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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4344/2011

ATA/106/2013 du 19.02.2013 sur JTAPI/705/2012 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : ; AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ; CONSTRUCTION ET INSTALLATION ; AFFECTATION ; PERMIS DE CONSTRUIRE ; CONFORMITÉ À LA ZONE ; PLAN DE ZONES ; ZONE DE DÉVELOPPEMENT
Normes : LaLAT.13B ; LaLAT.19.al4
Parties : VILLE DE GENEVE - DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DE L'AMENAGEMENT / PROCTER & GAMBLE SA, DEPARTEMENT DE L'URBANISME
Résumé : Examen de la conformité d'une autorisation de construire, portant sur des aménagements intérieurs, avec la zone 2 de développement. La locataire ayant une activité industrielle reconnue, les travaux sont autorisables. Aucun des objets sur lesquels porte l'autorisation litigieuse ne permet d'envisager l'application du refus conservatoire, car ils ne sont, à l'évidence, pas susceptibles de compromettre des objectifs d'urbanisme ou la réalisation d'équipements publics.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4344/2011-LCI ATA/106/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 février 2013

1ère section

 

dans la cause

 

VILLE DE GENèVE

contre

PROCTER & GAMBLE Services (Switzerland) S.A.
représentée par Mes Gérald Page et Dominique Ritter, avocats

et

DéPARTEMENT DE L'URBANISME

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 mai 2012 (JTAPI/705/2012)


EN FAIT

1) L'Etat de Genève est propriétaire de la parcelle n° 2262, feuille 65 de Genève-Plainpalais, d'une surface de 25'993 m2, située entre la route des Acacias et la rue Boissonnas dans la zone Praille-Acacias-Vernets (ci-après : PAV).

Quatre bâtiments adjacents sont édifiés sur ce site le long de la rue Boissonnas. Communément appelés BAT43, ils abritaient auparavant l'usine de British American Tobacco, désaffectée dans les années 1990.

2) Le 24 juin 2004, la société Dombes S.A. (ci-après : Dombes), au bénéfice d'un droit de superficie sur la parcelle, a obtenu une autorisation définitive de construire portant notamment sur la réaffectation d'une partie du site afin d'y implanter l'entreprise commerciale Media Markt ainsi que sur la transformation d'une autre partie du site pour des ateliers. Le solde des surfaces était voué principalement à l'activité industrielle et artisanale avec quelques bureaux.

Cette autorisation a été suivie, les 20 octobre 2005, 30 octobre 2006 et 18 septembre 2007, par des autorisations complémentaires portant notamment sur la surélévation d'un bâtiment dit « D » ainsi que sur celle du bâtiment dit « L » (K921), ancien dépôt ainsi que sur sa transformation en surfaces industrielles et artisanales. Ces autorisations, préavisées favorablement par la Ville de Genève (ci-après : la ville) sont devenues définitives et les travaux ont été réalisés.

3) Le 24 septembre 2008, un projet de loi modifiant les limites de zones sur le territoire de la ville et des communes de Carouge et Lancy emportant la création d'une zone 2, d'une zone de développement 2, d'une zone de verdure et d'une zone de développement 2 affectée à des activités mixtes (PL 10'788, ci-après : projet de loi PAV), a été soumis à l'enquête publique. Suite à un référendum contre le préavis du conseil municipal de la ville, une convention a été signée en date du 4 mars 2010 par les différentes parties concernées, et une modification du projet de loi PAV soumis à une nouvelle enquête publique.

4) Le 6 décembre 2010, Dombes a déposé une nouvelle demande complémentaire en autorisation de construire (DD 98'748/5) portant sur des modifications intérieures diverses des étages 1 à 5 et la création d'un accès en façade ouest du bâtiment L.

L'autorisation définitive de construire a été délivrée le 17 mars 2011. La ville a recouru contre l'autorisation de construire auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) puis à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) qui l'ont déboutée (ATA/70/2013 du 6 février 2013).

5) Le 11 mai 2011, dans un courrier adressé à la Fondation des terrains industriels (ci-après : FTI), Procter & Gamble Services (Switzerland) S.A. (ci-après : Procter & Gamble) s'est dite intéressée par la location de trois étages et demi du bâtiment L, soit environ 5'313 m2. Le développement de son activité à Genève nécessitait des surfaces complémentaires à ses locaux, sis à la route de Saint-Georges ainsi qu'au chemin Louis-Aubert au Petit-Lancy. Elle entendait déployer, dans ces nouveaux locaux, des activités de même nature qu'au Petit-Lancy et sollicitait l'autorisation de s'implanter dans la zone industrielle de la Praille et des Acacias.

6) Les 14 juin et 20 juin 2011, la direction générale des affaires économiques du département des affaires régionales, de l'économie et de la santé ainsi que la FTI ont répondu à Procter & Gamble qu'elles préavisaient favorablement la demande de location, compte tenu de la position précédemment adoptée par le Conseil d'Etat et par le Tribunal administratif, cela pour autant que les activités déployées soient de même nature que celles exercées au Petit-Lancy.

7) La loi 10788 (ci-après : loi PAV) a été adoptée le 23 juin 2011 par le Grand Conseil et son entrée en vigueur fixée au 29 août 2011.

Pour le secteur dans lequel se situait la parcelle n° 2262, soit le secteur Acacias est (F), la loi PAV indiquait qu'il était dévolu à « une affectation mixte, comportant des logements, des activités tertiaires, des entreprises sans nuisances ou moyennement gênantes, avec une nette prédominance de logements » (art. 4 al. 6 loi PAV).

8) Par demande d'autorisation en procédure accélérée (APA 35'201) du 20 juillet 2011, Procter & Gamble a requis l'aménagement intérieur des locaux du premier au quatrième étage du bâtiment L. Les travaux consistaient principalement en la pose de cloisons et de portes, la création de faux-plafonds ou faux-planchers, ainsi qu'en des aménagements concernant la sécurité. Selon les plans, au premier étage, des cloisons permettaient de créer des bureaux affectés notamment à une infirmerie, à des salles de réunion, à des bureaux d'archives, au courrier, au service du personnel ainsi qu'à un espace café. Aux deuxième, troisième et quatrième étages, il était prévu des espaces informels pour le personnel, des bureaux de réunion ainsi que des postes de travail sous forme de bureau paysage. Trois cent postes de travail seraient aménagés selon les mêmes principes d'occupation des surfaces que ceux déjà autorisés dans les autres immeubles utilisés par la société.

9) a. Lors de l'instruction de la requête, la FTI a préavisé favorablement le projet le 1er septembre 2011, sous réserve de l'avis positif de la direction du PAV, et pour autant que les activités déployées soient de même nature que celles exercées à Lancy. Le projet se trouvait dans le périmètre du projet PAV, dont les enjeux étaient la densification et la requalification de l'espace bâti ainsi que l'accueil de nouveaux emplois et logements.

b. Le service des monuments et des sites a rendu un préavis favorable sans objections le 26 septembre 2011, le projet n'amenant aucune modification sur les façades.

c. Le 10 octobre 2011, le service des procédures et requêtes de l'office de l'urbanisme a préavisé favorablement le projet.

d. Le 25 octobre 2011, la ville a préavisé défavorablement le projet. Cette modification intérieure permettant de réaliser des bureaux, il rendrait difficile voire impossible, la réalisation de logements à moyen terme conformément à l'accord signé le 4 mars 2010 entre l'Etat, les communes et les référendaires, ce secteur devant être majoritairement voué au logement. Les affectations prévues n'étaient pas en adéquation avec l'équilibre recherché d'un logement pour un emploi.

10) Le 15 novembre 2011, le département des constructions et des technologies de l'information, devenu le département de l'urbanisme (ci-après : le département) a autorisé le projet. La décision a été publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) le 18 novembre 2011.

11) Le 15 décembre 2011, la ville a recouru auprès du TAPI contre l'autorisation de construire en concluant à son annulation.

La parcelle était située en zone de fond industrielle et artisanale et en zone 2 de développement depuis le 30 août 2011 suite à l'entrée en vigueur de la loi PAV.

Le projet, qui se voulait conforme aux activités admises en zone industrielle et artisanale, ne pouvait être autorisé en zone 2 de développement. Pour permettre le développement du secteur et la délivrance d'une autorisation conforme à la zone 2 de développement, un plan directeur de quartier (ci-après : PDQ) devait impérativement être adopté. En conséquence, un refus conservatoire au sens de l'art. 13B de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) devait être prononcé, pour respecter les objectifs précités.

12) Le 24 janvier 2012, Procter & Gamble a conclu au rejet du recours et le département en a fait de même le 20 février 2012.

13) a. Le 22 mars 2012, lors de l'audience de comparution personnelle des parties devant le TAPI, la représentante de la ville a confirmé le recours et relevé les difficultés existant entre la ville et le département concernant le développement de la zone PAV. La ville peinait à obtenir des informations concernant le projet de PDQ. Tant que ce dernier n'était pas adopté, il n'était pas possible d'avoir une image de l'organisation du périmètre concerné. Le département aurait pu délivrer une autorisation pour une durée déterminée et elle proposait un accord dans ce sens.

b. Procter & Gamble a précisé que l'autorisation querellée était en lien avec celles déjà obtenues en 2004 et 2007. Elle n'avait pas déposé de demande complémentaire afin de ne pas faire intervenir le superficiaire. Le bail courait pour une durée de dix ans avec une flexibilité après cinq ans. Une tentative d'accord avec la ville allait être effectuée.

Le représentant du département a déclaré que le préavis de la direction du PAV n'avait pas été sollicité dans le cadre de l'instruction du dossier, celui-ci n'étant pas nécessaire du fait de la zone de fond existante. L'adoption du PDQ permettrait de mettre en place l'équilibre entre les logements et les emplois. Dans l'intervalle, les autorisations de construire n'étaient pas suspendues.

14) Le 28 mars 2012, Procter & Gamble a déposé des observations. Le recours de la ville était abusif, car purement politique et lié aux difficultés existant entre la ville et le département.

Le 26 avril 2012, Procter & Gamble a informé le TAPI que les discussions avec la délégation du conseil administratif de la ville confirmaient ce point de vue.

15) Le 3 mai 2012, le TAPI a rejeté le recours de la ville.

L'autorisation délivrée était conforme à la zone d'affectation et les conditions d'un refus conservatoire n'étaient pas remplies.

16) Le 28 juin 2012, la ville a recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI du 3 mai 2012, en concluant à son annulation ainsi qu'à celle de l'autorisation de construire APA 35'201. Préalablement, elle demandait la production des planifications relatives aux PDQ dans le secteur des Acacias, ainsi que l'audition de la directrice générale de l'office de l'urbanisme et de celle du PAV.

S'il était exact que la procédure accélérée était adéquate dans le cas d'espèce, les activités de Procter & Gamble n'étaient pas conformes à la 2ème zone selon les indications données par la société. La requête visait l'aménagement d'un bâtiment en zone industrielle et artisanale pour exercer des activités conformes à cette zone. Procter & Gamble aurait dû déposer une demande définitive en autorisation de construire car les travaux changeaient l'affectation du bâtiment.

Le TAPI avait examiné la conformité de l'autorisation avec l'affectation en zone 2 de développement alors que l'art. 2 loi PAV imposait sans aucune marge de manoeuvre possible l'adoption d'un PDQ. Ce changement d'affectation n'était ainsi pas autorisable tant que le PDQ n'était pas adopté. Un planning prévisionnel du département indiquait que le PDQ serait adopté dans le deuxième semestre 2013.

S'il fallait considérer que les activités de Procter & Gamble étaient conformes à la zone de fond, le département aurait dû prononcer un refus conservatoire, les aménagements souhaités s'opposant aux objectifs urbanistiques de la zone à développer. Il serait impossible par la suite d'exiger la suppression des bureaux pour y réaliser des logements.

17) Le 4 juillet 2012, le TAPI a déposé son dossier en renonçant à formuler des observations.

18) Le 20 juillet 2012, Procter & Gamble a conclu au rejet du recours ainsi qu'au versement d'une indemnité de procédure.

Elle louait les locaux depuis le 7 juillet 2011 qui servaient, depuis le début de l'été 2012, de siège à différents départements de la société.

Les aménagements objets de l'autorisation litigieuse, étaient des travaux mineurs, tels que des cloisonnements et relatifs à la sécurité. Les possibilités d'utilisation du bâtiment L restaient inchangées. Les travaux étaient nécessaires à l'utilisation du bâtiment loué dont la construction avait été autorisée il y plusieurs années sans que la ville n'ait recouru puisqu'elle avait préavisé favorablement l'autorisation.

En sus du PDQ, la loi PAV prévoyait l'élaboration de plusieurs plans localisés de quartier (ci-après : PLQ). L'art. 3 al. 1 loi PAV stipulait en outre que les constructions et installations de peu d'importance pouvaient être autorisées sans l'adoption préalable d'un PDQ.

L'art. 1 al. 6 de la loi PAV précisait qu'à l'échelle de l'ensemble du périmètre, il était construit un nombre de nouveaux logements équivalant au nombre d'emplois créés. L'installation de quelques cloisons dans un immeuble existant à vocation industrielle et artisanale, ne remettait pas en cause les objectifs d'urbanisation. Le bâtiment L tel qu'autorisé bénéficiait de la situation acquise et sa structure n'était nullement compatible avec celle de logements. Une telle réaffectation ne serait d'ailleurs possible que moyennant des frais importants et disproportionnés.

19) Le 14 août 2012, le département a conclu au rejet du recours.

La parcelle concernée par l'autorisation litigieuse ne faisait pas l'objet d'un PLQ, de sorte que la conformité de celle-ci devait être examinée avec la zone ordinaire. Procter & Gamble déployant des activités conformes à la zone industrielle et artisanale, les installations contestées étaient manifestement conformes à la zone de fond.

En outre, les travaux portant sur la modification intérieure d'un bâtiment existant étaient d'importance secondaire, donc de peu d'importance au sens de la loi PAV. Ils pouvaient être autorisés, même en application de la loi PAV, s'agissant d'activité tertiaire à vocation industrielle sans nuisance, conforme à l'affectation mixte prévue pour le secteur Acacias est. En raison de la nature des installations litigieuses, leur autorisation ne nécessitait ni l'approbation d'un PLQ ni d'un PDQ.

La ville n'apportait pas la moindre preuve d'une entrave aux objectifs urbanistiques qui résulterait des aménagements intérieurs autorisés. Elle se contentait d'allégations de nature générale. Comme il ne s'agissait pas d'une construction nouvelle ni d'un changement d'affectation, lesdits aménagements n'étaient pas susceptibles de compromettre les objectifs définis par la loi PAV. 

Ce n'étaient pas les aménagements contestés qui constituaient un obstacle à la réalisation de logements, mais le bâtiment lui-même, dont l'existence ne pouvait plus être remise en cause.

20) Le 11 septembre 2012, le département a informé la chambre administrative qu'il n'avait pas de requête ou d'observation complémentaire à formuler.

21) Le 14 septembre 2012, la ville a persisté dans les conclusions de son recours.

22) La cause a été gardée à juger, ce dont les parties avaient déjà été informées le 17 août 2012.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante sollicite l'audition de témoins ainsi que la production de documents.

a. Selon la jurisprudence fondée sur l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend pour l'intéressé celui d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b ; 127 III 576 consid. 2c ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C_58/2010 du 19 mai 2010 consid. 4.3 ; 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.2 et les arrêts cités ; ATA/432/2008 du 27 août 2008).

b. En l'espèce, le dossier étant complet, la chambre administrative dispose des éléments nécessaires pour statuer, sans donner suite aux demandes présentées par la recourante.

3) La recourante estime que l'autorisation litigieuse n'est pas conforme à la zone 2 de développement dans laquelle se situe la parcelle supportant le bâtiment pour lequel les travaux d'aménagement intérieur étaient projetés et qu'en outre, s'agissant d'un changement d'affectation la procédure ordinaire aurait dû être utilisée.

a. Les activités déployées par la société intimée dans les locaux dont elle a requis l'aménagement ont déjà été jugées conformes à l'affectation industrielle et artisanale par la chambre de céans. Les activités de la société dans la fabrication, la distribution et la commercialisation de produits finis et semi-finis répondaient à la définition d'industrie si elles étaient en lien avec le développement et la distribution des produits qu'elle commercialisait, même si la fabrication de ces produits ne se faisait pas au même endroit. Ces activités consistaient en l'organisation du développement industriel de tous les produits commercialisés par la société, ainsi qu'en la coordination et la planification de la production industrielle des produits pour différentes régions du globe, qui comprenaient l'approvisionnement en matières premières. Ces activités impliquaient notamment des études de marché et du comportement des consommateurs, des études en laboratoire virtuel, la présentation des produits en magasins virtuels et la simulation de ventes de produits. Concernant la part d'activité administrative, la chambre de céans a précisé que, dans la mesure où elle servait de support à la commercialisation des produits, elle restait en lien avec la vocation industrielle de la société et entrait dans la définition d'industrie (ATA/518/2010 du 3 août 2010). Aucun nouvel élément ressortant de l'instruction de la cause ne permet de s'écarter de cette conclusion.

b. La zone de développement 2 dans laquelle se trouve le bâtiment depuis le 29 août 2011 se caractérise par sa nature mixte. Ainsi, la loi PAV prévoit pour le secteur F dans lequel se trouve la parcelle concernée une affectation comportant des logements, des activités tertiaires, des entreprises sans nuisances ou moyennement gênantes, avec une nette prédominance de logements (art. 4 al. 6 loi PAV).

A l'intérieur du plan, les constructions et installations, sous réserve de celles portant sur des objets de peu d'importance ou provisoires, doivent être précédées de l'adoption de différents PLQ ainsi que d'un règlement de quartier conforme à l'art. 4 de la loi générale sur les zones de développement, du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35 ; art. 3 al. 1 loi PAV).

Le département peut traiter en procédure accélérée les demandes d'autorisation relatives à des travaux portant sur la modification intérieure d'un bâtiment existant ou ne modifiant pas l'aspect général de celui-ci (art. 3 al. 7 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 - LCI - L 5 05). Est notamment d'importance secondaire la modification intérieure d'une construction ou d'une installation, sans changement de la destination des locaux ni modification des façades ou des éléments porteurs (art. 1A al. 1 let. f du règlement d'application de la LCI du 27 février 1978 - RCI - L 5 05.01).

c. En l'espèce, il découle des ces définitions que les travaux prévus doivent être considérés comme de peu d'importance au sens de la loi PAV et qu'ils peuvent être autorisés sans qu'un PLQ ne soit adopté. Ils sont en outre conformes tant à la zone de fond qu'à la zone de développement mixte telle que définie ci-dessus.

En conséquence, les griefs y relatifs doivent être écartés.

4) La ville estime dans un deuxième moyen que le département aurait dû faire application de l'art. 13B LaLAT et prononcer un refus conservatoire. Par la délivrance de l'autorisation litigieuse, les objectifs de la loi PAV seraient compromis.

a. L'art. 13B LaLAT, entré en vigueur le 29 mai 2004, a la teneur suivante :

Lorsque l'adoption, la modification ou l'abrogation d'un plan d'affectation du sol paraît nécessaire, à l'effet de prévenir une construction qui serait de nature à compromettre des objectifs d'urbanisme ou la réalisation d'équipements publics, le département peut refuser une autorisation de construire sollicitée en vertu de l'art. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988 (al. 1).

Il ne peut s'écouler plus de 2 années entre la décision de refus et l'adoption, la modification ou l'abrogation d'un plan d'affectation du sol, la mise à l'enquête du projet devant intervenir dans les 12 mois à compter de la décision de refus. A défaut, le propriétaire reprend la libre disposition de son terrain, dans les limites des lois ou plans d'affectation du sol en vigueur, soit, dans les zones de développement, selon les normes de la zone ordinaire ou selon le plan d'affectation spécial en force (...) (al. 2).

Le département peut également, aux mêmes conditions, s'opposer à toute division ou morcellement de parcelle susceptible de compromettre des objectifs d'urbanisme ou la réalisation d'équipements publics (al. 3).

Le délai cité à l'al. 2 est suspendu en cas de recours contre une décision prise dans le cadre de la procédure d'adoption du plan d'affectation ; il en est de même en cas de référendum municipal ou cantonal (al. 4).

b. Le refus conservatoire constitue une mesure provisionnelle individuelle tendant à protéger un processus de révision des plans d'affectation en paralysant l'application du plan en vigueur par l'effet anticipé du plan en gestation. La mesure assure le travail de révision contre les risques représentés par les projets de construction soumis à autorisation qui pourraient le menacer. Le refus vise à maintenir la liberté d'action de l'autorité chargée de l'établissement du plan d'affectation, comme le fait la mesure générale de la zone protégée, prévue à l'art. 27 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700 ; ATA/683/2012 du 9 octobre 2012 consid. 4 ; ATA/156/2011 du 8 mars 2011 ; MGC 2000/XI p. 10217ss, 10222-10224 ; P. MOOR, Droit administratif, vol. 1, 2ème éd., 1994, p. 180 ss ; M. BIANCHI, La révision du plan d'affectation communal, 1990, p. 180-183).

c. Cette disposition accorde au département une grande marge d'appréciation que le juge ne peut revoir qu'en cas d'excès ou d'abus (art. 61 al. 2 LPA).

d. Comme d'autres restrictions à la garantie de la propriété, une décision de refus conservatoire doit reposer sur l'intérêt public (art. 36 al. 2 Cst.) et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst). Ce dernier exige notamment qu'une mesure d'effet anticipé négatif ne paralyse pas un projet qui ne compromet pas la planification envisagée (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_528/2011 du 27 avril 2012 concernant une disposition vaudoise similaire à l'art. 13B LaLAT).

5) La loi PAV prévoit pour le secteur F dans lequel se trouve la parcelle concernée une affectation mixte, comportant des logements, des activités tertiaires, des entreprises sans nuisances ou moyennement gênantes, avec une nette prédominance de logements (art. 4 al. 6 loi PAV).

La loi PAV ne prévoit pas l'affectation de chaque parcelle ou chaque bâtiment d'un secteur. Elle doit être concrétisée par un PDQ et des PLQ. Comme l'a résumé le Conseiller d'Etat en charge du département devant la commission d'aménagement au sujet du principe « un logement, un emploi », la formule ne sera pas respectée à l'échelle d'un projet de construction ou d'un PLQ, mais à l'échelle du périmètre dans son ensemble. En outre, cet équilibre sera respecté dans la durée, à long terme (PL 10788-A, p. 4 et art. 1 al. 6 loi PAV).

6) En l'espèce, la décision litigieuse a pour objet des modifications intérieures qui peuvent être qualifiées de peu importantes, d'un bâtiment dont la surélévation et la transformation de dépôt en surfaces industrielles et artisanales ont déjà été autorisées le 18 septembre 2007, soit avant le dépôt du projet de la loi PAV. L'autorisation de surélévation est entrée en force et faisait suite à un préavis favorable de la recourante en date du 22 juin 2007, qui mentionnait alors sa conformité avec le « masterplan » PAV.

Aucun des objets sur lesquels porte l'autorisation litigieuse ne permet d'envisager l'application de l'art. 13B LaLAT. Les aménagements intérieurs ne sont pas susceptibles de compromettre des objectifs d'urbanisme ou la réalisation d'équipements publics, comme l'exigerait l'application de la disposition invoquée.

Il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner plus avant les autres conditions d'application d'un refus conservatoire, le grief devant être écarté.

7) En tous points infondé, le recours sera rejeté.

8) Vu l'issue du litige, et dans la mesure où la ville n'a pas recouru pour défendre sa propre décision, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à sa charge (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée à Procter & Gamble, à la charge de la recourante (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 juin 2012 par la Ville de Genève contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 mai 2012 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la Ville de Genève un émolument de CHF 1'500.- ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 2'000.- à Procter & Gamble Services (Switzerland) S.A., à la charge de la Ville de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à la Ville de Genève, au département de l'urbanisme, à Me Gérald Page et Me Dominique Ritter, avocats de Procter & Gamble Services (Switzerland) S.A., ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Hurni, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

La greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :