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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2113/2021

ATA/790/2021 du 27.07.2021 ( ANIM ) , REFUSE

Recours TF déposé le 28.07.2021, rendu le 05.10.2021, ADMIS, 2C_595/2021
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2113/2021-ANIM ATA/790/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 27 juillet 2021

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Romain Jordan, avocat

contre

SERVICE DE LA CONSOMMATION ET DES AFFAIRES VÉTÉRINAIRES

 



Attendu, en fait, que :

1) Madame A______, domiciliée en Grèce, a une fille née en 1990 et domiciliée à Genève.

2) Le 8 juin 2021, le service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après : SCAV) a été informé de la présence à Genève d'un chien de race Toy Terrier russe mâle, né le ______ 2021, nommé « B______ ». Le chien avait été importé de Moldavie. Il était doté d'une puce électronique mais n'avait pas été déclaré aux douanes suisses et n'était pas vacciné contre la rage. Il était également sans titrage antirabique, sans certificat sanitaire TRACES et avait été importé sans respect de la période de carence de trois mois.

3) Le même jour, il a été séquestré préventivement et se trouve à la fourrière cantonale pour animaux.

4) Mme A______ a été entendue, en présence de son avocat et d'un interprète en langue grecque, le 15 juin 2021.

Elle était temporairement en Suisse. Son précédent chien, de même race, était mort à Genève et cela l'avait beaucoup affectée. Son neveu domicilié en Suisse, l'ayant remarqué, avait, par le biais d'amis ayant de la famille en Moldavie, acheté et organisé le transport du chiot. Ce dernier avait été « pucé » par le vétérinaire moldave, qui avait dit que tout état en ordre.

Le SCAV a indiqué que Mme A______ était fortement encouragée à utiliser l'option du refoulement du chien (l'autre étant son euthanasie).

5) Le 16 juin 2021, le SCAV a rendu une décision confirmant le séquestre préventif du chien (point 1), accordant à Mme A______ un délai au 22 juin 2021 pour remettre par courriel au SCAV un plan de retour, l'animal devant être reconduit dans le pays de provenance ou tout autre pays d'accueil avant le 26 juin 2021 (point 2), ordonnant la mise à mort du chien en cas de symptômes non équivoques de rage (point 3), ordonnant le séquestre définitif et l'euthanasie de l'animal en cas de non-respect des délais fixés au point 2 (point 4), et imputant à l'intéressée différents frais et émoluments (points 5 à 7).

6) Par acte déposé le 21 juin 2021, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant préalablement à l'octroi de l'effet suspensif ainsi qu'au prononcé de mesures provisionnelles et superprovisionnelles, et à titre principal l'annulation de la décision attaquée et à ce que la vaccination contre la rage du chiot et son isolement durant un mois en vue de son départ pour la Grèce soient ordonnés.

7) Le 21 juin 2021, le juge délégué a fait interdiction au SCAV d'euthanasier le chien séquestré jusqu'au prononcé de la décision sur effet suspensif. D'ici là, il était demandé aux parties de renseigner la chambre administrative des nouveaux développements susceptibles d'intervenir (présentation d'un plan de départ, agrément ou non de ce dernier par l'autorité intimée, etc.).

8) Le 29 juin 2021, le SCAV a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif et au rejet du recours.

La Moldavie était l'un des pays européens où la rage sévissait plus particulièrement, même en milieu urbain. Un vaccin antirabique ne pouvait être administré à ce stade, car la vaccination du chien ne pouvait garantir qu'il ne soit pas porteur du virus, mais pourrait par contre interférer sur la période d'incubation ou l'interprétation du titre d'anticorps. La levée de suspicion de rage, uniquement possible par analyse du tronc cérébral et donc euthanasie de l'animal suspect, devait être réalisée dans les plus brefs délais.

9) Les 29 juin et 2 juillet 2021, Mme A______ a informé la chambre administrative de l'avancée de ses démarches en vue du départ du chien.

Dans son écriture du 2 juillet 2021, elle a indiqué avoir envoyé un plan le même jour, anticipé par courriel, au SCAV. Les autorités grecques ayant refusé d'admettre le chien, il était proposé un refoulement vers l'Allemagne. Elle disposait de l'accord écrit d'un refuge allemand pour l'accueil et la quarantaine du chien. Celui-ci serait pris en charge par un transporteur professionnel. L'accord de l'administration allemande pour l'entrée du chiot sur son territoire était conditionné à l'accord écrit du SCAV que le chien serait effectivement libéré et pourrait quitter le territoire si les conditions fixées étaient respectées. En raison d'une mauvaise expérience avec les autorités suisses, les autorités allemandes refusaient désormais de délivrer l'autorisation sans accord écrit préalable. La communication d'un tel accord écrit était sollicitée.

10) Le 8 juillet 2021, le SCAV s'est déterminé au sujet du plan de refoulement du chien vers l'Allemagne.

Il avait échangé avec le Bayerisches Staatsministerium für Umwelt und Verbraucherschutz, autorité allemande compétente dans le cadre de ce projet, laquelle refusait d'accepter le chien sur son territoire. Ce refus était basé sur le non-respect des exigences légales obligatoires pour le déplacement des chiens non vaccinés contre la rage vers l'Allemagne. Partant, le projet de refoulement du chien vers l'Allemagne ne pouvait aboutir.

11) Interpellée à ce sujet, la recourante a répliqué sur effet suspensif le 20 juillet 2021. Elle a conclu à la tenue d'une audience publique de plaidoiries sur la question de l'effet suspensif, à ce que soit ordonnée une expertise déterminant les risques que le chiot soit porteur de la rage, et à l'interdiction de mettre à mort le chiot jusqu'à droit jugé sur le fond. Subsidiairement, en cas de refus de restituer l'effet suspensif, il convenait de lui accorder un délai de quarante-huit heures à partir de la notification de l'ordonnance pour lui permettre de solliciter la restitution de l'effet suspensif auprès du Tribunal fédéral.

Le chien était en fourrière depuis six semaines et n'avait pas développé de symptômes de la rage. Il était donc impossible qu'elle-même ou sa famille aient été infectées. Même dans l'hypothèse improbable où le chiot aurait contracté le virus de la rage durant le peu de temps passé en Moldavie, soit environ huit semaines, la maladie aurait déjà dû se déclarer à ce jour.

Une pétition en ligne, lancée dans l'espoir de sauver la vie de B______, avait recueilli plus de 2'500 signatures.

Le refus de restituer l'effet suspensif entraînerait l'euthanasie du chien, mesure irréversible, si bien que l'intérêt privé de la recourante était prépondérant, ce d'autant qu'elle n'habitait pas la Suisse et que le chien quitterait donc quoi qu'il arrive le territoire suisse.

12) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur la question de l'effet suspensif.

Considérant, en droit, que :

1) Les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d’empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 et art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).

2) La recevabilité du recours sera examinée dans l'arrêt final de la chambre de céans.

3) Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

4) L’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles, en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

5) Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1112/2020 du 10 novembre 2020 consid. 5 ; ATA/1107/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265).

6) L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

7) Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

8) Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

9) En l'espèce, le séquestre préventif apparaît à première vue justifié, le chiot ayant été importé de Moldavie – pays où sévit la rage – sans avoir été vacciné, ni disposer des documents appropriés. Il existe donc un risque – certes non quantifiable – qu'il soit vecteur de la rage, zoonose mortelle pour l'homme en cas de transmission à une personne non vaccinée.

Par ailleurs, la recourante ne conteste pas que son plan de refoulement vers l'Allemagne ne pourra pas être mis à exécution. Elle se contente désormais de faire valoir la très faible probabilité que son chien développe la rage au vu du temps déjà passé en fourrière. Ce faisant, la recourante d'une part oppose sa propre version des faits à celle du service intimé, lequel comprend des spécialistes du domaine, et d'autre part perd de vue qu'un vaccin antirabique ne pourra – pour les raisons développées par l'autorité intimée dans son écriture du 29 juin 2021 – toujours pas être administré à son chien, qu'il reste en fourrière ou qu'il en sorte, si bien que le risque sanitaire demeurera.

Dès lors, quand bien même la mesure décrétée, à savoir l'euthanasie de l'animal, est invasive et irréversible, l'intérêt public à la lutte contre les zoonoses prime l’intérêt privé de la recourante. La chambre de céans refusera donc de restituer l'effet suspensif au recours.

Toutefois, afin de respecter le droit de la recourante à l'accès à la justice, il sera ordonné à l’intimée de ne pas procéder à l'euthanasie du chien avant le vendredi 30 juillet 2021 à minuit, afin de permettre à la recourante de saisir éventuellement le Tribunal fédéral d'une demande de mesures provisionnelles, comme elle y a expressément conclu.

10) Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;

ordonne au service de la consommation et des affaires vétérinaires de ne pas procéder à l'euthanasie du chien « B______ » avant le vendredi 30 juillet 2021 à minuit ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Romain Jordan, avocat de la recourante, ainsi qu'au service de la consommation et des affaires vétérinaires.

 

 

La juge :

 

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :