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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/89/2019

ATA/104/2019 du 30.01.2019 sur JTAPI/24/2019 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/89/2019-MC ATA/104/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 janvier 2019

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Matthieu Gisin, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 janvier 2019 (JTAPI/24/2019)

 


EN FAIT

1. Entre le 25 juillet 2013 et le 2 mai 2018, Monsieur A______, né en ______ 1986 et originaire du Maroc, a fait l’objet d’au moins sept condamnations pour, en particulier, contraventions aux dispositions sur l’entrée en Suisse et séjours illégaux, soit des infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20, anciennement dénommé loi fédérale sur les étrangers - LEtr), contraventions à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), infraction à l’art. 33 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions du 20 juin 1997 (LArm – RS 514.54), infractions à la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), vols (art. 139 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0), et infractions d’extorsion et chantage (art. 156 ch. 1 CP).

2. Le 5 juillet 2017, M. A______, alors en prison, s’est vu notifier par l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une décision de renvoi de Suisse, rendue la veille, exécutoire nonobstant recours en raison d’une entrée sans documents de voyage valables, d’une absence de visa ou titre de séjour valables et d’une menace pour la sécurité et l’ordre publics ainsi que pour les relations internationales de la Suisse.

3. Le 29 août 2017, il a reçu en notification une décision d’interdiction d’entrée en Suisse rendue le 6 juillet 2017 par le secrétariat d’État aux migrations
(ci-après : SEM), valable de suite et jusqu’au 5 juillet 2020, pour atteinte à l’ordre et à la sécurité publics.

4. Le 14 décembre 2017, une demande de soutien en vue de l’exécution du renvoi de l’intéressé a été adressée au SEM.

5. Par jugement du 20 avril 2018, le Tribunal d’application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) a refusé d’accorder la libération conditionnelle à M. A______, incarcéré à nouveau depuis le 4 décembre 2017, et dont la fin des peines était fixée au 26 mai 2018.

Le pronostic se présentait sous un jour fort défavorable au vu des nombreux antécédents de l’intéressé, qui n’avait pas su tirer profit de ses premières condamnations avec sursis, ni les peines privatives de liberté subséquentes, ni la libération conditionnelle qui lui avait été accordée en 2017 ne l’ayant dissuadé de récidiver. Par ailleurs, la situation personnelle du détenu demeurait inchangée, et l’on ne percevait aucun effort de sa part pour modifier la situation, étant rappelé qu’il faisait l’objet d’une interdiction d’entrée en Suisse. Aucun projet concret et étayé n’était présenté par M. A______, qui n’avait aucune garantie de pouvoir séjourner légalement en France où il disait vouloir se rendre à sa sortie de prison et qui n’entreprenait aucune démarche aux fins de se procurer des pièces de légitimation. L’intéressé se retrouverait ainsi, à sa sortie de prison, dans la même situation personnelle que celle qui l’avait mené à ses dernières condamnations, à savoir en situation illégale en Suisse, sans travail, ni logement, de sorte que le risque qu’il commette de nouvelles infractions apparaissait très élevé, ce risque ne se limitant pas à des infractions à la LEI.

6. Le 9 janvier 2019, M. A______ a été contrôlé et arrêté par la police genevoise.

Lors de son audition, il a reconnu être venu en Suisse, « pour faire la fête », en dépit de l’interdiction d’entrée sur le territoire dont il faisait l’objet et dont il était au courant, démuni de pièce d’identité et « en séjour illégal ». Par ailleurs, il a indiqué n’avoir aucun lien particulier avec la Suisse ni aucun moyen légal de subsistance dans ce pays, mais avoir une fille de 13 ans qui vivait avec sa mère en France et bénéficier du « RSA ». N’ayant pas de domicile en Suisse, il a communiqué une adresse principale en France, plus précisément à Annemasse, laquelle correspond au domicile mentionné dans les condamnations pénales susmentionnées.

7. Le même jour, dans le cadre de l’Accord entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la République française relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, conclu le 28 octobre 1998 (RS 0.142.113.499 ;
ci-après : Accord de réadmission), la brigade des renvois a adressé une demande de réadmission de M. A______, avec copie de son passeport marocain arrivé à échéance le 14 janvier 2012, aux autorités françaises, laquelle demande a été refusée. Selon les autorités françaises, M. A______ n’habitait pas à l’adresse indiquée à Annemasse et il ne participait ni à l’entretien, ni à l’éducation de son enfant.

8. Par ordonnance pénale du Ministère public genevois du 10 janvier 2019, M. A______ a été condamné à une peine privative de liberté de deux mois, sans révocation du sursis accordé le 12 mars 2018, pour infraction à l’art. 115 al. 1 let. a LEI.

Ensuite, il a été remis entre les mains des services de police.

9. Le même jour, le SEM a fait savoir à une collaboratrice du département genevois compétent qu’il allait présenter le cas de M. A______ à l’Ambassade du Maroc le plus rapidement possible en vue de son identification, la demande d’identification du 19 décembre 2017 n’ayant pas abouti.

10. Le 10 janvier 2019 toujours, à 13h35, sur la base de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI renvoyant à l’art. 75 al. 1 let. c et h LEI ainsi que de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l’encontre de M. A______ pour une durée de trois mois.

Auditionné quelques minutes auparavant, M. A______ avait, à teneur du procès-verbal d’audition qu’il avait refusé de signer, déclaré au commissaire de police notamment qu’il était en bonne santé, qu’il ne suivait pas de traitement médical et qu’il s’opposait à son renvoi au Maroc.

11. Le même jour, le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

12. Entendu le 11 janvier 2019 par le TAPI, M. A______ a confirmé sa date de naissance (______ 1986) et sa titularité d’un passeport marocain, et précisé que son titre de séjour en France n’était plus valable. Il avait toute sa famille à Avignon, sa fille à Toulon, mais pas de famille à Annemasse. Il était peintre en bâtiment. Il entendait effectuer des démarches administratives en France. Il était orphelin de père et il n’avait pas de famille au Maroc. Il voyait régulièrement sa fille de 13 ans et l’entretenait. Il n’entendait plus revenir en Suisse et, s’il était libéré, il partirait en France. Il s’excusait.

La représentante du commissaire de police a confirmé que la France n’entendait pas réadmettre M. A______, suite aux démarches des autorités genevoises. À la suite de cette audience, M. A______, alors détenu à l’établissement LMC de Granges (VS), serait détenu à Favra. La représentante du commissaire de police a conclu à la confirmation de l’ordre de mise en détention administrative pour une durée de trois mois.

Par son conseil, M. A______ s’est opposé à l’ordre de mise en détention administrative et a conclu à sa libération immédiate.

13. Par jugement du même jour, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 10 janvier 2019 à l’encontre de M. A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu’au 10 avril 2019.

M. A______ avait violé l’interdiction d’entrée en Suisse du SEM du 29 août 2017 et avait été condamné pour vol ainsi que pour extorsion et chantage, soit des infractions qualifiées de crime au sens de l’art 10 al. 2 CP. Il ne s’était conformé ni à la décision de renvoi, ni à la décision d’interdiction d’entrée en Suisse. Il n’entendait pas collaborer avec les autorités à son refoulement. En outre, il était dépourvu de tout lien de résidence en Suisse, ainsi que de moyens de subsistance. Il laissait ainsi clairement apparaître qu’il n’était pas disposé à retourner dans son pays d’origine. S’il était laissé en liberté, M. A______ se soustrairait vraisemblablement à son renvoi de Suisse, laquelle mesure ne pourrait pas être mise en œuvre par les services concernés, faute de pouvoir localiser l’intéressé en temps utile. La détention au sens de l’art. 76 LEI était, dans ces circonstances, adéquate en ce qu’elle permettait d’atteindre le but d’intérêt public visé en garantissant sa présence lors de l’exécution de la décision de renvoi. L’assignation à résidence, au sens de l’art. 74 LEI, constituait certes une mesure moins incisive que la détention, mais elle ne pouvait pas être prononcée à cette fin, M. A______ n’ayant aucun lieu de résidence fixe ni de ressources financières en Suisse. La détention administrative litigieuse était enfin également conforme à la proportionnalité au sens étroit, au regard de la pesée des intérêts en présence, l’intérêt public à l’exécution du renvoi justifiant l’entrave à la liberté de mouvement imposée à l’intéressé. Pour ces motifs, les conditions de sa détention administrative selon l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, en lien avec l’art. 75 al. 1 let. c et h LEI et selon l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI, étaient réalisées.

L’exigence de la mise en œuvre des démarches nécessaires à l’exécution du renvoi était respectée, puisque les autorités avaient effectué les démarches de réadmission en France – laquelle avait été refusée – et s’étaient mises en relation avec le SEM afin que le dossier de M. A______ soit présenté de manière prioritaire à l’Ambassade du Maroc en vue de la délivrance d’un laissez-passer.

Concernant la durée de la mesure querellée, il fallait prendre en considération la durée nécessaire pour obtenir la délivrance d’un laissez-passer avec le Maroc, de même que le temps qu’il faudrait pour procéder à l’organisation d’un vol. Le délai de trois mois requis par l’officier de police apparaissait donc proportionné et adéquat.

14. Par acte déposé le 21 janvier 2019 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______ a formé recours contre ce jugement, concluant à son annulation et, cela fait, principalement à sa mise en liberté immédiate, subsidiairement à sa mise en détention pour une durée de deux mois, les frais et dépens de la procédure devant être laissés à la charge de l’État.

S’agissant de sa situation personnelle, comme le montrait une « lettre d’engagement réciproque » que lui avait adressée la société B______, son adresse était bien celle à Annemasse qu’il avait toujours indiquée. Comme cela ressortait d’une attestation de l’assurance maladie du département du Var (France) pour la période du 15 septembre 2011 au 14 mars 2012 ainsi que d’une lettre de sa mère domiciliée à Avignon du 14 janvier 2019, il avait un numéro de sécurité sociale. Comme montré par un « relevé d’identité bancaire » provisoire délivré le
12 janvier 2012, il avait un compte postal en France. Il ressortait de photographies de son compte Facebook – au nom de « ______ A______ » – qu’il avait une fille de 13 ans vivant actuellement à Toulon avec la mère de celle-ci. Il était très attaché à sa fille et entretenait une relation régulière avec elle. Lorsqu’il travaillait, il payait régulièrement une pension à sa famille, pension qui était versée par le chômage lorsqu’il ne travaillait pas. Toute sa famille vivait en France, plus particulièrement à Avignon. Sa mère était d’ailleurs de nationalité française, comme cela ressortait d’une copie de son passeport français, et des copies de deux documents d’ordre administratif, l’un de mars 2013, l’autre d’octobre 2018, mentionnant l’adresse de celle-ci à Avignon. Par « attestation d’hébergement » manuscrite du 14 janvier 2019, sa mère se déclarait disposée à l’héberger à titre gratuit à son domicile. Peintre en bâtiment, il avait travaillé comme intérimaire pour la société B______, comme le démontraient des documents de décembre 2011 et janvier 2012.

Concernant sa situation administrative, la demande de soutien en vue de l’exécution de son renvoi adressée le 14 décembre 2017 au SEM n’avait pas abouti. La demande de réadmission formulée par la police genevoise le 9 janvier 2019, à 14h41 selon lui, avait fait l’objet d’une décision de refus des autorités françaises le même jour, à 17h00, soit 2h20 après. Il était opposé à son renvoi au Maroc, dès lors qu’il n’avait plus aucun lien avec ce pays qu’il avait quitté alors qu’il était âgé de 11 ans, soit il y avait plus de vingt ans.

Sous l’angle – juridique – d’une constatation inexacte des faits, il avait quitté la Suisse dès sa libération de la détention pénale et n’y était revenu que pour récupérer des affaires personnelles avant de regagner la France, et il était catégorique quant à son désir de quitter le territoire suisse, de sorte qu’il était faux de considérer qu’il se soustrairait vraisemblablement à son renvoi. Dès lors que sa détention administrative n’était pas nécessaire afin d’assurer son départ de Suisse, elle était illicite.

Vu la décision de renvoi de Suisse du 4 juillet 2017, celle d’interdiction d’entrée en Suisse du 6 juillet 2017 ainsi que la demande de soutien adressée le 14 décembre 2017 au SEM qui n’avait pas abouti, il appartenait, lors de son incarcération pénale, aux autorités suisses d’entreprendre toutes les démarches utiles en vue de l’exécution de son renvoi dans la mesure où sa situation administrative était claire et où il était, à ce moment-là, à leur disposition. Or, à sa sortie de prison, il n’avait pas été renvoyé au Maroc, ni n’avait fait l’objet d’une détention administrative. Ce n’était que bien tardivement, le 10 janvier 2019, que lesdites autorités s’étaient employées à agir en ce sens. La détention administrative querellée violait donc le principe de célérité.

Le lien qu’il entretenait avec sa fille devait être qualifié de particulièrement fort d’un point de vue affectif, de sorte qu’une séparation territoriale ne saurait leur être imposée sans violer l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

Au Maroc, contrairement à la France, il n’avait aucune famille, ne saurait pas où aller et serait condamné à vivre dans la rue, sans aucun soutien. Dans ces circonstances, l’exécution de son renvoi vers le Maroc était inexigible.

Il avait toujours disposé d’un titre de séjour valable durant toutes les années où il avait vécu en France. Actuellement, le titre en question était échu compte tenu de sa dernière incarcération qui l’avait empêché de renouveler ses documents administratifs. Aujourd’hui, il avait entrepris des démarches en vue de mettre à jour son titre de séjour français et avait pour objectif de retourner en France afin d’y vivre dignement.

15. Par courrier du 23 janvier 2019, le TAPI a transmis son dossier à la chambre administrative sans formuler d’observations.

16. Dans sa réponse du 25 janvier 2019, le commissaire de police a conclu au rejet du recours, dans la mesure où il était recevable.

C’était parce que le recourant n’était pas en possession d’un document de voyage en cours de validité, en violation d’ailleurs de l’art. 5 LEI, que la demande de soutien adressée le 14 décembre 2017 avait été nécessaire et que son rapatriement ne pourrait être opéré que lorsqu’un laissez-passer aurait été délivré en sa faveur. Cela étant, il ressortait d’un courriel du 24 janvier 2019 du SEM que celui-ci n’avait pas encore reçu de réponse positive de l’Ambassade du Maroc et qu’une collaboratrice de celui-ci serait reçue le 28 janvier 2019 par le conseiller de ladite Ambassade et pourrait à cette occasion mentionner le cas de M. A______ et clarifier si, entretemps, son identification avait donné un résultat.

17. M. A______ n’ayant pas répliqué dans le délai fixé au 28 janvier à 15h30, les parties ont été informées, par pli de la chambre administrative du 29 janvier 2019, que la cause était gardée à juger.

18. Pour le surplus, les arguments des parties seront, en tant que de besoin, repris dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile – c’est-à-dire dans le délai de dix jours – devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 -
LaLEtr - F 2 10).

2. Selon l’art. 10 al. 2 1ère phr. LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 21 janvier 2019 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

En outre, à teneur dudit art. 10 LaLEtr, elle est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2ème phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (al. 3 1ère phr.).

3. La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 § 1 let. f CEDH et de l’art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1).

4. a. En vertu de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI en lien avec l’art. 75 al. 1 LEI, après notification d’une décision de première instance de renvoi ou d’expulsion au sens de la LEI ou une décision de première instance d’expulsion au sens notamment des art. 66a ou 66abis CP, l’autorité compétente peut, afin d’en assurer l’exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si elle franchit la frontière malgré une interdiction d’entrée en Suisse et ne peut pas être renvoyée immédiatement (art. 75 al. 1 let. c LEI) ou a été condamnée pour crime (art. 75 al. 1 let. h LEI).

Par crime au sens de l’art. 75 al. 1 let. h LEI, il faut entendre une infraction passible d’une peine privative de liberté de plus de trois ans (art. 10 al. 2 CP ; ATA/220/2018 du 8 mars 2018 consid. 4a ; ATA/997/2016 du 23 novembre 2016 consid. 4a), ce qui est notamment le cas du vol (art. 139 ch. 1 CP) et de l’extorsion et chantage (art. 156 ch. 1 CP).

b. Aux termes de l’art. 76 al. 1 let. b LEI, après notification d’une décision de première instance de renvoi ou d’expulsion au sens de la LEI ou une décision de première instance d’expulsion au sens notamment des art. 66a ou 66abis CP, l’autorité compétente peut, afin d’en assurer l’exécution, mettre en détention la personne concernée, en particulier si des éléments concrets font craindre que la personne concernée entende se soustraire à son renvoi ou à son expulsion, en particulier parce qu’elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer en vertu de l’art. 90 LEI ou de l’art. 8 al. 1 let. a ou al. 4 de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31 ; ch. 3), ou si son comportement permet de conclure qu’elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (ch. 4).

Ces chiffres 3 et 4 décrivent tous deux les comportements permettant de conclure à l’existence d’un risque de fuite ou de disparition ; ils doivent donc être envisagés ensemble (arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

Selon la jurisprudence, un risque de fuite – c’est-à-dire la réalisation de l’un de ces deux motifs – existe notamment lorsque l’étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité, qu’il tente d’entraver les démarches en vue de l’exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s’il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu’il n’est pas disposé à retourner dans son pays d’origine. Comme le prévoit expressément l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI, il faut qu’il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_658/2014 du 7 août 2014 consid. 1.2). Si le fait d’être entré en Suisse illégalement, d’être démuni de papiers ou de ne pas quitter le pays dans le délai imparti à cet effet ne saurait, pris individuellement, suffire à admettre un motif de détention au sens de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 (voire ch. 4) LEI, ces éléments peuvent constituer des indices parmi d’autres en vue d’établir un risque de fuite (arrêt du Tribunal fédéral 2C_142/2013 du 1er mars 2013 consid. 4.2 ; voir aussi ATF 140 II 1 consid. 5.3).

Lorsqu’il examine le risque de fuite, le juge de la détention doit établir un pronostic, en déterminant s’il existe des garanties que l’étranger prêtera son concours à l’exécution du renvoi le moment venu, c’est-à-dire lorsque les conditions en seront réunies. Il dispose pour ce faire d’une certaine marge d’appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3.3 ; 2C_128/2009 précité consid. 3.1).

5. À teneur de l’art. 6 de l’Accord de réadmission, chaque partie contractante réadmet sur son territoire, à la demande de l’autre partie contractante et sans formalités, le ressortissant d’un État tiers qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d’entrée ou de séjour applicables sur le territoire de la partie contractante requérante pour autant qu’il est établi que ce ressortissant est entré sur le territoire de cette partie, après avoir séjourné ou transité par le territoire de la partie contractante requise (al. 1). Chaque partie contractante réadmet sur son territoire, à la demande de l’autre partie contractante et sans formalités, le ressortissant d’un État tiers qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d’entrée ou de séjour applicables sur le territoire de la partie contractante requérante lorsque ce ressortissant dispose d’un visa ou d’une autorisation de séjour de quelque nature que ce soit, délivré par la partie contractante requise et en cours de validité (al. 2).

6. a. En l’occurrence, pour ce qui est du principe de la détention administrative, et comme l’a retenu le TAPI, l’intéressé, qui a violé l’interdiction d’entrée en Suisse du SEM qui lui avait été notifiée le 29 août 2017 et a été condamné pour vol ainsi que pour extorsion et chantage, soit des infractions qualifiées de crime au sens de l’art 10 al. 2 CP, remplit les conditions d’application de l’art. 76 al. 1 let. b LEI en lien avec l’art. 75 al. 1 let. c et h LEI.

b. C’est par ailleurs en violation de ladite interdiction d’entrée ainsi que de la décision de renvoi de l’OCPM du 5 juillet 2017 qu’il est, plusieurs semaines ou mois après la fin de son incarcération pénale, revenu en Suisse. À cet égard, en prétendant dans son recours que c’était pour y récupérer ses affaires personnelles, il présente une version divergente de ses déclarations faites le 9 janvier 2019, à teneur desquelles il était revenu à Genève « pour faire la fête ». En outre, il est dépourvu de tout lien de résidence en Suisse, ainsi que de moyens de subsistance. En s’opposant catégoriquement à un renvoi vers le Maroc, il montre qu’il ne collaborerait pas avec les autorités suisses à son refoulement.

C’est en vain que le recourant se prévaut de son intention catégorique de quitter la Suisse, puisque, même si elle était établie, les autorités du pays dans lequel il entendrait se rendre, la France, ont, le 9 janvier 2019, refusé sa réadmission, ce qui montre qu’il n’y dispose pas d’une autorisation de séjour (art. 6 al. 2 de l’Accord de réadmission a contrario), ni qu’il y serait toléré dans l’attente d’une régularisation de son statut. Au demeurant, l’existence du domicile à Annemasse qu’il a toujours indiqué a été infirmée par les autorités françaises, les documents le concernant en lien avec la France ne sont pas postérieurs à 2012, et il n’a pas fourni le moindre indice concret à l’appui des prétendues démarches qu’il aurait entreprises auprès des autorités françaises en vue de l’octroi d’un statut légal en France. Un renvoi vers la France n’est dès lors, en l’état, pas possible.

Dans ces circonstances, si l’intéressé était remis en liberté, il y a lieu de craindre qu’il se soustrairait à son renvoi de Suisse, laquelle mesure ne pourrait pas être mise en œuvre par les services concernés, faute de pouvoir localiser l’intéressé en temps utile. Le risque de fuite doit donc être retenu.

c. La détention administrative est en conséquence justifiée dans son principe.

7. a. La détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 36 Cst., qui se compose des règles d’aptitude – exigeant que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/189/2015 du 18 février 2015 consid. 7a).

b. Aux termes de l’art. 79 LEI, la détention en phase préparatoire et la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion visées aux art. 75 à 77 LEI ainsi que la détention pour insoumission visée à l’art. 78 LEI ne peuvent excéder six mois au total (al. 1) ; la durée maximale de la détention peut, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus et, pour les mineurs âgés de 15 à 18 ans, de six mois au plus, dans les cas suivants : la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (al. 2 let. a) ; l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (al. 2 let. b).

Conformément à l’art. 76 al. 4 LEI, les démarches nécessaires à l’exécution du renvoi ou de l’expulsion doivent être entreprises sans tarder.

c. La durée de la détention doit être proportionnée par rapport aux circonstances d’espèce (arrêts du Tribunal fédéral 2C_18/2016 du 2 février 2016 consid. 4.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 2.3).

Le principe de la proportionnalité interdit non seulement que la mesure administrative en cause soit plus incisive que ce qui est nécessaire, mais aussi qu’elle soit insuffisante pour atteindre son but (arrêts du Tribunal fédéral 2C_497/2017 du 5 mars 2018 consid. 4.2.2 ; 2C_431/2017 du 5 mars 2018 consid. 4.3.3).

d. Selon la jurisprudence, le devoir de célérité est en principe violé lorsque, pendant plus de deux mois aucune démarche n’est plus accomplie en vue de l’exécution du renvoi par les autorités compétentes, sans que cette inaction soit en première ligne causée par le comportement des autorités étrangères ou celui de l’étranger lui-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1 et les arrêts cités).

e. À teneur de l’art. 80 al. 6 let. a LEI, la détention est levée si le motif de la détention n’existe plus ou l’exécution du renvoi ou de l’expulsion s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles, une telle impossibilité supposant en tout état de cause notamment que l’étranger ne puisse pas, sur une base volontaire, quitter la Suisse et rejoindre son État d’origine, de provenance ou un État tiers (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-6668/2012 du 22 août 2013 consid. 6.7.1 relativement à l’art. 83 al. 2 LEI, a fortiori).

8. En l’espèce, l’invocation par le recourant de ses relations avec les membres de sa famille, en particulier sa fille, qui vivraient en France, notamment sous l’angle de l’art. 8 CEDH, ne relève pas de la compétence des autorités suisses et donc a fortiori pas de la chambre de céans, seules les autorités françaises étant compétentes à cet égard. Ce grief est irrecevable.

Sous l’angle du devoir de célérité des autorités suisses, en prétendant qu’il aurait appartenu auxdites autorités d’entreprendre toutes les démarches utiles à son refoulement lorsqu’il était incarcéré à la prison en exécution d’une peine pénale, ce alors même qu’il avait indiqué un domicile à Annemasse aux autorités pénales et a entretemps été libéré, l’intéressé adopte une attitude incompatible avec le principe de la bonne foi (art. 9 et 5 al. 3 Cst.) et frise la témérité. Le devoir de célérité apparaît en l’état être respecté par les autorités suisses, le SEM ayant entrepris des démarches en vue de l’identification de l’intéressé dès le 9 janvier 2019. Il est à cet égard rappelé que le recourant est libre de prendre l’initiative de l’organisation d’un vol pour le Maroc avant l’échéance de la durée de sa détention administrative.

Au regard de l’ensemble des circonstances, l’intérêt privé du recourant à être libéré ne saurait, en l’état primer l’intérêt public à son maintien en détention en vue d’assurer l’exécution de son renvoi, ce d’autant moins au regard de la menace qu’il représente pour l’ordre et la sécurité publics vu son passé pénal.

En outre, la durée de la détention administrative litigieuse, fixée à trois mois, apparaît nécessaire compte tenu notamment des démarches à effectuer pour l’organisation du refoulement et est proportionnée par rapport aux circonstances d’espèce.

Enfin, sous l’angle de l’art. 80 al. 6 let. a LEI, l’intéressé n’a en tout état de cause pas démontré une inexigibilité manifeste de l’exécution de son renvoi au Maroc (art. 83 al. 4 LEI), ses allégations et arguments sur ce point étant au demeurant dénués de toute précision et de caractère un tant soit peu concret.

9. Vu ce qui précède, le jugement querellé, confirmant l’ordre de mise en détention administrative pour trois mois, est en tous points conforme au droit et le recours sera rejeté.

La procédure étant gratuite (art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), aucun émolument de procédure ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée au recourant (art. 87
al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 janvier 2019 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 janvier 2019 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Matthieu Gisin, avocat du recourant, au commissaire de police, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d’État aux migrations, ainsi qu’au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Pagan et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :