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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4177/2009

ATA/10/2010 du 12.01.2010 ( ELEVOT ) , REJETE

Recours TF déposé le 22.01.2010, rendu le 09.11.2010, REJETE, 1C_28/2010
Parties : ASLOCA ASSOCIATION GENEVOISE DE DEFENSE DES LOCATAIRES ET AUTRES, VELASCO Alberto, FULD Eric, GREINER Ernest / CONSEIL D'ETAT
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4177/2009-ELEVOT ATA/10/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 12 janvier 2010

 

dans la cause

 

ASLOCA ASSOCIATION GENEVOISE DE DÉFENSE DES LOCATAIRES
Monsieur Eric FULD
Monsieur Ernest GREINER
Monsieur Alberto VELASCO

représentés par Me Carlo Sommaruga, avocat

 

contre

CONSEIL D'ÉTAT



EN FAIT

1. Le 7 mai 2008, le Conseil d’Etat a déposé auprès du Grand Conseil un projet de loi modifiant la loi sur l'énergie du 18 septembre 1986 (LEn - L 2 30 ; ci-après : PL 10258).

L’accélération dramatique du réchauffement climatique et la raréfaction inéluctable des énergies fossiles, impliquaient une modification et une adaptation de la législation en vue de lutter contre la consommation d’énergie effrénée des dernières décennies.

Par le PL 10258, le Conseil d’Etat proposait au Grand Conseil de modifier la LEn en adoptant une série de mesures contraignantes en rapport avec les domaines suivants : la construction et la rénovation des bâtiments, l’exploitation des bâtiments, les installations soumises à autorisation, la planification énergétique territoriale, l’exemplarité de l’Etat et des collectivités publiques.

Le PL 10258 n’abordait pas la question de l’incidence de l’application de ces modifications sur le niveau des loyers des appartements locatifs soumis à la LEn dans les cas de rénovation.

2. Le PL 10258 comportait deux articles (ci-après : art. 1 et 2 soulignés), le premier énonçant les multiples modifications proposées de la LEn et le deuxième, les modifications à d’autres lois genevoises, soit une modification de l’art. 3 de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35) et une autre de l’art. 3 de la loi sur l’extension des voies de communication et l’aménagement des quartiers ou localités du 9 mars 1929 (LExt - L 1 40).

3. Le 22 septembre 2008, la commission de l’énergie et des services industriels du Grand Conseil (ci-après : la commission) a rendu son rapport sur le PL 10258. Il comportait un rapport de majorité et de minorité.

La commission proposait l’adoption du PL 10258 moyennant le remaniement de certaines dispositions de ces deux articles, mais également le rajout de certaines autres.

En particulier, elle a proposé des incitations fiscales en incluant dans l’art. 2 souligné du PL 10258, une modification de l’art. 6 al. 4 de la loi sur l’imposition des personnes physiques - Détermination du revenu net - Calcul de l’impôt et rabais d’impôt - Compensation des effets de la progression à froid du 22 septembre 2000 (LIPP-V - D 3 16) et de l’art. 78 al. 2 de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 (LCP - D 3 05), s’agissant de l’impôt immobilier complémentaire.

Elle a également considéré que le PL 10258 devait traiter de la question de savoir qui, de l’Etat, des propriétaires et/ou des locataires, assumerait le coût des travaux de rénovation lié aux mesures d’énergie, en cas de rénovation d’immeubles locatifs. Elle a ainsi proposé d’inclure à l’art. 1 souligné du PL 10258 un art. 15 al. 11 à 14 LEn réglant cette question, et, dans la foulée, d’ajouter à l’art. 2 souligné du PL 10258 une modification des art. 6 al. 3 et 9 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20). Ces dernières modifications reprenaient les principes figurant aux art. 15 al. 11 à 14 que la commission proposait d’ajouter à la LEn.

4. Le 9 octobre 2009, le Grand Conseil a ainsi adopté la loi modifiant la loi sur l'énergie (ci-après : L 10258) conformément à la proposition de la commission.

5. Le 9 octobre 2009, le Grand Conseil a également adopté la loi d'organisation judiciaire (ci-après : L 10462), destinée à remplacer la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ - E 2 05) et la loi instituant un conseil supérieur de la magistrature et une cour d'appel de la magistrature du 25 septembre 1997 (LCSM - L 2 20).

Cette modification législative impliquait une modification des règles de fonctionnement de la juridiction des baux et loyers. Elle entraînait celle de plusieurs autres lois énoncées à l'art. 146 L 10462, dont une modification de l'art. 45 al. 3 LDTR et l'abrogation de l'art. 46 LDTR.

6. Le 19 octobre 2009, la L 10258 a été publiée dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) accompagnée d’un arrêté du Conseil d’Etat du 14 octobre 2009 stipulant :

« en application des art. 53A, al. 2 et 160F, let. d. de la Constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1847 (Cst-GE A 2 00), la loi ci-dessus doit être publiée dans la Feuille d’avis officielle avant d’être soumise au vote du Conseil général. La date du scrutin est fixée par arrêté séparé ».

7. Le 19 octobre, la L 10462 a également été publiée dans la FAO accompagnée d’un arrêté du Conseil d’Etat du 14 octobre 2009 stipulant :

« en application des art. 53A, al. 2 et 160F, let. a et d, de la constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1847 (Cst-GE A 2 00), la loi ci-dessus doit être publiée dans la Feuille d’avis officielle avant d’être soumise au vote du Conseil général. La date du scrutin est fixée par arrêté séparé ».

8. L’Association genevoise de défense des locataires (ci-après : Asloca) ayant son siège 12, rue du Lac à Genève, ainsi que Messieurs Alberto Velasco, Ernest Greiner et Eric Fuld, citoyens suisses domiciliés à Genève et titulaires du droit de votre dans ce canton, ont interjeté recours le 18 novembre 2009 auprès du Tribunal administratif contre l’arrêté du Conseil d’Etat du 14 octobre 2009 relatif à la L 10258.

Ils concluent à l’annulation dudit arrêté et à ce que le tribunal de céans ordonne au Conseil d’Etat de rendre un nouvel arrêté « conforme au considérant du jugement », avec suite de dépens. Subsidiairement, ils concluent à ce que le Tribunal administratif ordonne au Conseil d’Etat de publier un nouvel arrêté stipulant que la L 10258, soit soumise au référendum facultatif, le délai référendaire échéant dans les quarante jours dès la publication de la FAO, à l’exception de l’art. 2 al. 1 et 2 et al. 6 (mesures en faveur des locataires et de l’emploi) qui doit être soumise au vote du Conseil général en vertu de l’art. 53A al. 1 Cst-GE.

Par l’arrêté attaqué, le Conseil d’Etat violait les art. 53 Cst-GE et 85 de la loi sur l’exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 (LEDP - A 5 05) en ne publiant pas le délai référendaire auquel la L 10258 était soumise.

Il violait également l’art. 53A al. 2 Cst-GE en raison de l’indication erronée selon laquelle la L 10258 était soumise au référendum obligatoire, visant l’une des lois de protection des locataires et des habitants de quartier énumérée à l’art. 160F Cst-GE.

9. Le recours a été inscrit au rôle du Tribunal administratif sous le numéro de cause A/4177/2009.

10. Le 20 novembre 2009, a paru dans la FAO un arrêté du Conseil d’Etat du 18 novembre 2009 dont la teneur était la suivante :

« 1. La votation cantonale sur

- la loi modifiant la loi sur l’énergie (LEn) du 9 octobre 2009 (L 2 30 - 10258) ;

- la loi sur l’organisation judiciaire (LOJ) du 9 octobre 2009 (E 2 05 - 10462),

est fixée au dimanche 7 mars 2010.

2. Les prises de position des partis politiques, autres associations ou groupements doivent être déposées, en mains propres, au service des votations et élection, 25, route des Acacias, au plus tard le lundi 18 janvier 2010, avant midi.

3. Tout groupement qui dépose une prise de position lors d’une votation fédérale, cantonale ou municipale doit remettre dans les 60 jours les comptes relatifs à l’opération de vote concernée, y compris la liste des donateurs, à l’inspection cantonale des finances.

4. Chaque électeur recevra, 3 semaines au moins avant la votation, les textes soumis au vote et les explications y relatives, ainsi qu’un bulletin de vote.

5. Convocation des électeurs - Les électeurs sont convoqués pour se prononcer sur ces questions lors de l’opération électorale qui aura lieu dans les locaux de vote du canton aux jours et heures fixés par la loi.

6. Récapitulation générale - La séance de récapitulation générale des votes aura lieu le mardi 9 mars 2010, à 9 h en chancellerie d’Etat (salle de la DOSID, 25, route des Acacias, 1er étage) conformément à l’art. 48, al. 3, de la constitution genevoise.

7. Le délai de recours au Tribunal administratif est de 6 jours, il court dès le lendemain de la publication du présent arrêté ».

11. Par acte posté le 24 novembre 2009, l’Asloca ainsi que MM. Velasco, Greiner et Fuld, ont recouru auprès du Tribunal administratif contre l’arrêté du Conseil d’Etat du 18 novembre 2009.

Ils concluent préalablement à la jonction de ce recours avec celui déposé le 18 novembre 2009 et à ce que, principalement, il soit constaté que la L 10258 est soumise au référendum facultatif à l’exception de l’art. 2 al. 1 et 2 qui sont soumis au référendum obligatoire en vertu de l’art. 53A al. 1 Cst-GE et de l’art. 2 al. 6 qui est soumis au référendum obligatoire en vertu de l’art. 160F Cst-GE.

Ils concluent préalablement également qu’il soit constaté que la L 10462 est soumise au référendum facultatif à l’exception des dispositions qui tombent sous l’art. 160F Cst-GE.

De même, ils concluent à l’annulation de l’arrêté du 18 novembre 2009 et à ce qu’il soit ordonné au Conseil d’Etat de « recommencer la procédure référendaire en publiant un délai de quarante jours pour le dépôt de 7'000 signatures pour la L 10258 à l’exception des al. 1, 2 et 6 de l’art. 2 de la loi qui seront soumis au référendum obligatoire distinctement". Le Conseil d’Etat devait également "recommencer la procédure référendaire en publiant le délai de quarante jours pour le dépôt de 7'000 signatures pour la L 10462, à l’exception des dispositions soumises en vertu de l’art. 160F Cst-GE au référendum obligatoire, qui seront soumises à ce dernier distinctement ». Ils concluent encore à la condamnation de l’Etat de Genève en tous les dépens.

12. Ce nouveau recours, enregistré dans le rôle du Tribunal administratif sous le numéro de cause A/4242/2009, a été joint à la cause A/4177/2009 par décision du Tribunal administratif du 8 décembre 2009.

13. Le 21 décembre 2009, le Conseil d’Etat s’est déterminé sur les deux recours.

Il conclut à leur irrecevabilité, subsidiairement à leur rejet. De même, il sollicite le retrait de l'effet suspensif, respectivement l'octroi de mesures provisionnelles pour permettre « d’avancer » dans l’organisation du scrutin du 7 mars 2010.

Le recours interjeté contre l’arrêté du Conseil d’Etat du 14 octobre 2009 était tardif, n’ayant pas été interjeté dans le délai de six jours de l’art. 63 al. 1 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Quant à celui contre l’arrêté du Conseil d'Etat du 18 novembre 2009, s'il respectait le délai légal de recours, ses conclusions et les griefs invoqués visaient en réalité l’arrêté du 14 octobre 2009. De ce fait, le recours en tant qu’il était dirigé contre la L 10258 ne faisait que compléter le recours du 18 novembre 2009. Ce complément était tardif également.

Quant aux conclusions contenues dans le recours du 24 novembre 2009 relatives à la L 10462, elles étaient tardives, ayant été formulées pour la première fois trente-six jours après la publication de cette loi dans la FAO.

Les recourants devaient en tous les cas être déboutés dans la mesure où le Conseil d’Etat, dont le rôle était de vérifier si un texte devait être ou non soumis au référendum obligatoire, avait agi conformément aux exigences constitutionnelles en soumettant à ce dernier toute la L 10258 et la L 10462. Il n’était en effet pas possible, concernant ces deux lois, d’isoler les dispositions légales modifiant des lois soumises au référendum obligatoire de celles modifiant des lois qui ne l’étaient pas, contrairement à ce qui avait pu se produire antérieurement.

14. Les parties ont été avisées, par télécopieur, le 7 janvier 2010 que, sur le fond, la cause était gardée à juger.

15. Le 8 janvier 2010, les recourants se sont déterminés sur la requête en retrait de l’effet suspensif, respectivement l’octroi de mesures provisionnelles formulées par le Conseil d’Etat. Cette requête devait être refusée. Le Tribunal administratif devait expressément dire que le Conseil d’Etat n’était pas habilité à poursuivre la préparation du scrutin du 7 mars 2010. Un recours recevable était assorti de l’effet suspensif. Aucun motif légal ne pouvait conduire à retirer celui-ci, sauf à vider les recours de leur sens. Un report de la votation, s’il était nécessaire, n’aurait pas le caractère de gravité allégué. Les recourants avaient un intérêt prépondérant à ce que l’opération ne soit pas menée à chef avant que les recours ne soient tranchés.

EN DROIT

1. a. Le Tribunal administratif est l’autorité supérieure de recours en matière administrative (art. 56A al. 1 LOJ), le recours étant ouvert contre les décisions, au sens de l’art. 4 LPA, des autorités administratives (art. 56A al. 2 LOJ) auquel le Conseil d’Etat appartient (art. 5 let. a LPA).

b. Le Tribunal administratif connaît également des recours dans d’autres cas, lorsque la loi le prévoit expressément (art. 56A al. 3 LOJ). Il est ainsi autorité de recours en matière de votations et d’élections cantonales et communales (art. 180 al. 1 LEDP), étant précisé que le recours est ouvert non seulement contre les décisions prises par les autorités compétentes dans ce cadre, mais contre toute violation de la procédure électorale, indépendamment de l’existence ou non d’une décision au sens de l’art. 56A al. 2 LOJ (art. 180 al. 2 LEDP).

2. Selon les cas, le délai est de trente jours en cas de recours contre une décision finale ou en matière de compétence (art. 63 al. 1 let. a LPA), de dix jours pour les autres décisions, notamment les décisions incidentes (art. 63 al. 1 let. b LPA), mais de six jours en matière de votations et d’élections (art. 63 al. 1 let. c LPA).

3. Au sens de l’art. 4 al. 1er de la LPA sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c).

En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral (art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 - PA - RS 172.021), ce qui est également valable pour les cas limites, ou plus exactement pour les actes dont l’adoption n’ouvre pas de voie de recours. Ainsi, de manière générale, les communications, opinions, recommandations et renseignements ne déploient aucun effet juridique et ne sont pas assimilables à des décisions, de même que les avertissements ou certaines mises en demeure (Arrêt du Tribunal fédéral 1C.408/2008 du 16 juillet 2009 consid. 2 ; ATA/311/2009 du 23 juin 2009 ; ATA/42/2007 du 30 janvier 2007 consid. 4 ; ATA/602/2006 du 14 novembre 2006 consid. 3 ; ATA/836/2005 du 6 décembre 2005 consid. 2 ; P. MOOR, Droit administratif, Vol. 2, Berne 2002, p. 214, n. 2.2.3.3 ; B. BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 334-344).

4. a. Les décisions doivent être désignées comme telles et indiquer les voies de recours (art. 46 al. 1 LPA).

b. Elles doivent être notifiées à leur destinataire (art. 46 al. 2 LPA). Toutefois, lorsqu’il s’agit d’une décision collective, ou si l’autorité le juge nécessaire, la notification peut être remplacée une publication de cette décision (art. 46 al. 4 et 5 LPA).

c. Conformément à la doctrine et la jurisprudence, en cas de vice de forme d’une décision, ce n’est que dans l’hypothèse d’une réparation impossible de celle-ci que la sécurité du droit ou le respect des valeurs fondamentales implique son annulabilité. Tel n’est pas le cas si le vice qui affecte la décision peut être réparé à travers le contrôle qu’exerce le Tribunal administratif, sans prétériter les parties (ATA/800/2005 du 22 novembre 2005).

En particulier, lorsqu’il existe une obligation de mentionner les voies de recours, l’omission de celles-ci ne conduit pas à la mise à néant de cette décision, mais elle ne saurait porter préjudice aux justiciables (ATF 123 II 231 et jurisprudences citées ; Arrêt du Tribunal fédéral 2P.33/2004 et 2P.174/2004 du 7 décembre 2004, consid. 3.3). De même, un recours exercé tardivement, peut être déclaré recevable si la décision attaquée n’était pas munie de l’indication de la voie ou du délai de recours dès lors que l’intéressé a agi dans un délai raisonnable (P. MOOR, Droit administratif, vol. 2, 2ème éd., 2002, p.304). Ces principes découlent de l’application des règles de la bonne foi qui sont garantis par l’art. 9 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), qui impose également des devoirs à l’autorité dans la conduite d’une procédure (ATF 129 I 161, consid. 4 p. 170 ; 129 II 361, consid. 7.1, p. 381 ; Arrêt du Tribunal fédéral 9C.115/2007 du 12 janvier 2008, consid. 4.2 ; B. BOVAY, procédure administrative, Berne 2000, p. 271 ; J.-F. EGLI, la protection de la bonne foi dans le procès, in : juridiction constitutionnelle et juridiction administrative, Zürich 1992, p. 228). Ils sont d'ailleurs expressément repris à l'art. 47 LPA selon lequel, une notification irrégulière d'une décision ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties.

5. Les deux recours interjetés visent, pour l'un, l'arrêté du Conseil d'Etat du 14 octobre 2009 relatif à la L 10258 et, pour l'autre, celui du 18 novembre 2009 fixant la date de la votation de cette loi, mais aussi de la L 10462. Le premier de ces arrêtés, contrairement au deuxième, ne comporte ni mention des voies de droit ni délai de recours. L'intimé soutenant dans ses écritures que ces mentions n'étaient pas nécessaires dans la mesure où ledit arrêté ne constituait qu'un "acte préparatoire en matière électorale", et que le recours, possible en vertu de l'art. 180 al. 2 LEDP, était tardif, il y a lieu d’examiner la nature juridique et la portée dudit arrêté.

Celui-ci se fonde sur l’art. 8 al. 4 de la loi sur la forme, la publication et la promulgation des actes officiels du 8 décembre 1956 (LFPP - B 2 05) aux termes duquel « les lois soumises au référendum obligatoire font l’objet, sur décision du Conseil d’Etat, d’une publication particulière ». Cette disposition s’inscrit dans le cadre plus général de la compétence conférée au Conseil d’Etat par l’art. 116 Cst-GE d’avoir à entreprendre les démarches permettant la mise en œuvre des lois cantonales. Aussi, celles-ci doivent faire l'objet de la part des services de cette autorité, avant leur promulgation, d'un traitement différencié, réglé par l’art. 8 LFPP, selon que le texte légal est soumis au référendum obligatoire ou facultatif, cette disposition accordant au Conseil d'Etat la compétence de statuer sur ce point. L'arrêté du 14 octobre 2009 fait partie des démarches destinées à permettre aux citoyens l’exercice de leurs droits politiques. Toutefois, cet arrêté ne peut être assimilé à une simple information donnée par l’autorité à leur attention ou réduit à une péripétie du processus d'exercice du droit de référendum. Il s’agit d’un acte imposé par l'art. 8 al. 4 LFPP par lequel les citoyens sont informés qu’ils auront à se prononcer sur un texte législatif sans qu'il soit nécessaire de lancer un référendum pour demander que celui-ci soit soumis au vote du peuple. Cet arrêté a le caractère d'une décision, au sens de l’art. 4 LPA, qui doit respecter les exigences de contenu et de notification de l'art. 46 LPA et contre laquelle un droit de recours spécifique doit être admis (E. GRISEL, Initiative et référendum populaires, Traité de la démocratie semi-directe en droit suisse, 3ème éd., 2004 p. 143 et 396), à l'instar de celui reconnu contre l'arrêté du Conseil d'Etat qui constate l'aboutissement d'une initiative (ATA/542/2006 du 10 octobre 2006 ; S. GRODECKI, L'initiative populaire cantonale et municipale à Genève, 2008, n° 1438, p. 397).

6. a. En matière de votations, le recourant dispose d’un délai de six jours pour recourir (art. 63 al.1 let c LPA). Dans le cas d’espèce, le recours du 14 novembre 2009 ne respecte pas ce délai qui courait dès le 20 octobre 2009, lendemain de la publication de l’arrêté dans la FAO. Toutefois, l'arrêté du Conseil d'Etat ne comportant pas la mention des voies de droit et des délais de recours en violation de l'art. 46 al. 1 LPA, cette tardiveté ne peut être imputée aux recourants. Compte tenu de la brièveté du délai de recours en matière de droits politiques, il importe en effet particulièrement que les décisions prises par les autorités dans ce domaine fassent état de ce délai. Le recours du 14 novembre 2009 sera donc considéré, par application de l’art. 47 LPA, comme ayant été interjeté en temps utile.

Il en va de même s'agissant du recours du 24 novembre 2009 qui a été interjeté dans le délai de six jours contre l'arrêté du Conseil d'Etat du 18 novembre 2009, comme spécifié dans ce dernier.

7. Selon l'art. 60 let. b LPA, la qualité pour recourir est reconnue à toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée. Dans le contentieux relatif à l'exercice des droits politiques, le recours est ouvert à toute personne invoquant leur violation, mais aussi aux partis politiques, ainsi qu'aux comités référendaires ou d'initiative (S. GRODECKI, L'initiative populaire cantonale et municipale à Genève, 2008, p. n° 1461, p. 402). Sous cet angle, l'Asloca, qui n’est pas titulaire de droits politiques, n’a pas qualité pour recourir. Cela ne fait cependant pas obstacle à la recevabilité des recours des 18 et 24 novembre 2009 dans la mesure où les trois autres recourants bénéficient du droit de vote à Genève et sont fondés, de ce fait, à saisir le tribunal de céans.

 

recours du 18 novembre 2009 contre l'arrêté du Conseil d'Etat du 14 octobre 2009

8. Les recourants font grief à l'intimé d'avoir violé les art. 53 et 53A al. 2 Cst-GE en décidant de soumettre toute la L 10258 au vote des électeurs alors que seules les modifications de la LDTR, de la LIPP et de la LCP énoncées à l'art. 2 souligné de cette loi étaient soumises au référendum obligatoire.

9. Aux termes de l'art. 53 Cst-GE, les lois votées par le Grand Conseil sont soumises au référendum facultatif. Depuis 2001, au gré de plusieurs modifications constitutionnelles, le référendum est devenu obligatoire pour :

- les lois dont l'objet est un nouvel impôt ou la modification du taux ou de l'assiette de l'impôt (art. 53A al. 1 Cst-GE) ;

- les lois de protection des locataires et des habitants de quartiers énumérées à l'art. 160F let. a à d Cst-GE ( art. 53A al.2 Cst-GE).

10. En vertu de l'art. 8 LFPP, il revient au Conseil d'Etat de décider si une loi doit être soumise au peuple ou s'il y a lieu de faire courir le délai référendaire. Cette disposition a été adoptée le 23 juin 2005 postérieurement à l'entrée en vigueur de l'art. 53A al. 1 Cst-GE. Selon le rapporteur de la commission, il s'agissait de combler une lacune relative aux modalités de publication des lois soustraites au référendum en spécifiant qu'il était préférable que ce soit le Conseil d'Etat, plutôt que le Grand Conseil, qui statue avec l'aide de son service juridique, sur la question de savoir si une loi était soumise au référendum obligatoire (MGC 2005 X p. 8248, consultable en ligne : www.ge.ch/grandconseil/memorial/data /550410/53/550410_53_complete.asp).

11. a. Selon une jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la loi s’interprète en premier lieu d’après sa lettre (interprétation littérale). Si le texte légal n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d’autres dispositions légales, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique) (ATF 129 V 258 consid. 5.1 p. 263/264 et les réf. citées). Le Tribunal fédéral utilise les diverses méthodes d’interprétation de manière pragmatique, sans établir entre elles un ordre de priorité hiérarchique (ATF 125 II 206 consid. 4a p. 208/209). Enfin, si plusieurs interprétations sont admissibles, il faut choisir celle qui est conforme à la Cst. (ATF 119 Ia 241 consid. 7a p. 248 et les arrêts cités).

b. En cas de lacune, la doctrine distingue les lacunes proprement dites et improprement dites de la loi. Les premières sont les silences non voulus par le législateur, qui rendent la loi inapplicable ou qui engendrent des résultats contraires à sa systématique ou à ses objectifs. Les secondes sont les silences de la loi sur des points qui en rendent l'application insatisfaisante. Ces dernières ne permettent pas au juge de se substituer au législateur (ATF 131 II 567 consid. 3.5 ; 128 I 34 consid. 3b p. 42 ; P. MOOR, Droit administratif, vol. I, 2ème éd., 1994, pp. 154-155).

12. En l'occurrence, l'existence d'une lacune ne peut être retenue du seul fait que le Grand Conseil n'a pas expressément réglé dans la LFPP les situations hybrides qui peuvent se présenter à chaque fois que le législatif vote une loi modifiant plusieurs textes légaux qui ne sont pas tous soumis au référendum obligatoire. En effet, par l'adoption de l'art. 8 al. 4 LFPP, le parlement a clairement délégué au Conseil d'Etat la tâche de prendre les décisions permettant la mise en œuvre du processus référendaire, tout en lui laissant disposer d'un certain pouvoir d'appréciation dans les situations précitées, afin de lui permettre d'opter pour les modalités de scrutin les plus adéquates. Ce pouvoir d'appréciation n'est pas sans limites. D’un côté, le Conseil d’Etat doit agir pour favoriser au mieux l'exercice des droits politiques, notamment la libre formation de la volonté des électeurs qui doivent pouvoir comprendre les enjeux des scrutins auxquels ils sont conviés. De l’autre, il doit respecter les travaux du parlement et en rester fidèle à la volonté et aux décisions de celui-ci. Il s'agit pour lui d'agir dans le respect des garanties conférées aux électeurs par l'art. 34 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) tout en se conformant au principe de la séparation des pouvoirs.

Lorsque se présentent des situations mixtes du type de celle générée par l'adoption de la L 10258, même si le principe devrait être de renvoyer la totalité de la loi devant le Conseil général, un renvoi partiel n'est pas exclu, à condition que les dispositions légales soumises au référendum facultatif puissent être maintenues sans complication ou que l'absence de celles soumises obligatoirement au peuple ne conduise à briser, en cas de rejet, l'économie ou l'équilibre de la loi qui a été adoptée. En cas d'incertitude, il sera préférable d'opter pour un renvoi de toute la loi devant le peuple, une telle décision ne pouvant être considérée comme pouvant porter atteinte à l'exercice des droits politiques. Il devrait en aller de même lorsque l'adoption de la loi a donné lieu à des affrontements politiques devant le Grand Conseil, ou si une soumission seulement partielle des dispositions légales risque de dénaturer ou de tronquer ce débat.

Dans le cas de la L 10258, la décision du Conseil d'Etat de soumettre la totalité du projet au vote populaire se justifiait pleinement. Non seulement trois lois sur les sept lois modifiées tombaient sous le coup de l'art. 53A Cst-GE, mais surtout, il n'était pas possible de décider de ne soumettre au référendum obligatoire que les dispositions modifiant la LDTR, la LIPP et la LCP contenues dans l'art. 2 souligné de la L 10258 sans risquer de porter atteinte à l'équilibre de la loi adoptée. En effet, si l'on considère les modifications de la LDTR auxquelles s'opposent les recourants, la question de la répercussion du coût des travaux destinés à permettre de réaliser des économies d'énergie n'est pas seulement réglée par celles-ci dans la L 10258, mais également par l'ajout de l'art. 15 al. 11 à 14 LEn, introduit par l'art. 1 souligné de la L 10258. Si les seules modifications à la LDTR étaient soumises au référendum obligatoire, comme le souhaitent les recourants, cela risquerait, en cas de refus de celles-ci, de conduire à l'entrée en vigueur de normes modifiant la LEn qui seraient difficiles à concilier, voire qui pourraient être en contradiction avec d'autres lois cantonales, conséquence qui doit être évitée.

En outre, un renvoi de la L 10258 en votation partielle tel que celui souhaité par les recourants pourrait conduire à soumettre au peuple une question tronquée relative à une nouvelle loi, ne reflétant qu'une partie de la problématique débattue devant le Grand Conseil à l'occasion de l’examen de son projet. Le débat ne s'est en effet pas cantonné au financement des mesures d'amélioration et à la répercussion de leurs coûts sur les loyers, même si ce dernier point a fait l'objet de longues discussions et tractations.

Ainsi, c'est dans le respect des art. 53 et 53A Cst-GE et sans contrevenir à l’art. 85 LEDP que le Conseil d'Etat a pris l'arrêté du 14 octobre 2009 relatif à la L 10258 et décidé de soumettre toute la L 10258 au référendum obligatoire. Le recours du 14 octobre sera donc rejeté sur ce point.

recours du 24 novembre 2009 contre l'arrêté du Conseil d'Etat du 18 novembre 2009

13. Le recours du 24 novembre 2009 vise l'arrêté par laquelle le Conseil d’Etat a fixé la date de la votation. Si la contestation d'une telle décision est possible puisqu'elle fait partie de celles prises en matière de votation ou d’élection (art. 180 LEDP), encore faut-il que soient invoqués des griefs spécifiques à l’encontre du dispositif de la décision déterminant cette date.

En l’occurrence, le Tribunal administratif constate que les recourants n’en soulèvent aucun.

Pour la partie de leurs écritures qui traite de la L 10258, ils ne font que reprendre l’argumentation développée dans leur recours du 14 octobre 2009 si bien que l’issue négative de ce premier recours ne peut qu’entraîner celle du deuxième.

Le recours vise également la L 10462 relative à la nouvelle LOJ, puisque l’arrêté du 18 novembre 2009 a aussi pour objet de fixer la date de la votation de cette loi soumise également en totalité au scrutin populaire. A ce propos, si les recourants ont pris des conclusions pour demander l’annulation de la date de cette votation prévue pour le même jour, ils n’invoquent aucun grief spécifique en rapport avec la date retenue, se limitant à demander très succinctement que le vote référendaire sur la LOJ soit annulé pour des raisons similaires à celles développées au sujet du scrutin référendaire relatif à la L 10258. Ils n'ont cependant interjeté aucun recours après la publication de l’arrêté du Conseil d’Etat du 14 octobre 2009 relatif à la L 10462 et dans leur recours du 24 novembre 2009, ils n’ont pris aucune conclusion dans ce sens. Partant, les conclusion du recours du 24 novembre 2009 sont irrecevables en tant qu’elles concernent le dispositif de l’arrêté du Conseil d’Etat du 18 novembre 2009 relatif à la L 10462, qui ne fait que mettre en œuvre le premier arrêté.

Les recours contre l’arrêté du 14 octobre 2009 relatif à la L 10258, et contre l'arrêté du 18 novembre 2009 seront ainsi rejetés, en tant toutefois qu'ils sont recevables s'agissant de ce dernier acte.

14. Le tribunal de céans statuant ce jour sur le fond du litige, la requête en restitution de l’effet suspensif, subsidiairement en mesures provisionnelles, n’a plus d’objet.

15. Vu l'issue de la procédure, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement (art. 87 al. 2 LPA). Aucune indemnité ne sera allouée.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

déclare irrecevables les recours interjetés les 18 et 24 novembre 2009 par l’association genevoise de défense des locataires (Asloca) contre l'arrêté du Conseil d'Etat du 14 octobre 2009 relatif à la loi modifiant la loi sur l’éngergie (LEn - 10258) du 9 octobre 2009 et celui du 18 novembre 2009 fixant la date d’une votation cantonale  ;

déclare recevables les recours interjetés par Messieurs Eric Fuld, Ernest Greiner et Alberto Velasco, contre les mêmes arrêtés du Conseil d’Etat  ;

au fond :

rejette les recours interjetés contre l’arrêté du Conseil d’Etat du 14 octobre 2009 ;

rejette ceux interjetés contre l’arrêté du Conseil d’Etat du 18 novembre 2009, en tant qu’ils sont recevables ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge conjointe et solidaire de Messieurs Eric Fuld, Ernest Greiner et Alberto Velasco ainsi que de l’association genevoise de défense des locataires (Asloca) ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Carlo Sommaruga, avocat des recourants ainsi qu'au Conseil d'Etat.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Bovy, Mmes Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. a.i.:

 

 

F. Rossi

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :