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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2184/2021

ATA/730/2021 du 08.07.2021 sur JTAPI/680/2021 ( MC ) , ACCORDE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2184/2021-MC ATA/730/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 8 juillet 2021

sur mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

COMMISSAIRE DE POLICE

contre

M. A______
représenté par Me Mattia Deberti, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 juin 2021 (JTAPI/680/2021)


EN FAIT

1) M. A______, né le ______ 1975, est originaire de B______.

2) Selon l’extrait de son casier judiciaire, il a fait l'objet de sept condamnations pénales en Suisse entre 2018 et 2020, notamment pour vol par métier, violation de domicile, appropriation illégitime et tentatives de vol, utilisation frauduleuse d’un ordinateur, rupture de ban, dénonciation calomnieuse et infraction à l’art. 19a de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121).

3) Par jugement du 31 juillet 2018, le Tribunal de police a ordonné son expulsion du territoire pour une durée de sept ans en application de l'art. 66a al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

4) Il a été placé à plusieurs reprises en détention administrative sur la base de l'art. 76 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), afin d'être refoulé dans son pays, à savoir du 2 au 22 février 2018, du 22 octobre au 12 novembre 2018 et du 22 janvier au 15 février 2020, soit au total soixante-huit jours.

5) Il a été refoulé de Suisse à destination de la B______ à de nombreuses reprises, la dernière fois le 5 juin 2021, étant précisé que dans le cadre des procédures y relatives, il a refusé, les 2 février et 19 septembre 2018 ainsi que le 29 janvier 2020, de monter à bord d'un avion qui devait le reconduire dans son pays.

6) Il est ensuite à chaque fois revenu en Suisse.

7) Il a été interpelé en dernier lieu par la police genevoise le 26 juin 2021.

8) Après avoir été remis en liberté par le Tribunal des mesures de contrainte le 28 juin 2021, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à son encontre - à 19h05 - pour une durée de trois semaines sur la base des art. 76 al. 1 let. b ch. 1 et 75 al. 1 let. c et h LEI ainsi que de l'art. 76 al. 1 ch. 3 et 4 LEI.

L’intéressé a déclaré qu'il était schizophrène, qu'il suivait un traitement médical et qu'il n'était pas d'accord de retourner en B______, car il devait « rembourser une dette ».

9) Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le même jour en vue du contrôle de sa légalité et de son adéquation.

Le 29 juin 2021, une place sur un vol à destination de Bucarest, prévu le
2 juillet 2021, a été réservée en sa faveur.

10) Le 30 juin 2021, M. A______ a déclaré au TAPI qu'il n'était toujours pas d'accord de retourner en B______. Il était redevable d'une dette dans son pays et courrait un danger en y retournant sans pouvoir disposer de la somme nécessaire pour la rembourser. On lui avait prêté EUR 500.- et on lui réclamait le double. Cela dit, il ne s'opposait pas à sa détention administrative. On lui avait donné du travail dans l'établissement de détention Favra, qui lui permettrait de gagner un peu d'argent, ce qui devrait pouvoir l'aider.

La représentante du commissaire de police a sollicité la confirmation de l'ordre de mise en détention litigieux.

M. A______ s'est en rapporté à justice.

11) Par jugement du 30 juin 2021, le TAPI a confirmé l’ordre de détention administrative, mais l’a limité au « 6 juillet 2021 inclus ».

L’expulsion pénale ayant été exécutée du fait que l’administré avait quitté la Suisse et en l’absence d’une décision de renvoi, la détention ne pouvait se fonder sur l’art. 76 LEI. Elle était, en revanche, fondée au regard de l’art. 75 al. 1
let. c LEI. Il appartenait à l’office cantonal de la population et des migrations
(ci-après : OCPM) de prendre une décision relative au droit de séjour de l’intéressé. Ensuite, un nouvel ordre de détention, fondé sur l’art. 76 al. 1
let. e LEI devait être prononcé, qui, en cas de refus de M. A______ de monter dans l’avion le 2 juillet 2021, serait soumis en temps utile au TAPI. Partant, l’ordre de détention était confirmé, mais sa durée réduite à dix jours, durée qui paraissait suffisante pour notifier une décision de renvoi à M. A______ et rendre, le cas échéant, un nouvel ordre de détention.

12) Le jugement rectifié en tant que la durée de détention était limitée au
« 8 juillet 2021 inclus » et non au 6 juillet 2021 a été à nouveau notifié aux parties.

13) Par acte déposé le 7 juillet 2021 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), le commissaire de police a recouru contre ce jugement, concluant à la confirmation de l’ordre de détention d’une durée de trois semaines. Il a requis des mesures provisionnelles visant au maintien de la détention administrative jusqu’à droit jugé au fond.

Le raisonnement du TAPI selon lequel l’expulsion pénale était exécutée dès que la personne avait quitté la Suisse et qu’une nouvelle décision de renvoi devait alors être rendue ne reposait sur aucune base légale. Le prononcé de l’expulsion pénale excluait toute intervention des juridictions administratives quant à son bienfondé. Or, l’obligation faite par le TAPI à l’OCPM de rendre une décision de renvoi alors que l’expulsion était toujours valable revenait à revoir la décision d’expulsion, ce qui n’était pas admissible. Pour le surplus, la rupture de ban constituait, de jurisprudence constante, un délit continu : l’infraction perdurait donc aussi longtemps que le séjour illicite durait.

Les mesures provisionnelles se justifiaient au regard de l’intérêt public en jeu visant au respect de l’exécution de l’expulsion et de la menace que M. A______ représentait au vu de ses multiples récidives. La limitation de la durée de détention au 8 juillet 2021 ne permettait pas d’obtenir avant cette date un jugement sur un nouvel ordre de détention que le commissaire pourrait rendre.

14) Invité à se déterminer sur la requête de mesures provisionnelles, M. A______ a conclu au rejet de celle-ci. La menace de l’ordre public invoquée par le commissaire de police n’était pas réalisée. Il n’avait jamais été condamné pour des actes de violence, physiques ou sexuelles, ou des délits relatifs à la LStup. Les infractions commises, relatives au patrimoine, ne permettaient pas de retenir qu’il menaçait réellement et gravement l’ordre public suisse.

15) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur mesures provisionnelles.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2) Les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou la vice-présidente de la chambre administrative ou, en cas d'empêchement de
celles-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 LPA et art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).

3) L'autorité peut d'office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles, en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503
consid. 3 ; ATA/1112/2020 du 10 novembre 2020 consid. 5 ; ATA/1107/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu'aboutir abusivement à rendre d'emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265).

L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu'un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession
(ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

4) En l’espèce, la condition de l’urgence à statuer est remplie, le titre de détention devenant caduque ce soir à 19h05.

L’intérêt public à ce que la décision d’expulsion judiciaire soit respectée et exécutée, d’une part, et, d’autre part, à ce que la collectivité publique ne soit pas exposée au danger que représente l’intimé, qui s’est rendu coupable à plusieurs reprises d’infractions pénales, est très important. En outre, l’intimé est revenu en Suisse malgré la décision d’expulsion et a exprimé clairement son refus de retourner en B______. Le risque qu’il se soustraie à son renvoi est donc manifeste.

Contrairement à ce que fait valoir l’intimé, il y a, prima facie et sans préjudice de l’examen au fond, lieu de retenir qu’il présente un risque sérieux pour la sécurité et l’ordre publics. En effet, au vu des inscriptions figurant dans son casier judiciaire et de ses condamnations, notamment pour vol par métier, violation répétée de domicile et infraction à la LStup, il apparaît que la présence du recourant présente des risques sécuritaires non négligeables.

L’intérêt privé de l’intimé à recouvrer la liberté, bien fondamental, est également très important.

Dans la pesée des intérêts en présence, il convient également d’examiner les chances de succès du recours. La chambre de céans a retenu dans sa jurisprudence (ATA/179/2018 du 27 février 2018 consid. 5 et 6) que l’expulsion prononcée en application de l’art. 66a al. 1 CP vaut – comme le fait valoir le recourant – interdiction d’entrée au sens de l’art. 75 al. 1 let. c LEI. Par ailleurs, même à suivre le raisonnement du TAPI, la limitation à dix jours de l’ordre de détention paraît, prima facie et sans préjudice de l’examen au fond, discutable dès lors que celle-ci semble, a priori, difficilement permettre à l’OCPM de rendre une nouvelle décision de renvoi, au commissaire de police de rendre un nouvel ordre de détention et au TAPI de statuer sur la légalité de celui-ci.

Il convient également de relever que la durée totale de la détention administrative subie par l’intimé, d’un peu plus de deux mois, respecte les maximas légaux applicables.

Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il sera fait droit à la requête de mesures provisionnelles. La chambre de céans étant tenue de statuer au fond au plus tard le 16 juillet 2021, les présentes mesures provisionnelles sont prononcées pour une courte période.

5) Il sera statué sur les frais de la présente décision avec l’arrêt au fond.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 juillet 2021 par le commissaire de police contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 juin 2021 ;

statuant sur mesures provisionnelles :

admet la requête de mesures provisionnelles ;

maintient, par conséquent, la détention administrative de M. A______ jusqu’à droit jugé sur le présent recours, mais au maximum jusqu’au 16 juillet 2021 à 19h00 ;

dit qu’il sera statué sur les frais de la présente décision avec l’arrêt au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision au commissaire de police, à Me Mattia Deberti, avocat de l'intimé, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de la population et des migrations, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'au centre Frambois LMC, pour information.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. Specker

 

 

la juge :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :