Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3965/2021

ATA/368/2022 du 05.04.2022 ( ACTDP ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3965/2021-ACTDP ATA/368/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 avril 2022

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Marc Mathey-Doret, avocat

contre

OFFICE DU PERSONNEL DE L'ÉTAT



EN FAIT

1) Du 1er septembre 1991 au 31 juillet 2008, Mme A______ a été employée comme maîtresse d’enseignement général par le département de l’instruction publique, devenu le département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : le département).

2) Du 15 novembre 2004 au 31 juillet 2008, elle a été en arrêt de travail pour des raisons de santé.

3) Durant cette période, l’État de Genève lui a versé des indemnités pour incapacité de travail de CHF 99'813.- au total à titre d’avance sur les prestations de l’assurance invalidité.

4) Le 7 août 2018, l’office du personnel de l’État de Genève (ci-après : OPE) a réclamé à la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : CCGC) auprès de l’office cantonal des assurances sociales (ci-après : OCAS) le remboursement de ce montant.

5) Le 25 septembre 2018, l’office de l’assurance invalidité (ci-après : OAI) auprès de l’OCAS a octroyé à Mme A______ trois quarts de rente d’invalidité avec effet rétroactif du 1er novembre 2004 au 31 août 2006 et une rente entière depuis cette dernière date.

Après déduction de CHF 99'813.- au titre de « retenue en faveur de l’État de Genève (employeur) », CHF 749'934.-, intérêts moratoires compris, lui étaient dus rétroactivement.

6) Le 26 septembre 2018, la CCGC a versé CHF 99'813.- à l’État de Genève.

7) Le 18 octobre 2018, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 25 septembre 2018, concluant à ce qu’il soit constaté que la retenue et la prétention de l’État à son égard étaient toutes deux indues.

8) Le même jour, elle a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales) contre la même décision, concluant à son annulation en tant notamment qu’elle déduisait du rétroactif CHF 99'813.-.

9) Le 30 octobre 2018, la chambre administrative a déclaré irrecevable le recours, faute pour Mme A______ d’avoir préalablement sollicité de son ancien employeur le prononcé d’une décision formelle et l’a transmis à l’OPE en tant que demande de décision formelle (ATA/1139/2018).

10) Le 30 décembre 2019, la chambre des assurances sociales a admis le recours, annulé la décision en tant qu’elle se fondait sur un revenu annuel moyen déterminant de CHF 54'900.- et distrayait CHF 99'813.- au profit de l’État de Genève et renvoyé la cause à l’OAI pour nouvelle décision (ATAS/1215/2019).

Il ressortait de l’interprétation littérale de l’art. 54 al. 6 du règlement fixant le statut des membres du corps enseignant primaire, secondaire et tertiaire ne relevant pas des hautes écoles du 12 juin 2002 (RStCE - B 5 10.04), qui prévoyait que « l’État récupère les prestations que le fonctionnaire, ou la personne engagée à l’année, reçoit des assurances sociales cantonales ou fédérales ainsi que les prestations d’une institution de prévoyance », que le remboursement ne pouvait être demandé qu’une fois les prestations versées au fonctionnaire et reçues par celui-ci, et qu’il devait partant être réclamé par l’État à ce dernier et non à l’assurance sociale avant le versement.

11) Le 7 mai 2020, la CCGC a réclamé à l’État de Genève le remboursement de CHF 99'813.-.

12) Par décision du 14 mai 2020 remplaçant la décision du 25 septembre 2018, l’OAI a octroyé à Mme A______ trois quarts de rente d’invalidité avec effet rétroactif pour la période du 1er novembre 2004 au 31 août 2006 puis une rente entière.

Les rentes échues du 1er novembre 2004 au 31 mai 2020 s’élevaient à CHF 742'449.-, dont CHF 158'973.- du 1er novembre 2004 au 31 juillet 2008, plus intérêts moratoires. La retenue de CHF 99'813.- en faveur de l’État était supprimée et un solde de CHF 147'372.- lui serait versé.

13) Le 3 septembre 2020, l’État a réclamé au conseil de Mme A______ qu’il fasse signer par cette dernière et lui retourne avant le 21 septembre 2020 une cession au sens de l’art. 22 al. 2a de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) par laquelle elle lui cédait son droit au paiement rétroactif de sa rente d’invalidité de novembre 2004 à juillet 2008 à concurrence des avances de CHF 99'813.-.

14) Le 30 juin 2021, l’État a remboursé CHF 99'813.- à la CCGC.

15) Le 20 juillet 2021, sans réponse à son courrier du 3 septembre 2020, l’État a enjoint à Mme A______ de lui verser CHF 99'813.-.

16) Le 23 août 2021, sous la plume de son conseil, Mme A______ a excipé de la prescription de la créance de l’État. Les prétentions étaient par ailleurs contestées.

17) Par décision du 18 octobre 2021, l’OPE a ordonné à Mme A______ de lui reverser CHF 99'813.- avec intérêts moratoires à 5 % dès le 21 septembre 2020 à titre de compensation pour les avances effectuées en sa faveur du 15 novembre 2004 au 31 juillet 2008.

Selon l’arrêt de la chambre des assurances sociales du 30 décembre 2019, la prétention en versement du rétroactif des prestations sociales en compensation des avances effectuées ne pouvait être réclamée qu’auprès de la fonctionnaire, une fois lesdites prestations versées et reçues par celle-ci.

La nouvelle prescription triennale, entrée en vigueur le 1er janvier 2020, alors que le délai annal courait encore, partait du jour où il avait eu connaissance de son droit à répétition, et il avait fait valoir sa créance le 3 septembre 2020 puis à nouveau le 20 juillet 2021.

18) Par acte remis à la poste le 19 novembre 2021, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre cette décision, concluant « sous suite de dépens », à son annulation et à ce qu’il soit dit que la créance était prescrite, subsidiairement à ce qu’il soit dit que la restitution devrait se faire « déduction faite des montants d’impôts fédéraux, cantonaux et communaux déjà acquittés [ ] sur la somme à restituer ».

Le montant des avances consenties par l’employeur n’était pas contesté. Le litige se limitait à la question de la prescription de la créance de l’État. La créance se prescrivait par trois ans. La décision fixant la rente et le montant des avances avait été rendue le 25 septembre 2018 et il appartenait à l’État de lui réclamer le remboursement dès le 26 septembre 2018. Le délai de prescription était échu le 26 septembre 2021.

19) Le 31 janvier 2022, l’OPE a conclu au rejet du recours.

L’État ne pouvait réclamer à Mme A______ un montant qui se trouvait alors dans ses caisses. Ce n’était qu’une fois que la somme avait été restituée à la CCGC puis versée à la recourante que le délai de prescription avait commencé à courir. Celui-ci n’était pas échu.

La recourante avait une première fois excipé de la prescription le 23 août 2021, puis soutenu le 19 novembre 2021 que celle-ci avait été acquise le 26 septembre 2021.

20) Mme A______ a persisté dans ses conclusions le 7 mars 2022.

Sa créance était née dès la décision de l’assureur lui ouvrant le droit aux prestations. Le versement effectif ne pouvait constituer le dies a quo. Le raisonnement de la chambre des assurances sociales portait uniquement sur l’existence d’un droit direct de l’État au recouvrement auprès de l’assureur et ne pouvait être transposé au litige. L’État connaissait son droit à répétition depuis le 7 août 2018 et ne pouvait soutenir ne l’avoir connu qu’avec la notification de l’arrêt de la chambre des assurances sociales le 23 janvier 2020. Elle avait attiré l’attention de l’État sur l’absence de droit direct dès la décision du 25 septembre 2018. La diligence eût commandé que l’État lui demandât de renoncer à la prescription.

Même si la prétention litigieuse n’était devenue exigible qu’une fois les prestations versées et reçues, la prescription aurait également été acquise, car le remboursement direct ordonné par erreur par la CCGC n’avait pas eu d’impact sur l’exigibilité de la créance de l’État, qui remontait au 26 septembre 2018. La décision portait sur les modalités du versement et ne déployait aucune force de chose décidée quant au montant de la créance.

Enfin, la retenue était générale et appliquée sur le total du rétroactif. Les intérêts avaient été versés au prorata du capital net versé le 26 septembre 2019. L’OAI lui avait appliqué une réduction uniforme et globale de 15.10 %. La totalité des rentes dues de novembre 2004 à juillet 2008 avait été versée le 26 septembre 2018.

Elle avait invoqué la prescription le 23 août 2021 déjà car elle avait appliqué le délai annal applicable jusqu’au 1er janvier 2020 et qui avait expiré le 26 septembre 2019.

21) Le 9 mars 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la prescription de la créance de l’État de Genève, dont la recourante excipe en attaquant la décision du 18 octobre 2021. Le montant de la créance et, devant la chambre de céans, son bien-fondé, ne sont pas ou plus contestés, pas plus que la voie de la décision employée par l’État pour obtenir le paiement de sa créance.

3) a. Tant la doctrine que la jurisprudence reconnaissent que le principe de la répétition de l'indu, énoncé aux art. 62 ss de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220), constitue une règle générale de l'ordre juridique, applicable en droit public (ATF 138 V 426 consid. 5.1 ; 135 II 274 consid. 3.1 ; ATA/581/2017 du 23 mai 2017 consid. 5 ; ATA/694/2015 du 30 juin 2015 consid. 9 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 168-169). Selon la jurisprudence, l'obligation de restituer l'indu se fonde en premier lieu sur les dispositions des lois spéciales qui la prévoient et, à défaut, sur les règles générales de l'enrichissement illégitime au sens des art. 62 à 67 CO (ATF 138 V 426 consid. 5.1 ; 128 V 50 consid. 2). Dès lors que l'on soumet l'obligation de restituer aux art. 62 ss CO, il convient en principe d'appliquer ces dispositions avec leurs avantages et inconvénients respectifs pour l'enrichi et le lésé, sans en dénaturer le sens ou la portée, quand bien même elles s'incorporent dans un système régi en partie par le droit public (ATF 138 V 426 consid. 5.1 ; 130 V 414 consid. 3.2).

Ainsi, l'administré qui verse à l'État une somme dont il n'est pas redevable est en droit d'en réclamer la restitution, même en cas de silence de la loi, si le versement est intervenu sans cause valable (ATA/581/2017 précité consid. 5 ; ATA/694/2015 précité consid. 9 ; ATA/242/2011 du 12 avril 2011 ; Augustin MACHERET, La restitution de taxes perçues indûment par l'État en droit suisse, Études suisses de droit européen, vol. 18, 1976, p. 191 ss).

A contrario, l'État qui verserait à l'administré une somme dont il n'est pas redevable est en droit d'en réclamer la restitution même si le versement est intervenu sans cause valable, alors même que le cas n'est pas prévu expressément par la loi (ATA/581/2017 précité consid. 5 ; ATA/694/2015 précité consid. 9).

Dès lors, sur la base de l’art. 62 CO, qui constitue la règle de principe (Pierre TERCIER/Pascal PICHONNAZ, Le droit des obligations, 5ème éd., 2012, n. 1824) ou clause générale (Benoît CHAPPUIS, in Luc THÉVENOZ/Franz WERRO, Code des obligations I, Commentaire romand, 2ème éd., 2012, n. 1 ad art. 62 CO) et selon lequel celui qui, sans cause légitime, s'est enrichi aux dépens d'autrui, est tenu à restitution (al. 1), la restitution est due, en particulier, de ce qui a été reçu sans cause valable, en vertu d'une cause qui ne s'est pas réalisée, ou d'une cause qui a cessé d'exister (al. 2).

b. Selon l'art. 54 RStCE, en cas d’absence pour cause de maladie ou d’accident attestée par certificat médical, le traitement est remplacé par une indemnité pour incapacité de travail (al. 1). Moyennant une prime payée par le fonctionnaire, ou un membre du personnel enseignant sous contrat de droit public, dès la deuxième année d’activité, l’État garantit la totalité du traitement à concurrence de sept cent trente jours civils (al. 2). La durée des prestations prévues à l’al. 2 ne peut dépasser sept cent trente jours civils au total sur une période de nonante-cinq jours civils (al. 5). L’État récupère les prestations que le fonctionnaire, ou la personne engagée à l’année, reçoit des assurances sociales cantonales ou fédérales ainsi que les prestations d’une institution de prévoyance (al. 6).

4) a. Le principe de la prescription des créances de droit public vaut même en l’absence de base légale expresse, en tant qu’institution générale du droit. En l’absence de dispositions légales pertinentes, le délai de prescription sera déterminé en se référant aux délais prévus dans la même loi s’ils apparaissent applicables ou, à défaut, à des règles légales régissant des cas analogues (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, p. 261 n. 740 et p. 262 n. 742 et la jurisprudence citée). En l’absence d’une règlementation de droit public à laquelle se référer, des règles pertinentes du droit privé sont appliquées (Piermarco
ZEN-RUFFINEN, Droit administratif, Partie générale et éléments de procédure, 2ème éd., 2013, p. 28 n. 122 et la jurisprudence citée).

Les conditions d'interruption de la prescription sont plus souples en droit public que celles prévues par l'art. 135 CO. Il s’agit de tout acte propre à faire admettre la prétention en question, visant à l’avancement de la procédure et accompli dans une forme adéquate. L’administré interrompt la prescription par toute intervention auprès de l’autorité compétente tendant à faire reconnaître ses droits (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, op. cit., p. 100 et la jurisprudence citée). D’une manière générale, la prescription est interrompue par tout acte par lequel le créancier fait valoir sa créance de manière adéquate vis-à-vis du débiteur (ATA/1160/2021 du 2 novembre 2021 consid. 3c ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 262 n. 744).

Lorsqu'il s'agit d'une créance de droit public, la prescription s'examine d'office. En revanche, elle ne s'examine que sur exception de l'État, lorsque c'est un particulier qui est créancier (ATF 138 II 169 consid. 2.2 in RDAF 2013 II 101 et la jurisprudence citée ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 745 p. 263).

b. Ni la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) ni le RStCE ne contiennent de dispositions sur la prescription des prétentions pécuniaires.

Il a été jugé que les créances de l’agent public en paiement de son salaire se prescrivent par application analogique de l’art. 128 ch. 3 CO, que le point de départ du délai de prescription est déterminé suivant les art. 130 al. 1 et 339 al. 1 CO et l’interruption de la prescription par l’art. 135 CO (ATA/89/2019 du 29 janvier 2019 consid. 5).

5) En l’espèce, dans l’arrêt qu’elle a rendu le 30 décembre 2019, la chambre des assurances sociales s’est livrée à une exégèse approfondie de l’art. 54 al. 6 RStCE et a d’abord retenu qu’il prévoyait un droit de l’État au remboursement (ATAS précité consid. 11), ce que la recourante ne conteste d’ailleurs pas dans la présente procédure. La chambre des assurances sociales est ensuite parvenue à la conclusion que l’État ne pouvait exercer son droit que contre le fonctionnaire, et non contre l’assureur public. Elle a ajouté que le remboursement ne pouvait être exigé qu’une fois les prestations de l’assureur public versées à celui-ci, ce qui se déduisait des termes « récupère » et « reçoit » (ibid.).

Il suit de ce raisonnement, dont il n’y a pas lieu de s’écarter, que c’est le versement effectif de ces prestations en mains du fonctionnaire qui réalise le cas d’enrichissement illégitime. La prétention que l’État titre de l’art. 54 al. 6 RStCE porte sur ce trop-perçu effectivement reçu de l’assureur par le fonctionnaire et non sur le traitement initialement perçu par la fonctionnaire durant l’incapacité de travail.

6) La prétention de l’art. 54 al. 6 RStCE constitue une modalité de l’action en répétition de l’indu de l’art. 62 CO. Le droit à la restitution étant un principe de droit public issu des dispositions de droit privé sur l'enrichissement illégitime des art. 62 ss CO, sa prescription est régie par l'art. 67 CO (arrêt du Tribunal fédéral 2C_240/2017 du 18 septembre 2018 consid. 3.4.4).

Dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2020, l’art. 67 al. 1 CO dispose que l’action pour cause d’enrichissement illégitime se prescrit par trois ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance de son droit de répétition et, dans tous les cas, par dix ans à compter de la naissance de ce droit.

Il convient de déterminer le jour à partir duquel courent les délais de prescription.

En l’espèce, la décision initiale par laquelle l’OCAS a alloué à la recourante trois quarts de rente d’invalidité avec effet rétroactif du 1er novembre 2004 au 31 août 2006 puis une rente entière date du 25 septembre 2018. Cette décision a toutefois été attaquée par la recourante et annulée par la chambre des assurances sociales le 30 décembre 2019, qui a renvoyé la cause à l’OCAS pour nouvelle instruction, versement des CHF 99'813.- et, le cas échéant, nouvelle fixation de la rente.

L’OCAS a prononcé une nouvelle décision le 14 mai 2020.

La décision initiale ne prévoyait pas le versement à la recourante du
trop-perçu de CHF 99'813.- mais distrayait au contraire ce montant du rétroactif à lui verser. Ce montant n’était donc pas compris dans les CHF 749'934.- d’arriérés que la recourante expose avoir perçus le 26 septembre 2018.

Le versement à la recourante du trop-perçu de CHF 99'813.- est l’un des objets de la nouvelle décision du 24 mai 2020 remplaçant celle du 25 septembre 2018. Son paiement effectif n’a pu avoir lieu qu’après cette date et en exécution de cette dernière, avec le solde de l’arriéré perçu par la recourante.

Ce n’est ainsi qu’au moment du versement effectif du trop-perçu, soit au plus tôt le 25 mai 2020, qu’ont commencé à courir les délais de prescription absolu et relatif de l’art. 67 CO. Cette solution correspond à la jurisprudence fédérale prenant en compte le paiement effectif du montant indu. Elle est également conforme à la portée que la chambre des assurances sociales a conférée à l’art. 54 al. 6 RStCE.

La recourante ne saurait être suivie lorsqu’elle soutient que l’intimé avait connaissance de son droit à la répétition dès le 25 septembre 2018 et devait dès cette date réclamer le trop-perçu de CHF 99'813.- à la recourante. La décision initiale avait en effet été annulée et n’avait pas déployé ses effets, de sorte que l’intimé ne pouvait en déduire aucun droit. La nouvelle décision n’était entrée en force qu’à l’expiration du délai de recours. Surtout, le montant dont elle ordonnait le versement à la recourante ne pouvait être répété (ou « récupéré ») par l’intimé auprès de la recourante aussi longtemps qu’il n’avait effectivement été perçu par celle-ci. Ni le droit au remboursement ni la connaissance de ce droit ne pouvaient donc naître et les délais de prescription courir, avant cet événement.

Il résulte de ce qui précède qu’en réclamant le remboursement de CHF 99'813.- à la recourante par une décision du 18 octobre 2021, l’intimé a agi dans les délais de prescription absolue de dix ans et relative de trois ans, ce dernier en vigueur dès le 1er janvier 2020.

Le grief portant sur l’exception de prescription sera écarté.

7) La recourante conclut à titre subsidiaire à ce qu’il soit dit que la restitution devrait se faire « déduction faite des montants d’impôts fédéraux, cantonaux et communaux déjà acquittés [ ] sur la somme à restituer ».

Elle ne chiffre toutefois pas cette conclusion. Elle ne soutient par ailleurs pas qu’elle aurait acquitté ou devrait acquitter des impôts sur la somme de CHF 99'813.- reçue après le 24 mai 2020. Elle n’indique ni le montant effectif qu’elle aurait payé ni le montant prévisible de l’impôt qu’elle devrait relativement à cette somme, alors même qu’il lui était loisible de produire un bordereau de taxation, alternativement de procéder ou de faire procéder à des calculs prévisionnels.

En toute hypothèse, il sera loisible à la recourante de faire valoir la rétrocession des CHF 99'813.- en déduction de son revenu si celui-ci n’a pas encore été taxé, alternativement de réclamer la révision de son imposition, si celle-ci a déjà été arrêtée.

La conclusion, pour autant qu’elle soit recevable, sera écartée.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

8) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 novembre 2021 par Mme A______ contre le la décision de l’office du personnel de l’État du 18 octobre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Mme A______ un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marc Mathey-Doret, avocat de la recourante, ainsi qu'à l'office du personnel de l'État.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Payot
Zen-Ruffinen et Michon Rieben, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :