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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1130/2014

ATA/117/2015 du 27.01.2015 ( AIDSO ) , REJETE

Descripteurs : AIDE FINANCIÈRE ; ACTIVITÉ LUCRATIVE INDÉPENDANTE ; DOMICILE ; FAUSSE INDICATION
Normes : Cst.12 ; LIASI.11.al1 ; LIASI.23.al5 ; LIASI.32.al1 ; LIASI.35.al1.leta ; LIASI.35.al1.letd ; RIASI.1.al1
Résumé : L'hospice est en droit de mettre fin à l'aide financière ordinaire du recourant dans la mesure où ce dernier n'a pas sa résidence effective à Genève. Le fait d'avoir caché des informations à l'hospice (contrat de bail concernant un appartement en France) est déjà à lui seul un motif suffisant pour mettre un terme à l'aide financière. Son statut d'indépendant ainsi que le montant de sa fortune sont d'autres éléments l'empêchant de bénéficier de cette aide.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1130/2014-AIDSO ATA/117/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 janvier 2015

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL

 



EN FAIT

1. Monsieur A______, né le ______ 1981, de nationalité guinéenne, est officiellement domicilié à l’avenue B______ à Thônex depuis le mois d'octobre 2007.

2. Le 13 décembre 2012, M. A______ a complété et signé une « Demande de prestations d'aide sociale financière » auprès de l'Hospice général (ci-après : l'hospice).

Il a indiqué comme adresse l’avenue B______ à Thônex. Dans la rubrique consacrée à une activité indépendante, il a coché la case « non », ainsi qu'en réponse aux questions suivantes : bénéfice provenant d'une activité indépendante, déficit provenant de cette activité, vente d'entreprise, inscription au registre du commerce (ci-après : RC). Il a également répondu par la négative à la question de savoir s'il était titulaire d'autres baux à loyer.

3. Le même jour, M. A______ a signé le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général », aux termes duquel il s'est notamment engagé à donner immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaire à l'établissement de sa situation personnelle, familiale et économique tant en Suisse qu'à l'étranger, en particulier toute information sur toute forme de revenu ainsi qu'à informer immédiatement et spontanément l'hospice de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant de ses prestations d'aide financière, notamment de toute modification de sa situation personnelle, familiale et économique, tant en Suisse qu'à l'étranger.

4. Lors de son entretien d'accueil au centre d'action sociale des Trois-Chêne (ci-après : CAS des Trois-Chêne) du même jour, il a exposé être divorcé, vivre seul à l’avenue B______ à Thônex, être sans ressources à la suite de la mise en faillite en juillet 2012 de sa société de transfert de fonds et de bureau de change, n'avoir pas droit à des indemnités de chômage étant indépendant, avoir épuisé ses économies, avoir un important arriéré de cotisations d'assurance maladie et n'avoir pas été en mesure de payer son dernier loyer.

M. A______ souhaitait pouvoir bénéficier d'une aide au retour en emploi car il pensait être sur le point d'en trouver un.

5. Le 19 décembre 2012, l'enquête d'ouverture de dossier a été livrée par le service des enquêtes de l'hospice.

Elle a notamment mis en évidence que M. A______ était inscrit au RC de Genève en tant qu'associé gérant avec signature individuelle de C______ (ci-après : C______), dont la faillite avait été prononcée par jugement du Tribunal de première instance du 18 juillet 2012, ainsi qu'associé gérant président avec signature individuelle de D______ Sàrl (ci-après : la société) dont il détenait dix parts de CHF 1'000.- chacune. Le but de cette société était l'« import-export et [le] commerce de tous biens et notamment de métaux précieux ».

6. Lors de l'entretien du 20 décembre 2012 avec l'assistante sociale chargée du dossier de M. A______, cette dernière lui a expliqué l'impossibilité, en tant qu'associé gérant président de la société, de bénéficier d'une aide financière ordinaire. Il pouvait uniquement bénéficier d'une aide financière exceptionnelle, limitée à trois mois, pour personnes exerçant une activité indépendante.

Ces conditions ont été rappelées à M. A______ par courrier du 20 décembre 2012.

Comme M. A______ a indiqué que la société n'était plus en activité, il lui a été demandé de fournir tout document en attestant.

7. Le 26 avril 2013, M. A______ a déclaré à l'assistante sociale chargée de son dossier que la faillite de la société allait prochainement être prononcée et que pour cette raison, la fiduciaire n'avait plus établi de bilan et de compte de pertes et profits pendant les deux années écoulées.

Il s'est cependant engagé à présenter les documents comptables des années précédentes.

8. Le 23 mai 2013, les Services industriels de Genève ont informé l'assistante sociale de la prochaine coupure de l'électricité dans l'appartement de Thônex de M. A______, en raison d'un arriéré de factures impayées de CHF 527.80. L'assistante sociale n'a pas réussi à joindre M. A______ en vue de trouver une solution.

L'assistante sociale a réitéré sa demande de production des documents comptables de la société, ainsi que de la preuve de la prochaine mise en faillite de celle-ci.

9. Par courriel du 4 juin 2013, M. A______ a expliqué à l'assistante sociale que la société n'ayant jamais « fonctionné », il ne pouvait produire aucun bilan. Il a également précisé que, dès sa création, la société avait eu des soucis avec la brigade financière. Il n'y avait plus d'argent pour la faire fonctionner.

10. Le 11 juin 2013, M. A______ ne s'est pas présenté au rendez-vous fixé par son assistante sociale. Il a téléphoné le même jour pour s'excuser, expliquant devoir se rendre d'urgence à l'hôpital en France avec sa compagne dont le bébé à naître présentait un problème de santé.

11. Par téléphone du 28 juin 2013, l'assistante sociale a réaffirmé à M. A______ que l'hospice ne pouvait lui verser de prestations tant qu'il n'avait pas fourni les documents réclamés au sujet de la société.

12. Le 4 juillet 2013, M. A______ a appelé l'assistante sociale pour l'informer qu'il ne pouvait venir au rendez-vous du même jour en raison de sa présence à Lyon auprès de sa compagne qui venait d'accoucher d'un petit garçon.

13. Lors de l'entretien du 11 juillet 2013, M. A______ a exposé que son enfant était hospitalisé avec sa mère à Lyon car il était atteint d'une malformation cardiaque. Pour cette raison, il effectuait des allers-retours entre Genève et Lyon.

14. Le 12 juillet 2013, au vu de sa situation, l'assistante sociale a accepté de remettre à M. A______ la prestation d'aide financière du mois de juillet 2013, sans attendre la remise des documents relatifs à la société.

15. Par téléphone du 7 août 2013, M. A______ a indiqué qu'il apporterait le lendemain un document établi par un avocat, attestant que la société était sur le point d'être mise en faillite.

16. Le 13 août 2013, le CAS des Trois-Chêne a reçu une lettre d'un avocat, précisant qu'en juin 2009, M. A______ avait fondé la société D______ Sàrl dont le siège social était 29, rue E______, 1201 Genève. Selon l'avocat, la société avait été sérieusement contrariée dans la marche de ses affaires, et M. A______ lui avait certifié qu'elle n'était même, depuis longtemps, plus en activité du tout.

Elle apparaissait avoir plusieurs créanciers impayés, dont l'administration fiscale cantonale, laquelle avait obtenu un jugement de mainlevée définitive en avril 2013 (JTPI/1______) et devait par conséquent être en mesure d'obtenir la mise en faillite de la société à brève échéance.

17. Le 6 septembre 2013, M. A______ ne s'est pas présenté à l'entretien auquel il avait été convoqué.

18. Le 10 septembre 2013, l'assistante sociale a, à nouveau, réclamé les documents comptables de la société ou à défaut, une lettre de la fiduciaire attestant qu'elle n'avait pu établir de bilan et de compte de pertes et profits.

19. Le 3 octobre 2013, l'assistante sociale a essayé de joindre M. A______ sans succès, tant sur sa ligne de téléphone fixe que sur celle de son téléphone portable.

20. Le 4 octobre 2013, M. A______ n'est pas venu au CAS des Trois-Chêne le matin comme prévu, mais en fin d'après-midi.

Comme il a assuré que les documents réclamés seraient remis la semaine suivante, l'assistante sociale a fait le nécessaire pour qu'il obtienne les prestations du mois d'octobre 2013.

21. Dans le courant du mois d'octobre 2013, M. A______ a remis une attestation établie le 2 octobre 2013 par F______ formulée ainsi : « Nous soussignés, agissant en qualité de bureau comptable et fiduciaire mandaté pour le compte de la société D_____ Sàrl, sise avenue B______, 1226 Thônex, attestons par la présente, que ladite société n'a jamais eu d'activité depuis sa création à ce jour. En conséquence, il n'y a pas de comptabilité, ni salaire versé. La société est donc sans activité, dite dormante, dans l'attente d'être réactivée un jour, ou jamais ».

22. Par courrier valant avertissement du 31 octobre 2013, le CAS des Trois-Chêne a informé M. A______ que s'il ne faisait pas radier sa fonction d'associé gérant président avec signature individuelle de la société avant le 30 novembre 2013, il serait considéré comme une personne exerçant une activité indépendante et à ce titre exclu de l'aide sociale.

Il lui était également rappelé que sa part dans la société de CHF 10'000.- était considérée comme une fortune selon la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04), et son règlement d'application.

23. Le 8 novembre 2013, un contrôleur du service des enquêtes de l'hospice s'est rendu à 8h00 à l’avenue B______ à Thônex. Le frère de M. A______ était présent et l'a informé habiter cet appartement. M. A______ était au travail et rentrait tard le soir.

Selon le concierge, qui connaissait bien M. A______, ce dernier sous-louait l'appartement à son frère, et auparavant à une famille asiatique. M. A______ venait toutefois régulièrement récupérer son courrier et faire des lessives, car il ne disposait pas d'une machine à laver dans l'autre appartement.

24. Le 13 novembre 2013, lors de son passage au CAS des Trois-Chêne, M. A______ a remis une copie d'un courrier de la sécurité sociale de Haute-Savoie, adressé à Madame G______, chez M. A______, ______, rue H______ à Ville-la-Grand, en France.

25. Le 28 novembre 2013, M. A______ a été reçu au CAS des Trois-Chêne par la responsable d'unité et par l'assistante sociale. Ces dernières lui ont expliqué qu'au vu de ce qui précédait, l'hospice devait mettre un terme à l'aide financière qu'il lui allouait.

26. Cette décision a été confirmée à M. A______ par une décision – déclarée exécutoire nonobstant opposition – du 10 janvier 2014 émanant du CAS des Trois-Chêne, et mettant fin au droit à des prestations selon la LIASI avec effet au 1er décembre 2013.

M. A______ n'avait pas de résidence effective à Genève, n'avait pas produit les documents demandés par l'hospice par courrier du 31 octobre 2013 au sujet de son activité au sein de la société et ne lui avait pas communiqué une information importante, soit sa résidence en France.

27. Le 6 février 2014, M. A______ a formé opposition contre cette décision. Il a conclu à la reprise de l'aide financière.

Il ne vivait pas en France mais y était titulaire d'un bail pour permettre à la mère de son enfant, requérante d'asile rencontrée en France en 2011, de disposer d'un logement correct pour elle et leur fils commun. Le bail en question permettait aussi de produire des factures d'électricité et un contrat de bail aux autorités françaises, conditions nécessaires pour pouvoir épouser la mère de son enfant. Il se rendait chez elle lorsqu'il le pouvait mais dormait tous les jours dans son appartement de Thônex.

Né avec une cardiopathie, leur fils, qui avait été opéré à la naissance et allait bientôt subir une nouvelle intervention chirurgicale, avait besoin de vivre dans un logement adéquat.

Il contestait n'avoir pas fourni les documents requis par l'hospice. Il avait expliqué à plusieurs reprises que la société était sans activité depuis août 2010, date à laquelle la société mère C______ dont elle dépendit était « tombée ». Il n'avait pas les moyens de faire radier la société qui constituait un poids pour lui car elle n'avait que des dettes et aucun actif.

28. À l'appui de son opposition, M. A______ n'a pas annexé le document de la fiduciaire attestant de l'inactivité de la société auquel il se référait.

Bien que réclamé par le greffe de l'instance d'opposition par courrier du 13 février 2014, ce document n'a jamais été transmis.

29. Le 13 mars 2014, le directeur de l'hospice a rendu sa décision sur opposition.

Selon la LIASI, avaient droit à des prestations d'aide financière les personnes ayant leur domicile et leur résidence effective sur le territoire de la République et canton de Genève. Il résultait d'un faisceau d'indices, notamment du passage du contrôleur du service des enquêtes de l'hospice en date du 8 novembre 2013 à 8h00, que M. A______ n'avait pas de résidence effective à Genève.

L'argument selon lequel la société n'avait aucune activité et ne générait aucun revenu était dénué de pertinence, puisqu'à teneur de la LIASI, seul comptait le statut d'indépendant, sans égard à l'exercice réel d'une activité ou à la réalisation d'éventuels revenus.

En ce qui concernait les dires de l'avocat, ils ne faisaient que reprendre les déclarations de M. A______.

Quant à l'attestation de F______ du 2 octobre 2013, l'hospice émettait les plus grandes réserves à son sujet, ce d'autant plus qu'elle indiquait une adresse erronée comme siège social de la société.

Si réellement la société n'avait jamais eu la moindre activité, elle aurait sans doute été dissoute. Il n'y avait aucun intérêt à la conserver depuis juin 2009, si elle était véritablement dormante. Ne serait-ce que pour pouvoir financer le loyer de son siège social au ______, rue E______ à Genève, la société était forcément active.

M. A______ détenait dix parts de CHF 1'000.-, soit CHF 10'000.- dans la société, ce qui suffisait à l'exclure de toute aide financière, puisque cette somme était supérieure à la limite de fortune acceptée pour une personne seule, selon la LIASI.

30. Par acte posté le 17 avril 2014, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur opposition du 13 mars 2014, concluant à son annulation et au renvoi de la cause à l'hospice pour complément d'instruction.

Il n'avait jamais été domicilié en France. Lors du passage de l'inspecteur le 8 novembre 2013 à 8h00, il était en stage à la clinique I______, ce dont son assistante sociale était au courant.

S'agissant de la société, les démarches en cours étaient longues. Il n'avait pas d'argent pour faire radier la société, et son avocat lui avait indiqué d'attendre.

31. Le 12 mai 2014, le recourant était toujours associé gérant président avec signature individuelle détenteur de dix parts de CHF 1'000.- de la société.

32. Le 22 mai 2014, le directeur de l'hospice a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée.

Il reprenait pour l'essentiel les arguments de la décision sur opposition.

Le recourant contestait vivre en France, sans cependant apporter la moindre preuve à l'appui de ses propos.

Le fait qu'il aurait effectué un stage durant la période du passage du contrôleur du service des enquêtes de l'hospice en date du 8 novembre 2013 à 8h00 n'était pas documenté. Il était de surcroît peu probable qu'un tel stage l'ait occupé jusqu'à tard dans la soirée, ce depuis 8h00 du matin.

33. Le 27 juin 2014, M. A______ a répliqué.

Il a produit un courrier de sa compagne, Mme G______, domiciliée à Annecy, du 24 juin 2014. Cette dernière y confirmait que l'adresse de la rue H______ ______, Ville-la-Grand n'était pas le domicile du recourant.

Sa résidence était à l'avenue B______, 1226 Thônex. Si nécessaire, sa compagne pouvait être entendue. Il avait effectué un stage à la clinique I______ d'octobre 2013 à décembre 2013, non rémunéré, à plein temps. Il essayait de faire définitivement radier la société. Il n'avait pas demandé une aide sociale à l'hospice en ce qui concernait leur fils.

Il a également joint un contrat de travail qu'il avait obtenu pour une durée de deux jours avec une société. Le contrat mentionnait l'adresse de Thônex comme étant son domicile.

34. La cause a ensuite été gardée à juger.

35. Le 6 octobre 2014, M. A______ a manifesté au bailleur sa volonté de résilier le bail concernant l'appartement situé ______, rue H______ à Ville-la-Grand.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le présent litige porte sur le refus de l'hospice d'octroyer au recourant une aide financière ordinaire au motif qu'il vivrait en France, et qu'il exercerait une activité indépendante.

3) Selon l'art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine (ATF 135 I 119 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_56/2012 du 11 décembre 2012 consid. 1.1).

Le droit fondamental garanti par l’art. 12 Cst. ne vise pas la personne qui peut, de façon actuelle, effectivement et légalement, se procurer les moyens nécessaires à son existence (arrêt du Tribunal fédéral 2P.147/2002 du 4 mars 2003 consid. 3.3 ; ATA/452/2012 du 30 juillet 2012).

L’aide sociale est soumise au principe de subsidiarité, lequel est rappelé par l’art. 12 Cst. La personne dans le besoin doit avoir épuisé les possibilités d’auto-prise en charge, les engagements de tiers et les prestations volontaires de tiers (ATA/452/2012 précité ; Felix WOLFFERS, Fondement du droit de l’aide sociale, 1995, p. 77).

Du point de vue de sa portée, le droit fondamental à des conditions minimales d'existence ne garantit pas un revenu minimum, mais uniquement la couverture des besoins élémentaires pour survivre d'une manière conforme aux exigences de la dignité humaine, tels que la nourriture, le logement, l'habillement et les soins médicaux de base. L'art. 12 Cst. se limite, autrement dit, à ce qui est nécessaire pour assurer une survie décente afin de ne pas être abandonné à la rue et réduit à la mendicité (ATF 136 I 254 consid. 4.2 ; 135 I 119 consid. 5.3 ; 131 V 256 consid. 6.1 ; 131 I 166 consid. 3.1 ; 130 I 71 consid. 4.1 ; 121 I 367 consid. 2c ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_9/2013 du 16 mai 2013 consid. 5.1).

4) Dans le canton de Genève, l'art. 12 Cst. a trouvé une concrétisation dans la LIASI, dont le but est de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI), ainsi que de soutenir les efforts des bénéficiaires de la loi à se réinsérer sur le marché du travail et dans la vie sociale en général. Elle a également pour objectif de garantir à ceux qui se trouvent dans la détresse matérielle et morale des conditions d’existence conformes à la dignité humaine (art. 1 al. 2 LIASI). Ses prestations sont fournies sous forme d’accompagnement social, de prestations financières et d’insertion professionnelle (art. 2 LIASI).

L'hospice est l'organe d'exécution de la LIASI (art. 3 al. 1 LIASI). Les prestations financières sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI) et leurs bénéficiaires doivent faire valoir sans délai leurs droits auxquels l’aide est subsidiaire et doivent mettre tout en œuvre pour améliorer leur situation sociale et financière (art. 9 al. 2 LIASI ; ATA/814/2013 du 10 décembre 2013 consid. 5 ; ATA/455/2013 du 30 juillet 2013 consid. 4 ; ATA/452/2012 précité et les références citées).

5) À teneur de l'art. 11 al. 1 LIASI, ont droit à des prestations d'aide financière prévues par cette loi, les personnes qui : a) ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton de Genève ; b) ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien et c) répondent aux autres conditions de la loi. Il s'agit de l'aide dite « ordinaire ». Ces trois conditions sont cumulatives. Les prestations d'aide financière peuvent notamment être refusées lorsque le bénéficiaire ne répond pas aux conditions de la présente loi (art. 35 al. 1 let. a LIASI).

6) Le Conseil d’État fixe par règlement les conditions d’une aide financière exceptionnelle, qui peut être inférieure à l'aide financière ordinaire et/ou limitée dans le temps, en faveur des catégories de personnes suivantes qui n'ont pas droit aux prestations ordinaires prévues par l'art. 2 let. b LIASI, notamment les personnes exerçant une activité lucrative indépendante (art. 11 al. 4 let. d LIASI). Peut être mise au bénéfice de prestations d’aide financière ordinaire, à l’exception des prestations à caractère incitatif, la personne qui exerce une activité lucrative indépendante. L’aide financière est accordée pour une durée de trois mois (art. 16 du règlement d'exécution de la LIASI, du 25 juillet 2007 - RIASI - J 4 04.01). Les prestations d'aide financière peuvent notamment être supprimées lorsque le bénéficiaire cesse de répondre aux conditions de la LIASI (art. 35 al. 1 let. a LIASI).

Le Conseil d'État fixe par règlement les limites de fortune permettant de bénéficier des prestations d'aide financière (art. 23 al. 5 LIASI). Les limites de fortune permettant de bénéficier des prestations d’aide financière sont de CHF 4'000.- pour une personne seule majeure (let. a) ; CHF 8'000.- pour un couple (let. b) ; et CHF 2'000.- pour chaque enfant à charge (art. 1 al. 1 let. c RIASI).

7) En l'espèce, il ressort de l'état de fait que le recourant n'a pas été joignable sur la ligne fixe de son prétendu domicile à Thônex et n'était pas sur les lieux lors du passage de l'inspecteur le 8 novembre 2013 à 8h00. Il n'a de plus pas été en mesure d'apporter la preuve qu'il effectuait un stage à cette période, ce qui aurait pu justifier son absence.

Les propos du concierge ne font que confirmer que le recourant n'avait pas sa résidence effective à Thônex, puisqu'il n'y venait que pour relever son courrier et y faire des lessives, et qu’il avait sous-loué son appartement à son frère, et auparavant à une famille asiatique.

Il résulte de ce faisceau d'indices que le recourant n'a pas son domicile et sa résidence effective sur le territoire du canton de Genève, si bien qu'il ne peut prétendre à des prestations d'aide financière en vertu de la LIASI.

8) Au surplus, il n'est pas contesté que le recourant est associé gérant président avec signature individuelle d'une société dont il détient dix parts de CHF 1'000.- chacune, et partant, est indépendant. Le fait que cette dernière ne lui procure aucun bénéfice ou qu'elle soit inactive n'y change rien. En effet, la LIASI et le RIASI ne fixent aucune exigence de bénéfice d'une société, le critère déterminant étant de savoir si l'intéressé a le statut d'indépendant. La société n'étant pas encore radiée du RC ni en faillite, l'hospice a demandé à plusieurs occasions au recourant d'abandonner son statut d'indépendant en radiant sa fonction d'associé gérant président avec signature individuelle détenteur de dix parts de CHF 1'000.- de la société du RC, ce que ce dernier n'a pas fait.

Il en découle que le recourant, ayant déjà bénéficié d’une aide financière accordée pour une durée de trois mois en vertu de son statut d'indépendant, ainsi d'ailleurs que d'une aide pendant les mois qui ont suivi, notamment au vu de sa situation personnelle et familiale, n'a plus le droit à aucune aide financière de la part de l'hospice.

9) Enfin, le recourant détient dix parts de CHF 1'000.- de la société, soit CHF 10'000.-, ce qui dépasse les limites de fortune précitées.

Il n'a donc pas plus le droit à des prestations d'aide financière en vertu de ces dispositions.

10) Le demandeur doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière (art. 32 al. 1 LIASI). Les prestations d'aide financière peuvent notamment être supprimées lorsque le bénéficiaire refuse de donner les informations requises (art. 7 et 32 LIASI), donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles (art. 35 al.1 let. d LIASI).

En l'espèce, le 13 décembre 2012 déjà, lors de sa demande de prestations d'aide sociale, M. A______ a coché la case « non » dans la rubrique consacrée à une activité indépendante, ainsi qu'en réponse notamment aux questions de savoir s'il était inscrit au RC et s'il était titulaire d'autres baux à loyer que celui concernant l'appartement de Thônex. La procédure a démontré que ces trois informations sont fausses, si bien que pour ce seul motif déjà, l'hospice aurait été en droit de supprimer les prestations d'aide financière du recourant.

11) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

12) Compte tenu de la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité ne sera par ailleurs allouée vu l’issue du litige (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 avril 2014 par Monsieur A______ contre la décision sur opposition du directeur de l'Hospice général du 13 mars 2014 ;

 

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :