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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2274/2017

ATA/1080/2017 du 11.07.2017 ( ANIM ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2274/2017-ANIM ATA/1080/2017

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 11 juillet 2017

sur effet suspensif et mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

SERVICE DE LA CONSOMMATION ET DES AFFAIRES VETERINAIRES

 



Attendu, en fait, que :

1) Madame A______, née le ______1986, de nationalité brésilienne, a fait l'acquisition dans son pays d'origine d'un chien mâle de race Yorkshire, né le ______ 2013 et répondant au nom de « C______ ». Ce chien a fait l'objet au Brésil, à une date indéterminée, d'une ablation de la queue (caudectomie).

2) Mme A______ est venue en Suisse en mai 2016 pour rejoindre son compagnon, Monsieur B______, né en 1974 et de nationalité suisse. Elle a emmené son chien avec elle après avoir obtenu des documents de voyage au Brésil ainsi que, le 9 mai 2016, une autorisation temporaire délivrée par l'office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (ci-après : OSAV), valable jusqu'au 3 décembre 2016.

3) En novembre 2016, elle est retournée au Brésil et a laissé son chien à Genève, sans demander le renouvellement de l'autorisation à l'OSAV.

4) Le 17 janvier 2017, le service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après : SCAV) a procédé, en l'absence de Mme A______ et suite à une dénonciation émanant d'une personne habitant dans l'immeuble de M. B______, au séquestre provisoire de « C______ ».

5) Mme A______ a été auditionnée le 20 janvier 2017 par le SCAV.

Selon ses déclarations, elle avait pris son chien en Suisse car elle comptait s'y marier avec son compagnon et y vivre. Elle avait effectué toutes les démarches pour que son chien puisse être importé licitement en Suisse. Elle ne s'était pas imaginée une seconde ne pas ou ne plus être en règle. Elle n'avait pas déclaré l'animal à la frontière car un douanier lui avait posé une ou deux questions puis lui avait dit que tout allait bien.

6) Par décision du 6 février 2017, déclarée exécutoire nonobstant recours, le SCAV a ordonné le refoulement du chien au Brésil à ses frais et à ses risques. Elle était informée que « C______ » lui serait restitué à l'Aéroport international de Genève (ci-après : AIG), après paiement de tous les frais encourus en frontière, et lors de son embarquement sur un vol à destination du Brésil. Il lui était interdit le cas échéant de réimporter son chien sous peine de séquestre définitif.

7) Cette décision n'a pas fait l'objet d'un recours et est donc entrée en force.

8) Le 14 mars 2017, le SCAV a écrit à Mme A______ pour préciser les modalités du rapatriement de son chien, en proposant trois manières de procéder. Il lui était précisé qu'elle avait également la possibilité de remplir un formulaire en vue de le céder.

9) Suite à ce courrier, Mme A______ n'a fait usage d'aucune des possibilités évoquées. Elle a en revanche déposé, en date du 21 mars 2017, une demande de reconsidération de la décision du 6 février 2017.

10) Par décision du 10 mai 2017 déclarée exécutoire nonobstant recours, le SCAV a ordonné le séquestre définitif de « C______ », en lui imputant tous les frais y relatifs.

11) Par acte posté le 23 mai 2017, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours ainsi qu'à l'administration de diverses preuves, et principalement à la constatation de la nullité de la décision du 6 février 2017 et à l'annulation de celle du 10 mai 2017, et à la restitution immédiate de son chien.

S'agissant de l'effet suspensif, elle y concluait dans la mesure où un placement du chien constituerait un dommage difficile à réparer. De plus, elle était très liée affectivement à C______, et la séparation avec son chien violerait sa liberté personnelle, tandis qu'il n'y avait aucun intérêt public prépondérant à placer ce chien ou à le garder en détention tout au long de la procédure.

12) Le 7 juin 2017, le SCAV a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif au recours.

Mme A______ ne possédait aucune autorisation d'importation valable pour son canidé caudectomié, celle délivrée par l'OSAV étant caduque depuis le début du mois de décembre 2016. Elle ne disposait pas d'un domicile officiel à Genève, condition obligatoire pour l'inscription du chien dans la base de données canine AMICUS. Enfin, le désintérêt total dont elle avait fait preuve suite à la décision du 6 février 2017 et au courrier du 14 mars 2017 ne démontrait en aucun cas un attachement particulier à son chien.

La garantie de la sécurité publique et de la protection des animaux constituaient des intérêts publics qui étaient ici prépondérants.

13) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur la question de l'effet suspensif.

14) Il ressort de la base de données de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) que Mme A______ n'y est pas enregistrée, pas plus que son éventuel mariage avec M. B______.

 

Considérant, en droit, que :

1) La question de la recevabilité du recours doit être réservée, et sera examinée dans l'arrêt final.

2) Les décisions sur effet suspensif et sur mesures provisionnelles sont prises par le président de la chambre administrative, respectivement par le vice-président, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par un juge (art. 7 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 21 décembre 2010 ; ci-après : le règlement).

3) Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (art. 66 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (art. 66 al. 3 LPA).

Par ailleurs, l’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

4) Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/566/2012 du 21 août 2012 consid. 4 ; ATA/248/2011 du 13 avril 2011 consid. 4 ; ATA/197/2011 du 28 mars 2011 ; ATA/248/2009 du 19 mai 2009 consid. 3 ; ATA/213/2009 du 29 avril 2009 consid. 2).

5) L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsogliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, p. 265).

6) a. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

b. Pour effectuer la pesée des intérêts en présence, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

7) En l'espèce, la recourante conclut à la restitution de l'effet suspensif au recours.

L'existence d'une atteinte à la liberté personnelle et son caractère le cas échéant licite au regard des conditions posées par l'art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) fera l'objet d'un examen dans l'arrêt rendu sur le fond.

En l'état, force est de constater avec l'intimé que la recourante ne dispose pas d'une autorisation valable d'importation pour son chien caudectomié, et qu'elle ne bénéficie apparemment d'aucun titre de séjour à Genève, n'étant pas enregistrée dans la base de données de l'OCPM. De plus, si elle a contesté le séquestre définitif de son chien, la décision de refoulement du chien au Brésil est quant à elle entrée en force, un examen prima facie du cas ne permettant pas de déceler d'emblée un motif de nullité, notamment dans la mesure où la recourante a été auditionnée par le SCAV avant que la décision ne soit prise, soit le 27 janvier 2017, sans demander à bénéficier de services d'interprétation et en faisant des déclarations détaillées pour une personne qui se prétend incapable de s'exprimer en français.

8) La demande de restitution de l'effet suspensif au recours sera donc rejetée.

9) Dès lors néanmoins que la décision attaquée prévoit le séquestre définitif de l’animal en cause, il se justifie d'ordonner d'office, à titre de mesure provisionnelle et afin de conserver au litige son objet, que l'animal concerné reste jusqu'à droit jugé en mains du SCAV et ne soit pas donné, vendu ou mis à mort (ATA/861/2016 du 13 octobre 2016 consid. 9 ; ATA/1021/2015 du 1er octobre 2015).

10) Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

Vu le recours interjeté le 23 mai 2017 par Madame A______ contre la décision du service de la consommation et des affaires vétérinaires du 10 mai 2017 ;

vu l’art. 66 al. 3 LPA ;

vu l’art. 7 al. 1 du règlement ;

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;

ordonne que l'animal concerné reste jusqu'à droit jugé en mains du service de la consommation et des affaires vétérinaires et ne soit pas donné, vendu ou mis à mort ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

notifie la présente décision, en copie, à Madame A______ ainsi qu'au service de la consommation et des affaires vétérinaires.

 

La vice-présidente :

 

 

 

Ch. Junod

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :