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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/536/2013

ATA/814/2013 du 10.12.2013 ( AIDSO ) , REJETE

Descripteurs : ; BÉNÉFICIAIRE DE PRESTATIONS; PRESTATION COMPLÉMENTAIRE ; DÉCISION RELATIVE À DES PRESTATIONS ; ASSISTANCE PUBLIQUE ; BÉNÉFICIAIRE DE PRESTATIONS D'ASSISTANCE ; REVENU DÉTERMINANT
Normes : Cst.12 ; LPC.2.al1 ; LPC.2.al2 ; LPC.3.al1 ; LPC.4.al1 ; LPC.9.al1 ; LPC.11.al1.letg ; LPCC.11.al1 ; LIASI.3.al1 ; LIASI.3.al2 ; LIASI.9.al1 ; LIASI.9.al2 ; LIASI.11.al1 ; LIASI.21.al1 ; LIASI.21.al2.leta ; LIASI.21.al2.letb ; LIASI.21.al2.letc ; LIASI.22.al1 ; LIASI.23.al1 ; LIASI.24 ; RIASI.3.al1 ; LRD.4 ; LRD.5 ; LRD.6.letc ; LRD.7 ; LIPP.24 ; LIPP.25.lete ; LIPP.25.letf
Résumé : Le jugement de la chambre des assurances sociales refusant à la recourante le droit à des prestations complémentaires n'a fait l'objet d'aucun recours de sa part, de sorte qu'il est entré en force et tranche définitivement le litige sous l'angle du montant correspondant à la totalité des biens dessaisis par la recourante et de son droit à des prestations complémentaires. Il s'ensuit que toute l'argumentation de la recourante relative à ces éléments est sans pertinence. Seul peut être examiné son droit à des prestations d'assistance au sens de la LIASI. La situation financière de la recourante ne lui permettant pas de bénéficier de prestations d'assistance, la décision sur opposition du SPC est conforme au droit et doit être confirmée par la chambre de céans.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/536/2013-AIDSO ATA/814/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 décembre 2013

1ère section

 

dans la cause

 

Madame D______
représentée par sa fille Madame F______

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLEMENTAIRES



EN FAIT

1.                                Madame D______, née le ______ 1925, réside depuis le 1er septembre 2013, à l’adresse rue A______ ______, commune de Grand-Saconnex. Du 23 novembre 2011 au 1er septembre 2013, elle habitait à l’adresse chemin O______ ______, à Genève. Avant cette date, elle résidait à l’adresse rue de M______ ______, à Genève.

2.                                Jusqu’au 30 juillet 1996, son mari, Monsieur D______, était administrateur président, avec signature collective à deux, de la société anonyme « C______ SA », société active dans la fabrication, installation et commerce de marchandises en métal ou autres matières, à l’adresse chemin des A______ ______, commune de Vernier. M. D______ était également propriétaire du bâtiment abritant les locaux de l’entreprise et bénéficiait d’un droit de superficie sur la parcelle. Monsieur S______ était administrateur délégué de la société, avec signature individuelle.

3.                                Le 30 juillet 1996, M. D_______ a pris sa retraite et a quitté ses fonctions au sein de la société. M. S______ a repris la fonction d’administrateur, avec signature individuelle et louait le bâtiment abritant les locaux de la société à M. D______.

4.                                Par décision du 20 juin 2006, la commission de conciliation en matière de baux et loyers a homologué l’accord intervenu entre MM. D______ et S______, quant à la vente du bâtiment abritant la société. M. S______ achetait le bâtiment et reprenait le droit de superficie sur la parcelle. La vente intervenait sans garantie de quelque nature que ce soit. Le prix de la vente était fixé à CHF 100'000.-. Tous les loyers consignés jusqu’au 1er janvier 2006 devaient être libérés et versés en main du notaire, à titre d’acompte sur le prix de vente. Les loyers ne pouvaient plus être consignés à partir du mois de juillet 2006 et devaient être versés directement au notaire à titre d’acompte sur le prix de vente, jusqu’à la signature de l’acte. M. D______ devait payer les impôts liés à la vente dont il était personnellement débiteur. Les parties partageaient par moitié la taxe d’enregistrement, la taxe du registre foncier, les frais de notaire et la TVA.

5.                                Le 8 novembre 2006, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) a écrit au notaire, Maître Pierre Mottu, en charge de la transaction. Elle ne pouvait accepter de taxer la transaction envisagée sur la base du prix de vente convenu de CHF 100'000.-, celui-ci étant sous-évalué dans une trop large mesure eu égard aux critères et indices actuels du marché pour ce type d’objet. Elle proposait de taxer l’opération sur la base d’une valeur vénale de « plancher » de CHF 570'228.

6.                                Le 6 mars 2007, Me Mottu a transmis à l’AFC le formulaire dûment rempli concernant le montant relatif à la transaction du bâtiment abritant les locaux de la société, à consigner entre ses mains, au sens de l’art. 85A de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 (LCP - D 3 05). La valeur d’acquisition de l’immeuble s’élevant à CHF 400'000.- et la valeur nette d’aliénation étant de CHF 100'000.-, la perte s’élevait à CHF 300'000.-.

7.                                Le 12 mars 2007, l’AFC a retourné à Me Mottu l’attestation du montant à consigner entre ses mains. Le montant à consigner était de CHF 0.-.

8.                                Par décision du 24 mars 2011, le service de prestations complémentaires (ci-après : SPC), dépendant du département de la solidarité et de l’emploi (ci-après : DSE), a refusé aux époux D______ le droit aux prestations complémentaires.

9.                                A la même date, il leur a accordé un subside aux primes d’assurances-maladie dès avril 2011, à titre de prestations d’assistance.

10.                            Le 13 avril 2011, les époux D______ ont contesté la décision du SPC leur refusant le droit à des prestations complémentaires.

11.                            Le 31 mai 2011, le SPC a rejeté l’opposition des époux et a confirmé sa décision du 24 mars 2011.

12.                            Le 17 juin 2011, les époux D______ ont interjeté recours contre la décision sur opposition du SPC du 31 mai 2011.

13.                            Par jugement du 23 novembre 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales) a rejeté le recours des époux D______ contre la décision sur opposition du 31 mai 2011 du SPC, leur refusant le droit à des prestations complémentaires. Dans ses calculs, elle retenait un montant de CHF 538'669,05 à titre de biens dessaisis au 31 décembre 2010. La différence entre la valeur fiscale de l’immeuble et le produit de vente n’avait pas été prise en considération à titre de biens dessaisis.

14.                            Le 17 juin 2012, M. D______ est décédé.

15.                            Par décision du 5 juillet 2012, le SPC a recalculé le droit de Mme D______ à des prestations d’assistance et au subside à l’assurance-maladie dès le 1er août 2012. Aucune prestation mensuelle d’assistance ne lui était accordée mais elle bénéficiait de CHF 463.- de subside à l’assurance-maladie au maximum de la prime moyenne. Le subside était garanti par le service de l’assurance-maladie (ci-après : SAM), dépendant du DSE. Il correspondait au maximum à la prime moyenne cantonale et était indépendant de la prestation d’assistance.

Sous la rubrique « dépenses reconnues », le SPC retenait un loyer annuel au maximum des plafonds d’assistance admis, soit CHF 13'200.-, ainsi qu’un forfait annuel de prestations de base de CHF 15'324.-. Sous la rubrique « revenu déterminant », le SPC retenait le versement de la rente AVS d’un montant annuel de CHF 27'840.-, ainsi qu’une fortune s’élevant à CHF 0.-. De ce fait, il ne retenait pas les montants de CHF 2'441,60 d’épargne et de CHF 624'767,90 de biens dessaisis présentés par l’intéressée.

16.                            Le 26 juillet 2012, Mme D______ a contesté la décision du SPC. Les calculs du SPC étaient inexacts depuis 2008. Le montant des biens dessaisis ne correspondait pas au montant de CHF 538'669,05 arrêté par jugement du 23 novembre 2011 de la chambre des assurances sociales. Elle n’avait que sa rente AVS et le subside à l’assurance-maladie pour vivre. Depuis le décès de son mari en juin 2012, l’aide au logement dont elle bénéficiait jusque-là allait lui être retirée à la fin de l’année pour cause de sous-occupation.

Elle joignait à son opposition un formulaire de demande de prestations d’aide sociale dûment rempli et daté du même jour, ainsi que les moyens de preuve. Sous la rubrique « situation économique », elle indiquait recevoir une rente AVS mensuelle d’un montant de CHF 2'320.-, ainsi qu’un usufruit annuel à titre de droits d’habitation s’élevant à CHF 4’041.-. Elle disposait de CHF 3'613,75 sur un compte postal et de CHF 349,64 sur un compte bancaire, ainsi que de biens mobiliers d’une valeur de CHF 5'000.-.

Son loyer, charges comprises, s’élevait à CHF 1'684.-. Elle bénéficiait d’une aide au logement d’un montant de CHF 600.-. Etant en sous-occupation depuis le décès de son mari, celle-ci ne lui serait plus accordée dès le 1er janvier 2013.

Sa prime mensuelle d’assurance-maladie s’élevait à 490,40. Au bénéfice d’un subside à l’assurance-maladie jusqu’au 31 décembre 2012 d’un montant de CHF 463.-, ainsi que d’une redistribution du produit de la taxe environnementale à la population d’une valeur de CHF 3,50, sa prime d’assurance-maladie obligatoire nette s’élevait à CHF 23,90. Elle disposait également d’une assurance complémentaire d’un montant de CHF 206,10 par mois et d’une assurance-accidents s’élevant à CHF 30,50.

En 1993, son époux et elle avaient cédé à leurs deux filles une vieille maison de famille d’une valeur d’environ CHF 130'000.-.

17.                            Le 17 décembre 2012, le SPC a recalculé le droit à des prestations d’assistance dès le 1er janvier 2013. Aucune prestation mensuelle d’assistance ne lui était accordée mais elle bénéficiait de CHF 470.- de subside à l’assurance-maladie au maximum de la prime moyenne.

18.                            Le 17 janvier 2013, le SPC a admis l’opposition de l’intéressée du 26 juillet 2012 et a recalculé ses droits à des prestations d’assistance et au subside à l’assurance-maladie, en tenant compte des dépenses justifiées retenues, à titre de biens dessaisis, par la chambre des assurances sociales dans son jugement du 23 novembre 2011, soit un montant de CHF 518'669,05 au 31 décembre 2010.

Pour la période du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2012, aucune prestation mensuelle d’assistance ne lui était accordée mais elle bénéficiait de CHF 463.- de subside à l’assurance-maladie au maximum de la prime moyenne. Dès le 1er janvier 2013, un subside à l’assurance-maladie de CHF 470.- lui était accordé. Il ressortait des nouveaux plans de calcul que l’intéressée était toujours au-dessus des barèmes pour pouvoir bénéficier de prestations d’assistance.

19.                            Le 12 février 2013, l’intéressée a interjeté recours contre la décision sur opposition du SPC. Elle contestait les nouveaux plans de calcul la situant en dessus des barèmes.

20.                            Le 14 février 2013, la chambre administrative a prié l’intéressée de bien vouloir préciser quels étaient les éléments du plan de calcul des prestations d’assistance qu’elle contestait.

21.                            Le 28 février 2012, Mme D______ a répondu à la chambre administrative. Après plusieurs années de souffrance et d’extrême fatigue due à la maladie d’alzheimer de son mari, puis au décès de celui-ci l’été dernier, elle avait pu réunir l’ensemble des pièces comptables afin de donner une meilleure lisibilité de sa situation financière.

Propriétaires des murs de l’usine « C______ fils », le loyer de ce très grand local devait leur assurer, à elle et à son mari, une retraite sereine. Ne disposant pas de 2ème pilier, la location de cet immeuble faisait partie de leurs plans de retraite. A l’âge de la retraite, son mari avait transmis son exploitation à M. S______, qui louait le bâtiment pour un loyer modeste de CHF 3'000.-. En échange de ce loyer raisonnable, M. S______ s’était engagé oralement à effectuer les travaux de maintenance nécessaires. Son mari se rendait régulièrement à l’usine pour aider M. S______ et lui prodiguer de précieux conseils. Il lui avait même permis de conserver le nom de l’exploitation « C______ » pour favoriser ses affaires.

De manière totalement inattendue, M. S______ avait arrêté de payer le loyer et avait dénoncé l’insuffisance supposée des travaux de maintenance. Il rompait ainsi le contrat moral et durable convenu entre eux. La commission de conciliation en matière de baux et loyers ayant approuvé la consignation des loyers, elle et son mari s’étaient retrouvés, du jour au lendemain, privés de ce revenu indispensable à leur budget. M. S______ avait ensuite exigé une série de « travaux urgents » sous menace de lancer une nouvelle procédure portant sur amende rétroactive de CHF 250'000.-. Par la suite, ces travaux avaient été évalués à CHF 80'000.-.

M. S______ avait effectué des pressions constantes sur son mari afin qu’il lui vende son bien à bas prix, soit CHF 100'000.-. L’AFC avait évalué ce bien immobilier à CHF 570'228.-. Bien que clairement informé de l’avis défavorable de l’AFC, le notaire avait avalisé la vente du local pour un montant de CHF 100'000.-. Finalement, l’AFC avait elle aussi donné son approbation à cette transaction. Dès lors, elle et son mari avaient été contraints de vendre ce bien immobilier pour le montant dérisoire de CHF 100'000.-, et ainsi, briser leurs plans de retraite. Ils avaient été spoliés d’un montant de CHF 300'000.-, voire de CHF 400’000.-, suite à une procédure inique.

Parallèlement, la santé de son mari s’était détériorée. Il tombait lourdement plusieurs fois par jour et elle devait faire appel à leurs filles, aux pompiers ou à des infirmières pour l’aider à le relever. Le SPC avait empêché par deux fois l’admission de son mari en maison de retraite, soit en refusant de collaborer avec les établissements concernés, soit en insinuant qu’elle et son époux dissimulaient une grosse fortune. Le SPC n’avait pas non plus honoré sa promesse faite lors de l’audience de comparution personnelle, tenue dans le cadre de la procédure devant la chambre des assurances sociales, de revoir ses calculs afin de permettre à son mari d’intégrer une maison de retraite.

Elle et son mari avaient dirigé une petite entreprise et créé des emplois pendant plusieurs décennies, que ce soit lors des années économiquement bonnes ou lors des mauvaises années. Ils avaient toujours payé leurs impôts sans retard. La fin de vie de son mari avait été lourdement affectée par le comportement de M. S______, personne en qui il avait pourtant placé toute sa confiance. Elle et son mari ne s’étaient pas dessaisis de CHF 500'000.- par imprévoyance, désinvolture ou par des actes répréhensibles ou contestables. Elle ne bénéficiait que du montant de sa retraite pour vivre. Son espoir résidait dans un nouveau calcul intégrant la perte injuste, imprévisible et non consentie, contre laquelle sa famille s’était battue en vain. La perspective d’une prestation d’assistance lui permettrait de faire face à ses factures et de trouver, à 88 ans, un peu de quiétude, après la perte de son mari. Elle avait dû déménager en raison de la démolition de son appartement locatif et ses problèmes financiers menaçaient son nouveau logement.

22.                            Le 27 mars 2013, le SPC a conclu au rejet du recours. L’intéressée ne soulevait pas d’arguments susceptibles de le conduire à une appréciation différente du cas. Dans la décision sur opposition, le montant présenté à titre de biens dessaisis avait été rectifié et correspondait à celui retenu par la chambre des assurances sociales dans son jugement du 23 novembre 2011. Toutefois, ce montant, de même que l’épargne et le produit hypothécaire des biens dessaisis, n’avaient pas été concrètement retenus, si bien que selon les plans de calcul, la fortune de l’intéressée s’élevait à CHF 0.-.

23.                            Le 2 avril 2013, le juge délégué a informé les parties que la procédure était close et que, passé le 19 avril 2013, la cause serait gardée à juger, sauf requête supplémentaire.

24.                            Le 18 avril 2013, Mme D______ a sollicité une audience de comparution personnelle devant la chambre administrative. A l’âge de 89 ans, elle était épuisée par son conflit avec le SPC. Ce dernier avait empêché son mari, d’entrer en maison de retraite en refusant de collaborer avec les établissements concernés, et en soutenant qu’elle et sa famille dissimulaient de l’argent. Son mari était un homme honnête qui avait travaillé dès ses 14 ans à l’usine. Grâce à sa petite entreprise familiale, il avait contribué à l’économie genevoise en créant des emplois depuis des décennies. Le montant de sa retraite, seul revenu dont elle disposait, était entièrement absorbé par le paiement de son loyer. Elle et son mari avaient été spoliés d’une partie de leurs biens suite à une procédure les opposant à M. S______. L’AFC s’était tout d’abord opposée à la vente de ce bien pour un montant dérisoire de CHF 100'000.-, avant de céder. Elle et son mari avaient été victime d’un abus de faiblesse commis par M. S______ sur son mari, déjà malade à l’époque des faits. L’AFC avait fait preuve d’une grande négligence en avalisant cette vente. Le gain manqué de CHF 400'000.- voire de CHF 500'000.-, suite à celle-ci était la somme qui leur manquait pour vivre dignement leur retraite et expliquait leur pauvreté. Ils ne s’étaient pas dessaisis de cette somme. Ils avaient été trompés et amputés d’une partie de leur argent qui devait servir à financer leur retraite.

25.                            Le 10 juin 2013 a eu lieu une audience de comparution personnelle devant la chambre administrative. Etaient présents l’intéressée, accompagnée par sa fille, Madame F______, ainsi que Monsieur. Joao Antunes, représentant du SPC.

Selon l’intéressée, elle survivait grâce à sa rente AVS et le subside à l’assurance-maladie. Elle n’avait pas de fortune. Son loyer était de CHF 1’600.- par mois. Depuis le décès de son mari, elle ne percevait plus d’allocation logement pour cause de sous-occupation de son logement. Ses enfants devaient parfois l’aider à payer ses courses. Elle n’avait ni fortune, ni argent caché. Elle habitait un appartement loué. L’usufruit concernait une vielle ferme construite par l’arrière-grand-père de son mari à Viry, en France. Son mari et elle avaient fait le nécessaire pour que leurs enfants soient nu-propriétaires de cette vieille ferme. Actuellement, celle-ci n’était pas louée.

Selon Mme F______, fille de l’intéressée, son père avait loué le bâtiment qu’il possédait à M. S______. En échange du loyer modeste, le locataire s’était engagé oralement à effectuer les travaux d’entretien. Par la suite, M. S______ avait actionné le tribunal des baux et loyers en reprochant à M. D______ de ne pas avoir entretenu l’immeuble. Les loyers avaient été consignés. Les négociations avaient été extrêmement difficiles et son père avait perdu la procédure devant la commission de conciliation en matière de baux et loyers. Il n’avait pas eu d’autre solution que de vendre le bâtiment à un prix ridicule, soit CHF 100'000.-, alors que celui-ci avait été estimé à plus de CHF 500'000.-. L’AFC avait également contesté cette vente. N’étant pas mariée et ayant beaucoup de charges, elle essayait de réhabiliter la vieille ferme pour pouvoir s’y installer avec sa sœur. Elle avait liquidé son appartement pour pouvoir aider sa mère.

26.                            Selon M. Antunes, la question de l’usufruit n’avait jamais été discutée jusque-là. Cette somme était mentionnée tant dans la déclaration de succession que dans la décision de prestation d’assistance et de subside. Le loyer de CHF 1'100.- était repris de la somme mentionnée à l’art. 3 al. 1 let. a du règlement d’exécution de la loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01).

27. A l’issue de l’audience de comparution personnelle, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.                                Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             a. Selon l’art. 2 de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30), la Confédération et les cantons accordent aux personnes qui remplissent les conditions fixées aux art. 4 à 6 LPC des prestations complémentaires destinées à la couverture des besoins vitaux (al. 1). Les cantons peuvent allouer des prestations allant au-delà de celles qui sont prévues par la LPC et fixer les conditions d'octroi de ces prestations (al. 2).

Ont droit aux prestations complémentaires notamment les personnes qui perçoivent une rente de vieillesse de l’assurance-vieillesse et survivants (art. 4 al. 1 let. a LPC et 1 al. 1 de la loi sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 – LPCC – J 4 25).

Le canton de domicile du bénéficiaire est compétent pour fixer et verser les prestations complémentaires (art. 21 al. 1 LPC).

b. Les prestations complémentaires se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d’invalidité (art. 3 al. 1 LPC). Le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants (art. 9 al. 1 LPC). Les revenus déterminants comprennent notamment les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s’est dessaisi (art. 11 al. 1 let. g LPC).

Par dessaisissement, il faut entendre, en particulier, la renonciation à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation juridique ni contre-prestation équivalente (ATF 123 V 35 consid. 1; ATF 121 V 204 consid. 4a).

3.             En l'espèce, l'intimé a refusé à l’intéressée le droit à des prestations complémentaires et a confirmé sa position dans sa décision sur opposition. Par jugement du 23 novembre 2011, la chambre des assurances sociales a confirmé la décision sur opposition dans son principe, réduisant toutefois le montant des biens dessaisis par l’intéressée à CHF 538'669,05.

Le jugement de la chambre des assurances sociales n'a fait l'objet d'aucun recours de la part de l’intéressée, de sorte qu’il est entré en force et tranche définitivement le litige sous l'angle du montant correspondant à la totalité des biens dessaisis par l’intéressée et de son droit à des prestations complémentaires. Il s'ensuit que toute l'argumentation de l’intéressée relative à ces éléments est sans pertinence. Seul peut être examiné son droit à des prestations d’assistance au sens de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04).

4.                                Selon l'art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine (ATF 135 I 119 consid. 5 ; Arrêt du Tribunal fédéral 8C_56/2012 du 11 décembre 2012 consid. 1.1).

Le droit fondamental garanti par l’art. 12 Cst. ne vise pas la personne qui peut, de façon actuelle, effectivement et légalement, se procurer les moyens nécessaires à son existence (Arrêt du Tribunal fédéral 2P_147/2002 du 4 mars 2003 consid. 3.3 ; ATA/452/2012 du 30 juillet 2012).

L’aide sociale est soumise au principe de subsidiarité, lequel est rappelé par l’art. 12 Cst. La personne dans le besoin doit avoir épuisé les possibilités d’auto-prise en charge, les engagements de tiers et les prestations volontaires de tiers (ATA/452/2012 précité ; F. WOLFFERS, Fondement du droit de l’aide sociale, 1995, p. 77).

Du point de vue de sa portée, le droit fondamental à des conditions minimales d'existence ne garantit pas un revenu minimum, mais uniquement la couverture des besoins élémentaires pour survivre d'une manière conforme aux exigences de la dignité humaine, tels que la nourriture, le logement, l'habillement et les soins médicaux de base. L'art. 12 Cst. se limite, autrement dit, à ce qui est nécessaire pour assurer une survie décente afin de ne pas être abandonné à la rue et réduit à la mendicité (ATF 136 I 254 consid. 4.2 ; 135 I 119 consid. 5.3 ; 131 V 256 consid. 6.1 ; 131 I 166 consid. 3.1 ; 130 I 71 consid. 4.1 ; 121 I 367 consid. 2c ; Arrêt du Tribunal fédéral 2D_9/2013 du 16 mai 2013 consid. 5.1).

5.             a. Dans le canton de Genève, l'art. 12 Cst. a trouvé une concrétisation dans la LAISI.

L'Hospice général (ci-après : l’hospice) est l'organe d'exécution de la LIASI (art. 3 al. 1 LIASI). Le SPC gère et verse les prestations d'aide sociale pour les personnes au bénéfice d'une rente AVS (art. 3 al. 2 LIASI) ; selon le Tribunal fédéral, le SPC agit dans ce cadre pour le compte de l'hospice (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_1041/2012 du 11 juillet 2013 consid. 1.2).

Les prestations financières sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI) et leurs bénéficiaires doivent faire valoir sans délai leurs droits auxquels l’aide est subsidiaire et doivent mettre tout en œuvre pour améliorer leur situation sociale et financière (art. 9 al. 2 LIASI ; ATA/455/2013 du 30 juillet 2013 consid. 4 ; ATA/452/2012 précité et les références citées).

6.             a. A teneur de l'art. 11 al. l LIASI, ont droit à des prestations d'aide financière prévues par cette loi les personnes qui :

- ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton de Genève ;

- ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien et

- répondent aux autres conditions de la LIASI.

b. Selon l’art. 21 al. 1 LIASI, ont droit aux prestations d’aide financière, les personnes dont le revenu mensuel déterminant n’atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base, et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par le règlement d’exécution de la loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 (RIASI – J 4 04.01).

c. Font partie des besoins de base, le forfait pour l’entretien fixé par le RIASI, le loyer, ainsi que les charges afférentes au logement (art. 21 al. 2 let. a et b LIASI). Fait également partie des besoins de base, la prime d’assurance-maladie obligatoire des soins, mais au maximum le montant correspondant à la prime moyenne cantonale fixée par le département fédéral de l’intérieur, sous réserve des exceptions temporaires prévues par le règlement du Conseil d’Etat (art. 21 al. 2 let. c LIASI).

Le loyer et les charges locatives, ainsi que les éventuels frais de téléréseau sont pris en compte intégralement, conformément au bail et à la convention de chauffage, jusqu’à concurrence d’un montant maximal de CHF 1'100.- pour un groupe familial d’une personne sans enfant à charge (art. 3 al. 1 RIASI).

7.             a. Selon l’art. 24 LIASI, le revenu déterminant le droit aux prestations d’aide financière est égal au revenu calculé en application de l’art. 22 LIASI, augmenté d’un quinzième de la fortune calculé en application de l’art. 23 LIASI.

Sont pris en compte les revenus et les déductions sur le revenu prévus aux art. 4 et 5 de la loi sur le revenu déterminant le droit aux prestations sociales cantonales du 19 mai 2005 (LRD - J 4 06), ainsi que la fortune et les déductions sur la fortune prévues aux art. 6 et 7 LRD (art. 22 al. 1 et 23 al. 1 LIASI).

b. Selon l’art. 4 LRD, le revenu déterminant le droit aux prestations sociales cantonales comprend l’ensemble des revenus, notamment le rendement de la fortune immobilière au sens de l’art. 24 de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), ainsi que les prestations provenant de la prévoyance au sens de l’art. 25 LIPP (let. e et f).

c. Le revenu déterminant le droit aux prestations sociales cantonales comprend également tous les éléments de fortune immobilière et mobilière, tels l’argent comptant, les dépôts dans les banques, les soldes de comptes courants ou tous titres représentant la possession d’une somme d’argent (art. 6 let. c LRD).

8.                                En l’espèce, dans le cadre des dépenses reconnues de l’intéressée, le SPC a retenu un montant annuel de CHF 15'324.- à titre de besoins de base. Il a également pris en compte le loyer de l’intéressée au maximum des plafonds d’assistance admis, soit CHF 13'200.-. Dans le cadre du calcul du revenu déterminant, le SPC a retenu la totalité de la rente AVS de l’intéressée, ainsi que l’usufruit dont elle est bénéficiaire et les intérêts de l’épargne, soit un revenu déterminant total de CHF 31'892,00. En revanche, l’épargne de l’intéressée, les biens dessaisis d’une valeur de CHF 518'669,05, ainsi que le produit hypothécaire des biens dessaisis n’ont pas été pris en compte par le SPC dans ses calculs.

Il ressort du plan de calculs que la situation financière de l’intéressée ne lui permet pas de bénéficier de prestations d’assistance. Dès lors, la décision sur opposition du SPC est conforme au droit et doit être confirmée par la chambre de céans.

9.                                Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

10.                            Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), et vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 février 2013 par Madame D______, représentée par sa fille Madame F______, contre la décision sur opposition du service des prestations complementaires du 17 janvier 2013 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame D______, représentée par sa fille Madame F______, ainsi qu'au service des prestations complémentaires.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :