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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1135/2008

ATA/242/2011 du 12.04.2011 sur DCCR/444/2010 ( ICC ) , ADMIS

Descripteurs : ; DROIT FISCAL ; IMPÔT ; TAXE D'INSCRIPTION AU REGISTRE ; RESTITUTION DE L'IMPÔT ; RÉVISION(DÉCISION) ; RECONSIDÉRATION
Normes : LDE.1 ; LDE.8 ; LDE.8A ; LDE.182 ; RDE.1 ; CO.62 ; LPA.48 ; LPA.80
Résumé : Acquisition d'immeuble, droits d'enregistrement. Un deuxième acte authentique portant sur la réduction du prix ayant été passé entre les parties à l'acte de vente, l'AFC ne pouvait considérer la demande de dégrèvement comme un cas de répétition de l'indu mais comme une demande de reconsidération de la décision de taxation. Elle se devait soit de reconsidérer sa décision de taxation, soit d'instruire plus précisément les circonstances dans lesquelles les éléments de taxation se sont modifiés. Renvoi de la cause à l'AFC pour qu'elle instruise la question de la survenance des faits nouveaux.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1135/2008-ICC ATA/242/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 avril 2011

2ème section

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

Monsieur A______

et

Madame S______

soit pour eux Monsieur A______

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 29 mars 2010 (DCCR/444/2010)


EN FAIT

1. Le 1er mars 2006, la société X______ a vendu, par acte authentique, à Monsieur A______ et à son épouse, Madame S______ (ci-après : les acheteurs), les droits de copropriété pour quarante-sept millièmes d’un bien immobilier sis __, rue du Grand-Pré, à Genève, comprenant deux appartements, un balcon et une cave, ainsi que deux places de parc intérieures. Le prix total de la vente s’élevait à CHF 1’047’000.-, soit CHF 329’000.- pour la quote-part du terrain et CHF 718’000.- pour la partie construite.

Dans l’acte authentique rédigé par Maître Z______, notaire, les acheteurs ont demandé à être mis au bénéfice de la réduction d’impôt « Casatax » découlant de l’art. 8A de la loi sur les droits d’enregistrement du 9 octobre 1969 (LDE - D 3 30).

2. Le 2 mars 2006, les acheteurs ont reçu du service de l’enregistrement de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) un avis de taxation pour un montant de CHF 17’096,20 au titre des droits d’enregistrement des opérations de vente de l’objet immobilier, incluant l’ouvrage à construire. Il ressort des chiffres communiqués par cette administration que la réduction d’impôt Casatax n’avait pas été accordée.

3. Par courriel du 16 mars 2007, la société Y______ a fait savoir à M. A______ que la surface réelle de son balcon serait inférieure d’environ 4 m2 à celle prévue initialement dans le contrat (14,68 m2 au lieu de 18,55 m2).

4. Le 27 septembre 2007, Y______ a encore indiqué à l’intéressé que le prix de vente de son immeuble allait être réduit d’environ CHF 20’000.-, ce qui devait être formalisé par un nouvel acte authentique à rédiger dans le délai de deux ans.

5. Le 7 janvier 2008, les acheteurs et X______ sont convenus, par acte authentique passé devant Me Z______, de la réduction du prix du contrat d’entreprise en raison de la diminution, en cours de travaux, de la surface du balcon passant de 19,90 m2 à 15,15 m2. Ainsi, le prix du terrain restait de CHF 329’000.-, cependant que le prix pour le contrat d’entreprise générale était réduit à CHF 697’065,14. Le prix total de la vente était donc réduit à CHF 1’026’065,14.

Les acheteurs ont à nouveau sollicité le rabais d’impôt Casatax, par l’intermédiaire de leur notaire.

6. Le 5 février 2008, Me Z______ a élevé réclamation auprès de l’AFC pour le compte de ses mandants. Il était surpris qu’aucun dégrèvement ne soit intervenu à la suite de l’enregistrement de l’acte portant sur la diminution du prix du contrat d’entreprise. Le prix de vente de l’immeuble avait en effet été réduit de CHF 1’047’000.- à CHF 1’026’065,14. Cet état de fait n’avait pu être constaté qu’à la fin des travaux, au début de l’année 2008. Par conséquent, le prix de vente réel étant inférieur à la limite fixée en 2006 par l’art. 8A LDE, les acheteurs devaient bénéficier de la réduction d’impôt Casatax.

7. Le 29 février 2008, l’AFC a rejeté la réclamation au motif que les conditions de la restitution des droits n’étaient pas réalisées, la demande des acheteurs étant intervenue au delà du délai d’une année prévu par l’art. 182 LDE.

8. Le 26 mars 2008, M. A______, agissant pour les acheteurs, a recouru contre cette décision auprès de la commission cantonale de recours en matière d’impôt, devenue le 1er janvier 2009 la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA), puis, le 1er janvier 2011, le Tribunal administratif de première instance. Malgré la diminution du prix de vente du bien immobilier, son épouse et lui-même n’avaient pas eu le droit de bénéficier de la réduction fiscale Casatax. Or, il leur était impossible, au moment de l’enregistrement en 2006, de prévoir que la surface allait être revue à la baisse par les techniciens municipaux. Dans la mesure où l’AFC pouvait ouvrir des procédures de rappel d’impôt pour les cinq années précédant l’année fiscale en cause, une égalité de traitement s’imposait.

9. Le 3 octobre 2008, l’AFC a conclu au rejet du recours. L’acte authentique initial avait été enregistré le 2 mars 2006, alors que la demande de restitution des droits sur la base de l’art. 8A LDE n’avait été faite, au plus tôt, que le 7 janvier 2008. Le délai d’une année prévalant pour déposer une telle demande, au sens de l’art. 182 LDE, était donc largement dépassé. Par ailleurs, après examen, la décision de l’AFC ne pouvait faire l’objet d’une révision car la diminution de la surface du balcon était un fait nouveau, postérieur à la date d’enregistrement de l’acte initial et non un fait existant lors de la prise de décision, mais inconnu, indémontrable ou impossible à invoquer dans la procédure précédente. Ni les exceptions prévues par la LDE, ni le cas de révision n’étant applicables. En l’occurrence, les droits d’enregistrement étaient définitivement acquis à l’Etat de Genève et ne pouvaient être restitués, conformément à l’art. 8 al. 9 LDE.

10. Par décision du 29 mars 2010, la CCRA a admis le recours. Les acheteurs n’avaient pas droit au remboursement des droits d’enregistrement dans la mesure où aucune des conditions posées par l’art. 182 LDE n’était réalisée. Cependant, l’institution générale de droit fédéral qu’était la répétition de l’indu existait même sans base légale expresse et sa portée ne devait pas être restreinte par le droit cantonal. Dans le cas particulier, la cause du paiement des droits d’enregistrement avait en partie disparu, compte tenu de la diminution du prix de vente de l’immeuble, ce que ne pouvaient prévoir les acheteurs lors de la conclusion de l’acte du 1er mars 2006. Ces derniers n’avaient par ailleurs pas fait preuve de négligence car le nouvel acte notarié avait été passé le 7 janvier 2008 et leur demande de réduction fiscale était intervenue le 5 février 2008. Partant, ils avaient droit au remboursement de l’impôt payé en trop.

11. Le 10 mai 2010, l’AFC a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif, devenu depuis le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative), concluant à son annulation.

La loi spéciale n’était précisément pas muette sur la notion de restitution des droits d’enregistrement. L’art. 182 LDE réglait expressément cette question ainsi que le délai dans lequel il convenait d’agir. Cette disposition posait des conditions temporelles plus restrictives que celles règlementant le principe général de la répétition de l’indu. Le délai pour agir posé part l’art. 182 LDE constituait une règle spéciale que les acheteurs n’avaient pas respectée et c’était à tort que la CCRA avait admis leur recours. Dès lors, même si les conditions de la restitution de l’indu posées dans cette loi, plus restrictives que celles prévalant selon le droit général à la répétition de l’indu, devaient céder le pas à ce dernier, le délai de prescription d’un an ressortant de la loi spéciale demeurait applicable. En l’occurrence, la demande des intimés était intervenue bien au delà de ce délai.

Par ailleurs, la CCRA avait arbitrairement apprécié les faits exposés en estimant, sans autre instruction de ceux-ci, que les acheteurs avaient agi sans faire preuve de négligence. Il était manifeste que leur connaissance de la diminution de la surface de leur balcon, et donc du prix de vente, ne remontait pas au seul acte notarié du 7 janvier 2008. Faute d’avoir instruit la cause sur le point du litige consistant à comprendre dans quel contexte la surface du balcon avait été réduite de près de 5 m2 et à quel moment les acheteurs en avaient eu connaissance, la CCRA n’était pas en mesure de déterminer si ceux-là avaient ou non fait preuve de négligence en déposant leur demande de restitution des droits d’enregistrement le 6 février 2008. Les seuls éléments ressortant du dossier étaient insuffisants pour permettre une telle conclusion ; ni l’acte authentique du 7 janvier 2008 ni le courrier du notaire du 5 février 2008 ne contenaient d’indications suffisamment précises à ce sujet.

12. Le 25 mai 2010, M. A______ a répondu, pour le compte des acheteurs, concluant au rejet du recours. Ce dernier contenait plusieurs imprécisions, notamment concernant les éléments constituant leur bien immobilier et le prix de vente final, suite aux négociations relatives à la réduction de la surface du balcon. Il avait entrepris les démarches visant à la restitution des droits d’enregistrement aussitôt que le nouveau prix, à savoir CHF 1’026’065,14, avait été fixé par le nouvel acte notarié, seul document valable pour faire valoir leurs droits. La modification de la surface du balcon n’était pas connue au moment de l’enregistrement du premier acte en 2006. L’intimé maintenait au surplus les arguments exposés devant la CCRA. Les acheteurs devaient bénéficier de l’avantage fiscal Casatax.

13. Le même jour, la CCRA a transmis son dossier, persistant dans les considérants et le dispositif de sa décision.

14. Le 20 septembre 2010, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties.

a. L’AFC a persisté dans les termes de son recours. Ni le prix de vente initial du bien immobilier ni le montant de la réduction intervenue en 2008 n’étaient contestés. Les droits d’enregistrement avaient été notifiés aux acheteurs, dès lors qu’ils étaient tous deux copropriétaires. Néanmoins, la demande en répétition de l’indu était tardive, eu égard au délai d’une année découlant de l’art. 182 LDE. En effet, l’AFC avait reçu un exemplaire de l’acte de vente un an et dix mois après la signature de ce dernier, raison pour laquelle elle n’avait pas procédé au remboursement d’une partie des droits d’enregistrement. Si M. A______ avait adressé sa requête en mars 2007, à réception du premier courriel d’Y______, l’AFC serait entrée en matière sans même qu’il y ait d’acte notarié. D’une manière générale, si un notaire avisait l’AFC qu’une opération immobilière ne pouvait être inscrite alors que les droits d’enregistrement avaient été payés, elle acceptait de les rendre si le délai d’une année était respecté, dès lors que l’impossibilité d’inscrire l’acte de vente au registre foncier était objective et matérielle. Ces droits n’étaient toutefois pas remboursés lorsque les parties renonçaient de leur propre chef à une opération immobilière.

b. Selon M. A______, les acheteurs avaient acquis leur bien immobilier le 1er mars 2006 et étaient entrés en sa possession le 22 ou le 23 décembre 2007. Les travaux avaient été terminés environ six mois plus tard. Suite au courriel d’Y______ les informant que la surface du balcon était diminuée, un contentieux avait surgi à ce sujet, notamment concernant le prix qu’ils avaient payé. Un accord de réduction du prix avait été trouvé entre l’été et l’automne 2007, qui avait été formalisé devant le notaire le 7 janvier 2008. Cette diminution du prix leur donnait désormais le droit de bénéficier de la réduction d’impôt Casatax, raison pour laquelle ils avaient effectué les démarches afin qu’un nouvel acte de vente soit établi. D’après les indications du vendeur, cet acte notarié était nécessaire pour que l’AFC entre en matière.

15. Le 1er novembre 2010, l’AFC a formulé ses observations, persistant dans ses conclusions.

Les éléments du dossier ne permettaient pas à la CCRA de déduire que les acheteurs n’avaient pas fait preuve de négligence en déposant leur demande de restitution de l’indu le 6 février 2008. Tant l’acte authentique du 7 janvier 2008 que le courrier du notaire du 5 février 2008 étaient laconiques. De plus, les explications fournies par M. A______ à l’occasion de l’audience de comparution personnelle démontraient que la diminution du prix du bien immobilier était connue au plus tard à la date du second courriel d’Y______, soit le 27 septembre 2007. Par ailleurs, l’art. 182 LDE, destiné à autoriser les cas de révision d’une taxation entrée en force, prévoyait un délai de péremption absolu d’un an à compter de l’enregistrement de l’acte. Cependant, un délai relatif de nonante jours dès la découverte du motif de révision prévalait en matière fiscale et administrative, dans un délai absolu de dix ans suivant la notification de la décision. En l’occurrence, les acheteurs auraient dû déposer leur demande de révision de la taxation initiale au plus tard le 27 décembre 2007. Dans tous les cas, leur requête du 6 février 2008 visant à bénéficier de la réduction d’impôt Casatax était intervenue tardivement et hors délai.

16. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Depuis le 1er janvier 2011, suite à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l’ensemble des compétences jusqu’alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 131 et 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer. 

2. Interjeté en temps utile devant la juridiction alors compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10, dans leur teneur au 31 décembre 2010).

3. a. Selon l’art. 1 al. 1 LDE, le droit d’enregistrement est un impôt qui frappe un certain nombre d’actes et d’opérations au sens défini dans cette disposition, qui ont la particularité d’être soumis à l’enregistrement, soit à l’analyse et à la mention dans un registre spécial (art. 1 al. 2 LDE).

Parmi ces actes figure le transfert de propriété immobilière, dès lors qu’il y a obligation de conclure le contrat de vente immobilière en la forme authentique sous l’égide d’un notaire (art. 216 al. 1 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 - Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220 ; art. 3 let. a LDE).

b. La LDE prévoit les taux applicables aux différents droits d’enregistrement en distinguant selon le type d’acte. Est déterminante pour la fixation des droits la nature réelle des actes et opérations et leur stipulation (art. 8 al. 1 LDE). Seul un droit d’enregistrement fixe de CHF 2.- est perçu pour les actes d’exécution ou de confirmation d’actes ou d’opérations antérieurs (art. 8 al. 3 LDE), il en va de même des actes refaits entre les mêmes particuliers, à la condition qu’aucun changement ne soit apporté, ni à la nature des conventions, ni aux biens qui en font l’objet, ni aux valeurs stipulées (art. 8 al. 4 LDE).

c. Il appartient à celui qui prétend bénéficier d’une réduction ou d’une exonération de droit de fournir toute justification nécessaire et d’en faire état dans l’acte soumis à l’enregistrement (art. 8 al. 6 LDE).

4. Lorsqu’un acte est soumis à enregistrement parce qu’il est passé en la forme authentique, il appartient au notaire qui l’a instrumenté de le présenter à l’enregistrement dans les dix jours (art. 132 et 154 LDE). C’est lui qui doit également s’acquitter des droits avant l’enregistrement de l’acte (art. 161 al. 1 let. a LDE). L’autorité compétente prend une décision de taxation qui peut faire l’objet d’une réclamation auprès du département des finances (art. 178 al. 3 LDE), puis d’un recours devant les juridictions administratives (art. 179 et 180 al. 1 LDE).

5. a. A teneur de l’art. 8A al. 1 et 2 LDE, en cas de transfert ayant pour objet la propriété d’un immeuble destiné à servir de résidence principale à l’acquéreur, les droits d’enregistrement de l’acte de vente sont réduits de CHF 15’000.- pour les opérations n’excédant pas CHF 1'000’000.-. Ces montants sont indexés annuellement à l’indice genevois de la construction. De plus, les droits d’enregistrement sur les actes hypothécaires, y compris les centimes additionnels, sont réduits de moitié pour les opérations n’excédant pas CHF 1'000’000.- au sens de l’alinéa 1.

Cette disposition formule ainsi la possibilité pour l’acheteur d’un bien immobilier de bénéficier, dans certaines circonstances et à certaines conditions, de la réduction d’impôt dite Casatax.

b. Selon l’art. 1 al. 6 du règlement d’application de l’art. 8A LDE du 1er mars 2004 (RDE - D 3 30.03), dans son état au 30 mai 2006, les montants indexés pour l’année 2006 correspondaient à une réduction du droit de vente de CHF 15’448.- (let. b) lorsque la valeur des opérations n’excédait pas CHF 1’029’851.- (let. a). Dans son état au 20 mai 2008, l’art. 1 al. 6 RDE prévoyait une réduction de CHF 16’791.- (let. b) pour une opération de vente d’une valeur maximale de CHF 1’119’403.- (let. a).

En l’espèce, c’est à juste titre que, dans l’avis de taxation du 2 mars 2006, l’AFC n’a pas accordé à l’intimé ni à son épouse la réduction Casatax lors de l’enregistrement de l’acte authentique du 1er mars 2006 portant sur un prix de vente de CHF 1’047’000.-. Ce point n’est d’ailleurs pas contesté par les parties.

6. a. A teneur de l’art. 182 LDE, le débiteur des droits d’enregistrement peut demander, dans le délai d’une année à compter de l’enregistrement de l’acte ou de l’opération, la restitution de l’indu s’il établit :

- qu’il a payé une somme supérieure au montant qui lui était réclamé (art. 182 al. 1 let. a LDE) ;

- qu’une erreur de calcul ou de taux de l’enregistrement et du timbre concernant la taxation de l’acte ou de l’opération a été commise par l’administration (art. 182 al. 1 let. b LDE) ;

- que tout ou partie de la taxation constitue manifestement un déni de justice (art. 182 al. 1 let. c LDE).

b. L’insertion de cette disposition dans la LDE en 1969 résulte de la volonté du législateur de prévoir une base légale expresse pour permettre la restitution du montant payé indûment. Selon les travaux préparatoires, la doctrine et la jurisprudence avaient en effet déterminé qu’il n’était pas possible de rembourser à l’administré une somme qu’il aurait versée à titre de droits d’enregistrement de manière indue, faute de base légale expresse de droit cantonal (Mémorial des séances du Grand Conseil de la République et canton de Genève, 1965, p. 896, qui se référait à un arrêt publié dans la RDAF 1962, p. 55, ce dernier renvoyant à un arrêt de la Cour de justice civile du 1er novembre 1929 - semaine judiciaire, 1930, p. 123). Le législateur avait voulu, par l’adoption de l’art. 182 LDE, créer une telle base légale. Il en résultait qu’à teneur de l’art. 8 al.  9 LDE, le remboursement des droits d’enregistrement était impossible, sauf dans quelques situations prévues expressément dans la LDE (art. 37, 40 et 41), ainsi qu’en cas de paiement indu lorsque l’une ou l’autre des conditions de l’art. 182 LDE étaient réalisées (Mémorial des séances du Grand Conseil de la République et canton de Genève, 1965, p. 896).

7. Il s’agit de déterminer si c’est à juste titre que l’AFC a refusé, le 5 février 2008, de restituer les droits qu’elle avait perçus suite à l’enregistrement de l’acte authentique du 1er mars 2006. Pour la recourante, elle n’avait pas à le faire en vertu de l’art. 182 LDE. Selon la CCRA, elle devait le faire, en fonction des règles générales applicables à l’enrichissement illégitime.

Le droit à la répétition de l’indu oblige celui qui, sans cause légitime, s’est enrichi aux dépens d’autrui, soit notamment sans cause valable, en vertu d’une cause qui ne s’est pas réalisée ou d’une cause qui a cessé d’exister. Ce principe, posé par l’art. 62 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220), est applicable aux rapports de droit public (P. MOOR, Droit administratif, vol. 2, 2ème éd., 2002, p. 146). A teneur des travaux législatifs qui ont été rappelés, l’art. 182 LDE est une législation poursuivant les mêmes objectifs. Dans le cas d’espèce, les droits d’enregistrement dont le remboursement est réclamé n’ont pas été perçus ou payés sans cause valable. De même, les acheteurs ne se trouvent pas dans une situation visée par l’art. 182 LDE. La somme qu’ils ont payée correspond à ce qui leur était réclamé. Aucune erreur de calcul n’est imputable à l’AFC sur la base des données fournies dans l’acte authentique du 1er mars 2006. En fonction de ces données, aucun déni de justice ne peut être relevé. Les sommes versées résultent de la décision de taxation du 2 mars 2006, qui n’a pas fait l’objet d’un recours et qui légitime la créance de l’Etat par l’autorité de la chose décidée dont elle est munie. On ne se trouve pas dans un cas de paiement sans cause valable et c’est à tort que tant la CCRA que l’AFC ont traité la demande de remboursement sous cet angle.

8. Une décision munie de l’autorité de la chose décidée ne peut plus être remise en question, à moins que les conditions légales obligeant l’autorité à la reconsidérer ne soient réalisées. A teneur de l’art. 48 al. 1 LPA, c’est le cas lorsque :

- un motif de révision au sens de l’art. 80 let. a et b LPA existe, soit qu’un crime ou qu’un délit établi par une procédure pénale ou d’une autre manière a influencé la décision (art. 80 let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA).

En l’occurrence, l’acte authentique du 7 janvier 2008 a modifié celui passé le 1er mars 2006 sur un élément important, soit celui du prix, sous l’angle de la perception des droits d’enregistrement, voire du droit à leur réduction pour l’administré. Il ne s’agit pas d’un acte d’exécution ou de confirmation d’un acte antérieur au sens de l’art. 8 al. 3 LDE ou d’un acte refait au sens de l’art. 8 al. 4 LDE puisqu’il y a eu changement dans les valeurs stipulées (art. 8 al. 4 LDE). L’intimé a expliqué dans sa réclamation que la réduction du prix provenait d’une diminution de la surface du balcon, confirmant ce qui était précisé dans l’acte de réduction de prix du 7 janvier 2008. Les circonstances exposées révélaient l’existence d’un cas de reconsidération obligatoire pouvant se fonder sur l’art. 80 let. b LPA ou l’art. 48 al. 1 let. b LPA. Dès lors que l’on ne se trouvait pas dans un cas de répétition de l’indu mais de reconsidération possible de la décision de taxation, l’AFC ne pouvait sans autres refuser toute restitution de droits d’enregistrement perçus en invoquant la péremption de la faculté de demander la restitution des droits. Elle se devait soit de reconsidérer sa décision de taxation consécutive à l’acte du 1er mars 2006, soit d’instruire plus précisément les circonstances dans lesquelles les éléments de taxation se sont modifiés.

9. La décision de la CCRA doit être annulée, en tant qu’elle devrait être interprétée comme reconnaissant un droit du contribuable à se voir restituer les droits d’enregistrement qu’il aurait payés en trop, et le recours de l’AFC sera partiellement admis dans ce sens. En revanche, elle doit être confirmée en tant qu’elle annule la décision sur réclamation du 29 février 2008 et la décision de taxation du 5 février 2008, la question de la survenance de faits nouveaux devant faire l’objet d’une instruction au regard des principes de l’art. 48 LPA.

10. Aucun émolument ne sera mis à la charge de l’AFC, en vertu de l’art. 11 al. 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure de sera allouée aux intimés, qui n’y ont pas conclu (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 mai 2010 par l’administration fiscale cantonale contre la décision du 29 mars 2010 de la commission cantonale de recours en matière administrative ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 29 mars 2010 en tant qu’elle accordait un droit à Monsieur A______ et à Madame S______ de se voir restituer une partie des droits d’enregistrement par application de l’art. 8A LDE ;

le rejette pour le surplus ;

annule la décision sur réclamation de l’administration fiscale cantonale sur réclamation du 29 février 2008 ;

renvoie la cause à l’administration fiscale cantonale pour instruction et nouvelle taxation au sens des considérants ;

dit qu’il n’est perçu aucun émolument ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l’administration fiscale cantonale, à Monsieur A______ et Madame S______, représentés par Monsieur A______, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

la présidente siégeant :

 

 

L. Bovy

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :