 du 06.05.2008 ( DI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3929/2007-DI ATA/214/2008

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 6 mai 2008

dans la cause

 

Y______ et Monsieur P______
représentée par Me Pascal Rytz, avocat

contre

DÉPARTEMENT DES INSTITUTIONS


 


EN FAIT

Le 10 août 2007, l’entreprise X______ S.A. (ci-après : X______) a dénoncé la société Y ______ (ci-après : Y______) relevant du département des institutions (ci-après : DI) au service des armes, explosifs et autorisations. Trois employés de Y______, soit Messieurs B______, W______ et P______, ainsi qu’un inconnu, patrouillaient en uniforme sur les parkings du Z______. Or, MM. B______ et P______ avaient été licenciés par le dénonciateur, le premier parce que sa carte d’agent de sécurité n’avait pas été renouvelée et le second après une crise d’hystérie ; ce dernier aurait aussi été incarcéré à la prison de A______. Quant à M. W______, il n’avait plus de carte d’agent de sécurité à la suite d’un arrêt du Tribunal administratif.

A la demande du département des institutions (ci-après : le département ou le DI) à qui la dénonciation avait été transmise, la police a procédé à une enquête.

a. Entendu, M. P______ a expliqué qu’il avait fondé, en 2007, Y______, une entreprise individuelle dont il était le directeur. L’activité de l’entreprise consistait à contrôler le stationnement des véhicules dans les parkings privés et ouverts au public, pour le compte des propriétaires ou celui des locataires. Y______ assurait l’intégralité de la procédure à partir de la dénonciation. Les contrôleurs avaient autorité pour procéder à l’enlèvement des véhicules immatriculés à Genève. Ils appelaient la gendarmerie pour les autres. Ils étaient disponibles 24 heures sur 24 et 365 jours par an.

Y______ pouvait également assurer le stationnement des voitures lors de manifestations. Elle disposait d’une habilitation de l’office cantonal de la mobilité (ci-après : OCM) pour les activités précitées, qui n’étaient pas assimilables à celles soumises au concordat sur les entreprises de sécurité du 18 octobre 1996 (CES - I 2 14). Un uniforme, soit un pantalon noir et un polo portant l’inscription « Y___ » et l’insigne de la société étaient fournis aux contrôleurs. Deux personnes travaillaient pour Y______, soit Monsieur D______ et M. B______. Ce dernier ne travaillait qu’une heure par jour. M. W______ n’avait pas de rôle dans la société, car il avait été licencié par la société sœur de X______, soit X*______ S.A. (ci-après : X*______) et avait une clause de non-concurrence. Il serait engagé dès qu’il serait libéré de celle-ci.

b. Entendu le 16 août 2007, M. B______ a indiqué qu’il avait été licencié par X*______ pour le 1er août 2007. Il travaillait pour Y______ une heure par jour. L’activité de cette société ne nécessitait pas de disposer d’une carte d’agent de sécurité privée.

c. Au rapport établi par les gendarmes étaient annexés :

- une lettre courrier de l’OCM, adressé à Y______, dont il résulte que celle-ci avait demandé à ce que ses agents soient habilités à intervenir en cas de violation des interdictions sur terrain privé pour lesquelles elle était mandatée. La requête était recevable ;

- une lettre du service des contraventions au comité central du Z______, communiquant les numéros de matricule attribués aux collaborateurs de ce dernier, suite à une décision de l’OCM du 18 juin 2007. Les matricules étaient attribués à Messieurs L______, W______ et B______.

Le 26 septembre 2007, le département a informé M. P______ que l’activité consistant à contrôler le stationnement de véhicules dans des parkings privés et/ou ouverts au public, à dénoncer les contrevenants et à procéder à l’enlèvement des véhicules entrait dans le champ d’application du CES. Il s’agissait en effet de la surveillance de biens immobiliers effectuée par du personnel en uniforme. Cette activité était effectuée par des personnes qui n’étaient pas liées par un contrat de travail à la personne physique ou morale au profit de qui elles agissaient. Un délai échéant le 26 octobre 2007 a été imparti à M. P______ pour déposer une demande d’autorisation d’exploiter une entreprise de sécurité. En l’état, l’exploitation d’une telle entreprise n’était pas autorisable et il s’exposait à une amende administrative.

Le même jour, Y______ s’est adressée au Conseiller d’Etat en charge du département. L’activité de l’entreprise individuelle ne correspondait pas à celle d’une agence de sécurité. Les prestations fournies se limitaient à la gestion et au contrôle du stationnement. Des habilitations pour de telles activités étaient délivrées par le département du territoire (ci-après : DT), auquel état rattaché l’OCM.

Le 28 septembre 2007, Y______ s’est adressée au DI, soulignant que l’entreprise ne surveillait pas les parkings, mais se limitait à constater le respect des lois en matière de stationnement et à dénoncer les infractions aux autorités.

Le 1er octobre 2007, Y______, agissant par la plume d’un avocat, a demandé tant au Conseiller d’Etat en charge du DI qu’à ce dernier de lui notifier une décision en bonne et due forme.

Le 4 octobre 2007, le département a notifié une décision, reprenant les termes de son courrier du 26 septembre précédent et indiquant les voies et délais de recours.

Le 16 octobre 2007, Y______ et Monsieur P______ ont saisi le Tribunal administratif du litige, concluant préalablement à l’octroi de l’effet suspensif. Les tâches de l’entreprise n’étaient pas soumises au CES.

Son activité correspondait à celle d’un concierge employé par une régie, elle-même mandatée par le propriétaire d’un immeuble pour contrôler les parkings de ce dernier.

Le 26 octobre 2007, le département s’est opposé à la restitution de l’effet suspensif au recours ; une décision à contenu négatif était dépourvue d’un tel effet.

Le jour-même, le président du Tribunal administratif a rejeté la requête de restitution de l’effet suspensif en tant qu’elle était recevable.

Le 22 novembre 2007, le département s’est opposé au recours. Le CES régissait les activités de surveillance ou de garde de biens mobiliers ou immobiliers, de protection de personnes et de transport de biens et de valeurs.

Toutefois, lorsque ces tâches de protection étaient exercées par une personne engagée par une personne physique ou morale au seul profit de cette dernière, l’activité n’entrait pas dans le champ d’application du CES. Il en était de même pour les tâches exercées par les membres de la personne morale elle-même.

La commission concordataire avait émis une directive, du 3 juin 2004, précisant la notion d’entreprise de sécurité : il s’agissait de toute entité juridique qui exerçait à titre principal ou accessoire et pour des tiers des activités visées par le CES, en employant ou non du personnel.

L’exclusion du champ concordataire ne visait que le personnel d’entreprises commerciales ou industrielles, cas échéant les membres d’associations qui exerçaient les activités de surveillance au profit d’une personne morale. Dès que cette activité était exercée au profit d’un tiers, elle était soumise au CES.

Les activités de Y______, telles qu’elle les décrivait sur son site internet, correspondaient à celles soumises à autorisation.

Le cas de M. P______ et de son entreprise n’était pas assimilable à celui d’un concierge employé par une régie : celui-là était au bénéfice d’un contrat de travail et il remplissait une mission au profit de son employeur.

Sur demande du 2 janvier 2008 du juge délégué à l’instruction du dossier, l’OCM a indiqué, le 11 février suivant, qu’il était chargé d’appliquer le règlement concernant la circulation et le stationnement des véhicules sur terrain privé (H 1 10.03). Le contrôle du stationnement était le plus souvent assuré par une personne physique ou morale, employée ou mandatée par le propriétaire des lieux ou par la régie en charge de la gestion des immeubles concernés. Certaines de ces personnes exerçaient ce type de contrôle dans le cadre d’une activité professionnelle rémunérée.

L’OCM délivrait des habilitations sur préavis de la police, laquelle procédait au préalable à une enquête de moralité.

L’habilitation était délivrée après paiement d’un émolument.

Dans le cas de Y______, l’OCM attendait toujours le préavis de la police et aucune décision formelle n’avait encore été rendue.

Cette lettre a été communiquée aux parties, qui ont été informées que la cause était gardée à juger le 19 février 2008.

EN DROIT

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Le CES régit notamment les activités de surveillance ou de garde de biens mobiliers ou immobiliers exercées à titre principal ou accessoire (art. 4 let. a CES). Toutefois, sauf réglementation contraire édictée par le canton concerné, les tâches de protection et de surveillance pratiquées par du personnel engagé par une personne physique ou morale au seul profit de celle-ci n’entrent pas dans des activités soumises à ce texte (art. 5 CES).

L’article 7 CES précise qu’une autorisation est nécessaire pour exploiter une entreprise de sécurité et engager du personnel à cet effet, ainsi que pour exercer une activité visée à l’article 4 CES dans les cantons - comme celui de Genève - ayant adhéré à ce texte.

En l’espèce, Y______ surveille les parkings de personnes ou de sociétés l’ayant mandatée à cet effet et elle dénonce aux autorités compétentes, les automobilistes ne respectant pas les règles de stationnement. Il s’agit d’une activité effectuée au profit d’un tiers, consistant en la surveillance de biens immobiliers et de leur utilisation. Elle est, dès lors, soumise à autorisation du CES en application des dispositions rappelées ci-dessus.

La recourante se plaint d’une inégalité de traitement, en particulier avec les concierges employés par les régies qui sont habilités à surveiller les parkings des immeubles qu’ils entretiennent et à dénoncer les contrevenants sans que leur activité ne soit soumise à autorisation concordataire.

Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’article 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 118 Ia 1 consid. 3 p. 2-3 et arrêts cités ; ATA/530/2007 du 16 octobre 2007).

Contrairement à ce qu’elle soutient, la situation de la recourante, voire celle de ses employés, n’est pas assimilable à celle des concierges surveillant un parking pour le compte d’une régie. Comme le relève l’autorité intimée, les concierges sont des salariés, payés pour surveiller, entretenir et nettoyer un ou plusieurs bâtiments. Les tâches qu’ils effectuent sont réalisées au profit direct de leur employeur. L’article 5 CES n’institue pas une exception uniquement lorsque la personne physique ou morale au profit de qui l’activité est exercée est propriétaire du bien surveillé ; cette exception est aussi applicable lorsque la personne en question dispose du bien en qualité de locataire, de régisseuse ou autre.

En dernier lieu, le Tribunal administratif relèvera que l’habilitation délivrée par l’OCM ne modifie en rien ce qui précède. Il ressort des pièces produites que cette habilitation n’a pas été délivrée à la recourante, mais bien au « comité central du Z______ », soit à l’exploitant du centre commercial concerné, avant même la création de la société recourante.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Un émolument de procédure de CHF 1’500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 octobre 2007 par Y______ et Monsieur P______ contre la décision du département des institutions du 4 octobre 2007 ;


au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de Y______ et M. P______ ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal Rytz, avocat de la recourante ainsi qu’au département des institutions.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste  adj. :

 

 

M. Tonossi

 

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :