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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3193/2020

ATA/84/2021 du 26.01.2021 ( FORMA ) , REJETE

Descripteurs : FORMATION(EN GÉNÉRAL);ÉTUDIANT;ÉTUDES UNIVERSITAIRES;INSTITUTION UNIVERSITAIRE;ACCÈS(EN GÉNÉRAL);TITRE UNIVERSITAIRE
Normes : Cst.5.al1; Cst.5.al3; Cst.9
Résumé : Recours d’une étudiante à laquelle l’université refuse l’admission en master bi-disciplinaire. Dès lors que les principes de la non-rétroactivité des lois, de la légalité, de l’interdiction de l’arbitraire et de la bonne foi de même que les divers règlements universitaires ont été respectés le recours est rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3193/2020-FORMA ATA/84/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 janvier 2021

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE



EN FAIT

1) Mme A______ a obtenu, le 16 septembre 2019, un baccalauréat en sciences pharmaceutiques délivré par la faculté des Sciences de l'Université de Genève (ci-après : la faculté ou l'université).

2) Mme A______ s'est ensuite inscrite en master de pharmacie et a présenté des examens aux sessions de février et juin 2020.

3) Durant le semestre du printemps 2020, elle a entrepris des démarches en vue d'une admission au master bi-disciplinaire majeure sciences pharmaceutiques et mineure chimie, dispensé par la faculté. Son but était à terme de pouvoir enseigner.

4) Ce changement de formation a été refusé le 19 mai 2020 par le conseiller aux études de la faculté au motif que le master convoité n'existait pas.

5) Mme A______ a formé opposition le 20 mai 2020 contre cette décision en invoquant l'art. B 15 bis du règlement de la Maîtrise universitaire (master) bi-disciplinaire en vigueur dès le 18 septembre 2017 (ci-après : règlement 2017) qui, selon elle, l'autorisait à s'inscrire à un tel master.

6) Mme A______ a déposé le 4 août 2020 une demande de congé pour le semestre d'automne 2020, pour maladie et raisons financières liées à l'exigence de faire deux stages à la suite non payés. Cette demande a été acceptée le 7 septembre 2020.

7) Par décision sur opposition du 8 septembre 2020, la faculté a confirmé le refus d'admission de Mme A______ en master bi-disciplinaire. Un tel master n'existait pas, conformément à ce qui était indiqué sur le site internet de la faculté, quand bien même cela ne ressortait pas expressément du règlement 2017. Ledit règlement avait été modifié et approuvé le 6 juillet 2020 (ci-après : le règlement 2020) par le Rectorat, pour que les majeures autorisées y soient clairement indiquées, modification qui était entrée en vigueur à la rentrée de l'automne 2020 et s'appliquait à tous les étudiants désireux d'entreprendre un master bi-disciplinaire.

Conformément à ce règlement, Mme A______ n'était pas admissible au master convoité, qui n'existait pas.

8) a. Mme A______ a formé recours par acte expédié le 9 octobre 2020 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision. Elle a conclu à son annulation et à ce qu'elle puisse intégrer le master bi-disciplinaire avec majeure sciences pharmaceutiques et mineure chimie, à l'occasion d'un prochain semestre, frais et « dépens » de la procédure mis à charge de l'université et comprenant une indemnité de procédure.

Les 23 et 26 mars 2020, elle avait pris contact par courriel avec le responsable du programme de master bi-disciplinaire en sciences (ci-après : le responsable du programme) dans le but de s'y inscrire. Ce dernier lui avait répondu « négativement » par cette même voie le 26 mars 2020. Lors d'un entretien le 11 mai 2020, il lui avait expliqué que son admission au master convoité serait refusée. Elle devait toutefois s'inscrire afin que ce refus lui soit notifié officiellement. Le 20 mai 2020, le responsable du programme avait complété son formulaire de formation en y apposant les mentions de refus d'entrée en formation et « le master bi-di maj pharmacie min. chimie n'existe pas ». Elle avait dû attendre le 9 septembre 2020, soit cinq jours seulement avant la rentrée académique, pour recevoir la décision de refus d'opposition, ce qui violait le principe de célérité et était constitutif d'un déni de justice.

Le principe de non-rétroactivité était de même violé dans la mesure où l'université avait procédé à l'adoption d'un nouveau règlement entre sa demande d’admission du 18 mai 2020 et la décision sur opposition. Ce règlement 2020 ne reprenait pas l'art. B 15 nonies al. 3 qui prévoyait la possibilité de finir son titre sous l'ancien règlement ou de basculer dans le nouveau. Sous l'égide de l'ancien règlement, elle remplissait pleinement les conditions d'admission au master bi-disciplinaire dans la mesure où elle était au bénéfice d'un baccalauréat en sciences pharmaceutiques. La modification du règlement avait ainsi été effectuée dans le seul but de l'écarter du master bi-disciplinaire et de masquer les manquements de l'administration. Ce faisant, cette dernière avait violé de manière crasse les principes de la bonne foi, de la légalité et de l'interdiction de l'arbitraire. Bien que la combinaison majeure en sciences pharmaceutiques et mineure en chimie n'ait jamais été appliquée jusqu'à présent, le règlement 2017 prouvait qu'elle existait. Il incombait au responsable de programme de s'adapter pour proposer un plan d'études approprié.

Les manquements de l'administration l'avaient contrainte à demander un congé pour le semestre d'automne 2020, qu'elle avait perdu.

b. Mme A______ a notamment produit un échange de courriels avec le responsable du programme. Selon un premier courriel du 26 mars 2020, ce dernier indiquait à Mme A______ que le master « bi-di » n'était pas accessible sans qu'elle n'effectue une majeure en chimie ou en biologie par exemple. Des équivalences de cours pouvaient cependant être envisagées. Au terme d'un second courriel du même jour, il indiquait à Mme A______ que le master « bi-di pharmacie mineure » n'existait pas. Conformément à ce qui figurait sur le site internet à la page https://www.unige.ch/ sciences/fr/enseignements/ formations /masters/bi-disciplinaire/, il fallait une majeure, soit un « BA » (baccalauréat) dans les disciplines mentionnées. Le responsable du programme répondait par ce second courriel aux interrogations de Mme A______ selon lesquelles elle se disait déroutée par certaines informations lui semblant contradictoires. Elle s'était fiée à l'art. 15 bis al. 1 du règlement 2017. Étant déjà en possession d'un baccalauréat décerné par la faculté, elle ne comprenait pas pour quelle raison il serait nécessaire qu'elle en fasse un en biologie ou en chimie.

Aux termes d'un échange de mails des 5-6 mai 2020, Mme A______ et le responsable de programme ont convenu d'un rendez-vous en visioconférence, faute pour ce dernier de pouvoir la recevoir en raison de la crise sanitaire.

9) Il ressort des informations figurant sur le lien susmentionné, consulté le 19 janvier 2021, que « A la fois prolongement historique de la licence bi-disciplinaire, titre créé à la demande du département de l'instruction qui souhaitait au début des années 90 que les enseignants du secondaire soient formés dans deux disciplines et nouveauté émanant de la réforme de Bologne, mise sur pied à la Faculté en octobre 2004, le master bi-disciplinaire est un master à part entière et particulier.

« Outre le but de fournir des enseignants capables d'enseigner deux disciplines au niveau du secondaire post-obligatoire, ce titre répond à un besoin de formation moderne. Les recherches de pointe actuellement s'effectuent souvent à l'interface des disciplines, ce nouveau titre est une des clés de voûte de la réforme de Bologne à la Faculté.

Par conséquent, au lieu de choisir la voie classique, B-M-D dans une discipline X, l'étudiant effectue alors un bachelor dans une branche X (discipline majeure : math, sciences informatiques, physique, chimie, biologie, sciences de la Terre), puis au niveau du master choisit une discipline Y (discipline mineure : math, sciences informatiques, physique, chimie, biologie, sciences de la Terre) tel que X différent de Y. Ce master est complété par un travail de master bi-disciplinaire de 30 crédits effectué en principe dans la discipline majeure en introduisant des aspects des connaissances acquises dans la mineure. Ce master ouvre les portes du doctorat interdisciplinaire qui peut être effectué dans les laboratoires de n'importe quelle Section de la Faculté, si l'étudiant est sélectionné par le leader du groupe de recherche.

En fonction des antécédents de l'étudiant, un certain nombre de crédits complémentaires pré-requis n'excédant pas 30 ECTS, seront exigés en plus des 60 crédits ECTS de la mineure. Le plan d'études est établi par le responsable de la filière en concertation avec l'étudiant et les sections concernées ».

Toujours selon cette même source, le master bi-disciplinaire en sciences offre la possibilité aux étudiant-es ayant effectué leur bachelor en mathématiques, informatique, physique, chimie, biochimie, biologie ou sciences de la terre et de l'environnement, ou titre jugé équivalent, de poursuivre leur cursus dans une autre branche d'étude (la mineure) que celle choisie lors du bachelor (la majeure). Ce cursus permet de travailler à l'interface de deux branches scientifiques dans la recherche ou dans l'enseignement. Les disciplines au choix sont les mathématiques, l'informatique, la physique, la chimie, la biologie et les sciences de la terre et de l'environnement. Le master bi-disciplinaire permet avant tout aux personnes se destinant à l'enseignement scientifique de disposer de deux branches enseignables. Il répond en ce sens à la demande des départements de l'instruction publique (DIP) cantonaux d'enseignant-es polyvalent-es.

Il est enfin mentionné en pied de page que tous les programmes sont susceptibles de modifications. Les règlements font foi.

10) Au terme de sa réponse du 11 novembre 2020, l'université a conclu au rejet du recours.

Candidate à l'admission au master bi-disciplinaire dispensé par la faculté, Mme A______ était soumise au règlement pour ce cursus applicable lors de sa demande d'admission, à savoir celui en vigueur dès le 18 septembre 2017 (règlement 2017). Durant son baccalauréat en sciences pharmaceutiques, elle avait obtenu 70 crédits ECTS de cours en lien avec la chimie, ce qui signifiait qu'elle avait en quelque sorte déjà suivi un bon nombre de cours offerts dans le cadre du master bi-disciplinaire mineure chimie. En demandant une admission à un tel master avec un baccalauréat en sciences pharmaceutiques, Mme A______ ne choisissait donc pas réellement une autre discipline que celle dudit baccalauréat, ce qui avait pour conséquence que cela ne lui permettait pas d'acquérir un profil bi-disciplinaire. La combinaison qu'elle voulait suivre vidait totalement le cursus de son sens. C'était donc à juste titre que son admission avait été refusée.

Les conclusions en déni de justice étaient irrecevables dans la mesure où Mme A______ n'avait jamais mis en demeure l'université de rendre une décision sur opposition et, « [ ] surtout, la faculté avait rendu la décision litigieuse sur opposition ».

La faculté reconnaissait avoir appliqué à tort le nouveau règlement (2020). Toutefois, une application du règlement de 2017 n'aurait pas entraîné une décision différente. L'ancien règlement prévoyait en effet clairement l'exigence de bi-disciplinarité, l'étudiant devant choisir une discipline différente de celle de son baccalauréat. Mme A______, qui affirmait avoir scrupuleusement vérifié la faisabilité d'un master bi-disciplinaire mineure chimie avec un baccalauréat en sciences pharmaceutiques n'avait pas consulté la faculté avant de faire sa demande, auquel cas on lui aurait expliqué la raison pour laquelle la combinaison voulue n'avait aucun sens dans le cadre de ce cursus.

11) Mme A______ n'ayant pas fait usage de son droit à la réplique dans le délai imparti, la cause a été gardée à juger le 1er décembre 2020, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 43 al. 1 et 2 de la loi sur l'université du 13 juin 2008 - LU – C 1 30 ; art. 36 al. 1 et 37 du règlement relatif à la procédure d'opposition au sein de l'université du 16 mars 2009 - RIO-UNIGE ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).a)

2) Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. a et b LPA). Les juridictions administratives n'ont pas de compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

3) a. Aux termes de l'art. 1 LU, l'université est un établissement de droit public doté de la personnalité morale, placé sous la surveillance du Conseil d'État qui l'exerce par l'intermédiaire du département chargé de l'instruction publique (al. 1). Les dispositions complétant la LU sont fixées dans le statut, les règlements dont celle-ci se dote sous réserve de l'approbation du Conseil d'État et d'autres règlements adoptés par l'université.

b. Selon l'art. B 15 du règlement 2017, la faculté décerne une maîtrise universitaire bi-disciplinaire (master), second cursus de la formation de base au sens de l’article de l’art. 7 du Règlement général de la Faculté (ch. 1). Ce titre particulier permet à l’étudiant d’acquérir une formation partielle complémentaire dans une autre discipline scientifique, appelée discipline mineure, que celle de son bachelor, appelée alors discipline majeure, et de présenter un travail personnel de fin d’études de maîtrise universitaire (ch. 2). L’obtention de la maîtrise universitaire bi-disciplinaire permet entre autres l’accès au concours d’entrée des études pédagogiques pour l’enseignement secondaire genevois (ch. 3).

Son art. B 15 bis ch. 1 dans sa version 2017 prévoyait que l’admission aux études de la maîtrise universitaire bi-disciplinaire requiert que les étudiants soient en possession d’un baccalauréat universitaire (bachelor) décerné par la faculté ou d’un titre, en 180 crédits ECTS, jugé équivalent selon l’art. 4 du règlement général de la Faculté.

Dans la version entrée en vigueur en septembre 2020, cette disposition prévoit que l’admission aux études de la maîtrise universitaire bi-disciplinaire requiert que les étudiants soient en possession d’un baccalauréat universitaire (bachelor) en mathématiques, informatique, physique, chimie, biologie, sciences de la terre et environnement décerné par la faculté ou d’un titre, en 180 crédits ECTS, jugé équivalent selon l’art. 4 du règlement général de la faculté.

L'art. 4 du règlement général de la faculté des sciences auquel renvoie donc l'art. B 15 du règlement dans ses versions 2017 et 2020, prévoit que la faculté décide librement l’attribution des équivalences (ch. 1). Sur demande écrite (courrier papier) adressée au conseiller académique facultaire (ex-conseiller aux études facultaire), un étudiant qui a déjà effectué des études dans une section de la faculté des sciences ou dans une autre Haute école suisse ou étrangère peut obtenir qu'une partie ou la totalité des crédits ECTS acquis soit validée selon le plan d'études de la formation briguée au sein de la Faculté. Toutefois, la validation des crédits ECTS ne peut pas aboutir à la délivrance de plein droit d'un titre de la Faculté (ch. 3).

Selon l'art. 15 B quater demeuré inchangé, les disciplines mineures sont les mathématiques, les sciences informatiques, la physique, la chimie, la biologie et les sciences de la terre. Les cours, travaux pratiques, certificats et examens, ainsi que les crédits ECTS qui leur sont associés pour chacune des disciplines mineures sont précisés dans les plans d’études des disciplines mineures.

L'art. B 15 novies al. 3 du règlement dans sa version 2017 prévoyait que les étudiants ayant commencé leur cursus d’études avant le 18 septembre 2017 pouvaient choisir de finir leur titre sous l’ancien règlement ou de basculer dans le nouveau.

4) a. La recourante se plaint dans un premier grief d'avoir vu appliqué à sa situation le règlement 2020, ce qui constituerait une violation du principe de non rétroactivité des lois.

b. En principe, le nouveau droit s’applique à toutes les situations qui interviennent depuis son entrée en vigueur (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 132 n. 403). Selon les principes généraux, sont applicables, en cas de changement de règles de droit, les dispositions en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (ATF 137 V 105 consid. 5.3.1). En revanche, si la législation change après la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, la situation doit rester réglée selon l’ancien droit (ATF 136 V 24 consid. 4.3). Sont réservées les dispositions éventuelles du droit transitoire prescrivant un régime juridique qui s’écarte de ces principes.

c. En l'espèce, l'intimée a concédé, dans ses écritures du 11 novembre 2020, que c'était à tort qu'elle avait appliqué la nouvelle version du règlement, de sorte que le règlement dans sa version 2017 s'appliquait à la candidature de la recourante.

Ce grief est dès lors devenu sans objet.

5) La recourante estime que dans sa version 2017, le règlement, qui ne prévoyait pas spécifiquement quel baccalauréat ouvrait la porte à un master bi-disciplinaire, l'autorisait, au bénéfice d'un baccalauréat en sciences pharmaceutiques, à suivre un tel master. La décision lui refusant cet accès violerait les principes de légalité et de l'interdiction de l'arbitraire. La faculté aurait aussi violé le principe de la bonne foi en modifiant le règlement dans le seul but de l'écarter du master bi-disciplinaire dont elle aurait rempli les conditions d'admission sous l'égide du règlement 2017.

6) a. Selon l'art. 5 al. 1 Cst., le droit est la base et la limite de l'activité de l'État. Le principe de la légalité se compose de deux éléments : le principe de la suprématie de la loi et le principe de l'exigence de la base légale. Le premier signifie que l'autorité doit respecter l'ensemble des normes juridiques ainsi que la hiérarchie des normes. Le second implique que l'autorité ne peut agir que si la loi le lui permet ; son action doit avoir un fondement dans une loi (ATA/1373/2017 du 10 octobre 2017 consid. 4a et les références citées).

Le principe de la légalité exige donc que les autorités n'agissent que dans le cadre fixé par la loi. Il implique qu'un acte étatique se fonde sur une base légale matérielle qui est suffisamment précise et qui a été adoptée par l'organe compétent (ATF 141 II 169 consid. 3.1 p. 171). L'exigence de la densité normative n'est pas absolue, car on ne saurait ordonner au législateur de renoncer totalement à recourir à des notions générales, comportant une part nécessaire d'interprétation. Cela tient à la nature générale et abstraite inhérente à toute règle de droit et à la nécessité qui en découle de laisser aux autorités d'application une certaine marge de manœuvre lors de la concrétisation de la norme. Pour déterminer quel degré de précision on est en droit d'exiger de la loi, il faut tenir compte du cercle de ses destinataires et de la gravité des atteintes qu'elle autorise aux droits fondamentaux (ATF 140 I 381 consid. 4.4 p. 386 et les références citées ; ATA/383/2017 du 4 avril 2017).

b. Une décision est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. (ATF 128 I 177consid. 2.1). La chambre administrative ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d’un droit certain. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 138 I 232 consid. 6.2 p. 239 ; 136 I 316 consid. 2.2.2 p. 318 s ; ATA/283/2016 du 5 avril 2016 consid. 6e).

c. Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst. exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administrée ou l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2015 du 31 mai 2016 consid. 7 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 568 p. 203).

Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 8D_4/2017 du 26 avril 2018 consid. 5.5). Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (2) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (5) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_906/2017 du 7 mai 2018 consid. 3.1 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 206 s n. 578 s).

7) En son art. B 15 bis ch. 1, le règlement 2017 prévoyait pour une admission à de telles études le prérequis d'un baccalauréat universitaire, sans autre spécificité. Si le règlement ainsi formulé manquait assurément de précision, il ressortait néanmoins du lien internet, vers lequel la recourante a d'emblée été dirigée par le responsable du programme le 26 mars 2020, que seuls les étudiants ayant effectué leur bachelor en mathématiques, informatique, physique, chimie, biochimie, biologie ou sciences de la terre et de l'environnement, ou titre jugé équivalent, étaient éligibles à un master bi-discipliniare. Ainsi, n'y figurait pas le bachelor en sciences pharmaceutiques, étant relevé que la mention « titre jugé équivalent » renvoie dans les deux versions du règlement à l'art. 4 du règlement général de la faculté qui traite des équivalences, ce qui ne correspond pas à la situation dont se prévaut la recourante.

Ainsi, une lecture parallèle du règlement en vigueur au moment où la recourante a fait part de son souhait d'inscription et des informations à destination des étudiants figurant sur le site de la faculté, auquel la recourante a été renvoyée en mars 2020 déjà, excluait qu'elle ait pu à raison considérer que son baccalauréat en sciences pharmaceutiques lui ouvrait la voie d'un master bi-disciplinaire

La modification du règlement en juillet 2020 n'a ainsi fait que préciser une information d'ores et déjà accessible aux candidats.

Dans ces conditions, les principes de légalité et de la bonne foi n'ont pas été violés.

8) Il doit être examiné si le refus d'inscription de la recourante au master convoité est fondé ou au contraire arbitraire, comme elle le soutient.

Dans un premier courriel du 26 mars 2020 déjà, le responsable du programme a fait savoir à la recourante que le master bi-disciplinaire n'était pas accessible sans qu'elle n'effectue une majeure en chimie ou en biologie par exemple. Le même jour, il lui a aussi écrit que le master bi-disciplinaire « pharmacie mineure » (sic) n'existait pas et qu'il fallait une majeure, soit un baccalauréat dans l'une des disciplines mentionnées sur le lien internet susmentionné. Ainsi, nonobstant son désaccord avec cet avis encore au stade du recours devant la chambre de céans, la recourante a d'emblée été informée par la faculté de l'impossibilité de suivre le cursus envisagé, faute d'être au bénéfice de l'un des baccalauréats ouvrant cette voie. La recourante reconnaît avoir eu un entretien avec le responsable du programme le 11 mai 2020 au cours duquel celui-ci lui a répété qu'une admission au master convoité serait refusée. Le responsable du programme, toujours dans une position conforme et cohérente, a le 20 mai 2020 apposé sur le formulaire d'inscription de la recourante la mention d'un refus de master avec majeure pharmacie et mineure chimie, lequel n'existait pas. Dans sa décision sur opposition du 8 septembre 2020, la faculté a confirmé l'inexistence d'un tel master, faute de l'existence de majeure en sciences pharmaceutiques. Dans sa réponse au recours, l'université développe de manière détaillée et cohérente que dans la mesure où la requérante a, dans le cadre de son baccalauréat, obtenu 70 crédits ECTS en chimie, cela reviendrait pour elle au stade du master, à suivre à nouveau bon nombre de cours offerts dans le cadre du master bi-disciplinaire mineure chimie. Ainsi, au terme du master, elle n'aurait nullement acquis un profil bi-disciplinaire, la combinaison qu'elle souhaitait suivre vidant au contraire totalement de son sens le cursus.

La chambre de céans n'a aucun élément devant l'amener à considérer que la position de l'intimée serait sur ce point critiquable et infondée. Elle trouve au contraire tout son sens dans l'historique, l'esprit et le but du master bi-disciplinaire tel qu'expliqué sur son site, en particulier l'acquisition de deux branches enseignables, étant rappelé que la recourante vise précisément à terme une activité d'enseignement.

C'est ainsi à juste titre que la faculté a refusé d'accéder à la demande d'inscription de la recourante. Il ne peut au surplus lui être fait le grief de ne pas créer un cursus inexistant, pour la bonne raison qu'il serait vide de sens.

9) La recourante soutient enfin que la faculté a violé le principe de célérité et commis un déni de justice en ne rendant sa décision que le 8 septembre 2020, alors que son opposition date du 20 mai 2020, avec pour conséquence qu'elle a perdu le semestre d'études automne 2020.

a. Une autorité qui n'applique pas ou applique d'une façon incorrecte une règle de procédure, de sorte qu'elle ferme l'accès à la justice au particulier qui, normalement, y aurait droit, commet un déni de justice formel. Il en va de même pour l’autorité qui refuse expressément de statuer, alors qu’elle en a l’obligation. Un tel déni constitue une violation de l’art. 29 al. 1 Cst. (ATF 135 I 6 ; Thierry TANQUEREL, op. cit. , n. 1499). L'autorité compétente commet également un déni de justice lorsqu'elle tarde sans droit à statuer ou décide à tort de suspendre la procédure, ce que l'art. 29 al. 1 Cst. vise d'ailleurs expressément en mentionnant le droit à ce que la cause de toute personne soit traitée dans un délai raisonnable (ATF 135 I 265 ; Thierry TANQUEREL, op. cit. , n. 1500).

La sanction du dépassement du délai raisonnable ou adéquat consiste essentiellement dans la constatation de la violation du principe de célérité, qui constitue une forme de réparation pour celui qui en est la victime. Cette constatation peut également influencer la répartition des frais et dépens (ATF 130 I 312 consid. 5.3 p. 333 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_426/2011 du 14 décembre 2011 consid. 3.3 ; ATA/452/2013 du 30 juillet 2013 consid. 3b).

b. Selon l'art. 4 al. 4 LPA, lorsqu’une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision.

c. Il ressort de l'art. 43 al. 5 LU que les autorités en charge du traitement des oppositions internes d’étudiants statuent dans les trois mois dès leur saisine. Exceptionnellement, ce délai peut faire l’objet d’une unique prolongation d’un mois si les circonstances particulières du cas l’exigent. Une telle prolongation est communiquée par écrit avec l’indication des motifs à l’étudiante ou à l’étudiant avant l’expiration du premier délai.

10) En l'espèce, comme justement relevé par l'intimée, la recourante ne l'a à aucun moment mise en demeure de rendre une décision suite à son opposition, de sorte qu'elle ne saurait se prévaloir d'un déni de justice sous cet angle. Certes, l'université a excédé de trois semaines le délai de trois mois dans lequel elle est censée statuer sur opposition et n'a dans l'intermédiaire pas fait savoir à la recourante qu'elle n'était pas en mesure de le respecter. Il s'agit néanmoins d'une règle d'ordre, la loi ne prévoyant en effet aucune conséquence en cas de non-respect. En tout état, un retard de trois semaines ne saurait en l'espèce être constitutif d'un déni de justice ni d'une violation du devoir de célérité, quand bien même il est attendu de l'autorité qu'elle fasse savoir au plus vite sa position à l'étudiant afin qu'il puisse prendre toutes dispositions utiles pour la suite de son parcours d'étudiant. En l'espèce, la recourante savait depuis la fin mars 2020 que le cursus convoité n'était pas accessible de sorte que, nonobstant son opposition, il lui appartenait dans l'intervalle de prendre des dispositions par exemple pour commencer un autre master. Elle ne peut enfin valablement soutenir avoir dû se mettre en congé dans l'attente du traitement de son opposition dans la mesure où sa demande de mise en congé pour le semestre d'automne 2020 était motivée par la maladie et des difficultés financières à suivre deux stages non rémunérés à la suite.

Infondé, le recours sera rejeté.

11) Nonobstant l'issue du litige, aucun émolument ne sera perçu dans la mesure où la recourante est dispensée des taxes universitaires (art. 87 al. 1 LPA et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités de procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée, pas plus qu'à l'université, qui dispose d'un service juridique pour traiter ce type de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 octobre 2020 par Madame A______ contre la décision de l'Université de Genève du 8 septembre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ ainsi qu'à l'Université de Genève.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :