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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2283/2023

ATA/624/2024 du 21.05.2024 sur JTAPI/38/2024 ( LCI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2283/2023-LCI ATA/624/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 mai 2024

3ème section

 

dans la cause


A______

B______

C______

D______ recourants
représentés par Me Michel SCHMIDT, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

et

RÉGIE E______ SA intimés

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 janvier 2024 (JTAPI/38/2024)


EN FAIT

A. a. A______, B______, C______ et D______ (ci-après : les voisins) sont respectivement propriétaires des parcelles nos 1'474, 2'457 et 2'458 de la commune de F______ (ci-après : la commune), aux adresses ch. G______ nos 35, 37 et 39. Ils sont également copropriétaires du chemin d’accès privé sis sur la parcelle n° 910 de la commune.

b. RÉGIE E______ SA (ci-après : la régie) est propriétaire de la parcelle n° 1'473 de la commune, voisine des parcelles précitées, au n° 31 ch. G______.

c. La régie est au bénéfice d’une autorisation de démolir (M 1______) la villa sise sur sa parcelle et de construire (no DD 2______) deux villas contiguës avec places de stationnement couvertes et abattage d’arbres, délivrées le 9 juin 2021 par le département du territoire (ci-après : le département).

Le recours interjeté contre ces décisions par les voisins a été déclaré irrecevable par jugement du 30 août 2021 pour non‑paiement de l’avance de frais dans le délai imparti.

d. Par décision du 6 juin 2023, sur demande de la régie, le département a prolongé la validité de l’autorisation de construire DD 2______ au 9 juin 2024. Elle emportait prolongation des autorisations qui lui étaient liées, telles que les autorisations de démolir.

B. a. Par acte du 6 juillet 2023, les voisins ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à son annulation.

Le Plan directeur communal (ci-après : PDCom) avait été approuvé par le Conseil d’État le 2 mars 2022. Il prévoyait des mesures de protection particulières pour le secteur dans lequel se trouvait la parcelle visée par l’autorisation de construire litigieuse. Le département aurait ainsi dû tenir compte de cette évolution et refuser de prolonger l’autorisation.

Lors de l’instruction de l’autorisation de construire initiale, la commune s’était déjà opposée à ce projet, en invoquant notamment le respect de sa planification territoriale. Le département avait écarté ce grief au motif que le PDCom n’était pas entré en vigueur. La commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) avait également souligné l’existence d’une étude concernant l’élaboration d’un plan de site sur ce secteur et le fait que la villa qui devait être démolie figurait au recensement architectural avec une valeur d’intérêt secondaire. Patrimoine Suisse s’était aussi opposé à ce projet. Dès lors, lorsqu’il avait accepté la prolongation de l’autorisation de construire, le département connaissait parfaitement les enjeux du dossier et la planification territoriale communale qui avait été menée, entre temps, à son terme.

En 2021, ils avaient trouvé un accord avec la régie, selon lequel une demande complémentaire à l’autorisation initiale devait être déposée afin de modifier le projet sur des points spécifiques, de sorte qu’ils avaient abandonné la procédure de recours entamée contre cette autorisation. La régie n’avait toutefois jamais déposé cette demande complémentaire. L’autorisation de construire n’aurait ainsi pas dû être prolongée sans que l’accord intervenu entre les parties ne fût matérialisé.

Le projet ainsi que le chantier engendreraient une multitude de problèmes qu’ils détaillaient.

b. Par jugement du 18 janvier 2024, le TAPI a rejeté le recours.

Le litige concernait uniquement la décision du 6 juin 2023 prolongeant l’autorisation de construire DD 2______. Les griefs des recourants ayant trait aux inconvénients qu’engendrait le projet et aux différents préavis rendus n’avaient pas à être revus dans le cadre du recours. Les recourants étaient réputés avoir renoncé à leur recours en ne payant pas l’avance de frais du recours qu’ils avaient interjeté contre l’autorisation de construire initiale.

L’accord avec la régie relevait du droit privé et n’avait aucune influence sur la cause.

Les recourants ne contestaient pas que les conditions de prolongation des art. 4 al. 7 à 9 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) étaient remplies. Le fait qu’un projet de construction, conforme au droit cantonal, contrevienne à un PDCom ne constituait pas, à lui seul, un motif suffisant pour le refuser. Dès lors, il ne pouvait être retenu que les circonstances avaient changé entre la demande initiale et la demande de prolongation. Quand bien même il faudrait considérer que le PDCom protègerait spécifiquement le secteur où se trouvait la parcelle, cela n’était pas suffisant pour refuser l’autorisation de construire et a fortiori sa prolongation, le droit cantonal ayant été respecté. Pour le surplus, un PDCom n’était pas opposable aux tiers. En acceptant la prolongation de cette autorisation, le département était resté dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’appréciation.

C. a. Par acte du 21 février 2024, les voisins ont interjeté recours contre ce jugement devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Ils ont conclu à son annulation et à celle de la décision prolongeant la validité de l’autorisation querellée. Préalablement l’audition des parties et « de la commune » devait être ordonnée.

Le 26 octobre 2023, la régie avait déposé une demande de modification du projet qui avait fait l’objet de l’autorisation de construire initiale. Le 15 novembre 2023, la commune avait préavisé en sollicitant la modification du projet. Elle s’était référée à son PDCom, actuellement en force pour exiger notamment : 1) un taux d’indice de verdure respectant un minimum de 50 % de surface en pleine terre ; 2) l’aménagement d’un point de collecte des déchets sur le domaine privé pour l’ensemble des habitants ; 3) le respect général des dispositions de la stratégie d’évolution de la cinquième zone. La modification du projet, qui avait fait l’objet d’un accord de droit privé entre les parties, n’avait pas encore fait l’objet d’une décision d’autorisation ou de refus de l’office des autorisations de construire (ci‑après : OAC).

La modification d’une planification communale constituait un changement de circonstances pouvant conduire au refus de prolonger l’autorisation de construire initiale, ce que le Tribunal fédéral avait confirmé.

Le TAPI n’avait pas évoqué la jurisprudence du Tribunal fédéral, pourtant pertinente et traitant d’une situation similaire, qu’ils avaient citée. Les exigences de la commune sur la préservation du périmètre s’inscrivaient dans l’application du droit cantonal, la LCI ayant été modifiée pour renforcer la compétence des communes dans l’analyse des projets de construction en zone villas.

b. Le département a conclu au rejet du recours. L’instance précédente avait pris en compte l’arrêt cité par les recourants. Il se limitait toutefois à constater que le refus de prolonger un permis de construire ne constituait pas un abus de pouvoir quand bien même il se fondait sur une future modification du règlement. Il ne soutenait pas qu’une telle modification contraignait l’autorité à refuser la prolongation requise.

c. La régie ne s’est pas déterminée.

d. Les recourants ayant renoncé à répliquer, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

e. Le contenu du PDCom sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Les recourants sollicitent leur audition et celle « de la commune ».

2.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l'intéressé de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 II 286 consid. 5.1 ; ATF 135 I 279 consid. 2.3). L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En particulier, écarter de la sorte une requête d'audition de témoin ne viole pas l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; ATA/917/2016 du 1er novembre 2016). En outre, le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 134 I 140 consid. 5.3).

2.2 En l'espèce, les recourants n’indiquent pas quels éléments supplémentaires utiles à la solution du litige, qu’ils n’auraient pu produire par écrit, l’audition de témoins, représentant la commune, et leur propre audition seraient susceptibles d’apporter. La chambre de céans est en possession d’un dossier complet, en état d’être jugé. Il ne sera pas donné suite à la requête en audition de témoins et de comparution personnelle.

3.             Le recours porte sur la conformité au droit du jugement du TAPI du 18 janvier 2024 confirmant la prolongation du 6 juin 2023, pour une année, de l’autorisation de construire DD 2______ délivrée le 9 juin 2021 par le département.

En vertu de l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b al. 1) ; les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (let. b al. 2).

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

4.             L’autorisation est caduque si les travaux ne sont pas entrepris dans les deux ans qui suivent sa publication dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève. En cas de recours, le délai est suspendu pendant la durée comprise entre cette publication et la fin de la procédure, y compris une éventuelle instance devant une juridiction fédérale (art. 4 al. 4 LCI.

En cas de recours contre une autorisation de construire, la durée de validité des autres autorisations délivrées par le département en relation avec l’autorisation principale et nécessaires à la réalisation du projet, telles les autorisations de démolir ou de transformer, est prolongée jusqu’à l’échéance de validité reportée de l’autorisation de construire. Le présent alinéa s’applique par analogie aux autorisations énergétiques et aux autorisations d’abattage d’arbres délivrées en relation avec une autorisation de construire (art. 4 al. 6 LCI).

Lorsque la demande en est présentée un mois au moins avant l’échéance du délai fixé à l’alinéa précédent, le département peut prolonger d’une année la validité de l’autorisation de construire; dans ce cas, la présentation des pièces prévues à l’art. 2 al. 2 n’est pas exigible (art. 4 al. 7 LCI).

Sous réserve de circonstances exceptionnelles, l'autorisation ne peut être prolongée que deux fois (art. 4 al. 8 LCI).

La décision accordant une prolongation est publiée dans la Feuille d'avis officielle (art. 4 al. 9 LCI).

En cas de prolongation de l'autorisation de construire, la durée de validité des autorisations visées par l'art. 4 al. 6 LCI est prolongée jusqu'à l'échéance de validité reportée de l'autorisation de construire (art. 10C du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01).

5.             Dans une cause vaudoise, le Tribunal fédéral avait précisé que, même si l’autorité jouissait d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’elle statuait sur une demande de prolongation, il était toutefois moins grand que lorsqu’elle prenait la première décision, sans pour autant que soient applicables les règles sur la révocation. Elle devait en particulier respecter le principe de la bonne foi (arrêt du Tribunal fédéral 1C_150/2008 du 8 juillet 2008 consid. 4.2).

Selon la jurisprudence de la chambre de céans, le département a la faculté de ne pas prolonger la validité d’une autorisation de construire pour des motifs objectifs et pertinents. Le pouvoir de l’administration n’est pas sans limite et si la situation au moment de la demande de prolongation est identique à celle qui a prévalu au moment de la demande initiale, il ne serait pas compris que la première autorisation ne fût prolongée (ATA/20/2018 précité et les références citées).

6.             6.1 Selon la doctrine, pour des motifs de stabilisation juridique, les législations prévoient souvent un délai dans lequel le permis de construire doit être utilisé (un an à Genève) ; il s’agit d’éviter qu’un propriétaire ne puisse indéfiniment opposer l’autorisation qu’il a reçue à un changement de réglementation. De plus, le juge doit examiner d’office si ce droit est périmé (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 102-104) ; ATA/20/2018 du 9 janvier 2018 consid. 3b).

6.2 La prolongation d’une autorisation de construire n’est pas possible si, dans les circonstances qui prévalaient lors de sa requête, l’autorisation initiale ne pourrait plus être obtenue ou si elle a été octroyée de manière injustifiée. Les trois situations de fait ou de droit suivantes illustrent ce principe : (1) l’entrée en vigueur de l’art. 75b Cst. le 11 mars 2012, de l’ordonnance d’exécution transitoire et de la loi sur les résidences secondaires du 20 mars 2015 (LRS - RS 702) le 1er janvier 2016 a été une circonstance nouvelle suffisamment importante pour empêcher la prolongation d’autorisations de construire des résidences secondaires octroyées antérieurement ; (2) l’octroi d’une prolongation peut être empêché par l’adoption d’une zone réservée dans l’intervalle ; (3) un danger important de mise en mouvement du terrain menace le projet et justifie de refuser la prolongation demandée (Jean-Baptiste ZUFFEREY, droit public de la construction, 2024, n° 887 et les références citées).

7.             En l’espèce, les recourants ne contestent à juste titre pas l’entrée en force de l’autorisation de construire DD 2______ suite à l’irrecevabilité de leur recours auprès du TAPI, mais le bien-fondé de sa prolongation, estimant que les circonstances se sont modifiées.

Compte tenu du fait que les autorisations de démolir et de construire sont définitives, les griefs des recourants se rapportant à l’autorisation initiale sont en effet irrecevables.

Les recourants soutiennent que la situation au moment de la demande de prolongation n’est pas identique à celle qui a prévalu au moment de la demande initiale et que le département avait des motifs objectifs pour ne pas accorder la prolongation.

Certes, à la délivrance de l’autorisation initiale, le PDCom n’était pas encore adopté par le Conseil municipal ni approuvé par le Conseil d’État. Toutefois, le document consiste en plus de 200 pages. Il détaille notamment les enjeux prioritaires et les principes directeurs en matière de développement urbain intégré, d’espaces publics et de mobilité piétonne, de structure paysagère et patrimoniale, de mobilité, d’énergie et de conditions environnementales. Il détaille des stratégies de mise en œuvre dans dix secteurs différents avant d’aborder la stratégie d’évolution de la zone 5 sur plusieurs pages. Il prévoit, pour le périmètre concerné, de conserver et mettre en valeur le patrimoine bâti et les sites en encourageant une prise en compte du patrimoine dans la planification du développement (densité modérée), la mise en place d’outils de protection (par exemple, plans de site, PLQ valant plan de site ou autre instrument équivalent) et une mise en œuvre de la stratégie d’évolution de la zone 5, notamment l’exigence d’images directrices ou plans de site pour les secteurs à valeur patrimoniale. Il inclut par ailleurs dans son maillage cyclable le chemin de Frossard comme pénétrante cyclable et tronçon favorable aux cycles ainsi que comme itinéraire existant en route à fort trafic.

Or, d’une part ces objectifs restent globaux et les recourants ne démontrent pas que le PDCom aurait un effet déterminant sur la parcelle concernée. D’autre part, comme le rappelle le PDCom dans son introduction, toutes les communes genevoises de plus de 1'000 habitants doivent établir un PDCom (art. 10 al. 3 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30). Cet outil de planification permet de développer la vision territoriale des autorités communales et de l’inscrire dans le cadre fixé par le plan directeur cantonal (ci-après : PDCn) et par les documents de planification à l’échelle régionale et/ou intercommunale. Instrument de concertation et de négociation, le PDCom est l’outil privilégié de dialogue entre cantons et communes et avec la population. Il constitue une planification contractuelle qui lie les autorités cantonale et communale entre elles et a force obligatoire pour celles-ci. Il est en revanche non opposable aux tiers.

L’art. 10 al. 8 LaLAT rappelle en effet que le plan directeur localisé adopté par une commune et approuvé par le Conseil d'État a force obligatoire pour ces autorités. Il ne produit aucun effet juridique à l’égard des particuliers, lesquels ne peuvent former aucun recours à son encontre, ni à titre principal, ni à titre préjudiciel. Pour autant que cela soit compatible avec les exigences de l'aménagement cantonal, les autorités cantonales, lors de l'adoption des plans d'affectation du sol relevant de leur compétence, veillent à ne pas s'écarter sans motifs des orientations retenues par le plan directeur localisé (art. 10 al. 8 LaLAT).

Par ailleurs, selon la jurisprudence, un projet de construction conforme au droit cantonal ne peut être refusé au seul motif qu'il contreviendrait à un PDCom (arrêt du Tribunal fédéral 1C_257/2013 du 13 janvier 2014 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.154/2002 du 22 janvier 2003). Par « conforme au droit cantonal », il faut entendre conforme au plan d'affectation. En effet, le refus d'une autorisation au seul motif que le projet de construction contreviendrait au PDCom reviendrait à donner à ce plan directeur un effet anticipé inadmissible et à aboutir à une modification du plan d'affectation en vigueur (arrêt du Tribunal fédéral 1A.154/2002 précité consid. 4.1). En l’espèce, au moment de la délivrance de l’autorisation de construire, il était prévu que le PDCom soit bientôt en vigueur. Sa seule adoption ne constitue pas des justes motifs pour ne pas prolonger l’autorisation.

Par ailleurs, le cas d’espèce ne se rapproche d’aucune des trois situations précitées. En effet, l’adoption d’un PDCom communal n’est pas comparable avec la problématique de l’art. 75 al. 1 et 3 et 75b Cst. et de la loi fédérale du 20 mars 2015 sur les résidences secondaires (LRS - RS 702). Dans ses arrêts de principe du 22 mai 2013, le Tribunal fédéral avait jugé que l'art. 75b Cst., en lien avec sa disposition transitoire (art. 197 ch. 9 al. 2 Cst.), était directement applicable dès son entrée en vigueur le 11 mars 2012 (ATF 139 II 243 consid. 9-11 ; 263 consid. 6 et 7 ; 144 II 367 consid. 3.1). Il avait ainsi considéré que, dans les communes où la quote‑part de 20 % de résidences secondaires était déjà dépassée, les permis de construire délivrés entre le 11 mars 2012 et le 31 décembre 2012 étaient annulables, alors que ceux délivrés après le 1er janvier 2013 étaient nuls (ATF 139 II 243 consid. 11 ; arrêt 1C_281/2018 du 12 septembre 2019 consid. 3.2). Elle n’est pas non plus comparable à l’adoption d’un plan d’affectation, en l’espèce une zone réservée, décision ayant fait l’objet d’une publication à laquelle l’intéressé ne s’était pas opposé (arrêt du Tribunal fédéral 1C_307/2019 du 3 avril 2020). Enfin les recourants n’allèguent pas l’existence d’un danger important.

À raison, devant la chambre de céans, les recourants ne font plus mention de l’accord sous seing privé trouvé avec la régie, non pertinent en l’espèce, s’agissant d’une question de droit des constructions.

Enfin, comme l’a à juste titre relevé le département, l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_150/2008 du 8 juillet 2008 se limite à constater que le refus de prolonger un permis de construire ne constitue pas un abus de pouvoir, quand bien même il se fonde sur une future modification du règlement. Il ne soutient pas qu’une telle modification contraindrait l’autorité à refuser la prolongation requise.

Ainsi, en tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

8.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 1). Il ne sera pas alloué d’indemnité, la régie n’ayant pas participé à la procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 février 2024 par A______, B______, C______ et D______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 janvier 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge solidaire de A______, B______, C______ et D______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel SCHMIDT, avocat des recourants, au département du territoire-OAC, à la RÉGIE E______ SA ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :