Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1493/2018

ATA/1236/2018 du 20.11.2018 ( MARPU ) , REJETE

Descripteurs : MARCHÉS PUBLICS ; APPEL D'OFFRES(MARCHÉS PUBLICS) ; PROCÉDURE D'ADJUDICATION ; LÉGALITÉ ; PROCÉDURE OUVERTE ; ADJUDICATION(MARCHÉS PUBLICS) ; SOUMISSIONNAIRE ; ÉGALITÉ DE TRAITEMENT
Normes : AIMP.1.ala; AIMP.3.alb; AIMP.11.ala; AIMP.14.al1; AIMP.18.al2; RMP.16; RMP.43.al3; RMP.46
Parties : INDUNI & CIE SA / PERRIN FRERES SA, CONSORTIUM SOGECA SA & BELLONI, VILLE DE LANCY
Résumé : Dès lors que l''appel d''offres mentionne que le marché est divisé en deux lots et que ces derniers sont jugés séparément, il ne peut être tenu compte d'un rabais combiné applicable qu''en cas d''adjudication conjointe des deux lots. Tel que mentionné dans l''appel d''offres, les références de chacune des entreprises formant le consortium ont été prises en compte. Le pouvoir adjudicateur a agi dans les limites de son pouvoir d''appréciation en ce qui concerne la notation de ce critère. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1493/2018-MARPU ATA/1236/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 novembre 2018

 

dans la cause

 

INDUNI & CIE SA

contre

VILLE DE LANCY
représentée par Me Bertrand Reich, avocat

et

PERRIN FRÈRES SA, appelée en cause
représentée par Me Gilles Davoine, avocat

et

CONSORTIUM SOGECA SA & BELLONI SA, appelés en cause

 



EN FAIT

1) Le 23 janvier 2018, la commune de Lancy (ci-après : la commune) a soumis les marchés « réalisation de collecteurs eaux usées et eaux claires et bassin de rétention, étape 1 et étape 2 » du quartier des Semailles à un appel d’offres, en procédure ouverte, non soumis aux accords internationaux. Le marché était séparé en deux étapes. Les travaux étaient prévus de juillet à décembre 2018 pour la première étape et de janvier à décembre 2019 pour la seconde. Les critères de pondération annoncés étaient les suivants :

- prix : 45 %

- organisation de base du soumissionnaire : 10 %

- référence du soumissionnaire : 10 %

- organisation pour l’exécution du marché : 18 %

- qualité technique de l’offre : 17 %

Le délai pour le dépôt des offres était fixé au 23 février 2018.

Le marché était divisé en deux lots, sans obligation de présenter une offre pour tous les lots. L’examen des offres et l’adjudication du marché intervenaient par lot, sans exclure qu’un soumissionnaire puisse obtenir les deux lots s’il se trouvait être économiquement le plus avantageux pour les deux lots jugés séparément (3.18 de l’appel d’offres).

2) Huit entités ont soumissionné, pour chacun des deux marchés, dans les délais, dont Induni & Cie SA (ci-après : Induni), Perrin Frères SA (ci-après : Perrin Frères), le consortium Sogeca SA et Belloni SA (ci-après : le consortium).

3) Par deux décisions distinctes du 20 avril 2018, la commune a décidé de ne retenir les offres d’Induni pour aucun des deux marchés.

L’étape 1 était adjugée au consortium pour un montant toutes taxes comprises (ci-après : TTC) de CHF 2'916'702.10. L’offre d’Induni se montait à CHF 3'024'586.15.

L’étape 2 était adjugée à Perrin Frères pour un montant TTC de CHF 3'594'565.-. L’offre d’Induni se montait à CHF 3’655'184.80.

Le tableau des critères était annexé à chacune des deux décisions. Il en ressortait les éléments suivants :


 

Étape 1 :

 

Prix

Organisation

Références

Exécution du marché

Qualité technique

Total des points / Rang

 

Note

Points

Note

Points

Note

Points

Note

Points

Note

Points

 

Induni

4.21

189.4

3.75

37.5

4.00

40.00

3.00

54.00

3.65

62.00

382.90/2ème

Perrin

3.94

177.2

4.00

40.00

3.30

33.00

2.67

48.00

3.41

58.00

356.20/4ème

Consortium

4.64

208.6

3.25

32.50

3.30

33.00

3.00

54.00

3.24

55.00

383.10/1er

 

Étape 2 :

 

Prix

Organisation

Références

Exécution du marché

Qualité technique

Total des points /

Rang

 

Note

Points

Note

Points

Note

Points

Note

Points

Note

Points

 

Induni

4.05

182.2

3.75

37.50

4.00

40.00

3.00

54.00

3.59

61.00

374.70/2ème

Perrin

4.23

190.2

4.00

40.00

3.30

33.00

3.00

54.00

3.59

61.00

378.20/1er

Consortium

4.44

200.0

3.25

32.50

3.30

33.00

3.00

54.00

3.24

55.00

374.50/3ème

 

4) Par acte formé le 4 mai 2018, Induni a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre les décisions du 20 avril 2018. Elle a conclu à l’annulation des deux décisions et à ce que les deux marchés lui soient adjugés.

L’effet suspensif devait être octroyé. La commune devait produire l’intégralité des dossiers d’appels d’offres du consortium. Induni devait être autorisée à produire des pièces complémentaires après la production du dossier. La notation du critère de son prix, tant pour l’étape 1 que 2 était erronée. Le pouvoir adjudicateur avait divisé les prestations en plusieurs lots. Il s’était réservé la possibilité d’attribuer tous les lots à un seul soumissionnaire et avait admis les rabais. Elle avait proposé des prix nets TTC pour les étapes 1 et 2, respectivement pour chacune des étapes avec un rabais de 2 %. Or, elle avait offert un rabais supplémentaire en cas d’adjudication simultanée des lots de 3 %, soit un rabais total de 5 % représentant CHF 316'438.85, qui n’avait pas fait l’objet d’une évaluation. Or, en tenant compte du rabais de 5 % tant pour l’étape 1 que pour l’étape 2, elle était placée au premier rang pour chacun des deux marchés.

La notation du critère « Références du soumissionnaire » du consortium avait été mal évaluée pour le consortium. Le consortium en tant que tel n’avait aucune référence pour les travaux objets des marchés en cause. Seules les entreprises individuellement pouvaient produire des références en fonction des travaux que chacune d’entre elles exécuterait, à savoir vraisemblablement, pour Sogeca SA, les collecteurs et pour Belloni SA, le bassin de rétention.

5) Par décision du 8 mai 2018, le consortium et Perrin Frères ont été appelés en cause.

6) Le 22 mai 2018, la commune a conclu au rejet de la demande de restitution d’effet suspensif. Il était exact qu’elle n’avait pas tenu compte du rabais supplémentaire de 3 % proposé en cas d’adjudication conjointe des deux lots. Seul le rabais de 2% offert pour chaque lot avait été pris en compte, conformément aux conditions claires de l’appel d’offres. Celui-ci indiquait qu’elle jugerait les offres par lot et non globalement. Cette démarche était la seule qui ouvrait l’éventail des soumissionnaires potentiels en autorisant la présentation d’une offre pour un des deux lots et non pas nécessairement pour les deux lots. Pour permettre au plus grand nombre possible d’entreprises de présenter une offre, il leur avait été accordé de ne soumissionner que pour un lot. Le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires commandait que chaque offre soit jugée de la même manière, autrement dit en fonction de chaque lot.

Concernant le critère « Références du soumissionnaire », la recourante substituait sa propre appréciation à celle de l’autorité adjudicatrice.

7) Perrin Frères s’en est rapportée à justice, tout en insistant sur l’urgence d’une décision.

8) Le consortium ne s’est pas déterminé.

9) Le 31 mai 2018, Induni a persisté dans ses conclusions sur effet suspensif. L’urgence alléguée devait être relativisée. Les autorisations de construire nécessaires n’avaient pas encore été délivrées et étaient sujettes à recours.

Il était faux de retenir que tenir compte du rabais supplémentaire en cas d’adjudication conjointe privilégierait les entreprises qui auraient la capacité théorique et la disponibilité effective nécessaires pour assurer les deux marchés au détriment d’entreprises qui ne pourraient assurer qu’un seul lot. À suivre la commune, il faudrait pénaliser les entreprises qui soumissionneraient aux deux marchés. De surcroît, toutes les parties concernées par le présent litige avaient fait des offres pour les deux étapes. Le pouvoir adjudicateur ne contestait pas qu’en tenant compte du rabais global de 5 %, la recourante arrivait au premier rang dans chacun des deux marchés. De surcroît, les différences de points entre elle-même et les adjudicataires étaient minimes : 0,04 % pour l’étape 1 et 0.7 % pour l’étape 2.

Un début des travaux avant le 15 août 2018 n’était pas envisageable. Pour le surplus, l’urgence alléguée était « auto-provoquée » par la commune et ne saurait être prise en compte. Un intérêt public consistait dans le gain, pour la commune, de CHF 35'978.90 d’économies, grâce aux rabais de 5 % sur chacune des deux offres de la recourante si les marchés lui étaient au final adjugés.

L’annexe « Q8 modifié » du consortium, relative aux références citées par le consortium, ne devait pas être soustraite à la consultation. Un bref délai supplémentaire devait lui être accordé pour se déterminer.

10) Par décision du 4 juin 2018, la chambre administrative a refusé de restituer l’effet suspensif au recours.

Rien n’obligeait, prima facie, l’autorité adjudicatrice à tenir compte du rabais combiné de 5 %, dès lors que le cahier des charges précisait que chacun des lots était jugé séparément.

Le grief de la recourante selon lequel la notation du critère « références du soumissionnaire » avait été mal évaluée pour le consortium ne pouvait pas, de prime abord, être retenu. En effet, il apparaissait que la recourante substituait sa propre appréciation à celle du pouvoir adjudicateur.

La consultation de la pièce « Q8 modifiée » était autorisée afin que la recourante puisse se prononcer sur son contenu dans son mémoire de réplique au fond.

11) Les contrats entre la commune et Perrin Frères et entre la commune et le consortium ont été signés respectivement par les adjudicataires le 19 et par la commune le 22 juin 2018.

12) Dans sa réponse au fond du 29 juin 2018, Perrin Frères s’en est remise à l’appréciation de la chambre administrative concernant les griefs de la recourante. Elle ne serait pas directement touchée par les conséquences de la décision de la chambre administrative, dès lors que le contrat avec la commune avait été conclu et que seule cette dernière pourrait devoir répondre d’une indemnité en dommages et intérêts en faveur de la recourante.

13) Le 29 juin 2018, la commune a conclu au rejet du recours, et à ce que les pièces confidentielles, telles les offres, leurs annexes et les procès-verbaux d’évaluation soient soustraites à la vue des parties.

En certifiant avoir pris connaissance des conditions de la procédure et en avoir accepté le contenu sans réserve, la recourante ne pouvait plus contester les critères d’évaluation du prix choisis par l’intimée. Si elle voulait faire part de ses contestations, elle devait le faire dans le cadre d’un recours contre l’appel d’offres, avant que la décision d’adjudication ne soit prise.

De même, si la recourante entendait contester les modalités de prise en compte des références des associations d’entreprise, elle devait le faire dans le cadre d’un recours contre l’appel d’offres. Or, elle ne l’avait pas fait, de sorte qu’elle était forclose.

14) Dans sa réplique du 6 août 2018, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Quand bien même l’évaluation s’effectuait pour chaque lot séparément, la commune devait tenir compte du rabais supplémentaire de 3 % dans l’appréciation individuelle de chaque lot. Elle ne l’avait pas fait, de sorte que l’adjudication des lots était illicite.

Le consortium n’avait aucune référence en tant que consortium pour les travaux objets du marché en cause. Par ailleurs, plusieurs références produites au dossier du consortium ne correspondaient pas aux travaux à effectuer pour le marché en cause et ne répondaient pas aux compétences utiles au marché. Certaines références ne mentionnaient pas le nom des contremaîtres ou techniciens de chantier, ce qui constituait des éléments indispensables pour évaluer l’organigramme de la soumission. Ces références devaient par conséquent être écartées et le consortium devait se voir attribuer la note de 0 ou 1 pour le critère des références.

Après l’adjudication de l’étape 2 du marché à Perrin Frères, des négociations entre cette dernière et la commune avaient eu lieu. Il en avait résulté une réduction du prix de CHF 115'759.-. Dès lors qu’aucune modification des prestations n’était constatée, cette réduction du prix devait être assimilée à une négociation intervenue après la décision d’adjudication, ce qui constituait une grave violation de la législation sur les marchés publics. Il n’était pas exclu que le contrat conclu avec le consortium ait également fait l’objet d’une négociation portant sur son prix postérieurement à la décision d’adjudication. Les contrats devaient être annulés avec effet immédiat et adjugés à la recourante.

Au vu du caractère illicite des deux décisions d’adjudication, la recourante devait obtenir la réparation de son dommage, soit les dépenses engagées par les deux procédures de soumission et de recours, s’élevant à CHF 12'400.-.

15) Dans ses déterminations complémentaires du 20 août 2018, la commune a persisté dans ses conclusions. Elle contestait toute violation de l’interdiction des négociations.

Si les décisions d’adjudication étaient déclarées illicites, le dommage que pouvait réclamer la recourante se limitait à la réparation des impenses engagées dans la procédure de soumission. Ce n’était pas le montant auquel elle facturerait à un tiers les prestations de ses collaborateurs dont il devait être tenu compte, mais bien le coût horaire brut de ses collaborateurs.

Le montant du contrat avec Perrin Frères était inférieur à celui du marché. Ceci était dû au fait que les prestations relatives aux raccordements privés avaient été mises en concurrence, s’agissant d’inviter les soumissionnaires à proposer un prix compétitif également pour la partie du projet à charge des propriétaires privés, concernant les raccordements du bâti actuel. Il ressortait de la pièce 2 ch. 2.4 des conditions particulières à l’ouvrage que la recourante le savait et n’avait pas recouru contre l’appel d’offres. Le pouvoir adjudicateur avait renoncé à cette partie des prestations, lesquelles n’avaient pas à être prises en charge par la collectivité, raison pour laquelle, elles n’avaient pas été intégrées dans le contrat conclu avec l’adjudicataire.

16) Perrin Frères a relevé que le temps consacré à l’élaboration de l’offre était supérieur à la moyenne.

17) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 15 al. 1, 1bis let. d et 2 de l’Accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05- ; art. 3 al. 1 de la loi du 12 juin 1997 autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 55 let. c et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01 ; art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2) a. Le contrat ayant été conclu avec l’adjudicataire (art. 14 al. 1 AIMP et
46 RMP), se pose la question de l’intérêt digne de protection de la recourante au maintien du recours.

b. La qualité pour recourir appartient à toute personne touchée directement par une décision et ayant un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (art. 60 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). Tel est le cas de celle à laquelle la décision attaquée apporte des inconvénients qui pourraient être évités grâce au succès du recours, qu’il s’agisse d’intérêts juridiques ou de simples intérêts de fait (ATA/322/2018 du 10 avril 2018 et les références citées).

En matière de marchés publics, l’intérêt actuel du soumissionnaire évincé est évident tant que le contrat n’est pas encore conclu entre le pouvoir adjudicateur et l’adjudicataire, car le recours lui permet d’obtenir la correction de la violation commise et la reprise du processus de passation. Mais il y a lieu d’admettre qu’un soumissionnaire évincé a aussi un intérêt actuel au recours lorsque le contrat est déjà conclu avec l’adjudicataire, voire exécuté, car il doit pouvoir obtenir une constatation d’illicéité de la décision pour pouvoir agir en dommages-intérêts (art. 18 al. 2 AIMP ; art. 3 al. 3 L-AIMP ; ATF 137 II 313 consid. 1.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_24/2017 du 14 mai 2018 consid. 2.2.1 ; ATA/490/2017 du 2 mai 2017 et les références citées). Le recourant qui conteste une décision d’adjudication et déclare vouloir maintenir son recours après la conclusion du contrat conclut, au moins implicitement, à la constatation de l’illicéité de l’adjudication, que des dommages-intérêts soient réclamés ou non (arrêt du Tribunal fédéral 2P.307/2005 du 24 mai 2006 consid. 2).

c. En l’espèce, les contrats entre la commune intimée et les adjudicataires ont été conclus les 19 et 22 juin 2018. En tant que soumissionnaire exclue, la recourante conserve toutefois un intérêt juridique à faire annuler les décisions litigieuses afin d’être réintégrée dans la procédure d’adjudication, son recours lui permettant d’obtenir une éventuelle indemnisation. Le recours est par conséquent également recevable de ce point de vue.

3) Dans un premier grief, la recourante conteste l’évaluation du critère d’adjudication du prix, effectuée par le pouvoir adjudicateur. Elle reproche au pouvoir adjudicateur de ne pas avoir tenu compte du rabais supplémentaire de 3% qu’elle offrait en cas d’adjudication simultanée des deux lots. Si tel avait été le cas, la recourante estime que les marchés pour l’étape 1 et pour l’étape 2 auraient dû lui être attribués.

4. a. Aux termes de l’art. 43 al. 3 RMP, le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l'offre économiquement la plus avantageuse, c'est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix. Outre le prix, les critères suivants peuvent notamment être pris en considération : la qualité, les délais, l'adéquation aux besoins, le service après-vente, l'esthétique, l'organisation et le respect de l'environnement.

L’accord intercantonal sur les marchés publics a notamment pour objectif de garantir l’égalité de traitement à tous les soumissionnaires et d’assurer l’impartialité de l’adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP). Lors de la passation de marchés, les principes de non-discrimination et de l’égalité de traitement de chaque soumissionnaire doivent être respectés (art. 11 let. a AIMP).

b. En l’état, le Tribunal fédéral n’a pas eu à se prononcer sur la question d’un rabais supplémentaire.

Dans un arrêt 2A 02 92 datant du 29 octobre 2002, le Tribunal administratif du canton de Fribourg, appelé à trancher un cas similaire, a jugé que l’adjudicateur devait tenir compte du rabais supplémentaire dans l’appréciation individuelle de chaque offre. Il a retenu que si, pour chaque lot, l’offre avec ce rabais s’avérait la plus avantageuse, l’adjudication simultanée des deux lots devait être prononcée en faveur du soumissionnaire ayant présenté le rabais spécial. En revanche, si pour un des deux lots, ce soumissionnaire ne présentait pas l’offre la plus avantageuse, il convenait alors d’écarter le rabais spécial de toute l’appréciation, puisque la condition posée à son octroi n’était pas remplie.

c. Si certains auteurs refusent les rabais combinés lors de l’adjudication de lots individuels (Peter GALLI/André MOSER/Elisabeth LANG/Marc STEINER, Praxis des öffentlichen Beschaffungsrechts, 2013, no 882), une partie de la doctrine soutient que cette conception paraît contraire au but premier des marchés publics, soit l’affectation optimale des ressources, précisément dans le cas où les offres combinées sont les meilleures pour chaque lot (Jean-Baptiste ZUFFEREY, Les grandes nouveautés, en particulier dans la réglementation, Aktuelles Vergaberecht 2016 / Marchés publics 2016, 2016, no 3 ; Denis ESSEIVA, Droit de la construction, DC 2003, p. 61).

Le principe de l’égalité de traitement entre soumissionnaires oblige l’autorité adjudicatrice à traiter de manière égale les soumissionnaires tout au long du déroulement formel de la procédure (art. 16 RMP ; ATA/1005/2016 du 29 novembre 2016 consid. 3 ; ATA/51/2015 du 13 janvier 2015 et la jurisprudence citée ; Jean-Baptiste ZUFFEREY/Corinne MAILLARD/Nicolas MICHEL, Droit des marchés publics, 2002, p. 109 ; Benoît BOVAY, La
non-discrimination en droit des marchés publics, RDAF 2004, p. 241 ss).

d. En l’espèce, le chiffre 3.18 de l’appel d’offres mentionne que le marché est divisé en lots. Il précise : « Le soumissionnaire n’a pas l’obligation de donner une offre pour tous les lots. Le soumissionnaire peut donc choisir le ou les lots pour lesquels il déposera une offre. Le cas échéant, le soumissionnaire le mieux placé par lot, après l’évaluation des offres selon les critères fixés, se le verra attribué. Un soumissionnaire peut donc obtenir deux lots, s’il se trouve être économiquement le plus avantageux sur les deux lots jugés séparément. ».

Le pouvoir adjudicateur a fait le choix d’examiner séparément les deux lots du marché, bien qu’ils soient contenus dans un seul appel d’offres. Elle l’a clairement indiqué dans l’appel d’offres. Or la recourante n’a pas souhaité poser de questions sur la façon dont pourrait éventuellement être pris en compte un rabais supplémentaire. Elle n’a surtout pas contesté l’appel d’offres. Ce faisant, elle a accepté que les deux lots soient jugés séparément. Elle est en conséquence forclose à contester au moment de l’adjudication que les évaluations soient distinctes et qu’il ne soit pas tenu compte du rabais supplémentaire.

Cette démarche avait pour but d’accroître le nombre de soumissionnaires potentiels, ouvrant le marché à des acteurs n’ayant la capacité de soumissionner que pour un seul lot. Tel que précisé dans le chiffre 3.18 de l’appel d’offres et en vertu du principe de l’égalité de traitement entre les soumissionnaires, chaque lot devait être jugé de manière indépendante. L’inverse reviendrait à favoriser les soumissionnaires ayant présenté une offre simultanée pour les deux lots, de façon contraire à l’appel d’offres. Le fait que toutes les entreprises aient soumissionné pour les deux lots n’est toutefois pas pertinent.

Ce point distingue la présente situation du cas tranché par le Tribunal cantonal fribourgeois, dont l’appel d’offres n’avait pas précisé expressément que les lots seraient jugés séparément.

De surcroît, chaque entreprise avait la liberté de présenter une offre pour un seul lot ou deux offres. En proposant un rabais combiné en cas d’adjudication conjointe des deux lots, la recourante a pris le risque que le pouvoir adjudicateur ne tienne pas compte du rabais supplémentaire qu’elle offrait de façon conditionnelle. Elle ne pouvait en effet pas ignorer que chaque lot était jugé séparément, l’appel d’offres l’indiquant expressément. Dès lors que cette précision avait été faite et qu’elle était connue des soumissionnaires, l’intimée ne pouvait pas tenir compte de rabais combinés requérant une analyse simultanée des deux lots. Si la recourante avait voulu qu’il soit tenu compte du rabais de 5 %, il lui appartenait de faire une offre comprenant ledit rabais pour chaque lot indépendamment. Dès lors que la recourante ne mentionnait qu’un rabais de 2 % sur chaque lot, c’est à bon droit que le pouvoir adjudicateur n’a pas tenu compte du rabais combiné de 5 % applicable aux deux lots simultanément.

Partant, aucune violation du droit de la part du pouvoir adjudicateur n’est constatée sur ce point, de sorte que le grief de la recourante sera écarté.

5. a. La recourante conteste en second lieu l’évaluation des références du consortium, qui devrait, selon elle, porter sur les références du consortium et non pas sur celles de chacune des entreprises la composant.

Ce grief tombe à faux. L’annexe « Q8 modifiée », dont l’utilisation était préconisée par l’appel d’offres, précisait qu’en cas d’association d’entreprises, les trois premières références de chaque entreprise étaient évaluées.

Dans le respect du droit d’être entendu de la recourante, accès lui a en conséquence été donné par la chambre de céans à l’annexe Q8 modifiée de l’adjudicataire.

Le fait que la recourante ait utilisé l’annexe Q8, qui ne comprend pas cette mention, et non celle fournie par le pouvoir adjudicateur, explique peut-être sa méprise.

b. Dans le cadre de sa réplique et après production de l’annexe « Q8 modifiée » telle que remplie par le consortium, la recourante a émis des griefs à l’encontre de chacune des six références produites par le consortium. Elle a conclu à ce que chacune des références soient écartées, notamment du fait que le consortium n’aurait pas répondu à une question concernant ces références. Elle a également contesté la note de 3,3 attribuée au consortium et conclu à ce qu’elle soit fixée à 0 voire 1.

Ce faisant, la recourante prend exclusivement des conclusions en diminution de la note de son concurrent et ne critique pas sa propre évaluation. La recevabilité de telles conclusions souffrira de rester indécise compte tenu de ce qui suit.

La recourante reprend en détail chacune des références et émet des critiques techniques, considérant que certaines d’entre elles ne portent pas sur les travaux concernés par l’appel d’offres, critiquant les montants évoqués comme références et estimant que certaines précisions quant aux noms des contremaîtres et techniciens du chantier manquent.

L’allégation selon laquelle le consortium n’aurait pas répondu à une question concernant ses références doit être écartée, dès lors que l’adjudicataire renvoie systématiquement à une fiche, jointe à chaque référence.

La recourante substitue en outre sa propre appréciation à celle du pouvoir adjudicateur, ce qui n’est pas acceptable. Ce dernier a considéré que les six fiches produites répondaient à ses exigences en termes de contenu, de précisions, y compris à la question litigieuse : « décrivez les mesures et/ou les compétences appliquées ». Les deux sociétés membres du consortium ont chacune produit trois fiches détaillées, représentant douze feuilles au total dont deux recto-verso. Elles comprennent de nombreux détails, notamment techniques et sont agrémentées de photos. Certes, les annexes Q8 produites par la recourante sont plus détaillées. Elle a toutefois obtenu la note de 4, soit une note selon le guide romand pour les marchés publics applicable en l’espèce « bonne et avantageuse » et qui indique que les références présentaient « un minimum d’avantages particuliers par rapport aux autres candidats, ceci sans tomber dans la surqualité ou la surqualification ». À l’inverse, l’adjudicataire s’est vu infliger une note de 3,3 soit juste au-dessus du suffisant, à savoir que « le contenu répond[ait] aux attentes minimales, mais ne présent[ait] aucun avantage particulier ». La différence de points est infime, l’adjudicataire ayant obtenu, au total 383,1 et la recourante 382,9. Toutefois, les conditions particulières à l’ouvrage de la seule étape 1 consistent en quarante pages de description technique. L’infime écart de points entre les totaux obtenus par les parties démontre que l’adjudicateur a fait un travail fouillé et détaillé pour départager les soumissionnaires. Or, en matière d’évaluation des offres, la jurisprudence reconnaît une grande liberté d’appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 consid. 6), l’appréciation de la chambre administrative ne pouvant donc se substituer à celle de ce dernier, seul l’abus ou l’excès de pouvoir d’appréciation devant être sanctionné (ATF 130 I 241 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_418/2014 du 20 août 2014 consid. 4.1). En attribuant la note de 4 à la recourante, le pouvoir adjudicateur a agi dans les limites de son pouvoir d’appréciation, ce que celle-ci ne conteste au demeurant pas. En attribuant la note de 3,3 à l’adjudicataire, le pouvoir adjudicateur a aussi agi dans les limites de son pouvoir d’appréciation, sans abus ni excès de celui-ci.

La décision d’adjudication étant conforme au droit, le recours sera rejeté.

6. Les conclusions nouvelles en résiliation des contrats avec effet immédiat, au motif que leurs montants seraient moindres que les offres retenues, sont infondées, pour autant qu’elles soient recevables. La recourante n’a pas contesté l’appel d’offres qui mentionnait qu’une partie du projet était à la charge de propriétaires privés.

7. Les contrats d'adjudication ayant été signés, le consortium et Perrin Frères, qui n'ont plus d'intérêt au litige (art. 71 al. 1 LPA), seront mis hors de cause.

8. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'300.-, prenant en compte le coût de la procédure sur effet suspensif, sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA).

Une indemnité de procédure de CHF 1500.- sera allouée à Perrin Frères SA, qui y a conclu, à charge de la recourante. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à l’intimée, qui est dotée d’un service juridique, ni au consortium, qui n'a pas été assisté d'un mandataire professionnel et ne prouve pas avoir assumé des dépenses particulières pour la défense de ses intérêts (art. 87 al. 2 LPA ; ATF 129 II 297 consid. 5 ; ATA/392/2014 du 27 mai 2014 consid. 3g).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

préalablement :

met hors de cause Sogeca SA et Belloni SA, en consortium, et Perrin Frères SA

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 mai 2018 par Induni & Cie SA contre la décision de la Ville de Lancy du 20 avril 2018 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'300.- à la charge de Induni & Cie SA ;

alloue à Perrin Frères SA une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à la charge d’Induni & Cie SA ;

dit qu’il n’est alloué d’indemnité de procédure ni à Sogeca SA et Belloni SA, en consortium, ni à la Ville de Lancy ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Induni & Cie SA, à Me Bertrand Reich, avocat de la Ville de Lancy, à Me Gilles Davoine, avocat de Perrin Frères SA ainsi qu’au consortium Sogeca SA & Belloni SA et à la commission de la concurrence.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Thélin, Mme Junod, M. Pagan, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.


 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :