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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/978/2021

ATA/1038/2021 du 05.10.2021 ( AIDSO ) , REJETE

Descripteurs : ASSISTANCE PUBLIQUE;PRESTATION D'ASSISTANCE;AIDE FINANCIÈRE;DOMICILE;DEVOIR DE COLLABORER;ENQUÊTE(EN GÉNÉRAL)
Normes : LPA.65; Cst.12; Cst-GE.39; LIASI.1.al1; LIASI.2; LIASI.9.al1; LIASI.11.al1; CC.23; CC.24; LIASI.32.al1; LIASI.33.al1; LIASI.35
Résumé : Confirmation de la décision de l'hospice mettant fin aux prestations d'aide sociale accordées au recourant dès lors qu'il doit être tenu pour établi qu'il n'était pas domicilié là où il prétendait l'être au moment de la décision litigieuse, ni même qu'il disposait réellement d'un domicile dans le canton de Genève.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/978/2021-AIDSO ATA/1038/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 octobre 2021

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Stéphane Rey, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1978, est d'origine française. Il est titulaire d'un permis B, valable jusqu'au 22 septembre 2021.

Marié, il est séparé de la mère de ses trois plus jeunes enfants, lesquels vivent à Annemasse.

2) Le 26 février 2020, M. A______ a sollicité une aide financière auprès de l'Hospice général (ci-après : l'hospice) indiquant notamment, dans la formule y relative, être arrivé à Genève en juillet 2016 et être séparé judiciairement de son épouse depuis le 12 novembre 2019. Il ne percevait aucun revenu ni aucune indemnité de chômage, et avait exercé en dernier lieu la profession de chauffeur privé.

Il a encore indiqué être domicilié au B______.

Il a joint à sa demande une copie du contrat de bail signé pour la location d'un studio au 6ème étage de l'immeuble sis à l'adresse susmentionnée, pour un loyer mensuel de CHF 1'025.-, à compter du 16 janvier 2018, le bail arrivant à terme le 31 décembre 2021.

3) M. A______ a été mis au bénéficie d'une aide financière de la part de l'hospice à compter du 1er mars 2020.

4) Le 12 mars 2020, M. A______ a signé le document « Mon engagement en demandant une aide financière à l'hospice ». Il s'engageait notamment à donner immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement ou toute pièce nécessaire à l'établissement de sa situation personnelle, familiale et économique, tant en Suisse qu'à l'étranger et à informer immédiatement et spontanément l'hospice de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant de ses prestations d'aide financière, notamment toute modification de sa situation personnelle, familiale et économique, tant en Suisse qu'à l'étranger.

5) Lors de l'entretien du 12 octobre 2020 avec l'assistante sociale en charge de son dossier à l'hospice, M. A______ a notamment indiqué qu'on lui avait diagnostiqué une sclérose en plaques (ci-après : SEP).

6) Le 26 octobre 2020 à 8h00, le service des enquêtes et conformités de l'hospice a procédé à un contrôle impromptu au domicile déclaré de
M. A______, sis B______. À teneur du procès-verbal y relatif, il a été constaté que le nom et prénom de l'intéressé figurait sur une boîte aux lettres, laquelle débordait de courriers, mais non sur la porte palière de l'appartement sis au 6ème étage.

7) Le 2 novembre 2020, M. A______ a été convoqué dans les locaux de l'hospice à 13h30. Il a alors indiqué qu'il vivait seul dans l'appartement n° ______ au 6ème étage de l'immeuble en question.

L'intéressé a alors été convié à une visite domiciliaire devant se dérouler vingt minutes plus tard, ce à quoi il a consenti.

À teneur du procès-verbal relatif à ladite visite, M. A______ avait été contacté téléphoniquement à 14h06, dès lors qu'il n'était pas présent dans le logement, ce à quoi il avait répondu qu'il était en train d'arriver. Dans l'intervalle, une dame, ne parlant qu'espagnol, était entrée dans le logement pour en ressortir quelques minutes plus tard. Elle avait refusé de parler au contrôleur de l'hospice, mais lui avait indiqué que M. A______ allait arriver d'ici quelques minutes. L'intéressé était finalement arrivé avec quarante-cinq minutes de retard.

M. A______ avait alors pénétré dans l'appartement, sans clé, la femme qui en était sortie précédemment n'ayant pas refermé celui-ci à clé. L'appartement était composé d'une salle d'eau, d'une « kitchenette » et d'une pièce à vivre. Dans toutes les armoires du logement, il n'y avait que des affaires féminines ainsi que des produits féminins dans la salle d'eau. M. A______ avait alors déclaré « être chez ses parents, puis chez un ami aux Pâquis », dont il ne connaissait que le prénom (______). Il avait concédé sous-louer le logement (au montant de
CHF 1'205.- par mois) à la femme rencontrée précédemment. L'intéressé n'avait pas répondu aux questions concernant son lieu de vie effectif, le nom de la femme et la date du début de la sous-location.

8) Le 3 novembre 2020, M. A______ a contacté téléphoniquement son assistante sociale à l'hospice pour lui signaler la visite domiciliaire et pour lui indiquer qu'il avait « dépann[é] » pour une durée de deux mois la femme qui avait été vue dans son logement. En raison de son état de santé qui nécessitait de nombreux rendez-vous médicaux, il était très peu dans son logement, et il lui était donc aisé de rendre service à une personne dans le besoin.

9) Le 5 novembre 2020, M. A______ a transmis à l'hospice une copie du document daté du 28 octobre 2020 intitulé « consultation médicale de
neuro-immunologie et SEP », à teneur duquel il ressortait que l'intéressé avait consulté les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) le 21 octobre 2020, après un passage aux urgences le 3 octobre 2020, puis une consultation auprès d'un médecin français le 7 octobre 2020. L'anamnèse et les examens complémentaires permettaient de retenir le diagnostic de SEP. Le patient avait indiqué vouloir poursuivre le suivi de sa maladie auprès des HUG.

10) Le 22 décembre 2020, l'assistante sociale de M. A______ l'a contacté pour l'informer que l'hospice allait stopper les aides sociales au vu des constats réalisés durant la visite domiciliaire.

11) Par décision du 23 décembre 2020, exécutoire nonobstant recours, l'hospice a mis fin, à partir du 1er décembre 2020, aux prestations d'aide financière accordées à M. A______ au motif que le contrôle domiciliaire avait permis de constater qu'il n'occupait pas l'appartement sis B______, contrairement à ce qu'il avait indiqué dans le document « demande de prestations » qu'il avait signé le 26 février 2020. Étant dans l'impossibilité de déterminer son lieu de résidence effective, son dossier était clôturé.

L'hospice se réservait le droit de lui demander la restitution de toutes les prestations financières accordées depuis le 1er mars 2020.

12) Par courrier daté du 7 janvier 2021, M. A______ a formé opposition contre la décision précitée.

Il confirmait qu'il habitait à Genève depuis 2017 et qu'il vivait toujours
« actuellement » dans le logement sis B_______. Il avait été absent durant trois mois, indépendamment de sa volonté. On lui avait soudainement diagnostiqué une SEP en septembre 2020, ce qui l'avait plongé dans une dépression. Dans ce contexte, un ami habitant à Genève lui avait proposé de rester à son domicile, afin de veiller sur lui. Il avait subi beaucoup de choses en même temps : un deuxième divorce d'une femme avec laquelle il avait eu trois enfants, le fait de ne voir que rarement ses enfants issus d'un premier mariage, la faillite de sa société, le passage d'un inspecteur de l'office des faillites, la saisie de son véhicule professionnel, les dettes découlant du leasing dudit véhicule.

Lors du passage du préposé de l'office des faillites, ce dernier avait bien trouvé ses affaires personnelles. Il joignait le procès-verbal y relatif, lequel datait du 31 janvier 2020.

Il avait hébergé gratuitement la personne qui avait été vue dans son appartement, en échange de l'entretien dudit logement. Cette personne était dans une situation très difficile. Il ne s'était pas rendu compte de la gravité de son acte en rendant ce service. Il avait fait des allers-retours entre son domicile, celui de son ami qui l'hébergeait et l'hôpital.

Il avait reçu des allocations pour perte de gains (ci-après : APG) pour la période allait de mars à septembre 2020. Cependant, l'assurance-vieillesse et survivant (ci-après : AVS) sollicitait la restitution de ces prestations, alors que sa situation financière ne lui permettait même pas de payer toutes ses charges. Sa maladie, qui nécessitait un traitement lourd et coûteux, n'avait fait que péjorer sa situation financière et l'avait rendu plus angoissé.

Il se retrouvait ainsi sans ressources depuis le mois de novembre 2020 et priait l'hospice de ne pas clôturer son dossier.

13) Par décision du 17 février 2021, le directeur général de l’hospice a rejeté l’opposition précitée.

Sa résidence effective n'avait pas pu être établie lors du contrôle domiciliaire effectué à l'adresse qu'il avait déclarée comme étant celle de son domicile. La décision querellée apparaissait dès lors fondée.

Il ne donnait dans son opposition aucune indication sur l'identité de l'ami qui l'aurait hébergé à Genève à compter du mois d'octobre 2020, ce qui empêchait de retenir sa résidence effective à Genève comme établie. Son allégation d'allers-retours entre son domicile, celui de son ami et les HUG n'était pas corroborée par les constats faits dans son studio lors de la visite domiciliaire, laquelle avait mis en évidence qu'il ne l'occupait pas, mais qu'il le sous-louait à une dame, ce qu'il avait lui-même déclaré au contrôleur. L'inventaire dressé le 31 janvier 2020 par le préposé de l'office des faillites qu'il avait produit à l'appui de son opposition n'était pas de nature à prouver que ses affaires se trouvaient dans le studio, compte tenu de la date à laquelle il avait été établi, mais également du fait que rien n'indiquait dans ce document que l'inventaire avait eu lieu à son domicile.

Le fait qu'il soit difficilement joignable, les lieux dans lesquels il effectuait ses transactions bancaires (C______ ou D______ selon ses relevés bancaires) et la consultation d'un médecin en France étaient autant d'indices qui indiquaient qu'il n'avait pas sa résidence effective à Genève.

14) Par acte du 16 mars 2021, M. A______ a interjeté recours contre la décision précitée par-devant la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : la chambre administrative).

En octobre 2020, alors qu'il était en visite chez ses parents, il avait ressenti une paralysie sur son côté gauche. Il était allé consulter en urgence à proximité de leur domicile en France. On lui avait alors diagnostiqué une SEP. Affecté par les symptômes encore présents et par cette nouvelle, il était resté encore quelques jours chez ses parents avant de regagner son domicile à Genève. Pendant une courte période suite à ce diagnostic, il avait été émotionnellement très impacté et avait profité de l'hospitalité de son ami, Monsieur E______, lequel résidait à F______ à Genève. Cette situation n'était que provisoire et il avait toujours eu l'intention de résider dans son studio, raison pour laquelle il n'avait pas résilié son bail. Il avait continué à venir régulièrement au studio pour relever son courrier.

Son « intérêt professionnel » se situait également à Genève, lieu dans lequel il avait eu une société et où il effectuait toujours ses recherches d'emploi.

Ses transactions bancaires se faisaient en partie à D______ car il avait ouvert son compte postal dans cet office et s'y rendait par habitude lorsqu'il avait une question ou besoin d'un document. D______ était de toute manière une commune genevoise.

Il ne résidait donc pas à Genève uniquement de manière légale, mais également de manière effective, comme en attestaient son permis de séjour, son réseau de santé, ses connaissances et ses recherches d'emploi.

Cependant, dès lors que ses enfants et ses parents résidaient en France voisine, il s'y rendait régulièrement. Ses parents lui apportaient beaucoup de soutien dans cette période difficile. Cela expliquait l'existence de retraits ou de versements sur le territoire français.

15) Le 13 avril 2021, le recourant a été mis au bénéfice de l'assistance juridique dans le cadre de son recours par-devant la chambre administrative.

16) Dans ses observations du 15 avril 2021, l'hospice a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée.

Reprenant l'argumentation développée dans ses précédentes décisions, il a relevé que, renseignements pris auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), M. E______, dont le recourant n'avait fourni l'identité complète qu'au stade du recours, avait quitté F______ le
15 mars 2018. Ce n'était dès lors pas à cette adresse que se trouvait le recourant lorsqu'il n'était plus dans son studio. Son allégation de passages réguliers pour prendre son courrier n'était pas corroborée par les constats du contrôleur de l'hospice, lequel avait remarqué que la boîte aux lettres débordait de courriers. Lors de la visite domiciliaire, le contrôleur de l'hospice n'avait trouvé aucune affaire appartenant au recourant et ce dernier avait concédé sous-louer le studio à la femme qui se trouvait sur place. Cette situation n'avait dès lors rien de temporaire et il apparaissait qu'il sous-louait son studio depuis quelques temps déjà.

Même à admettre ses étranges explications quant aux raisons de ses retraits bancaires à D______, il n'expliquait pas pourquoi il effectuait également une grande partie de ses opérations bancaires à C______.

La résidence effective du recourant n'était donc pas établie et il avait violé son obligation de renseigner en donnant à l'hospice de fausses indications quant à son lieu d'habitation effectif.

Étaient notamment joints les relevés du compte Postfinance du recourant pour la période du 1er mars au 30 novembre 2020 ainsi qu'un extrait de « Calvin » relatif à M. E______.

17) Le 16 avril 2021, par l'intermédiaire de son conseil nouvellement constitué, le recourant a réaffirmé qu'il avait toujours été domicilié à Genève, ville dans laquelle il suivait un traitement médical lourd à raison d'une fois par mois.

18) Le 17 mai 2021, le recourant a fourni des explications et des pièces complémentaires.

Durant la période à laquelle un contrôleur de l'hospice avait constaté l'existence d'une boîte aux lettres à son nom à l'adresse qu'il avait déclarée, il avait prêté provisoirement, pendant trois mois, son studio à Madame G______, dès lors que celle-ci ne disposait plus ni de logement ni de moyens financiers pour se loger. Il n'avait reçu aucune contre-prestation financière, son geste étant simplement un « acte de complaisance ». Durant la présente procédure, il avait pu réintégrer son domicile, dès lors que Mme G______ avait pu trouver une solution pour se reloger. Il avait toujours eu son domicile à l'adresse communiquée à l'hospice et avait toujours eu la volonté d'y vivre. Il n'avait commis aucune violation de l'obligation de collaborer dès lors qu'il n'avait jamais « aliéné » son appartement. Il avait été régulièrement absent de son domicile pour se rendre aux HUG.

Il avait toute liberté d'effectuer ses transactions financières où il l'entendait.

Il n'avait jamais tenté d'omettre ou de transmettre des fausses informations à l'hospice. Il n'y avait aucun abus de droit ni aucune mauvaise foi à vouloir aider une tierce personne dans le besoin en lui prêtant son logement.

Étaient notamment joints :

- une attestation de Mme G______, datée du 13 janvier 2020 [recte : 2021], dans laquelle elle indiquait avoir été hébergée pendant trois mois par le recourant car elle se trouvait dans une situation très urgente dès lors qu'elle n'avait plus de toit ni d'argent. Le recourant lui avait proposé de l'héberger en contrepartie du nettoyage de son appartement, dès lors qu'il était malade. Elle ne pensait pas que ce dernier aurait pu avoir des problèmes du fait de lui avoir rendu service durant trois mois. Elle avait préféré partir « pour lui éviter des soucis ». Elle savait sa situation médicale fragile ;

- une attestation de la société suisse de SEP du 21 janvier 2021 à teneur de laquelle les personnes porteuses de cette maladie avaient plus de
probabilités de souffrir de dépression, laquelle pouvait même être un symptôme de cette maladie. Il était important que M. A______ bénéficie d'un soutien adéquat. Son omission d'informer l'hospice n'avait pas de mauvaises intentions. Les troubles de la concentration et de la mémoire étaient également des symptômes courants de sa maladie, lesquels étaient renforcés en cas d’état dépressif. L'intéressé se trouvait aujourd'hui sans ressources financières, était dans l'impossibilité de pouvoir se procurer suffisamment à manger et de payer son loyer, au risque de perdre son logement. L'indulgence et la compréhension de l'hospice étaient dès lors sollicitées ;

- un contrat de bail, au nom du recourant, pour la location d'un appartement de trois pièces au 5ème étage de l'immeuble sis B______, à compter du 16 janvier 2021, pour un loyer mensuel de CHF 1'345.-.

19) Le 21 mai 2021, l'hospice a dupliqué.

Le 22 avril 2021, le recourant avait sollicité de nouvelles prestations d'aide financière de l'hospice et déclaré qu'il louait un appartement de trois pièces. Il percevait ainsi à nouveau des prestations financières depuis le 1er mai 2021. Compte tenu du contrat de bail pour un appartement de trois pièces produit, le recourant prétendait à tort avoir réintégré son studio suite au départ de Mme G______. Il était à relever que depuis janvier 2021, le recourant était titulaire de deux baux dans le même immeuble.

20) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile et dûment transmis à la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (al. 2).

b. Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait qu'elles ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est, en soi, pas un motif d'irrecevabilité, pour autant que l'autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant. Ainsi, une requête en annulation d'une décision doit être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a, de manière suffisante, manifesté son désaccord avec la décision ainsi que sa volonté qu'elle ne déploie pas d'effets juridiques (ATA/204/2021 du 23 février 2021 consid. 2b ; ATA/1718/2019 du 26 novembre 2019 consid. 2).

c. En l'espèce, le recourant n'a pas pris de conclusions formelles en annulation de la décision dans son recours du 16 mars 2021. Il mentionne faire recours contre la décision de l'hospice au motif qu'il résiderait bien à Genève de manière effective et légale. L'on comprend dès lors qu'il sollicite l'annulation de la décision mettant fin à ces prestations d'aide financière à compter du 1er décembre 2020.

3) Le recours porte sur la conformité au droit de la décision de l'autorité intimée du 17 février 2021, confirmant celle du 23 décembre 2020 mettant un terme aux prestations d'aide financière du recourant à partir du 1er décembre 2020.

4) a. Aux termes de l’art 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. L’art. 39 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst - GE - A 2 00) contient une garantie similaire.

b. En droit genevois, la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et son règlement d’exécution du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) concrétisent ces dispositions constitutionnelles, en ayant pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI). Les prestations de l’aide sociale individuelle sont l’accompagnement social, des prestations financières et l’insertion professionnelle (art. 2 LIASI). La personne majeure qui n’est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont il a la charge a droit à des prestations d’aide financière. Celles-ci ne sont pas remboursables sous réserve notamment de leur perception indue (art. 8 al. 1 et 2 LIASI). Elles sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI).

c. Ont droit à des prestations d'aide financière les personnes qui ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton de Genève, ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien et répondent aux autres conditions de la loi (art. 11 al. 1 LIASI). Les conditions financières donnant droit aux prestations d'aide financière sont déterminées aux art. 21 à 28 LIASI.

En contrepartie des prestations auxquelles il a droit, le bénéficiaire s'engage, sous forme de contrat, à participer activement à l'amélioration de sa situation
(art. 14 LIASI).

5) La notion de domicile est, en droit suisse, celle des art. 23 et 24 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), soit le lieu où une personne réside avec l'intention de s'y établir (art. 23 al. 1 ab initio CC). La notion de domicile contient deux éléments : d'une part, la résidence, soit un séjour d'une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits et, d'autre part, l'intention de se fixer pour une certaine durée au lieu de sa résidence qui doit être reconnaissable pour les tiers et donc ressortir de circonstances extérieures et objectives. Cette intention implique la volonté manifestée de faire d'un lieu le centre de ses relations personnelles et professionnelles. Le domicile d'une personne se trouve ainsi au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l'ensemble des circonstances. Le lieu où les papiers d'identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales constituent des indices qui ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de la personne intéressée (ATF 141 V 530 consid. 5.2 ; 136 II 405 consid. 4.3). Ce n'est pas la durée du séjour à cet endroit qui est décisive, mais bien la perspective d'une telle durée (arrêts du Tribunal fédéral 5A.398/2007 du 28 avril 2008 consid. 3.2 ; 5A.34/2004 du 22 avril 2005 consid. 3.2). Du point de vue subjectif, ce n'est pas la volonté interne de la personne concernée qui importe, mais les circonstances reconnaissables pour des tiers, qui permettent de déduire qu'elle a cette volonté (ATF 137 II 122 consid. 3.6 = JdT 2011 IV 372 ; 133 V 309 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A.398/2007 précité consid. 3.2).

6) Le demandeur doit fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d’aide financière (art. 32 al. 1 LIASI). La LIASI impose ainsi un devoir de collaboration et de renseignement. Le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI ; ATA/195/2021 du 23 février 2021 consid. 4a ; ATA/1446/2019 du 1er octobre 2019 consid. 5a).

Le document intitulé « mon engagement en demandant une aide financière à l’hospice » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu’il donne immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l’établissement de sa situation économique (ATA/195/2021 précité consid. 4a ; ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3a).

7) a. L'art. 35 LIASI décrit six cas dans lesquels les prestations d'aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées.

Tel est notamment le cas lorsque la personne bénéficiaire ne répond pas ou cesse de répondre aux conditions de la loi (art. 35 al. 1 let. a LIASI) ou lorsqu'elle ne s'acquitte pas intentionnellement de son obligation de collaborer telle que prescrite par l'art. 32 LIASI (art. 35 al. 1 let. c LIASI) ou qu'elle refuse de donner les informations requises au sens des art. 7 et 32 LIASI, donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles (art. 35
al. 1 let. d LIASI).

Selon la jurisprudence, la suppression ou la réduction des prestations d'assistance doit être conforme au principe de la proportionnalité, imposant une pesée de l'ensemble des circonstances. Il faut alors prendre en considération la personnalité et la conduite du bénéficiaire des prestations, la gravité des fautes qui lui sont reprochées, les circonstances de la suppression des prestations ainsi que l'ensemble de la situation de la personne concernée (ATF 122 II 193 consid. 3b = JdT 1998 I 562 ; ATA/1662/2019 du 12 novembre 2019 consid. 7).

b. De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l’obligation de renseigner l’hospice est une prestation perçue indûment (ATA/918/2019 du 21 mai 2019 consid. 2). Les bénéficiaires des prestations d’assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l’administration, notamment en ce qui concerne l’obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d’abus de droit. Si le bénéficiaire n’agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu’il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps. Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/93/2020 précité consid. 3c).

8) De jurisprudence constante, en présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l'intéressé a données en premier lieu, alors qu'il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (arrêt du Tribunal fédéral 9C_728/2013 du 16 janvier 2014 consid. 4.1.2 ; ATA/195/2021 précité consid. 7c et les références citées).

9) En l'occurrence, l'autorité intimée a cessé les prestations d'aide sociale du recourant au 1er décembre 2020 – mais en a toutefois à nouveau alloué à compter du 1er mai 2021 suite au dépôt d'une nouvelle demande , retenant que la résidence effective du recourant à Genève n'était pas établie.

Lors de son inscription à l'hospice le 26 février 2020, le recourant a annoncé habiter dans un studio au B______. Si le recourant a reconnu, suite au contrôle opéré par l'hospice, avoir prêté le logement pendant trois mois à une tierce personne, il allègue avoir toujours eu l'intention de résider dans son studio.

Pour prouver que sa résidence effective se trouve au B______, le recourant a notamment produit le contrat de bail – établi à son nom relatif à la location de son studio à compter du 16 janvier 2018. Il allègue également que son permis de séjour, son réseau de santé, ses connaissances et ses recherches d'emploi prouveraient sa résidence effective. Toutefois, conformément à la jurisprudence susmentionnée, le lieu figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales constituent des indices qui ne sauraient l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l'intéressé. Plusieurs éléments au dossier permettent au contraire de considérer que le studio précité ne constituait pas le domicile effectif du recourant au moment de la prise de la décision litigieuse.

D'une part, lors du contrôle impromptu au domicile déclaré du recourant le 26 octobre 2020, il a été constaté que la boîte aux lettres de débordait de courriers et que son nom n'était pas présent sur la porte palière de l'appartement.

D'autre part, lors de la visite domiciliaire, aucune affaire du recourant n'a été retrouvée dans l'appartement, seule la présence d'affaires et de produits de femme ayant été constatée. Il ressort du procès-verbal relatif à cette visite – dont la teneur n'a jamais été contestée par l'intéressé – que le recourant a reconnu sous-louer son studio à une femme pour un montant de CHF 1'205.- (soit CHF 180.- de plus que le montant de son loyer à teneur du contrat de bail produit). Si le recourant s'est certes rétracté par la suite, invoquant le prêt de son appartement sans contrepartie financière, ses premières déclarations faites alors qu'il en ignorait les conséquences juridiques ont une importance prépondérante à la lumière de la jurisprudence précitée. Dans l'attestation signée par Mme G______, établie en janvier 2021, celle-ci n'atteste pas clairement ne pas avoir payé de loyer au recourant (même si elle relève effectivement avoir été hébergée en échange du nettoyage de l'appartement), ni ne précise la période durant laquelle elle aurait occupé l'appartement, indiquant uniquement être partie au bout de trois mois pour qu'il n'ait plus de problème. Le recourant ne donne par ailleurs aucune explication sur les motifs qui auraient conduit, selon lui, à cet « acte de complaisance », soit par exemple la nature de ses rapports avec Mme G______.

En outre, les explications du recourant selon lesquels il aurait été hébergé par un ami domicilié à F______ ne sont pas établies à satisfaction. Comme relevé par l'autorité intimée, M. E______ – dont le recourant n'a fourni le nom de famille que tardivement, exposant dans un premier temps ne pas le connaître – n'habite plus à cette adresse, à teneur du registre de l'OCPM, depuis le 15 mars 2018.

Par ailleurs, la localisation des bureaux de Poste dans lesquels le recourant a effectué la plupart de ses transactions financières du 1er mars au 30 novembre 2020 – D______ et C______ – sont également des indices plaidant en défaveur des allégations du recourant. Même à admettre ses explications au sujet de son attachement au bureau de Poste de D______, il convient du relever que la très grande majorité des opérations de retrait ont eu lieu à C______, pour lequel il n'apporte aucune justification. Même si, comme le relève le recourant, les bureaux de Poste en question se trouvent effectivement sur le territoire suisse, ils sont très éloignés des lieux dans lesquels il prétendait vivre durant la période en cause, soit dans son studio aux B______ ou chez un ami aux F______, mais sont en revanche à proximité immédiate de la frontière française.

Enfin, le fait que toutes ses consultations médicales et ses recherches d'emploi s'effectuaient à Genève ne permet pas pour autant de retenir que le recourant disposait d'un logement effectif à Genève au moment de la prise de décision litigieuse.

Pour le surplus, le recourant ne donne aucune explication sur les motifs l'ayant amené à louer un second appartement, de trois pièces cette fois-ci, dans l'immeuble sis B______ à compter de janvier 2021. Ce constat étonne d'autant plus qu'au moment de la conclusion de ce nouveau bail, le recourant ne percevait plus de prestations d'aide financière de l'hospice et se trouvait, selon ses explications, sans ressources. Comme le relève l'autorité intimée, cela tend également à démonter qu'il n'aurait pas réintégré son studio comme pourtant annoncé dans ses écritures.

Dans ces conditions, la chambre de céans considérera comme établi que le recourant n'était pas domicilié au B______ au moment de la décision attaquée ni même au moment de la décision initiale. Les éléments au dossier ne permettent pas d'établir quel était le réel domicile de l'intéressé durant la période litigieuse, ni même s'il disposait d'une résidence effective dans le canton de Genève (art. 11 al. 1 let. a LIASI).

Au vu de ces éléments, l'hospice était fondé à mettre un terme à ses prestations d'aide sociale.

10) Par conséquent, le recours, entièrement mal fondé, sera rejeté.

11) Au vu de ce qui précède, aucun émolument ne sera mis à la charge du recourant, lequel bénéficie de l'assistance juridique et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 1 et al. 2 LPA).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 mars 2021 par Monsieur A______ contre la décision sur opposition de l'Hospice général du 17 février 2021 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Stéphane Rey, avocat du recourant ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :